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Full text of "Le mahabharata poème épique de KrishnaDwaipayana plus communément appelé VédaVyasa, c'estadire le compilateur et l'ordonnateur des Védas traduit complètament pour la première fois du sanscrit en francais par Hippolite Fauche Vol. 6"

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LE 


MAHA-BHARATA 

roÈMK  Éw»r* 

DE  KRISÏÏN  A-DW  AIPAY  AN  A 

fUJf  COMDKâMXTÎ  AFftU 


c'est-a-uihe  le  compilateur  et  l'okdosnateuii  i»es  vEi.as 
Truiliiii  complMeaaat  pour  U première  foi»  Hu  «nacrit  en  franc»» 


— .MM  ' - ...  ...  ■■ 


LE  MAHA-BHARATA 


POÈME  ÉPIQUE 


La  reproduction  et  lu  traduction  même  de  cette  traduction  sont 
interdites  en  France  et  dans  les  /ta y s étrangers. 


MEAUX-  — IMPRIMERIE  J.  CARSO. 


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LE 


MAHA-BHARATA 

POÈME  KPIÿlE 

DE  KRISHNA-DAV AIPAY ANA 

PLU*  COMMCRKMEM  APPELÉ 

c’est-à-dire  le  compilateur  et  l’ordonnateur  des  védas 

Traduit  complètement  pour  la  première  fois  du  sanscrit  en  français 

PAR 

HIPPOLY TE  FAUCHE 

Traducteur  du  RAmiyana,  des  (tiuvre»  complète»  de  KâlidAaa,  etc. 
Abréviateur  du  RirnAyana 


PARIS 

FRIEDRICH  KLI.NCKSIKCK,  UBRAIRE 
Rue  de  Lille,  11 

AU  GLSTE  DURAND  ET  rEDON E-LAUR I EL,  LIBRAIRES 
Rue  Cujas,  9 

LONDRES 

CHEZ  MM.  WILLIAMS  ET  jNOROATE, 

I*,  Henm  lia  Street,  Cotent  Garden 

18«6 


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A MES  LECTEURS. 


Vous  n’avez  pas  augmenté  en  nombre!  Deux  eent 
quinze  vous  étiez,  quand  je  commençai  ce  volume, 
deux  cent  quinze  vous  relrouvé-je  en  ce  moment 
où  je  le  termine. 

Ainsi,  je  vais  de  tome  en  tome  accroissant  entre 
mes  mains  les  exemplaires  de  cette  bibliothèque  in- 
vendable ; il  me  faut  un  vaste  local  pour  les  conser- 
ver tous  ; il  me  faudrait  vingt-cinq  ou  trente  années 
d’existence  pour  en  voir  le  complet  écoulemeul.  Ma 
brillante  santé,  il  est  vrai,  me  permet  d’espérer  que 
j’achèverai  cette  longue  (raduction,  mais,  rien  au- 
delà  ; et,  quand  ma  débile  main  aura  mis  d’une  ma- 
nière absolue  au  bas  de  cet  immense  ouvrage  le  mot 
fin,  commenceront  ces  nouvelles  destinées,  que  Dieu 
ouvre  à mon  âme  sous  un  autre  mode  de  l’existence. 

Permettez-moi  (l’appeler  vos  sympathies,  votre 


VI 


A MES  LECTEURS. 


bienveillance,  vos  soins  protecteurs,  sur  ce  jeune  en- 
fant de  mes  travaux,  qui  est  implumis,  comme  dirait 
Virgile,  qui  ne  se  soutient  pas  encore  sur  ses  pieds, 
et  qui  fait  tomber  de  son  gosier,  pour  appeler  sa 
nourriture,  des  sons  inarticulés,  où  l’on  ne  peut 
reconnaître  les  rudiments  des  chants,  qui  seront 
peut-être  un  jour  ceux  de  la  frfuvelte  nu  du  ros- 
signol. 

Vous  êtes  tous  des  personnages  importants,  vous 
occupez  de  hautes  positions , vous  habitez  de 
grandes  villes,  vos  fonctions  vous  mettent  en  rap- 
port journalier  avec  ses  principaux  habitants.  Que 
chacun  de  vous  emploie  donc  ses  efforts  obligeants 
pour  me  faire  demander  par  la  Bibliothèque  publique 
de  sa  ville  un  exemplaire  de  mon  Mahâ-Bhârala. 
Qu’on  s’adresse  à moi  directement  ; évitons  lesinlcr- 
médiaires.  Je  ferai  à la  cité  la  remise  que  l’on  ac- 
corde aux  agents  de  la  librairie  : 6 fois  0 font  36(1). 
Quelle  ville  n'a  pas  dans  son  budget  cette  modique 
somme  à sa  disposition? 

Vous  savez  qu’il  me  reste  85  exemplaires  à placer  ; 
et  Dieu  veuille  qu’il  n'v  en  aitpas  davantage  parsuite 
du  naufrage  trop  connu  de l’undemesdépositaires! 


(1)  l.es  cin(|  premiers  volumes  sont  estimés  cinquante  francs 
dans  le  catalogue  de  la  Bibliothèque  de  feu  M.  'l’royer  (Voyez 
page  10  du  catalogue  extrait  de  la  librairie  Maisonneuve). 


— Dïïjittzoâ  bVGoogle 


A MES  LECTEURS. 


VII 


Il  serait  fâcheux,  je  ne  dirai  pas  que  celte  tra- 
duction restât  inachevée,  — je  ne  suis  pas  homme, 
je  le  répète,  à renoncer,  sans  que  j’y  aie  rnis  la  fin, 
à une  chose  commencée,  — mais  que  je  n’eusse  pas, 
une  fois  serré  la  plume  entre  mes  doigts,  l’esprit 
exempt  de  soucis,  libre  d'inquiétudes,  vide  de  toute 
incertitude  sur  les  destinées  matérielles  de  mon 
livre 

Dans  ce  volume,  qui  est  le  tiers  de  l’ouvrage,  du 
moins,  n’avons-nous  rien  passé  d’essentiel  ; nous 
avons  traduit  tout  exactement,  si  ce  n’est  quel- 
ques-unes de  ces  interpellations  si  ordinaires,  trop 
fréquentes  même  : Sire,  ou  plutôt  rot,  Bliaratide,  ô 
le  plus  grand  des  Bharatides,  ô le  plus  excellent  des 
rois,  Indra  des  rois,  lion  des  rois,  taureau  des 
hommes,  tigre  des  rois,  ô le  plus  vaillant  de  tous 
ceux,  qui  portent  les  armes,  ô le  plus  saint  de  tous 
les  anachorètes,  souverain  delà  terre,  monarquedes 
hommes,  ô le  plus  vertueux  ou  le  plus  vigoureux  des 
Pdndouides  ou  des  fils  de  Kourou;  apostrophes, 
dont  la  multiplicité  ne  déplaît  pas,  sans  doute, 
à la  politesse  indienne,  mais  dont  notre  goût  se 
fatigue  bien  vile  et  se  dégoûte  comme  d’une  inutile 
redondance.  Aussi  nous  sommes-nous  mis  fort  peu 
en  peine  de  chercher  si  plusieurs  ne  nous  avaient 
pas  échappé,  à notre  insu  ou  même  sciemment. 

Enfin,  nous  avons  senti  le  besoin  d’un  aide  en 


VIII 


\ MES  LECTEURS. 


certains  passages, et  nous  avons  fait  venir  de  Londres 
le  Commentaire  de  Nllâkantha. 

Cette  dépense  assez  forte  dans  un  ouvrage,  qui, 
s’il  ne  coûte  rien,  ne  rapporte  également  rien,  té- 
moigne du  moins  le  respect,  que  nous  portons  à 
nos  lecteurs,  et  ledésir,  que  nous  avons  nous-mêmes 
d'élever  cette  œuvre  au  plus  haut  point  de  perfec- 
tion, qu’il  nous  est  possible  d’atteindre. 

Mais  nous  n’avons  pas  oublié  qu’un  poète  veut 
être  expliqué  par  un  poète  et  qu’un  commentateur 
n’est  ordinairement  qu’un  grammairien  froid,  sec, 
étroit  ; aussi  n’avons-nous  point  enchaîné  notre 
allure  à ses  pas , nous  avons  marché  librement  ; 
nous  avons  protesté  quelquefois  contre  ses  arrêts,  et 
notre  traduction  fut  assez  osée  de  se  décider  sans 
orgueil  pour  ses  propres  jugements. 

Hippolyte  Fauche. 


P arc  du  Collège  de  Juilly,  1"  décembre  1866. 


LE  MAHA-BHARATA 

POÈME  SANSCRIT. 


OUDYOGA-PARVA 


OU  LU  CHANT  DES  EFFORTS  POUR  CONSERVER  LA  PAIX. 


LES  RÉSULTATS  PU  MESSAGE  POUR  LA TAIX. 


Valçampâvana  dit  : 

(Test  ainsi  qu’au  milieu  de  ces  entretiens  avec  Sanat- 
soudjâta  et  le  sage  Vidoura  , le  monarque  passa  la 
nuit.  1,791. 

Quand  elle  fut  écoulée,  tous  les  rois  d’entrer  joyeux 
dans  l’assemblée,  avec  le  désir  de  voir  le  cocher.  1,792. 

Curieux  d’entendre  la  parole  des  princes,  tous,  réunis 
par  l'intérêt  et  le  devoir,  ils  venaient,  sur  les  pas  de 
Dhritarâsthra , à la  brillante  assemblée  du  monarque; 

Cour  vaste,  blanche  de  marbre,  ornée  d’or,  très-écla- 
tante,  qui  avait  la  splendeur  de  la  lune,  et  qui  était  arrosée 
du  plus  précieux  sandal;  1,793 — 1,794. 

VI 


1 


2 


LE  .MALI  \ - 1)  1 1 A HATA. 


Couverte  (Le  sièges  éblouissants,  faits  de  bois,  de  fer, 
d'ivoire  et  d’or,  sur  lesquels  étaient  jetées  des  couver- 
tures élégamment  étendues.  1,795. 

Bhtshma,  Drona,  Kripa,  Çalya,  Kritavarman,  Djayad- 
ratha,  Açvatthàman , Vikarna , Somadatta  le  Vâh- 
lika,  1,796. 

EtVidoura  à la  grande  science,  au  grand  char,  plein  du 
feu  des  batailles;  tous  les  princes  et  les  héros  de  com- 
pagnie, éminent  Bharatide,  1,797. 

Entrèrent  dans  cette  splendide  salle,  en  suivant  les  pas 
de  Dhritaràshtra.  Douççàsana,  Tchiiraséna  et  Çakouni, 
le  fds  de  Soubala,  Dourmoukha,  Doussaha,  Rama,  Ou- 
loûka  et  Vivinçati,  rangés  sous  la  conduite  de  l'irascible 
Douryodhana,  le  roi  des  Kourouides,  entrèrent  dans  cette 
assemblée,  comme  les  Dieux,  qui  forment,  sire,  la  cour 
de  Çakra.  L’entrée  de  ces  héros  aux  bras  semblables  à des 
massues  fil  briller  la  salle,  sire,  comme  une  caverne 
remplie  de  lions.  Tous  entrés,  ces  guerriers  aux  grands 
arcs,  à la  grande  vigueur,  se  répandirent,  brillants  comme 
des  soleils,  sur  les  sièges  admirables.  Quand  tous  ces 
rois  eurent  pris  place  sur  les  trônes,  le  portier  du  palais 
vint  annoncer,  fils  de  Bharata,  l’arrivée  du  fils  du  cocher  : 
« Celui,  qui  était  allé  vers  les  fils  de  Pàndou,  est  arrivé 
avec  son  char.  (De  la  stance  1798  à la  stance  1803.) 

» Ses  généreux  coursiers  du  Sindhou  ont  amené  notre 
messager  d'un  pied  rapide.  » L’homme  aux  brillantes 
boucles  d’oreilles  sauta  promptement  à bas  de  son  char; 
il  s’avança;  il  entra  dans  la  salle  pleine  de  rois  magna- 
nimes. l,80â — 1,805. 

« Me  voici  arrivé  de  mon  voyage  chez  les  Pàndouides  ; 
princes  de  kourou,  sachez-le,  dit  Sandjaya.  Les  enfants 


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OUDYOGA-PÀRV.Y. 


3 


de  Pàndou  rendent  le  salut  à tous  les  Kourouides,  suivant 
leurs  années.  1,806. 

» Les  ayant  tous  honorés  d’une  manière  assortie  à 
l’âge,  les  fils  de  Prithâ  se  prosternent  devant  les  vieillards, 
et,  en  amis , devant  les  amis  ; ils  s’inclinent  devant  les 
jeunes.  1,807. 

» Parti  de  ces  lieux,  je  suis  allé  d'abord  cher  les  Pân- 
douides,  suivant  les  instructions  que  Dliritarâshtra m'avait 
données.  Arrivé  devant  eux,  je  leur  ai  parlé:  écoutez, 
princes,  ce  discours.  » 1,808. 

<>  Je  te  demande  au  milieu  des  rois,  Sandjaya,  mon 
(ils,  reprit  Dhritarâshtra,  quel  langage  te  fut  adressé  par 
Dhanandjaya  â l'âme  (ière,  le  magnanime  moissonneur 
'd’existences,  le  guide  des  cruelles  batailles.  » 1,809. 

« Que  Douryodhana  entende,  répondit  Sandjaya,  ce 
langage,  que  l'envie  de  combattre  inspirait  à Arjouna.  Ce 
magnanime  Dhanandjaya  m’a  dit,  aux  oreilles  de  Kéyava, 
avec  l’approbation  d’Youdhishthira.  1,810. 

» I.'intrépide  héros  Kirîtl,  plein  de  l'impatience  des 
combats,  déployant  près  du  Vasoudévide  la  vigueur  de 
ses  bras,  m’a  dit  : « Parle  au  fils  de  Dhritarâshtra,  en 
pleine  assemblée  des  Kourouides.  1,811. 

» Que  ton  discours,  cocher,  soit  entendu  par  ce  fils 
de  cocher,  à l’âme  cruelle,  aux  paroles  injurieuses;  cet 
homme,  à la  science  étroite,  rempli  de  folie,  et  déjà  mûr 
pour  la  mort,  qui  désire  toujours  combattre  avec  moi. 

» Qu’il  soit  entendu  même  par  ces  rois,  amenés  de 
compagnie  pour  livrer  bataille  aux  Pândouides.  Répète, 
comme  je  le  prononce,  ce  discours  entier  au  monarque, 
environné  de  ses  ministres.  1,812—1,813. 

« Les  fils  de  Pàndou  et  les  Sandjavas,  diras-tu,  ont 


4 


LE  MAilA-IOIAIUTA. 


eux-mêmes  entendu,  comme  tous  les  Dieux  entendent  la 
voix  du  roi  des  Dieux,  l’Immortel,  qui  tient  la  foudre,  ces 
puissantes  paroles,  qu’a  prononcées  Kiriti  : 1,814. 

» Si  le  fils  de  Dhritaràshtra,  a dit  l’archer  du  Gândlva, 
bouillant  de  combattre.  Arjouna,  les  yeux  semblables  au 
lotus  rouge,  ne  restitue  pas  son  royaume  au  monarque 
Youdhishthira-Adjamilha  ; 1 ,815. 

» C’est  qu'il  a commis,  sans  doute,  une  mauvaise 
action  au  temps  passé  ! 

» Les  Dhritaràshtrides  se  sont  (1)  engagés  dans  un 
péché,  et  de  là  vient  cette  guerre  avec  les  cavaliers  Bhi- 
rnaséna  et  Arjouna,  avec  le  Vasoudévide,  avec  Çalnéya, 
avec  Dhrishtadyouuina,  qui  a pris,  en  vérité,  les  armes, 
avec  Çikhandi  1 1 cet  Youdhjshthira , qui  ressemble  à 
Indra  même  et  qui,  à cause  de  leur  scélératesse,  consu- 
mera le  ciel  et  la  terre.  1816 — 1817. 

» Si  tu  veux  combattre  avec  eux,  tu  remplis  entière- 
ment l’affaire  des  Pàndouides.  Ne  fais  pas  cette  chose, 
qui  eut  si  bien  dans  l’intérêt  des  fds  de  Pândou.  Aborde 
le  combat,  si  tu  le  juges  à propos.  1 ,81 8. 

» Que  le  Dhritarâshtride , de  qui  la  vie  est  comme 
expirée,  obtienne  à son  tour  cette  couche  abjecte,  infor- 
tunée, remplie  de  douleur,  que  le  vertueux  Pàndouide  a 
subie  dans  les  souffrances  et  dans  l’exil  d’une  forêt  ! 

» Agis  avec  pudeur,  science  et  répression  des  sens, 
avec  pénitence,  courage  et  vigueur , qui  est  le  nœud 
des  vertus,  sentiments,  que  le  cruel  Dhritarâshtride  à la 


(1)  Le  signe  de  quiescence  est  tombé,  je  pense,  dans  ce  composé  pou- 
rnsiâdaniriishtnm , de  dessous  la  lettre  D,  ce  qui  fait  un  contre-sens..  Il 
faut  lire,  en  rétablissant  le  signe)  pourastdd/iirvis/itam . 


• "Digittzed  tsÿ’Google 


OUDYOGA-PARVA. 


6 


conduite  irrégulière  opprime  dans  le  (ils  de  Pàndou.  » 

1,819—1,820. 

» Abordé  par  nous,  le  royal  Y oudhishthira,  qui  sup- 
portait ses  accablantes  peines  avec  résignation,  nous  dit 
ces  vérités,  après  qu’il  se  fut  informé  de  nos  santés  avec 
révérence  et  droiture,  avec  le  tapas,  le  dama  et  la  force, 
qui  est  le  nœud  des  vertus.  1,821. 

« Ce  fils  de  Dhritarâslitra,  reprit  Arjouna,  il  se  repen- 
tira d’avoir  engagé  la  guerre,  alors  que  le  frère  ainé  des 
Pàndouides  aux  pensées  élevées,  à l'âme  accomplie,  déchaî- 
nera au  milieu  des  Kourouides  cette  colère  épouvantable, 
qu'il  a contenue  un  grand  nombre  d’années.  1,822. 

» Enflammé  de  colère  â l'aspect  de  l'armée  du  Dhrila- 
râshtride,  Youdhishthira  la  consumera,  tel  que  le  feu  à 
la  route  noire,  allumé,  flamboyant,  dévore  une  forêt  dans 
la  chaude  saison.  1,823. 

» Ce  Dhritarâshtride , il  se  repentira  d’avoir  engagé  la 
guerre,  alors  qu’il  verra  l’irascible  (ils  de  Pàndou,  Bhlma- 
séna,  à la  fougue  effrayante,  monté  sur  son  char,  une 
massue  à la  main  et  vomissant  le  poison  de  la  colère. 

» Cet  orgueilleux,  il  se  souviendra  de  la  parole,  qu’a 
prononcée  Bhtmaséna,  alors  qu’il  le  verra  marcher  en  tête 
des  arifiées,  revêtu  de  sa  cuirasse,  proclamer  hautement 
son  nom,  détruire  les  héros  de  l'ennemi,  et,  pareil  à la 
mort,  moissonner  son  armée.  1,824 — 1,825. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé  la 
guerre,  alors  qu’il  verra,  sous  les  coups  de  Bhlmaséna  ses 
éléphants  tomber,  semblables  à des  cimes  de  montagnes, 
et,  les  bosses  frontales  brisées,  vomir  le  sang  comme  à 
pleins  seaux  ! 1,826. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  sc  repentira  d’avoir  engagé  la 


B 


US  MAHA-BHARATA. 


guerre,  alors  qu’il  verra  Bhtma  aux  formes  épouvantables 
entrer,  comme  un  grand  lion  au  milieu  des  bœufs,  dans 
les  rangs  des  fils  de  Dhrilaràshtra,  les  affronter,  sa  massue 
au  poing,  et  les  assommer  de  ses  coups.  1,827. 

» Sans  crainte  au  milieu  de  grands  périls,  consommé 
dans  les  armes,  il  broiera  dans  cet  engagement  les  armées 
des  ennemis;  il  abattra  sous  sa  massue  les  bataillons  des 
fantassins,  les  multitudes  des  chars  et  les  héros  une  seule 
fois  incomparables  sur  un  char.  1,82S. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  ce  héros,  arrêtant  les  éléphants  par 
sa  vélocité  puissante  (1;,  renversera  l'armée  de  Souyo- 
(fhana,  telle  qu’une  forêt  coupée  avec  la  hache.  1,829. 

» Il  se  repentira,  quand  il  verra  ses  frères,  semblables 
à un  village  aux  herbages  abondants , consumé  par  la 
flamme  ; quand  il  verra  la  grande  multitude  de  son 
armée,  inondée  de  /lèches  et  pareille  à des  fruits  mûrs, 
brûlés  par  les  rayons  de  la  lumière  ! 1,830. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé  la 
guerre,  alors  que  ses  guerriers  présomptueux,  ordinaire- 
rement  la  face  tournée  à l'ennemi,  prendront  la  fuite,  ac- 
cablés de  crainte,  et  que  ses  héros  immolés  tomberont, 
consumés  par  Bhimaséna,  environné  de  la  splendeur  des 
armes.  1,831. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé  cette 
guerre,  alors  que  le  fortuné  héros  Nakoula,  le  premier  sur 
un  char,  égalera  avec  son  adroit  carquois  plus  de  cent 
maîtres  de  chars.  1,832. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 


(I)  ÇaUcyéna , ce  mol  k l'instrumental  manque  à tous  les  dictionnaires. 


-Digitized  by-Google 


OU  D YOGA-PAH  VA. 


cette  guerre,  alors  que  Nakoula  vomira  des  poisons, 
comme  un  serpent  irrité,  pour  le  triste  séjour,  qu’il  a 
vécu  un  long  temps  au  milieu  des  forêts,  lui,  digne  de 
tous  les  plaisirs.  1,833. 

» Ce  Dhritaràslitride,  cocher,  il  sera  ensuite  accablé  de 
chagrin,  à la  vue  des  princes,  qui,  prodigues  de  leur  vie  sur 
le  champ  de  bataille,  courront,  à l’ordre  d'Youdhishthira, 
au  milieu  de  son  armée  sur  leurs  chars  éclatants.  1,834. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé  ce 
combat,  alors  qu’il  verra  les  cinq  jeunes  héros  de  Kourou, 
consommés  dans  le  métier  des  armes  et  semblables  à de 
vieux  maîtres,  se  précipiter,  faisant  mépris  de  leur  exis- 
tence, à travers  ses  Kourouides;  1,835. 

h Quand  l’homicide  Sahadéva,  monté  sur  un  char 
attelé  de  coursiers  dociles,  éclatant  d’or,  aux  roues  mugis- 
santes (1  ) , l’effort  (2)  écarté,  déchaînera  les  multitudes 
de  ses  (lèches  dans  le  corps  des  rois.  1 ,830. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé  la 
guerre,  alors  qu’il  verra  ce  héros  consommé  dans  les 
armes,  rouler  çà  et  là,  debout  sur  son  char,  au  milieu  de 
ce  grand  danger  bouillonnant,  et  parcourir  tous  les  points 
de  l’espace.  1,837. 

» Le  fougueux  Sahadéva  à la  main  prompte,  à la  grande 
force,  habile,  véridique,  observateur  de  la  pudeur  et  doué 
de  toutes  les  vertus,  marchant  sur  le  fils  de  Gândhàrl, 
décochera  ses  traits  sur  les  armées  au  milieu  de  ce  combat 
tumultueux.  1,838. 

(1 — 2)  Tou.»  les  dictionnaires,  compris  celui  même  de  Bôthüngk  et  Roth, 
ne  donnent  pas  le  mot  udvdluwui;  il  faut  donc  recourir  à ses  racines 5 car 
ici  la  signification  ne  peut  être  celle  à'udvùhn,  mariage;  et  l’n  privatif, 
joint  à kiiruljana,  fait  un  contrevent. 


8 


LE  MAHA-B1IA1UTA. 


% 


» Ce  grand  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir 
engagé  cette  bataille,  alors  qu'il  verra  les  héros  aux 
longues  flèches  de  Droupada,  consommés  dans  les  armes, 
exercés  dans  les  combats  de  chars,  semblables  â des  ser- 
pents aux  poisons  mortels.  1 ,830. 

h Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé  ce 
combat,  alors  qu'Abbimanyou,  immolant  les  héros  op- 
posés, inondera,  comme  un  nuage,  les  ennemis  de  ses 
flèches,  et,  versé  dans  la  pratique  des  armes,  se  plon- 
gera, tel  que  Krishna,  au  milieu  de  ses  bataillons.  1 .840. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé  la 
guerre,  alors  qu’il  verra  ce  fils  tle  Soubhadrâ  consommé 
dans  les  armes,  enfant,  l’image  d’Indra,  qui  a la  vigueur 
d’un  homme,  fondre  comme  la  mort  sur  l'armée  des  enne- 
mis. 1,841. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  ces  jeunes  et  beaux  guerriers,  ins- 
truits, à la  main  très-leste,  décocheront  leurs  flèches  sur 
les  fils  de  Dhritaràshtra,  accompagnés  de  leurs  armées. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  les  deux  héros  Virâta  et  Droupada 
s’avanceront,  chacun  à la  tète  d'une  armée,  et  fixeront 
les  yeux  sur  les  fils  de  Dhritaràshtra,  suivis  de  leurs 
guerriers.  1,842—1,843. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  Droupada,  consommé  dans  les 
armes,  debout  sur  son  char,  recherchant  au  milieu  du 
combat  les  tètes  des  jeunes  héros,  les  tranchera  de  ses 
flèches  décochées.  1,844. 

>.  Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  \ iràla,  annonçant  la  cruauté  dans 


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OLDYOGA-PAUVA. 


0 


ses  formes,  se  plongera,  accompagné  d’üuttara  et  suivi 
de  ses  Matsyas,  dans  l’armée  ennemie,  dont  il  abattra  les 
héros.  1,845. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  qu’il  verra  devant  lui  ce  fils  aîné  de 
Viràta,  ce  Matsya,  accusant  la  méchanceté  dans  ses 
nobles  formes,  revêtu  de  sa  cuirasse  et  monté  sur  son 
char  pour  la  cause  des  Pàndouides.  1,840. 

» Quand  Çikhandi  aura  tué  dans  la  bataille  le  vertueux 
(ils  de  Çàntanou,  le  plus  excellent  des  Kourouides,  jamais 
nos  ennemis  ne  tiendraient  devant  nous,  je  te  dis  cette 
vérité  indubitable.  1,847. 

» Ce  Dliritarâshlride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que,  rassemblant  les  guerriers,  qui 
combattent  sur  des  chars,  Çikhandi,  arrivé  sur  Bhtshma 
avec  son  chariot,  broiera  des  multitudes  de  chars  avec  les 
chevaux  divins,  attelés  à son  timon.  1,848. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  s’affligera,  alors  qu'il  verra 
au  premier  rang  de  l’armée  des  Srindjayas  le  bridant 
Dhrishtadyoumna,  à qui  le  sage  Drona  fit  la  grâce  de  révéler 
un  astra  secret.  1,849. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  Çatrousaha,  le  général  des  armées 
à la  vigueur  sans  mesure,  accablant  de  ses  (lèches  les 
ennemis,  enfants  île  Dhritarâshtra,  affrontera  Drona  dans 
la  bataille.  1 ,850. 

» Les  autres  ennemis  ne  pourraient  jamais  supporter 
ceux,  qui  auraient  pour  chef  ce  lion  de  Vrishni,  le  pre- 
mier des  Somakas,  sage,  fort,  intelligent,  fortuné  et  rem- 
pli d’âme.  1,851. 

» Fais  entendre  ces  mots  : « Ne  choisis  pas  dans  ce 


10 


US  M AH  A-BH  Ail  ATA. 


monde  un  associé  pour  la  guerre.  Nous  choisissons  Sa- 
tvalti,  le  petit-fils  de  (fini,  monté  sur  son  char,  héros  & 
la  grande  force,  intrépide  et  consommé  dans  le  métier 
des  armes.  1,852, 

» Le  petit-fils  de  Çini  est  un  héros,  qui  connaît  les 
astras  supérieurs,  de  qui  les  armes  ont  la  taille  d'un 
palmier,  qui  est  sans  crainte,  guerrier  habile,  sans  égal 
dans  les  combats,  qui  a une  large  poitrine  et  de  longs 
bras,  qui  est  l’immolateur  des  ennemis.  1,853. 

» O Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  le  monarque  des  Çivis,  dont  je 
parle,  inondera  les  ennemis  de  ses  flèches,  comme  un 
nuage,  et  que,  destructeur  des  ennemis,  il  ensevelira 
sous  ses  traits  tous  les  chefs  de  guerre  ; 185A. 

» Que  le  magnanime  à l’arc  solide,  aux  longs  bras, 
prendra  son  assiette  au  moment  de  combattre,  et  que 
les  ennemis  déploieront  leurs  efforts  contre  lui  sur  le 
front  de  la  bataille,  comme  des  taureaux,  qui  ont  senti 
les  fumées  d’un  lion.  1,855. 

» Adroit,  à la  main  rapide,  habile  dans  l’astra,  ce  ma- 
gnanime à l’arc  solide,  aux  longs  bras,  fendra  les  mon- 
tagnes et  enchaînera  tous  les  mondes,  comme  le  soleil, 
qui,  placé  dans  les  deux,  brille  de  tous  les  côtés.  1,85(5. 

» L'union  dans  l’astra  du  lion  de  Vrishni,  le  rejeton 
d’ Vadou,  estconsidérable,  vertueuse,  délicate,  admirable; 
cette  union  est  conforme  à la  régie,  assure-t-on.  Le  Sa- 
lyakide  est  doué  de  toutes  les  vertus.  1,857. 

» Ce  stupide  Dhritarâshtride  à l'âme  méchante,  il 
s'affligera,  alors  qu’il  verra  sur  le  champ  de  bataille  ce  char 
fait  d'or,  attelé  de  quatre  blancs  coursiers,  conduits  par 
le  Satyakide,  meurtrier  de  l’Asoura  Madhou.  1,858. 


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OU  D YOG  A-PA  K V A. 


11 


» Cet  insensé  à l'âme  méchante,  il  s'affligera,  alors  qu'il 
verra,  docile  à mes  ordres,  ce  char,  lumineux  comme 
les  pierreries  et  l’or,  attelé  de  quatre  chevaux  blancs, 
ombragé  d’un  singe  pour  étendard,  voler,  portant  Kéçava 
lui-même.  1,859. 

n Cet  homme  à l'âme  insensée,  il  entendra  le  grand 
son,  pareil  au  fracas  de  la  foudre,  bruit  terrible,  éclos  à la 
surface  de  ma  corde,  quand  je  tirerai  le  Gàndiva  dans 
cette  vaste  bataille.  1,800. 

» Environné  de  ses  mauvais  compagnons,  le  fils  insensé 
de  Uhritaràshtra  à l’intelligence  bornée  sera  consumé 
de  chagrin  dans  ce  combat,  quand  il  verra  son  armée  se 
briser  à la  tête  du  champ  de  bataille,  comme  un  trou- 
peau, dans  l'obscurité  d'une  pluie  de  flèches.  1,861. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d'avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  qu’il  verra  sortir  comme  du  nuage 
ces  flèches,  semblables  à des  étincelles  de  feu,  qui  jail- 
lissent des  éclairs,  et  que,  vomies  par  la  corde  de  l'arc,  ou 
lancées  par  Gàndiva,  cette  multitude  bien  empennée,  bien 
effrayante,  aux  formes  épouvantables,  tuant  des  milliers 
d’hommes  dans  les  bataillons  des  euuemis,  coupant  les 
os,  tranchant  les  articulations,  tombera  avec  ses  tran- 
chants acérés,  enlevant  les  chevaux,  les  éléphants  et  les 
soldats,  revêtus  de  leurs  cuirasses.  1 ,862 — 1 ,863. 

a Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  qu’il  verra,  l’insensé!  mes  dards  lancés, 
mes  flèches  abattre  les  ennemis,  blesser  en  travers,  forcer 
mes  adversaires  à tourner  le  dos.  l,S6/j. 

» Ce  Dhritaràshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  que  les  traits;  décochés  par  mon 
bras,  abattront  les  tètes  des  jeunes  gens,  comme  les 


12 


Lh  MAHA-BH  \R  VTA. 


oiseaux  coupent  les  fruits  de  la  cime  d’un  arbre.  1,865. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  aloi'3  qu'il  verra,  tombant  de  leurs  chars, 
précipités  de  leurs  grands  éléphants,  les  cavaliers,  les 
vaillants  guerriers,  immolés  par  les  (lèches  et  renversés 
sur  le  champ  de  bataille.  1,806. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  alors  qu'il  verra  la  route  suivie  par  la  flèche 
de  l’ennemi  et  périssants  de  tous  côtés  les  enfants  de 
Dhritaràshtra,  sans  qu’ils  aient  atteint  leur  but,  sans  qu'ils 
aient  accompli  l’œuvre  du  combat.  1,867. 

» Cet  homme  à l'âme  insensée,  il  sera  consumé  de  cha- 
grin, quand,  dispersant  mes  dards,  j’écarterai  les  ennemis 
sous  des  pluies  de  traits  flamboyants,  les  escadrons  de 
chars,  les  bataillons  de  fantassins,  étendus  de  tous  côtés, 
la  bouche  ouverte  comme  la  mort.  1,868. 

» Cet  insensé,  il  sera  ensuite  consumé  de  chagrin, 
quand  il  aura  vu  son  armée  jetée  dans  le  trouble,  mutilée 
par  leGândiva,  renversée  dans  la  poussière  sous  les  roues 
du  char  courant  à tous  les  points  de  l’espace.  1,869. 

» Douryodhana  verra  toute  son  armée,  privée  de  con- 
naissance, les  membres  coupés,  mise  en  fuite,  ses  cour- 
siers, ses  principaux  héros,  ses  rois  immolés,  haletante 
de  soif,  tourmentée  par  la  soif  et  tremblante  comme  la 
feuille.  1,870. 

» Cet  insensé,  il  s'affligera,  quand  il  verra,  comme 
une  chose  entrée  dans  l’affaire  du  Créateur,  les  bataillons 
des  rois  frappés  avec  des  cris  de  détresse,  étendus  morts, 
les  cheveux  épars  et  les  membres  abandonnés.  1,871. 

» Ce  Dhritarâshtride,  il  se  repentira  d’avoir  engagé 
cette  guerre,  quand  il  verra  le  môme  char  réunir  le  Gàn- 


Diglttze 


OUDYOGA-PARVA. 


13 


diva,  le  Vasoudévide,  la  céleste  conque  Prândjanya,  les 
coursiers  divins , les  deux  carquois  impérissables,  Déva- 
dattaetwoi!  1,872. 

» Ce  Dhritaràshtride  et  son  fils,  ils  seront  dévorés  de 
chagrin,  quand,  détruisant  les  troupes  rassemblées  des 
brigands  et  créant  un  nouvel  âge  à la  fin  d'un  âge  ter- 
miné, je  brûlerai  tous  les  Kourouides  comme  le  feu. 

» Ce  Dhritaràshtride  insensé,  il  s'affligera  ensuite, 
frappé  au  bout  de  son  orgueil,  tremblant,  déchu  de  son 
empire,  esclave  de  la  colère,  avec  ses  serviteurs,  avec  son 
alliée,  avec  ses  frères.  1,873. — 1,874. 

» lin  jour,  à la  fin  de  ma  prière,  un  matin,  la  cérémo- 
nie de  l'eau  terminée,  un  brahme  me  dit  un  oracle  char- 
mant : « 11  te  faudra,  fils  de  Prithà,  exécuter  une  chose 
difficile;  une  guerre  est  à soutenir  par  toi,  Ambidextre, 
avec  les  ennemis.  1,875; 

■i  Choisis  ! Ou  Indra  aux  coursiers  fauves,  le  Dieu,  qui 
tient  la  foudre,  marchera  devant  toi  et  tuera  les  ennemis 
dans  le  combat  ; ou  Krishna,  le  fils  de  Vasoudéva,  proté- 
gera tes  derrières  avec  son  char  attelé  de  Sougrlva.  » 
u Je  choisis  pour  allié  dans  cette  guerre  le  Vasoudé- 
vidc  au  lieu  du  grand  Indra,  sa  foudre  à la  main  : ce  son  t 
les  Dieux,  je  pense,  qui  m’ont  inspiré  ce  choix  d’Indra 
pour  la  mort  des  brigands.  1,876 — 1,877. 

» Quiconque  désire  vaincre  en  bataille,  Krishna,  le  fil 
de  Vasoudéva,  ce  héros  valeureux,  qui  surpasse  tous  les 
héros,  veut  franchir  l'Océan,  ce  dépôt  incommensurable 
des  eaux,  à la  seule  force  du  bras  ! 1,878. 

b 11  veut  fendre  avec  la  paume  de  la  main  une  mon- 
tagne, le  mont  Çwéta,  par  exemple,  élevé  au-dessus  de 
toutes  les  hauteurs.  Mais  il  se  brisera  la  main  avec  ses 


là 


LE  MAIIA-BHARATA. 


ongles  et  ne  fera  pas  la  moindre  blessure  à la  montagne. 

» Quiconque  désire  vaincre  en  bataille  le  Vasoudévide, 
entreprend  d'éteindre  le  feu  allumé,  d’arrêter  avec  ses 
bras  le  soleil  et  la  lune,  d'enlever  de  force  l’ambroisie  aux 
Immortels!  1,879 — 1,880. 

» Ce  magnanime,  après  qu’il  eût  immolé  avec  violence, 
au  moyen  d’un  seul  char,  les  rois  Bhodjas  dans  le  combat, 
se  maria  avec  Roukminl,  épouse  flamboyante  de  renom- 
mée, au  sein  de  qui  il  engendra  les  Raâukminéyas. 

» Il  broya  par  sa  fougue  les  Gândhàras  ; il  vainquit 
tous  les  lils  de  Magnadjit;  il  délivra  Soudarçana,  le  dra- 
peau des  Dieux,  qui  était  enchaîné  et  à qui  la  violence  ar- 
rachait des  cris.  1,881 — 1,882. 

» 11  écrasa  Pândya  sous  le  poids  d’une  porte;  il  délit 
les  Kalingas  à Dantakoûra  ; et,  brûlée  par  ses  mains,  la 
ville  de  Vàrànasl,  resta  sans  maître  des  multitudes  d’an- 
nées. 1,883. 

» En  vain  pensait -on  que  les  autres  ne  pouvaient 
triompher  dans  les  combats  du  roi  des  Nishâdas,  nommé 
Ékalavya.  Djambha,  qui  avait  tué  Çalla  avec  une  sorte  de 
fougue,  gît  it  cette  heure  sans  vie,  immolé  par  Krishna. 

» Secondé  par  Baladéva,  il  abattit  le  fils  très-vicieux 
d'Ougraséna,  venu  au  milieu  des  Vrishnides  et  des  An- 
dhakas,  lui,  qui  osait  paraître  dans  l’assemblée,  et,  ce  tyran 
tué,  il  donna  son  royaume  à Ougraséna.  1,881 — 1,886. 

» Il  attaqua  le  roi  de  Çalva,  formidable  par  la  magie, 
Saâubha,  qui  se  tenait  dans  l’air.  A la  porte  de  Saâubba, 
il  reçut  la  çataghnl  entre  ses  bras.  Qui  des  mortels  aurait 
pu  le  soutenir  ? 1,886. 

<>  11  était  une  forteresse  supérieure , terrible,  intolé- 
rable aux  Asouras,  nommée  Prâgdyotisha  : c’est  là  que 


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OUDYOGA-l’AUVA. 


la 


Naraka  à la  grande  puissance,  habitant  au  sein  de  la 
terre,  enleva  une  paire  étincelante  de  boucles  d'oreilles  en 
pierreries  à Aditi.  1,887. 

j Quoique  sans  crainte  de  la  mort  dans  un  combat,  les 
Dieux,  réunis  avec  Qakra,  ne  purent  le  maîtriser.  A l'as- 
pect du  courage,  de  la  force  et  de  l’astra  irrésistible  de 
Kéçava,  reconnaissant  la  nature  de  ce  Dieu,  ils  excitèrent 
Krishna  à la  mort  de  ce  brigand.  Le  Yasoudévide,  qui 
jouissait  de  l’empire  sur  les  facultés  surnaturelles,  pro- 
mit d’exécuter  cette  difficile  affaire.  1,888 — 1,889. 

» Après  qu'il  eut  tué  six  mille  de  ses  ennemis  dans  sa 
délivrance,  qu’il  eut  coupé  des  cordes,  tranchantes  comme 
le  rasoir,  qu'il  eut  immolé  Moura,  qu'il  eut  abattu  un 
grand  nombre  de  ltakshasas , le  héros  de  parvenir  à la 
délivrance.  1,890. 

» LA  même,  fut  livré  le  combat  de  ce  héros  à la  force 
immense  avec  le  demi-Dieu  Vishnou  à l'incomparable 
vigueur;  mais  Krishna  lui  lit  mordre  la  poussière,  et, 
tel  qu’un  karnikara  brisé  par  le  vent,  il  gtt,  étendu  sans 
vie.  1,891. 

» Après  qu’il  eut  enlevé  ses  pendeloques  de  pierre- 
ries, tué  l’infernal  Naraka  et  Moura,  le  sage  Krishna, 
couronné  par  la  fortune  et  la  renommée,  s’en  revint,  en- 
vironné d’une  puissance  incomparable.  1,892. 

» Témoins  du  grand  exploit,  qu'il  avait  exécuté  dans 
ce  combat,  les  Dieux  le  comblèrent  de  grâces  : « La  fatigue 
te  sera  inconnue  dans  tes  batailles,  lui  dirent-ils  ; et  tu 
pourras  marcher  dans  l’air  et  dans  les  eaux.  1 893. 

i Les  flèches  n’entreront  pas  dans  ton  corps  et  tes  dé- 
sirs, Krishna,  seront  toujours  accomplis.  » Le  Vasoudé- 
vide , orné  d’une  telle  beauté , ù la  profondeur  sans 


1«  LE  MAHA-BUA11ATA. 

mesure,  à la  puissante  vigueur,  posséda  toujours  la  per- 
fection des  qualités.  1,894. 

» Ce  Dhritaràshtride , il  espère  vaincre  cet  insoute  • 
nable  Vishnou  à la  vigueur  infinie  ; sans  cesse,  il  pense  à 
lui,  et  cette  vue  donne  au  méchant  la  force  de  nous  sup- 
porter. 1,895. 

» 11  regarde  comme  imminente  une  rixe  violente  de 
Krishna  et  de  moi  ; mais,  une  fois  mis  le  pied  dans  la 
guerre,  il  saura  qu’il  est  impossible  d’enlever  l’individua- 
lité aux  Pândouides.  1,896. 

» Ayant  rendu  mes  hommages  au  prince  issu  de  Çân- 
tanou,  à Drona  et  son  fils,  au  Çaradvatide,  je  combattrai 
sans  hostilité  par  l'envie  de  reconquérir  mon  royaume. 

» Je  regarde  comme  convenable,  donnée  avec  justice, 
la  mort  du  scélérat,  qui  fera  la  guerre  aux  fils  de  Pâudou. 
Des  cruels  ont  gagné  avec  tricherie  douze  années  il  ces 
fils  de  roi  ! 1,897 — 1,898. 

» On  leur  fit,  durant  un  long  temps,  une  habitation 
pleine  de  souffrances  dans  les  forêts  ; ils  durent  vivre  en- 
suite inconnus  une  seule  année.  Pourquoi,  usurpateurs  de 
leur  place,  les  enfants  de  Dhritaràshtra  se  réjouiraient- 
ils  de  la  vie  des  Pândouides  ? 1 ,899. 

» Si,  aidés  par  les  Dieux,  Indra  à leur  tête,  ils  rem- 
portaient sur  nous  la  victoire  dans  ce  combat , le  vice 
marcherait  plus  fort  que  la  vertu  et,  en  vérité!  il  n'y 
aurait  plus  de  bonne  action  sur  lu  terre.  1,900. 

» S’il  ne  croit  pas  que  cet  homme,  moi!  je  suis  lié  à 
mon  affaire;  s’il  ne  croit  pas  que  nous  l'emportons  sur 
lui , j’espère , secondé  par  le  Vasoudévide , immoler 
Douryodhana  et  tout  ce  qui  lui  est  attaché.  1,901. 

» Cette  action  sera-t-elle  stérile?  Ou  cette  affaire  pro- 


fBÿGoogle 


ouüyoga-pakva. 


17 


diiira-t-elle  un  fruit?  Après  que  j’ai  fixé  les  yeux  sur 
l'une  et  l’autre  de  ces  questions,  je  décide  que  la  défaite 
du  Dhritaràshtride  est,  sans  doute,  une  bonne  chose. 

» Je  le  dis  en  présence  de  vous,  princes  de  Kourou  ! Si 
les  Dlirilaràshtrides  combattent,  ils  cessent  de  vivre!  Sont- 
ils  en  des  dispositions  autres  que  le  combat,  un  certain 
reste  échappe  ici  à la  mort  des  batailles.  1,902 — 1.903, 

« Quand  j’aurai  tué  les  fils  de  Dhritaràshtra  et  Karna 
avec  eux,  je  recouvrerai  tout  mon  royaume  aux  mains 
des  Kourouides.  Faites  donc  ce  que  vous  avez  à faire,  en 
sorte  que  vous  alliez  aux  jouissances  de  vous-méines  et 
aux  embrassements  de  vos  tendres  épouses.  « l,90â. 

» Et  nous  aussi,  n’avons-nous  pas  des  brahmes  âgés, 
d’une  grande  instruction,  d’un  bon  caractère,  d’une  sainte 
famille,  versés  dans  l'observation  des  années,  attentifs  â 
l’horoscope,  et  qui  savent  les  prognoslics  de  la  conjonc- 
tion des  astérismes?  1,905, 

» Nous  avons  les  astrologues,  qui  embrassent  le  cercle 
des  recherches,  les  enquêtes  célestes,  les  arcanes  mul- 
tiples associés  au  Destin  : ils  annoncent  une  grande  dé- 
faite au  Srindjayas-Kourous  et  la  victoire  des  Pândouides. 

» Ce  lion  de  Vrishni , qui  a la  science  visible  , 
Djanârddhana  voit,  il  n'y  a nul  doute,  quelle  est  la  pen- 
sée d'Adjàtaçatrou  aux  affaires  accomplies  sur  la  répres- 
sion de  nous,  ses  ennemis.  1,906—1,907. 

» Et  moi,  certes  ! je  vois  aussi,  sans  négligence  avec 
le  regard  de  mon  intelligence  les  formes  de  l’avenir  : ma 
vieille  vue  n’est  pas  troublée  ; les  fils  de  Dhritaràshtra, 
s’ils  combattent,  ont  cessé  d’être.  1 ,908. 

» L'arc  Gândlva  saisi  bâille,  la  corde  intacte  de  l’arc 
tremble  à mes  oreilles  ; sorties  de  la  bouche  du  carquois, 
vt  2 


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18 


i.h  HA1IA-BIIARATA. 


les  flèches  désirent  avec  impatience  voler  çà  et  là.  1 ,009. 

» Le  cimeterre  étincelant  sort  de  son  fourreau  comme 
un  serpent,  qui  abandonne  sa  vieille  peau.  On  entend 
dans  le  drapeau  dos  paroles  aux  formes  terribles.  Quand 
le  char,  Kiritl,  coin  battra- t-il  contre  toi  ? 1,010. 

» Des  gazelles,  des  chacals  en  troupes  glapissent  dans 
la  nuit;  desRakshasas  tombent  du  ciel,  des  gallinules,  des 
corbeaux,  des  vautours,  des  hérons  et  des  hyènes,  à la  vue 
du  char  attelé  de  chevaux  blancs,  volent  sur  ses  traces, 
portés  sur  leurs  brillantes  ailes.  Seul,  faisant  pleuvoir  une 
averse  de  flèches,  je  précipiterai  dans  le  monde  des  morts 
tous  ces  princes  guerriers;  1,911—1,912. 

« M’emparant  de  chaque  route  des  flèches,  comme  le 
feu  allumé  dans  la  saison  chaude  s'empare  d'une  forêt! 
Décochant  d’une  main  ferme  les  grands  astras,  le  Slhoû- 
nàkarna,  le  Pâçoupata,  le  Brahmique  et  l'astra,  que  je 
dois  à Indra,  je  n’épargnerai  pas  sous  mes  dards  rapides 
une  poignée  de  peuple.  Ainsi  j’obtiendrai  la  paix  : voilà 
ma  disposition  d'esprit  ferme,  avant  tout  conçue!  » Parle 
de  cette  manière  à ces  princes,  fils  de  Gavalgana. 

1,913 — 1,914. 

» Le  Dhitaràshtride  pense,  dans  le  délire,  qui  aveugle 
ses  yeux,  soutenir  une  guerre  violente  avec  le  secours  de 
ces  hommes,  qui  seront  vaincus,  eussent-ils  obtenu  l’aide 
de  tous  les  Dieux,  Indra  même  à leur  tête!  1,015. 

» Que  le  fils  de  (jântanou,  le  vieux  Bhlshma,  que  Drona 
et  son  fils,  que  Rripa  et  le  sage  Vidoura,  que  tous  ceux, 
qui  disent  : « Puissions-nous  jouir  de  la  paix!  » que  tous 
ces  Rourouides  goûtent  les  charmes  d’une  longue  vie!  « 

Valçampàyana  reprit,  en  continuant  à raconter  : 

Bhlshma,  de  qui  Qântanou  fut  le  père,  tint,  au  milieu 


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OCDYOG  A-PA  IV  VA. 


1» 

de  tous  les  monarques  rassemblés,  Bharalide,  ce  langage 
à Donryodhana  : 1,916—1,917. 

« Brahma  était  environné  de  Vriliaspati  et  d'Ouçanas, 
de  Maroute  et  Mahéndra,  des  Vasnus  avec  Agni.  1,918. 

» Les  Aditvas,  les  Siddhas  et  les  sept  llishis,  habitants 
du  ciel,  le  Gandharva,  Viçvavasou  et  les  chœurs  des  sé- 
duisantes A psaras  ; 1,919. 

» Tout  ces  hétes  des  palais  du  ciel  présentent  à 
Brahma  leurs  adorations  , s’avancent  vers  le  vieil  an- 
cêtre du  inonde,  environnent  le  maître  de  l’univers,  et 
s'assoient  sur  des  sièges  inférieurs.  1,920. 

» Les  deux  saintes  personnes,  Nara  et  Nârâyana,  ces 
Dieux  primitifs,  s'abstinrent  de  lui  rendre  ces  hom- 
mages, enlevant  aux  autres  Dieux , pour  ainsi  dire,  l'âme 
et  la  splendeur  avec  leur  puissance.  1,921. 

« Qui  sont  ces  deux,  demanda  Vrihaspati  à Brahma, 
par  qui  ta  divinité  n’est  pas  honorée?  Pis-nous-le,  aïeul 
des  mondes.  » 1,922. 

« Ces  deux  ascètes  à la  grande  force,  splendides,  flam- 
boyants, répondit  Braluna,  qui  ont  traversé  ce  qui  est 
pénétrable,  qui  illuminent  le  ciel  et  la  terre,  1,923. 

» Ce  sont  Nara  et  Nârâyana,  à la  grande  âme,  à la  vi- 
goureuse énergie,  puissants  par  leur  pénitence.  Ils  sont 
montés  dans  le  monde,  qui  est  au-dessus  du  monde. 

» Ce  double  être  à la  grande  science,  s’étant  partagé 
en  deux,  a réjoui  le  monde  par  son  œuvre  ; sache,  brahme, 
que  le  Gandharva  et  le  Dieu  honorent  ces  deux  héros, 
pour  la  mort  des  Asouras.  » 1,924 — 1,925. 

Çakra,  avec  tous  les  chœurs  des  Dieux,  Vrihaspati 
marchant  à leur  tête,  se  rendit  au  lieu  où  ces  deux 
associés  cultivaient  la  pénitence.  1,926. 


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20 


LE  .MAHA-ItllAK  VT 


Alors,  le  péril  était  né  pour  les  habitants  du  ciel,  dans 
la  guerre  entre  les  Asouras  et  les  Dieux  ; il  demanda  une 
grâce  à ces  magnanimes,  Nara  et  Nàràyana.  1,927. 

« Choisis-la!  » répondirent-ils.  Le  Dieu  reprit,  ô le 
plus  vertueux  des  Bharalides  : « Que  notre  salut  soit 
assuré.  » 1,928. 

u Nous  ferons  ce  que  lu  désires,  » dit  le  couple  im- 
mortel. Et  (Jakra  vainquit,  aidé  par  eux,  les  enfants  de 
Diti  et  de  Danou.  1 ,929. 

Après  qu’il  eut  immolé  dans  le  combat  d'Indra  les 
ennemis,  le  vaillant  Nara  fit  mordre  la  poussière  à des 
centaines  et  des  milliers  de  Paàulomas  et  de  Kàla- 
kandjas.  1,930. 

Debout  sur  son  char  lancé,  il  enleva,  avec  une  flèche 
en  demi-lune,  la  tête  à Djambha , qui  dévorait  Arjouna 
dans  la  bataille.  1,931. 

Ce  fut  celui-ci  qui,  sur  le  rivage  ultérieur  de  la  nier,  a 
brisé  la  ville  d’or,  qui  a défait  soixante  mille  Nivâtaka- 
vatchas  dans  le  combat.  1,932. 

« Dès  qu’il  eut  vaincu  les  Dieux  avec  Indra,  Arjouna 
aux  longs  bras,  le  conquérant  des  cités  ennemies,  rassasia 
la  faim  d’Agni.  1,933. 

» Nàràyana , en  ces  lieux , immola  un  plus  grand 
nombre  d’autres  êtres.  Contemplez  ces  deux  puissantes 
forces  ainsi  rassemblées.  i,98â. 

» Arjouna  et  le  Vasoudévide  sont  deux  héros  vaillants 
réunis;  ce  sont,  raconte  l’histoire,  les  célestes  Nara  et 
Nàràyana,  ces  Dieux  primitifs.  1,935. 

» Ils  sont  invisibles  dans  le  monde  des  hommes  aux 
Démons  et  aux  Dieux,  fussent-ils  commandés  par  Indra. 
Nàràyana  est  appelé  Krishna;  Nara  est  dit  Phàlgouna. 


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OU  DYOG  A-PAH  V.\. 


21 


» Nara  et  Nàrâyana  n’ont  qu’une  seule  âme,  partagée 
en  deux;  ils  jouissent,  grâce  à leurs  œuvres,  des  mondes 
éternels,  impérissables.  1,936 — 1,937. 

» Au  temps  des  guerres,  ils  naissent,  l’un  et  l’autre, 
çà  et  lâ.  11  faut  donc,  a dit  Nârada,  que  se  fasse  dont  ils 
sont  occupés.  1,938. 

» I.e  brabme  de  l’armée  desVrishnides  a dit  toutes  ces 
paroles  : <•  Quand  tu  verras  Kéçava,  tenant  à la  main 
sa  conque,  sa  massue,  son  disque  de  guerre,  et  Arjouna, 
le  terrible  archer,  dispersant  ses  flèches;  quand  tu  verras 
ces  deux  Krishnas  magnanimes,  immortels,  placés  en- 
semble sur  un  seul  char,  1,939 — 1,940. 

» Alors,  Douryodhana,  tu  te  souviendras,  mon  fils,  de 
ma  parole,  à moins  que  la  mort  ne  menace  ici  les  enfants 
de  Kourou.  1,941. 

» Ton  âme  est-elle,  mon  fils,  offusquée  par  l’intérêt 
et  séparée  de  la  vertu'.'  Si  tu  ne  reçois  pas  ma  parole, 
tu  apprendras  qu’une  foule  d’hommes  est  descendue  au 
tombeau.  1,942. 

o Tous  les  Kou roubles  obéissent  à ton  opinion;  mais 
tu  obéis,  toi  seul,  à l’opinion  de  trois  personnes  : 1,943. 

» harna,  ce  vil  adopté  du  cocher,  éminent  Bharatide, 
qui  fut  maudit  par  Balarâma,  Çakouni,  le  fils  de  Soubala, 
et  Douççàsana,  ton  vil  et  coupable  frère.  » 1,944 — 1,945. 

u La  parole,  que  tu  as  jetée  ici  à mon  adresse,  mon 
aïeul,  répondit  Karna,  n'aurait  pas  été  dite  ainsi  par  un 
vieillard.  Je  me  tiens  dans  le  devoir  du  kshatrya,  et  je 
ne  me  suis  point  écarté  de  mon  devoir.  1,946. 

« Les  Dhritarâshtrides  ne  connaissent  , nulle  part, 
aucune  faute  à me  reprocher.  Quelle  autre  chose  mé- 
chante trouves-tu  à blâmer  en  moi?  1,947. 


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22 


LK  MAHA-BHAKATA. 


» Continuellement  dévoué  au  fils  de  Dhritaràsbtra,  je 
u'ai  jamais  commis  de  péché  à son  égard.  Certes!  je  ferai 
mordre  la  poussière  à tous  les  Pàndouides,  qui  aborderont 
le  champ  de  bataille!  1 

» Comment  un  homme  de  cœur,  qui  en  fut  empêché 
une  fois,  voudrait-il  faire  la  même  chose?  Mais  je  ferai 
toujours  tout  ce  qui  est  agréable  au  fils  de  Uhrita- 
râshtra  : J ,949. 

» Moi  et  quiconque  veille  attentif  au  royaume  de  I)ou- 
ryodhana  même.  » 1 ,1)50, 

A peine  eut-il  entendu  ce  langage  de  Karna,  Rhtshma, 
le  fils  de  Çântanou,  adressant  la  parole  au  grand  roi 
Dhritaràshlra,  lui  parla  en  ces  termes  : 1 ,1)51. 

« 11  se  vante  saus  cesse  : « Je  tuerai,  dit-il,  les  Gis  de 
Pàudou;  » tuais  cet  homme  ne  parvient  pas  même  à la 
seizième  partie  des  magnanimes  Pàndouides!  1,952. 

» Ce  fut  le  mauvais  destin  de  les  vicieux  Gis,  qui 
amena  vers  eux  ce  fils  pervers  du  cocher.  Sache  que  se 
cailler,  c'est  là  son  affaire.  1,953. 

» Appuyé  sur  lui,  ton  fils  à i'âmc  stupide,  Souyo- 
dhana,  a méprisé  ces  héros,  dompteurs  des  ennemis  et 
fils  des  Dieux..  1 ,954. 

» Quel  exploit  si  difficile  cet  homme  a-t-il  accompli 
avant,  comme  les  actions,  que  tous  las  Pàndouides  ont 
exécutées  jadis  individuellement.  1,955. 

» Quand  il  vit  Dhauandjayu  immoler  dans  l'armée  (1) 
de  Virât»  son  frère  chéri,  par  quelle  prouesse  a-t-il 
montré  son  courage  ? 1 ,950. 

» Affrontant  tous  les  Kourouides  rassemblés,  Dbanan- 

(I)  l.illéraleinenl  : dans  lu  ville. 


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OUDYOGA-PVUVA. 


23 


djaya  les  broya  ; il  en  fit  la  moisson.  Pourquoi  fut-il  con- 
traint de  mettre  son  habitation  en  pays  étranger  ? 1 ,957. 

» Quand  ton  (ils  5 Ghoshayàtrà  fut  enlevé  par  les  Gan- 
dharvas,  où  se  trouvait  alors  ce  fils  de  cocher,  qui  montre 
aujourd'hui  l'orgueil  d’un  taureau?  1,958. 

» lit,  sans  doute,  c’est  avec  Bhlmaséna,  c'est  avec  le 
magnanime  fils  de  Prithû  que  lef’ combat  fut  engagé, 
et  les  Gandhnrvas  furent  défaits  par  ces  deux  Yatnas  ! 

» Ges  paroles  vaines,  éminent  Bharatide,  tombent  de  la 
bouche  d’un  homme,  plein  de  jactance,  Brahma  te  soit 
en  aide  ! et  qui  a toujours  déserté  le  juste  et  l’utile.  » 

1,959—1,960. 

» A ces  mots  de  Bhtshma,  le  Bharadwâdjide,  5 la 
grande  âme,  rendit  hommage  au  monarque  et  lui  adressa 
ce  langage  au  milieu  des  rois  : 1,961. 

« Que  l’on  exécute,  sire,  la  chose,  que  vient  de  nous 
dire  Bhishma,  le  plus  vertueux  des  kourouides.  Ne  veuille 
pas  faire  de  bon  cœur  la  parole  des  hommes,  que  pousse 
le  désir  des  richesses,  1 ,962. 

» Je  pense  qu’une  amitié  avec  les  Pàndouides  est  préfé- 
rable .aux  combats;  parole,  qui  fut  dite  jadis  parArjouna 
et  que  Sandjaya  nous  a rapportée.  1,963. 

» Ce  P&ndouide  fera  tout  cela,  je  le  sais,  car  il  n’est 
pas  dans  les  trois  mondes  un  être,  qui  tienne  l’arc,  égal  à 
lui.  » 1.964. 

Mais,  sans  tenir  compte  de  ces  paroles,  pleines  de 
sens,  qu’avait  prononcées  Bhishma  et  Drona,  le  mo- 
narque interrogea  Sandjaya  sur  les  fils  de  Pàndou. 

Tous  les  kourouides  alors  perdirent  l'espérance  de  la 
vie,  quand  le  roi  n’eut  pas  adressé  une  parole  convenable 
à Bhishma  et  h Drona.  1,905—1,906. 


LE  MAHA-BHA1UTA. 


2 h 


«Qu'est-ce  qu’a  dit  ce  roi  Pàndouide,  fils  d’Yauia? 
demanda-t-il.  Que  ces  nombreuses  années  l'entendent , 
elles  sont  rassemblées  pour  partager  notre  joie.  1 ,9(17. 

» Par  quels  efforts,  cocher,  Youdhishthira  se  prépare- 
t-il  aux  combats?  Qui  de  ses  lils  et  de  ses  frères  tiennent 
leurs  yeux  attachés  sur  son  visage  dans  l’attente  de  ses 
ordres?  1,9(18. 

» Quels  hommes  le  retiennent  des  combats,  ou  lui 
disent  : « Cal  me- toi  !»  à ce  prince  irrité  de  la  tricherie, 
qu’il  a subie  de  ces  gens  stupides,  lui,  qui  sait  le  devoir 
et  qui  marche  dans  le  sentier  du  devoir  ? » -1,989. 

« Les  Pàntchàlaius  avec  les  Pàndouides,  répondit 
Sandjaya,  tiennent  leurs  yeux  fixés  sur  le  visage  du  roi 
Youdhishthira,  qui,  s’il  te  plaît,  donne  ses  ordres  à 
tous.  1 ,970. 

» Partagés  en  deux  rangs,  une  foule  de  chars  des 
Pàutchâlains  et  des  Pàndouides,  saluent  à son  arrivée  le 
lils  de  bouilli,  Youdhishthira.  1,971. 

» Tel  que  le  soleil  qui  monte  au  sein  du  ciel,  les  Pàn- 
tchàlains  accueillent  avec  des  applaudissements  redoublés 
le  lils  de  bouilli,  à lu  splendeur  enDamuiée,  cl  qui 
semble  une  niasse  de  lumière,  éclatante  au  milieu  des 
airs.  1,972. 

» Les  Agopàlas  et  les  Vipâlas,  les  Pàntchàlaius,  les 
Kékayains  et  les  JUatsyas,  réjouissant  le  cœur  d’You- 
dhislithira,  saluent  ce  fils  de  Tandon  de  leurs  acclama- 
tions répétées.  1,973. 

» Des  liràhmaiils,  des  filles  de  rois,  des  vaiçyas  et 
leurs  filles  viennent  de  compagnie,  en  se  jouant,  admirer 
le  fils  de  Prilhà  revêtu  de  ses  armes.  » 1 ,97/i. 

« Parle-moi,  Sandjaya,  (les  guerriers  de  Dhrishta- 


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OUDYOGA-PARVA. 


25 


dyounma,  fit  Dhritaràshtra,  et  de  l’armée  des  Sonmkas, 
avec  laquelle  nous  attaquèrent  les  fils  de  Pàndou.  n 
A cette  question  faite  dans  la  cour,  dans  l’assemblée 
des  Kourouides,  le  Gavalganide  poussa  de  longs  et  très- 
nombreux  soupirs,  il  y pensa  mainte  et  mainte  fois. 

1,975—1,976. 

Alors,  fatalement,  sans  cause,  le  cocber  tomba  dans 
la  perte  des  sens,  et  Vidoura  de  parler  ainsi  dans  l’assem- 
blée des  enfants  de  Kcurou,  en  pleine  cour  : 1,977. 

« Voici  Sandjaya,  grand  roi,  qui  est  tombé  évanoui 
sur  la  terre.  I.a  connaissance  échappée,  l’âme  à peine 
retenue,  il  ne  peut  articuler  une  seule  parole.  » 1,978. 

o Sandjaya,  reprit  Dhritaràshtra,  a vu  sans  doute  les 
héros,  fils  de  Kountl,  et  son  àuie  est  encore  toute  émue 
sous  la  peur  de  ces  tigres  des  hommes.  » 1,979. 

Sandjaya  revint  à la  connaissance,  il  recouvra  l’esprit, 
et  parla  en  ces  termes  à Dhritaràshtra,  le  grand  roi,  au 
milieu  de  sa  cour,  dans  l’assemblée  des  fils  de  Kourou  : 

« J’ai  vu,  Indra  des  rois,  les  héros  enfants  de  Kountl, 
écartés  de  leur  patrie  et  confinés  dans  l'habitation  d’un 
palais  du  roi  des  Matsyas.  1,980-  1,981. 

» Ecoute  par  qui  les  Pandouides  ont  attaqué,  grand 
roi.  Ils  vous  ont  attaqués  par  le  vaillant  Dhrishtadynumna 
dans  le  champ  de  bataille.  1,982. 

» Que  l’homme  vertueux  n’abandonne  jamais  la  vérité, 
ni  par  la  colère,  ni  par  la  crainte,  ni  par  cupidité,  ni  à 
cause  des  richesses,  ni  par  controverse.  1,983. 

» Les  Pàndouides  vous  ont  attaqués,  grand  roi,  par 
Adjâtaçatrou,  qui  est  une  autorité  dans  le  devoir  et  le 
plus  vertueux  des  hommes,  qui  soutiennent  la  vertu. 

» Habile  archer,  il  n’existe  pas  sur  la  terre  un  seul 


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26 


LE  MAHA-BHA1UTA. 


anlagouistc  égal  à la  force  de  ses  bras  ; c'est  lui,  <|ui 
soumit  tous  les  rois  du  globe  à sa  puissance. 

l,98â— 1,985. 

» Les  Pàndouides  vous  ont  attaqués  par  Bhimaséna, 
qui  vainquit  en  bataille  les  kaiingas,  les  Magadhains,  les 
Vangas  et  les  habitants  de  Kaçl.  1,986. 

» Grâce  à son  énergie,  quatre  hommes  sur  la  terre 
furent  promptement  sauvés  de  la  maison  de  laque  et  arra- 
chés aux  dents  de  l’anthropophage  Hidimba  1 1,987. 

» Vrikaudara,  le  fils  de  Kountl,  fut  leur  ile  de  salut; 
et,  quand  le  roi  de  Siudhou  enleva  Vajuaséni,  c'est  le  (ils 
de  Prilhà,  Ventre-de-loup,  qui  fut  encore  leur  Ile  de  salut. 
Ce  fut  lui,  qui  sauva  tous  les  Pàndouides,  qui  brûlaient, 
rassemblés  dans  V&ranàvatâ.  Ils  vous  ont  attaqués  par 
ce  héros,  voué  à l'amour  de  krishnâ,  et  qui,  entré  dans 
le  uiont  Gaudhauiàdaua,  inégal,  épouvantable,  immola 
ses  habitants  tombés  sous  le  pouvoir  de  la  colère.  Les 
Pàndouides  vous  ont  attaqués  par  ce  Bhlmaséna,  de  qui 
la  force,  semblable  it  celle  d’une  myriade  de  serpents, 
consistait  dans  la  force  du  bras.  Le  Feu  est  allé,  pour 
satisfaire  à sa  faim,  s'associer  avec  Krishna, 

■1 ,988— 1 ,989— 1 ,990— 1 ,991—1 ,992. 

» Ce  héros,  qui  jadis  vainquit  daus  un  combat  le  Bri- 
seur-de-villes,  qui  jadis  satisfit  par  une  bataille  Mahà- 
déva  en  personne,  ce  Dieu  des  Dieux,  Girlça,  l’époux 
d’Ouiuà,  le  Dieu,  qui  tient  dans  sa  main  un  trident.  I.es 
fils  de  Pàndou  vous  ont  attaqués  dans  un  champ  de  ba- 
taille par  ce  Vidjaya,  le  sagittaire,  qui  lit  plier  tous  les 
rois  sous  sa  puissance,  qui  courba  sous  son  pouvoir  la 
région  occidentale,  habitée  par  des  peuples  de  Mlétchhas. 

1 , 993—1 ,994—1 ,995. 


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OU  D YOGA-PAU  VA. 


27 


» Dans  cette  guerre  se  tenait  de  pied  ferme  Nakoula, 
l'héroïque  combattant.  Ils  vous  ontattaqués,  kourouides, 
parce  fils  de  Midrl,  héros  admirable  à voir,  armé  d'un 
arc  supérieur,  qui  vainquit  en  batailie  les  kaliugas,  les 
ilagadhains,  l.s  Augas  erles  habitants  de  Kaçl. 

1,096— 1,997. 

u Les  Pândouides  vous  ont  attaqués  avec  Sahadéva, 
qui  voit  sur  la  terre  quatre  hommes  seulement  égaux  à 
son  courage  : 1,998. 

» Açvatthàman,  Dhrishtakétou,  Roukmi  et  Pra- 
dyoumna  ! Vous  avez  soutenu,  sire,  un  combat  très-des- 
tructeur contre  ce  Sahadéva,  1,099. 

d Ce  fils  cher  à .Madri,  ce  tout  jeune  héros  des 
hommes,  qui  jadis,  étant  une  vierge  de  kaçl,  accomplit 
une  pénitence  épouvantable.  2,000. 

» Descendue  même  au  tombeau,  désirant  toujours  la 
mort  de  Bliishuia,  éminent  Bharatide,  fille  du  roi  des 
Pântchâlains,  elle  renaquit  homme  par  la  volonté  du 
Destin.  2,001. 

» Ce  tigre  des  mortels,  à qui  ne  sont  pas  inconnus 
les  vices  et  les  vertus  de  l'homme  et  de  la  femme, 
prince  invincible  des  Pântchâlains,  s'en  est  allé  chez  les 
kaliugas.  2,002. 

» 11$  vous  ont  attaqués,  enfants  de  kourou,  avec 
Çikhandi,  consommé  dans  les  armes.  Les  Pândouides  vous 
ont  attaqués  avec  ce  terrible  héros,  qu’un  Yaksha,  de 
jeune  fille,  changea  en  homme  par  le  désir  de  la  mort 
de  Bliishuia.  C’est  par  eux  que  les  cinq  frères  Rékayains, 
vaillants  archers,  fils  de  roi,  héros,  qui  ont  revêtu  la  cui- 
rasse, vous  ont  encore  insultés.  La  guerre  vous  fut  Jivrée 
parlehérosdes  Vrislniides,  Youyoudh&na,  ferme,  aux  longs 


28 


LE  MAHV-BHAIUTA. 


bras,  aux  prompts  astras,  au  courage  infaillible.  Vous 
vous  rencontrerez  sur  le  champ  de  bataille  avecce  Virâta, 
qui  dans  un  temps  fut  l'asile  des  magnanimes  Pândouides. 
ils  vous  ont  attaqués  avec  le  héros,  qui,  dans  Vftrâna-  ,, 
vasl,  était  le  roi  de  Karl  et  qui  fut  leur  combattant.  Les 
Pândouides  vous  ont  attaqués  avec  les  magnanimes  en- 
fants du  roi  Droupada,  invincibles  dans  les  batailles  et 
de  qui  l'attouchement  est  mortel  comme  celui  des  ser- 
pents. Les  Pândouides  vous  ont  attaqués  dans  un  combat 
avec  cet  Abhimanyou,  égal  en  courage  à Krishna,  ton 
père,  égal  en  répression  des  sens  à Youdhishthira,  ton 
oncle.  Les  Pândouides  vous  ont  attaqués  par  ce  Dhrish- 
takétou,  le  fils  irrité  de  Çiçoupâla,  héros  insoutenable 
dans  une  bataille,  à la  haute  renommée,  et  qui  est  même 
incomparable  en  vaillance.  (De  la  sionre  2,003  jutqu’à  la 
stance  2,011.) 

» Environné  d’une  armée  complète,  il  est  venu  se 
joindre  aux  fils  de  Pàndou.  Ils  vous  ont  attaqués  par  le 
Vasoudévide,  qui  est  l’asile  des  Pândouides,  comme  Indra 
est  celui  des  Dieux.  Ils  vous  ont  attaqués,  éminent  Bliara- 
tide,  avec  ces  deux  héros,  Çarabha,  le  frère  du  souverain 
de  Tchédi,  et  Karakarsha,  joint  à lui.  Sahadéva  le 
Djàrâsandhide  et  Djayatséna,  deux  2,012-2,013-2,014. 

» Héros,  sans  rivaux  dans  le  combat  des  chars,  ont  em- 
brassé le  parti  des  fils  de  Pàndou.  Droupada  à la  grande 
splendeur,  environné  d’une  nombreuse  armée,  2,015. 

o Résolu  d’abandonner  sa  vie  pour  les  Pândouides,  se 
tient  prêt  à combattre.  Ces  rois  et  d'autres  monarques 
sont  en  grand  nombre,  par  centaines,  de  l’orient  et  du 
nord,,  et  Dharmaràdja,  appuyé  sur  eux,  résiste  de  pied 
ferme.  » 2,010 — 2,017. 


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OLDYOGA-PARVA. 


29 


« Tous  ces  rois,  que  tu  viens  de  nommer,  répondit 
Dhritarâshtra,  sont  capables  d'un  grand  effort  ; d’un  côté, 
sont  tous  ces  princes  rassemblés,  et  de  l’autre  est  Rhlma 
seul.  2,018. 

» Bhtmaséna,  irrité,  furieux,  m’inspire  une  crainte 
encore  plus  vive  que  tous  ces  rois'  : de  môme  est  saisi  de 
peur  un  grand  daim  à la  vue  d’un  tigre.  2,019. 

» Poussant  de  longs  et  brûlants  soupirs,  la  crainte  de 
Vrikaudara  me  réveille  toutes  les  nuits,  comme  le  sou- 
venir d’un  lion  tient  éveillé  une  .autre  espèce  de  bé- 
tail. 2,020. 

» Je  ne  vois  pas  dans  cette  armée  un  homme  capable  de 
supporter  dans  un  combat  ce  héros  aux  longs  bras,  d’une 
vigueur  égale  à celle  de  Çakra.  2,021. 

» L’irascible  fds  de  Prithà  et  de  Pàndou,  aux  inimitiés 
constantes,  à la  voix  de  tonnerre,  fou  île  fureur,  qui 
regarde  de  travers  et  ne  rit  point  des  plaisanteries,  au 
grand  effort,  â la  grande  fougue,  aux  longs  bras,  à la 
grande  force,  immolera  dans  un  combat  mes  fils  insen- 
sés. 2,022—2,023. 

» Portant  sa  massue,  comme  la  mort,  son  bâton  à la 
main,  Ventre-de-loup,  le  taureau  des  enfants  de  Kourou, 
les  saisira  dans  la  bataille  par  sa  vigoureuse  étreinte. 

» Je  verrai  continuellement  levé  dans  ma  pensée, 
comme  le  bâton  d'un  brahme , cette  massue  de  fer, 
épouvantable,  à huit  angles,  aux  ornements  d’or. 

2,024—2,025. 

» Bhtma  se  promènera  au  milieu  de  mes  armées,  tel 
qu’un  lion,  de  qui  la  force  est  nouvellement  acquise,  se 
promènerait  au  milieu  des  troupeaux  de  gazelles.  2,020. 

» Ce  glouton  à la  vaillance  inhumaine  est  le  principal 


30 


LK  MAHA-BHARATA. 


adversaire  de  tous  mes  fils  : la  légèreté  est  toujours  la 
compagne  du  jeune  âge!  2,027. 

» Mon  coeur  tremble  ; cet  homme  broiera  comme  un 
éléphant,  malgré  leur  jeunesse,  Douryodhana  et  les 
autres,  qui  m’appartiennent,  ses  rivaux  dans  le  com- 
bat. 2,028. 

» Mes  fils  sont  continuellement  effrayés  de  sa  vigueur  : 
Bhîma  à la  force  épouvantable  est  cause  même  de  leurs 
divisions.  2,029. 

» Je  vois  devant  mes  yeux,  pour  ainsi  dire,  Bhîma 
rempli  de  colère,  qui  dévore  dans  le  combat  mes  armées 
de  chevaux,  d’éléphants  et  d’hommes.  2,030. 

» Qui  pourrait  soutenir  une  bataille  avec  Bhîma,  égal 
pour  les  astras  A Drona  et  Arjouna,  égal  en  légèreté  à la 
vitesse  du  vent,  égal  pour  la  colère  au  souverain  Sei- 
gneur? 2,031. 

» Parle-moi,  Sandjaya,  de  la  colère  du  héros  Bhîma! 
Je  regarde  comme  le  plus  grand  de  tous  les  bonheurs  que 
mes  fils  intelligents  n’aient  pas  tous  été  tués  par  cet  im- 
molateur  des  ennemis,  dont  la  terrible  vigueur  abattit 
jadis  les  Rakshasas  et  les  Yakshas!  2,032 — 2,033. 

» Continent  un  enfant  de  Manou  supporterait  il  dans 
un  combat  la  fougue  de  ce  guerrier?  Jamais,  dans  son 
enfance  même,  Sandjaya,  il  ne  demeura  sous  ma  puis- 
sance : 2,03A. 

» A plus  forte  raison  maintenant  que  mes  coupables 
fils  ont  abreuvé  de  chagrins  ce  fils  de  Pândou  1 Un  rus- 
tique semeur  sera  excessivement  brisé,  mais  il  ne  se  cour- 
bera point.  2,035. 

» Comment  Vrikaudara  au  regard  de  travers,  aux 
sourcils  contractés,  éteindrait-il  sa  colère?  Comment  ce 


OUDYOG  V-PAUVA. 


31 


héros  iiTésistible,  semblable  à un  grand  palmier,  se  cour- 
berait-il  (1)?  2,036. 

» La  taille  de  Bhîmaséna  surpasse  d’une  paume  celle 
d’Arjouna  : il  dépasse  les  coursiers  en  rapidité,  il  excelle 
en  vigueur  sur  les  éléphants.  2,037. 

Le  vigoureux  Pândouide,  que  sa  naissance  place  au 
milieu  de  ses  frères,  a les  yeux' doux  et  le  murmure  de 
la  prière  indistinct  ! « Ainsi  l’ai-je  ouï  dire  jadis,  an 
temps  passé  de  leur  enfance,  b.  la  bouche  même  de 
Vyâsa.  2,038. 

» Excellent,  en  vérité,  par  ses  formes  et  son  courage, 
l’irascible  fils  de  Pàndou,  le  plus  brave  des  combattants, 
Bhima,  toujours  en  colère,  furieux  dans  les  combats,  ren- 
versera avec  sa  valeur  cruelle  et  sous  sa  massue  de  fer  les 
chevaux,  les  guerriers,  les  éléphants  et  les  chars. 

2,039—2,040. 

» Jadis,  traité  par  moi  avec  mépris,  il  forcera  mes  armées 
à prendre  la  fuite.  Gomment  mes  fils  supporteront-ils, 
ami,  sa  pesante  massue  de  fer,  sans  noirceur,  toute  dorée, 
aux  beaux  lianes,  qui  tue  cent  guerriers  à la  fois  avec  le 
bruit  de  cent  massues?  Les  insensés,  ils  auront  le  désir 
de  traverser,  mon  ami,  ce  défilé,  que  jettera  devant  eux 
Bhtmaséna,  cette  mer  sans  rivage,  profonde,  sans  radeau, 
rapide  comme  les  (lèches.  Orgueilleux  de  leur  science, 
ces  enfants  n’écoutent  pas  mes  gémissements  ! 

2,041—2,042—2,043. 

» Ceux,  qui  cherchent  du  miel,  ne  méprisent  pas  un 


(1)  Gaâurn v,  que  nous  dérivons  de  guru,  avec  le  sens  passif)  être  res- 
pectueux, se  mettre  dons  l'attitude  du  respect,  sens,  que  ne  lui  <lonne;  il 
est  vrai,  aucun  de  nos  dictionnaires. 


32 


LE  MAHA-BHAHATA. 


précipice  épouvantable,  et  c'eut  pourtant  ce  qu’ils  font, 
eux,  qui  vont  engager  cette  guerre  avec  la  mort  sous  la 
forme  d’un  homme!  2,044. 

» Sans  cesse,  ils  sont  poussés  par  le  Destin  comme  des 
gazelles  sous  la  griffe  d’un  lion.  Comment  mes  lils  sup- 
porteront-ils, ami,  la  massue  bien  attachée,  à la  force  sans 
mesure,  aux  quatre  angles,  aux  six  tranchants,  lancée  par 
ce  guerrier,  qui  fait  tournoyer  l’arme  brisant  le  crâne  des 
éléphants;  2,045 — 2,040. 

n Qui  lèche  les  deux  angles  de  sa  bouche,  qui  répand 
à chaque  instant  des  larmes,  qui  enfante  des  bruits  épou- 
vantables par  la  chute  des  éléphants  ; 2,047. 

» Qui  se  pécipite,  comme  les  proboscidiens  enivrés, 
résistants  à ses  coups,  qui,  se  plongeant  dans  les  routes 
des  chars,  fait  son  but  des  plus  vaillants  guerriers  et  les 
immole?  2,048. 

» Puisse  ma  race  échapper  à ce  feu,  pour  ainsi  dire, 
flamboyant!  S’ouvrant  un  chemin  et  dispersant  mes 
armées,  ce  guerrier  aux  longs  bras,  comme  s'il  dansait, 
la  massue  à la  main,  fera  voir  aux  yeux  la  (in  de  l'youga. 
Tel  qu'un  éléphant  enivré,  qui  brise  les  arbres  en  fleurs, 

2,049—2,050. 

o Vrikaudara  verra  dans  le  combat  l’année  de  mes 
fils;  il  rendra  les  chars  sans  guerriers,  il  rendra  sans  con- 
ducteurs les  chevaux  et  les  étendards!  2,051. 

Ce  héros,  le  plus  éminent  des  hommes,  brisera  les  guer- 
riers montés  sur  des  chevaux,  sur  des  éléphants,  sur  des 
chars,  comme  le  rapide  coure  de  la  Gangâ  emporte  les 
arbres  divers  de  ses  humides  rivages.  2,052. 

» II  rompra  dans  la  bataille,  Sandjaya,  les  armées  de 
mes  fils!  La  crainte  de  Bhlmaséna  dispersera  sans  doute 


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OUDA'OGA-PARV  A. 


33 


à tous  les  points  du  ciel,  Sandjaya,  les  rois  mes  serviteurs 
et  mes  fils  en  proie  à la  peur  : Bhimasèna , par  qui,  entré 
jadis  dans  le  gynœcée  et  secondé  par  le  Vasoudévide , 
fut  abattu  le  roi  Djarâsandha  à la  grande  vigueur!  Cette 
immense  terre  brûlait  entièrement  dans  le  feu  du  puissant 
roi  de  Magadha,  de  f harbile  Djaràsandha,  qui  l'avait  réduite 
sous  sa  puissance.  Si,  grâce  à l'excellence  de  Bhlshma, 
grâce  à la  sage  politique  des  Vrishnides  et  des  Andhakas, 
tous  tes  hommes  n’ont  pas  été  courbés  sous  sa  domination, 
ce  fut  une  chose  toute  divine.  Mais  il  a sufli  d'un  instant 
avec  la  force  des  bras  à ce  héros,  fils  de  Pàndou,  pour 
l’étendre  mort  à ses  pieds  : est-il  rien  de  supérieur  à cet 
exploit?  Il  déchargera  dans  le  combat  sa  vigueur  sur  mes 
fils,  Sandjaya,  tel  qu'un  serpent  vomit  le  poison  amassé 
pendant  un  long  espace  de  temps  ! De  même  que  le  grand 
Indra  jadis  extermina  les  Dânavas  sous  les  coups  de  sa 
foudre,  de  même  Bhlmaséna,  la  massue  à la  main,  immo- 
lera mes  fils.  Je  vois  déjà,  pour  ainsi  dire,  Bhlmaséna,  qui 
accourt,  les  yeux  tout  enflammés  de  colère,  avec  son  cou- 
rage et  sa  fougue,  qui  donnent  la  mort,  qn’on  ne  peut,  ni 
soutenir,  ni  empêcher.  Quel  homme  tiendrait  de  pied 
ferme,  vis-à-vis  de  ce  héros  corpulent,  qui  livre  bataille 
sans  char,  sans  cuirasse,  sans  arc,  à la  seule  force  des 
bras?  Kripa  le  Çaradvalide,  le  brahme  Drona  et  Bhlshma 
savent  que  je  connais  la  vigueur  de  cet  habile  guerrier. 
Désirant  la  fin  de  cette  guerre,  ces  personnes  éminentes, 
à qui  le  devoir  des  nobles  hommes  n’est  pas  inconnu,  se 
tiendront  aux  premiers  rangs  de  l'armée  des  miens.  Lt, 
Destin  est  surtout  plus  fort  que  l'homme  en  tous  lieux, 
(De  tu  stance  '2,053  à la  stance  2,065.) 

>,  Puisque,  voyant  d'ici  la  victoire  des  Pândouides,  je 
vi  3 


SA 


LE  MAHA-BHARATA. 


n’arrête  pas  mes  fils!  Réfugiés  dans  l’antique  route  d’In- 
dra, ces  héros  sacrifieront  leur  vie  dans  le  combat,  mais 
sauront  conserver  leur  gloire  de  princes.  De  même  que 
les  miens  sont  les  petits-fils  de  Uhlshina,  les  disciples  de 
Drona  et  de  Kripa,  de  même  les  Pàndouides,  mon  ami, 
ont  également  cette  qualité.  C’est  nonobstant  cela,  Sati- 
djaya,  que  ces  trois  vieillards  feront,  suivant  la  noblesse 
de  leur  caractère,  l’effacement  de  cette  i/ualilé,  en  nous 
donnant  un  peu  de  leur  assistance  désirée.  La  mort  sur  un 
champ  de  bataille  est  très-belle  ; c'est  la  plus  désirable, 
dit-on,  pour  un  kslmtrya,  qui  a reçu  les  armes,  et  qui  veut 
accomplir  les  devoirs  de  la  caste  guerrière.  Je  plains  le 
sort  de  ceux,  qui  veulent  combattre  avec  les  fils  de  Pàn- 
dou.  (De  In  stance  2,0(i5  à la  stance  2,069.) 

» Le  voilà  arrivé  ce  danger,  que  déplorait  Vidoura  au 
commencement!  Mais  la  connaissance  du  mal,  Sandjaya, 
n'était  pas  capable,  à mon  avis,  de  l’empêcher.  2,070. 

» Très-fort  est  ce  pouvoir  de  troubler  donné  à la  con- 
naissance ! Ceux  qui  ne  sont  pas  domptés,  tussent-ils 
des  saints,  voient  le  monde  effectuer  sur  eux  sa  prise. 

» Ils  sont  heureux  par  les  plaisirs,  ils  sont  affligés  par 
les  peines  : à plus  forte  raison,  l'homme  attaché  çà  et  là 
de  mille  manières  au  délire  ! 2,071 — 2,072. 

» Je  suis  dans  les  angoisses  pour  mon  royaume,  pour 
mon  épouse,  pour  mes  petits-fils,  pour  mes  amis,  pour 
mes  fils.  Ah  ! ma  félicité  n’est-elle  pas  extrême  au  comble 
du  pouvoir  ! 2,073. 

» Je  vois  dans  ma  pensée  la  mort  elle-même  des  en- 
fants de  Kourou  : une  grande  infortune,  qui  a dans  le  jeu 
son  origine,  menace  les  kourouides.  2,07A. 

» Ce  fut  la  cupidité,  je  pense,  qui  inspira  cette  faute 


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OUDYOGA-PAIIV  A. 


35 


par  uu  désir  insensé  du  pouvoir.  Tel  est  le  propre  du 
temps,  qui  marche  sans  cesse.  2,075  (1). 

» 11  est  aussi  impossible  de  s’en  défendre,  que  ne  peut 
t’empêcher  de  tourner  le  cercle  de  fer,  attaché  à une 
roue.  Que  ne  ferai-je  pas?  Comment  agini-je?  Où  irai-je, 
Sandjaya?  2,080. 

u Us  périront,  ces  stupides  enfants  de  Kourou,  tombés 
sous  la  puissance  de  la  mort  ; et  moi  alors,  mon  ami,  mes 
cent  fils  étant  immolés,  j'entendrai  nécessairement  les 
gémissements  des  femmes.  Quand  la  mort  posera-t-elle 
sa  main  sur  moi  ! 2,082 — 2,083. 

» De  même  qu’excitée  par  le  vent,  au  temps  de  la  sai- 
son chaude,  la  flamme  allumée  consume  toute  unejforêt  ; 
de  même,  accompagné  d’Arjouna,  le  Pândouide  Bhîma , 
sa  massue  à la  main,  écrasera  mes  fils.  2,08â. 

» J’ai  beau  continuellement  y penser,  je  ne  vois  per- 
sonne, qui  puisse  marcher  dans  la  guerre  égal  avec  son 
char  à l’arc  Gândiva  du  héros  Arjouna,  de  qui  jamais  les 
paroles  fausses  n’ont  frappé  nos  oreilles,  à qui  appar- 
tiendra l’empire  des  trois  mondes!  2,085 — 2,086. 

» Qui  que  ce  soit  ne  s’ avancera  jamais  en  bataille  égal 
à cet  arc  Gàndiva,  qui  lance  des  flèches,  des  traits,  des 
dards  barbelés,  déchirant  le  cœur.  2,087. 

» Si  Droua  et  karna  marchaient  contre  lui,  ces  deux 
héros,  éminents  hommes,  consommés  dans  les  armes,  les 
plus  excellents  des  forts  et  qui  n’ont  jamais  subi  une  dé- 
faite dans  les  batailles,  2,088. 

» Le  monde  courrait  un  grand  danger  ; mais  il  n’y  a 
point  là  de  victoire  pour  moi.  Karna  est  injurieux  dans 


(I)  L'édition  de  Calcutta  numérote  cette  stance  2,080;  elle  fait  une 
erreur  de  cinq  chiffres. 


36 


LE  MAHA-BHAltATA. 


ses  paroles,  il  est  ivre  de  fureur.  L’Atchâryà  est  un  vieux 
gourou,  2,089. 

» Au  lieu  que  le  Prithide  est  capable,  plein  de  vigueur  ; 
il  a un  arc  solide,  il  a vaincu  la  fatigue  ! Il  y aura  une 
guerre  horriblement  tumultueuse  ; mais  tout  A fait  sans 
défaite  de  C une  et  de  l’autre  part.  2,090. 

» Tous  ces  héros  connaissent  les  astras,  ils  ont  acquis 
une  grande  gloire  ; ils  céderaient  l'empire  de  tous  les 
Immortels,  mais  la  victoire  jamais  ! 2,091. 

» Si  ces  deux  guerriers  ou  si  Phâlgouna  succombaient, 
peut-être  aurait-on  la  paix  ; mais  le  combattant,  qui  doit 
tuer  Arjouna,  n’existe  pas,  et  l’on  ne  trouve  personne, 
qui  puisse  remporter  une  victoire  sur  lui  ! 2,092. 

» ('.uniment  se  calmerait  sa  colère  soulevée  contre  des 
insensés?  Les  autres  connaissent  les  armes,  ils  vainquent 
et  sont  vaincus.  2,093. 

» Mais  une  victoire  merveilleuse  de  Phâlgouna  est 
venue  à nos  oreilles,  il  a rassasié  Agni,  cocher,  pendant 
trente-trois  années  dans  le  Khàndava  ! 2,094. 

» Il  a vaincu  tous  les  Dieux,  et  nous  ne  sachions  pas 
qu’il  ait  subi  une  défaite,  ce  guerrier,  de  qui  Hrishîkéça, 
semblable  à la  vertu  même,  sera  le  cocher  dans  la  guerre. 

» Telle  que  fut  la  victoire  d’Indra,  telle  assurément 
sera  sa  victoire.  De  ce  que  les  deux  Krishna  sont  portés 
sur  un  même  char  et  que  l’arc  Gàudlva  est  muni  de  sa 
corde,  2,095—2,096. 

» Nous  avons  ouï  dire  que  c’est  la  réunion  de  trois 
forces  eu  faisceau  : il  n’existe  pas  un  tel  arc  pour  nous, 
ni  un  tel  combattant,  ni  un  tel  conducteur  de  char. 

» (Vest-là  ce  que  ne  savent  pas  les  insensés,  qui  suivent 
la  volonté  de  Douryodhaua.  La  foudre,  tombant  sur  leur 
tête,  Sandjaya,  pourrait  épargner  leur  vie;  2,097-2,098. 


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OUDYOG  A-PARVA. 


37 


» Mais  les  flèches,  envoyées  par  Kirili,  ne  laisseront  pas 
survivre  un  seul  parmi  eux.  Il  me  semble  déjà  voir 
Dhanandjayn  lancer  des  traits,  immoler  ses  ennemis, 

» Enlever  du  corps  les  têtes  sous  une  averse  de  flèches, 
partie  de  l'arc  Gàndiva  ! Une  lumière  faite  de  traits, 
enflammée  de  tous  les  côtés,  pour  ainsi  dire,  consumera 
sur  le  champ  de  bataille  l’armée  de  mes  fils.  11  me  semble 
déjà  voir,  épouvantée  de  mille  manières,  l'armée  Bba- 
ratienne  s’enfuir,  saisie  de  terreur  au  bruit  du  chai-  de 
l’Ambidextre  ! De  même  qu’un  grand  feu,  courant  de  tous 
les  côtés,  incendierait  une  forêt,  de  même,  une  vaste 
flamme,  excitée  par  le  vent,  brûlera  mes  fils, 

2,099—2,100—2,101—2,102—2,103. 

» Quand,  aussi  insatiable  que  la  mort,  créée  par  Brahma 
pour  enlever  tout,  l’homicide  Arjouna  dans  la  bataille, 
vomira  les  multitudes  de  ses  flèches  acérées  ; 2,104. 

» Quand,  à chaque  instant,  partout,  j'entendrai  san- 
glotter,  mon  ami,  des  gémissements  de  bien  nombreuses 
manières  dans  le  palais  des  enfants  de  Kourou.  C’est  ainsi 
que  la  mort,  assurément  ! visitera  les  Bharatides  sur  le 
front  du  champ  de  bataille.  » 2,105. 

Le  vieux  monarque  de  continuer  ses  plaintes  : 

« Tels  que  les  courageux  Pàndouides  désirent  la  victoire, 
tels  leurs  compagnons,  prêts  à sacrilier  leur  vie,  sont 
résolus  à vaincre.  2,106. 

» Toi,  mon  ami,  détruis  mes  courageux  ennemis,  les 
rois  du  Pânlchàla  et  du  .Magadha,  les  monarques  Ké- 
kayains  et  Matsyas.  2,107. 

» Krishna,  ce  sage,  le  plus  vertueux  de  l’univers,  qui,  s’il 
désirait  ces  mondes  et  Indra  avec  eux,  les  réduirait  sous  sa 
puissance,  est  déterminé  à vaincre  pour  les  fils  de  Pândou. 


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38 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Sàtyaki-Oalnéya,  qui  aura  bientôt  acquis  la  science 
entière  d’Arjouna,  se  tiendra,  dispersant  au  milieu  du 
combat,  ses  flèches  comme  la  semence.  2,109. 

» Dhrishtadyoumna,  le  héros  de  Pàntcbàla,  aux  œuvres 
inhumaines,  qui  sait  les  plus  grands  des  astras,  exercera 
dans  la  bataille  sa  valeur  sur  mes  armées.  2,110. 

» La  colère  d'Youdhishthira,  la  vaillance  d’Arjouna,  les 
deux  jumeaux,  et  Bhlmaséna  sont,  mon  ami,  les  causes 
de  ma  crainte.  2,111. 

» Mes  armées,  Sandjaya,  n'échapperont  pas  à ce  filet 
surhumain,  que  ces  lndras  des  hommes  vont  jeter  au 
milieu  d’elles,  et  de  là  viennent  mes  gémissements. 

» Le  fils  de  Pàndou  est  vertueux,  intelligent,  spirituel, 
admirable  à voir  ; il  est  favorisé  de  la  fortune,  il  a la  science 
complètement  acquise  ; sa  splendeur  est  celle  de  Brahma. 

» Il  est  bien  doué  de  ministres  et  d’amis,  il  est  doué 
d’hommes  de  guerre,  il  est  doué  de  frères,  de  beaux-pères 
et  de  héros  aux  grands  chars.  2,112^-2,113—2,114. 

» Ce  Pàndouide,  le  premier  des  hommes,  possède  la 
fermeté,  la  modestie,  l'humanité  et  la  pudeur  ; il  est  élo- 
quent, et  son  courage  est  une  vérité.  2,116. 

» Les  Védas  lui  sont  familiers,  il  a subjugué  son  âme, 
il  respecte  les  vieillards,  il  a vaincu  ses  organes  des  sens. 
Cet  homme  est  doué  de  toutes  les  vertus,  il  ressemble  au 
feu  allumé,  qui  brûle.  Est-il  un  insensé  à l’âme  perdue, 
possédé  du  désir  de  la  mort,  qui  voudrait précipiterson  vol, 
comme  un  insecte-ailé,  dans  ce  feu  des  Pàndouides,  qu'on 
ne  peut  airôter.  2,116 — 2,117. 

» Ai-je  honoré  en  vain  le  roi  Çikhi  à la  haute  taille? 
Ne  fera-t-il  pas,  dans  la  guerre,  une  destruction  de  mes 
fils  insensés  ? 2,118. 


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OU  l)Y  OG  A-PARV  A. 


30 


» Je  pense  qu'il  est  bon  de  ne  pas  se  mettre  en  guerre 
avec  eux  : écoutez  ce  conseil,  enfants  de  Kourou!  La 
guerre  entraînera,  pour  sûr,  la  perte  de  nia  famille  en- 
tière. 2,119. 

» Voilà  quelle  est  ma  pensée  suprême.  Mon  âme 
retrouve  ainsi  le  calme,  si  vous  ne  désirez  pas  la  guerre, 
et  si  nous  faisons  nos  efforts  pour  le  maintien  de  la 
paix.  2,120. 

» Qu’Youdhishthira  jette  les  yeux  sur  des  hommes 
plongés  dans  l'infortune  ; puisse  le  devoir  de  sa  caste  lui 
inspirer  (1),  à cause  de  l’origine  commune,  le  désir  de 
me  sauver  moi-même  (2)  ! » 2,120. 

» 11  en  est  ainsi  que  tu  le  dis,  grand  monarque,  issu  de 
Bharata,  lui  répondit  Sandjaya.  On  verra  l'arc  Gàndiva, 
immoler  dans  la  guerre  l’ordre  des  kshatryas.  2,121. 

» Mais  je  ne  puis  comprendre  cette  conduite  de  toi, 
héros,  que,  sachant  la  nature  de  l'Ambidextre,  tu  mar- 
ches continuellement  sous  la  volonté  de  ton  fils.  2,122. 

a Ta  ne  mets  pas  toujours  le  temps  à profit,  grand  roi  ; 
car,  dès  le  commencement,  noble  fils  de  Bharata,  tu  as 
accablé  de  maux  les  Prithides.  2,123. 

» Le  meilleur  père  et  le  meilleur  ami,  est  celui,  de  qui 
l’âme  est  disposée  convenablement  : il  fera  certainement 
ce  qui  est  bien,  et  le  nom  d'un  père  malfaisant  ne  lui  est 
pas  donné.  2,12à. 

» Tu  as  ri,  comme  un  enfant  au  temps  du  jeu,  puis- 
sant roi,  quand  tu  as  appris  que  les  Pândouides  étaient 


(1)  ('•ougovpsati,  au  présent  de  l'indicatif,  sans  doute  par  hypallage. 

(2)  Nous  doublons  ce  chiffre  pour  nous  conformer  à l’édition,  qui  a fait 
erreur,  au  lieu  do  numéroter  '.a  stance  2,121. 


40 


LE  MAHA-BHARATA. 


vaincus,  que  ceci  était  gagné,  que  cela  était  acquis.  2,125. 

» Tu  as  toléré  qu'on  adressât  jadis,  aux  fils  de  Pàndou, 
des  paroles  injurieuses  : u Ils  ont  perdu  le  royaume 
entier!  as-tu  dit;  et  tu  n’as  pas  vu,  devant  toi,  ce  pré- 
cipice. 2,120. 

» Les  Kourouides,  Imm  ri/les  et  les  campagnes,  ce 
sont  là,  grand  roi,  ton  royaume  héréditaire;  ensuite,  tu 
as  reçu  toute  la  terre,  conquise  par  ces  héros.  2,127. 

» On  t'annonça  que  les  Prithides  avaient  subjugué 
l’univers  à la  force  des  bras  : « Cette  conquête,  c'est  moi, 
qui  l'ai  accomplie  ! » Telle  fut,  alors,  ta  pensée,  ô le  plus 
vertueux  des  rois.  2,128. 

» Quand  le  roi  des  Gandharvas  eut  dévoré  tes  fils,  et 
les  eut  plongés  dans  une  mer  sans  esquif  pour  en  fran- 
chir les  eaux,  ce  fut  encore  le  fils  de  Prithâ,  grand  roi, 
qui  te  les  ramena.  2,129. 

» Tu  as  ri,  comme  un  enfant,  sire,  mainte  et  mainte 
fois,  pendant  le  jeu  ; car,  les  Pândouides  étant  victimes 
de  la  tromperie  et  bannis  dans  les  forêts,  tu  pensais  que 
les  mers  elles-mêmes  d’ Arjouna,  faisant  pleuvoir  les  nom- 
breuses multitudes  de  ses  flèches  aiguës,  étaient  taries  et 
desséchées,  à plus  lorte  raison  les  matrices  où  était  né 
son  char!  2,130—2,131. 

» Phâlgonna  est  le  plus  excellent  des  archers,  le  Gàn- 
diva  est  le  premier  des  arcs,  Kéçava  est  le  plus  grand  de 
tous  les  êtres,  le  Sandarçana  est  le  plus  formidable  des 
tchakras!  2,132. 

» Et  le  singe  resplendissant  est  le  drapeau,  qui  do- 
mine tous  les  signifères  : tels  ils  sont.  Le  char,  que 
traînent  les  blancs  coursiers  dans  la  bataille,  2,133. 

» Détruira  ton  armée,  sire,  comme  le  disque  lancé  de 


OUDYOGA-PARVA. 


41 


la  mort.  Le  globe  entier  appartient  aujourd’hui,  éminent 
Bharatide,  à ce  monarque,  de  qui,  6 le  plus  vertueux  des 
rois,  Arjouna  et  Bliîma  sont  les  combattants.  Les  Kou- 
rouides,  qui  ont  pour  chef  Douryodhana,  iront  à la  mort, 
une  fois  qu'ils  auront  vu  ton  armée  innombrable  se 
plonger  dans  la  tombe,  sous  les  coups  de  Bhlma.  Tes  fils 
et  les  rois,  qui  les  suivent,  épouvantés  par  Arjouna  et 
Bhlma,  n’obtiendront  pas  la  victoire,  auguste  et  puissant 
monarque.  Les  Matsyas,  les  Pàntchàlains  et  les  Kékayas 
te  refusent  l’honneur  aujourd’hui. 

2,134—2,135—2,130—2,137. 

» Les  Çàlvéyas  et  tous  les  Çoùrasénas  te  méprisent. 
Tous  ces  peuples,  connaissant  la  bravoure  du  lils  de 
Prithâ,  se  sont  tournés  vers  ce  prudent  héros.  2,138. 

» Mais,  toujours,  tes  lils  les  avaient  empêchés  de  montrer 
leur  dévouement  pour  lui.  11  faut  arrêter,  par  tous  les 
moyens,  avec  ses  adhérents,  cet  homme  criminel,  ton 
fils,  puissant  roi,  qui  persécute,  de  ses  actes  iniques,  les 
fils  de  Pândou,  unis  au  devoir,  indignes  de  mourir,  et 
qui,  dans  ce  moment-ci  même,  est  toujours  leur  ennemi. 
Il  ne  faut  pas  l’accompagner  de  tes  plaintes,  si  tout  ce  qui 
fut  dit,  au  temps  du  jeu,  par  le  sage  Vidoura  et  par  moi, 
enfant  de  Bharata  ; si  les  plaintes  exhalées  par  Vishnou, 
au  sujet  des  Pàndouides,  si  tout  cela,  Indra  des  rois,  ne 
doit  pas  être  inutile.  » 2,139 — 2,140 — 2,141 — 2,142. 

« Tu  n’as  rien  4 craindre,  puissant  roi,  et  tu  n'auras 
pas  de  regrets  à nous  donner,  reprit  Douryodhana.  Nous 
sommes  capables,  auguste  sire,  de  vaincre  les  ennemis 
dans  la  bataille.  2,143. 

» Quand  le  meurtrier  de  Madhou,  à la  tète  d’une  nom- 
breuse et  puissante  armée,  qui  opprimait  les  royaumes 


42 


LE  MAH.V-BHARATA. 


étrangers,  vint  trouver  les  fils  de  Pândou,  exilés  au  milieu 
des  forêts,  2,144. 

» Les  Kékavides.etDhrishtakétou,  et  Dhristadyoumna 
le  Prisatide,  et  des  monarques,  suivirent  les  enfants  de 
Prit  h A,  et  d'autres,  en  grand  nombre,  furent  aussi  leurs 
suivants.  2,145. 

» Ces  héros  se  rassemblèrent  non  loin  d'Indraprastha, 
et  vomirent  des  injures  contre  ta  majesté,  qui  avait  réuni 
ses  Kourouides  sous  les  drapeaux.  2,146. 

» S'étant  mis  ensemble,  sous  la  préséance  de  Krishna, 
ils  habitèrent,  fils  de  Bharata,  auprès  d’Youdhishthira, 
leur  voisin,  revêtu  d’une  peau  d'antilope.  2,147. 

« Il  faut  restituer  le  royaume!  » dirent  ces  monarques, 
désirant  détruire  ta  majesté  avec  ses  adhérents.  2,148. 

■>  Alors  que  j’eus  appris  ces  paroles,  qu’ils  tenaient, 
sire,  je  parlai  à Bhishina,  Drona  et  Kripa.  Effrayés  et 
craignant  l'extermination  de  leurs  parents,  les  Pàndouides 
se  tinrent  dans  les  conditions  du  jeu;  telle  est,  du  moins, 
mon  opinion.  Le  Vasoudévide,  assurément!  désire  faire 
la  destruction  entière  de  nous  tous.  2,149—2,150. 

» Vous,  à l’exception  de  Vidoura,  vous  avez  tous  jus- 
tement, je  pense,  mérité  d’eux  la  mort;  tuais,  bn  doit 
respecter  la  vie  du  vertueux  Dhritaràshtra,  le  plus  excel- 
lent des  Kourouides.  2,151. 

v Quand  Djanàrdana.  aura,  mon  ami,  exécuté  cette 
extermination  de  nous  tous,  il  désire  remettre  à You- 
dhishthira  l’empire  universel  des  enfants  de  Kourou. 

» Qu’avons-nous  à faire  ici,  dans  le  moment  arrivé  ? 
Faut-il  nous  incliner  respectueusement  ? Devons-nous 
fuir?  Ou  plutôt  faire  le  sacrifice  de  nos  vies,  et  combattre 
nos  ennemis?  2,152 — 2,153. 


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OliDYOGA-PARVA. 


43 

» Si  nous  combattons  avec  eux,  objecte-t-on,  notre 
défaite  est  certaine.  Tous  les  princes  .suivent  la  volonté 
d’Youdhishthira.  2,154. 

» Les  royaumes  nous  sont  contraires,  nos  amis  sont 
irrités.  Honte  soit  donc  à tous  ces  princes,  à eux  et  leurs 
familles,  sans  exception  ! 2,155. 

» N’y  a-t-il,  pour  nous,  aucune  faute  à nous  incliner 
pour  un  salut,  nous  aurons  la  paix  des  années  éternelles; 
mais  je  plains  mon  père,  le  souverain  des  peuples,  éclairé 
par  l’œil  de  la  science.  2,1 56. 

» On  est  tombé  dans  cette  peine  à cause  de  moi, 
dit-on  : je  suis  l’auteur  de  cette  immense  douleur;  ce  sont 
tes  (ils,  qui  ont  jeté  cet  obstacle  devant  les  autres.  2,157. 

» Tu  as  connu,  jadis,  cette  chose  même,  ô le  plus 
grand  des  hommes,  par  les  informations,  que  je  t’ai 
données.  « Les  héros,  fils  de  Pàndou,  te  feront  la  guerre, 
Bharatide,  à toi,  le  roi  Dhritaràshtra,  et  à tes  ministres, 
jusqu'il  l'extermination  de  ta  famille.  » C'est  ainsi  qu’ont 
parlé  Drona,  Bhtshma,  Kripa  et  le  fils  de  Drona. 

2,158 — 2,159. 

» Ils  croyaient  que  j'avais  conçu  de  grandes  pensées  et 
que  F ambition  troublait  mes  sens.  Si  nos  ennemis  ont 
reçu  du  utal,  fléau  des  ennemis,  nous  n'avons  pas  à les 
craindre.  2,160. 

n Ces  ennemis  ne  sont  pas  capables  de  nous  vaincre, 
disposés  en  ordre  de  bataille,  et  nous  sommes  capables 
individuellement  de  vaincre  tous  les  princes,  seigneurs  de 
la  terre.  2,161. 

n Qu’ils  viennent  et  nous  rabattrons  leur  orgueil  sous 
nos  flèches  aiguës!  Jadis,  en  effet,  seul,  Bhtshma,  a triom- 
phé  de  tous  les  rois,  2,162, 


LE  MAHA-BHARATa. 


44 


o Très-irrité  de  la  mort  de  son  père,  ce  héros  des 
Kourouides,  dans  sa  fureur  contre  eux,  Bharatide  en  im- 
mola avec  un  seul  char  un  bien  grand  nombre.  2,163. 

» Ensuite  la  crainte  les  conduisit  à solliciter  le  secours 
du  noble  Dévavrata.  Il  sera  accompagné  de  nous  dans  la 
guerre,  ce  Bhlsbma,  très-capable  de  vaincre  les  ennemis. 
Que  l’elFroi  s'en  aille  donc,  exilé  de  ton  cœur,  éminent 
Bharatide.  Telle  fut  en  ce  temps  la  détermination  de  ces 
princes  à la  force  sans  mesure.  2,164 — 2,165. 

» Ce  globe  entier  fut,  il  est  vrai,  réduit  jadis  sous  la 
puissance  de  nos  ennemis;  mais  ils  ne  sont  pas  capables 
aujourd’hui  de  nous  vaincre  sur  un  champ  de  bataille. 

» Nos  rivaux  on:  les  ailes  coupées,  la  vigueur  est  re- 
tranchée aux  fils  de  Pàndou  ; la  terre  marche,  accoutu- 
mée à iTous,  taureau  des  Bharalides.  2,166 — 2,167. 

» Les  princes  de  ton  parti  sont  amenés  sous  un  même 
sentiment  à partager  le  plaisir  et  la  douleur:  ils  entre- 
raient, fléau  des  ennemis,  soit  dans  le  feu,  soit  dans  la 
mer  elle-même.  2,168. 

» Tous  ces  princes,  sache-le,  ô le  plus  excellent  des 
Kourouides,  rient  ici  de  ta  douleur  à cause  de  moi, 
comme  d’une  folie.  2,169. 

» lit  rient  que  tu  te  plaignes  de  maintes  manières, 
que  tu  sois  effrayé  dans  la  jactance  des  ennemis.  Chacun 
de  ces  rois  est  capable  individuellement  face  à face  des 
Pàndouides.  2,170. 

» Chacun  s’estime  soi-mèmc.  Que  cette  crainte,  tom- 
bée sur  toi,  s’en  aille  ! Indra  même  ne  pourrait  vaincre 
toute  mon  armée!  2,171. 

» Cette  forme  éternelle  de  Brahma,  l'Être,  qui-existe- 
par-lui-mème,  ne  saurait  la  détruire.  Renonçant  à la 


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OU  D YOGA-PAll  VA. 


45 


ville,  Youddhishthira  demandait  cinq  villages,  2,172. 

» Époux  anté  de  mon  armée,  sire,  et  de  ma  puissance 
supérieure.  Si  tu  penses  que  Vrikaudara,  lefilsdeKountt, 
est  capable  de  me  résister,  2,173. 

» C'est  à tort  ! car  tu  ne  connais  pas,  rejeton  de  Bha- 
rata, toute  ma  puissance.  Il  n'est  personne  égal  à moi 
. sur  la  terre  au  combat  de  la  massue.  2,174 . 

» Il  n’y  eut  jamais  personne,  et  jamais  il  ne  sera  per- 
sonne, qui  me  surpasse;  je  suis  absorbé;  dans  la  médita- 
tion, j'ai  habité  dans  la  douleur  et  je  suis  allé  au  rivage 
ultérieur  de  la  science.  2,175. 

u II  n'existe  de  moi  aucune  crainte,  ni  pour  ce  Bhlrna, 
ni  pour  les  autres  ; il  n’y  a pas  d’égal  à Douryodhana 
pour  l'art  de  manier  la  massue:  c’est  la  vérité I 2,176. 

» Heureusement  pour  toi,  j'ai  habité  jadis  chez 
Sankarshana.  11  n'est  pas  sur  la  terre  un  homme  supérieur 
en  force  à Sankarshana  dans  la  guerre.  2,177. 

» Jamais  Bhima  ne  supportera  un  coup  de  mon  pilon 
dans  la  bataille  ! 11  suffira  que  je  donne,  sire,  un  seul 
coup  de  massue  4 Bhima,  dans  ma  colère.  2,178. 

» Ce  coup  épouvantable  seul  le  fera  descendre  bien 
vite  dans  les  demeures  d'Yatna;  mon  plus  grand  désir 
est  de  voir,  sire,  Ventre-de-Loup  devant  moi  sa  massue 
à la  main  ! 1,179. 

n Voilà  ce  que  j'ai  demandé  bien  longtemps  ; j'eus 
toujours  ce  désir  ; que  Vrikaudara,  le  (ils  de  Prithà,  gise 
sur  le  champ  de  bataille,  frappé  de  ma  main  sous  un  coup 
de  massue.  2,180. 

» Tel  que  le  mont  Himalaya  même,  il  tombera  sur  la 
terre,  sans  vie,  les  membres  rompus,  atteint  par  le  dé- 
chaînement de  mon  pilon  ! 2,181. 


48 


LE  MAHA-BHARATA. 


» 11  faut  que  je  brise  une  fois  ce  mont  en  cent  mille 
fragments  ! 11  n'ignore  point  cela  : le  Vasoudévide  et 
Arjouna  le  savent  aussi,  2,182. 

o Que  Dourvodhana  n'a  pas  d'égal  pour  C art  de  manier 
la  massue,  » c’est  une  vérité.  Puisse  donc  cette  crainte, 
que  Ventre-de-Loup  t’inspire,  s'en  aller  de  ton  cœur 
dans  cette  grande  bataille  ! 2,183. 

» J'écarterai  cet  homme,  sire  1 Ne  sois  donc  pas  dans 
la  perplexité  ! Quand  je  l'aurai  tué,  des  chars  nombreux, 
de  forme  égale,  ou  même  supérieure,  auront  bientôt  re- 
jeté, éminent  Bharatide,  cet  Arjouna  hors  du  champ  de 
bataille.  Bhisbma,  Drona,  kripa,  Açvvattliàman,  karna  et 
Bhoôriçravas,  Çalva,  le  souverain  du  Prâgdjyotisha,  et 
Djayadratba,  le  monarque  du  Sindhou,  chacun  de  ces 
rois  est  individuellement  capable,  fils  de  Bharata,  de 
terrasser  les  Pàndouides.  2,184—2,185 — 2,188. 

» Mais  sont-ils  réunis,  un  seul  instant  leur  sullira  pour 
les  jeter  dans  les  demeures  d' Varna  ? Pourquoi  Arjouna 
serait-il  le  seul,  que  l'armée  entière  des  princes  ne  put 
vaincre?  11  n’en  existe  aucune  raison  1 Le  lils  de  Prithà 
s'en  ira  dans  le  séjour  d’Yarna,  sous  les  multitudes  de 
flèches,  lancées,  par  centaines  et  par  milliers,  des  mains 
de  Drona,  de  son  lils,  de  kripa  et  de  Bhishma  ! Mon 
arrière-grand-oncle,  le  fils  de  la  Gangà,  compte,  noble 
Bharathide,  au-dessus  de  lui  Çà.itanon. 

2,187—2,188—2,189. 

« Il  naquit  égal  aux  Brahmarshis  et  bien  difficile  à 
supporter  par  les  Dieux  eux-mêmes.  Sur  la  terre,  il 
n’existe  personne,  à qui,  sire,  il  soit  donné  de  tuer 
Bhisbma  ! 2,190. 

» Le  sage,  qui  fut  sou  père,  lui  dit  ces  paroles  : « Tu 


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OUDYOGA-PAHVA. 


A7 


ne  mourras  pas,  que  tu  ne  le  veuilles  ! » Drona  naquit 
dans  une  aiguière  du  bramarshi  Bharadwàdja.  2,191. 

» Drona,  grand  roi,  engendra  Açwatthàman,  qui  sait 
les  plus  puissants  des  astras;  et  Kripa,  le  plus  grand  des 
maîtres  spirituels,  doit  le  jour  au  brahmarshi  Gutamide. 

» Cet  être,  qui  est  né  d'un  faisceau  de  flèches,  11e  doit 
pas  mourir  ; c’est  mon  opinion.  J'ai  pour  mon  père,  ma 
mère  et  mon  oncle  ces  trois  personnes,  qui  n'ont  pas  reçu 
la  naissance  au  sein  d'une  mère.  2,192 — 2,193. 

a Açvatthâman  se  présente  à mes  yeux  comme  un 
héros,  puissant  roi  I Tous  ces  guerriers  aux  grands  chars 
sont  égaux  eux-mêmes  aux  Immortels.  2,194. 

» Us  jetteraient  l'effroi  dans  une  guerre,  éminent  Bha- 
ratide,  au  coeur  de  Çaitra  lui-même.  Arjouna  n'est  pas 
capable  de  regarder  l’un  après  l'autre  aucun  de  ces 
guerriers.  2,195. 

» Ils  tueront  de  concert  Dhanandjaya,  tigre  des  hommes; 
Karna  est  égal,  suivant  mdi  à Bhlsluna,  Drona  et  Kripa. 

» Balarâuia  t’a  salué  de  ces  mots,  rejeton  de  Bharata  ; 
« Tu  es  semblable  à moi  ! » Karna  possédait  une  paire  de 
pendeloques  naturelles,  superbes,  éblouissantes. 

2,196—2,197. 

» Elles  furent  sollicitées  à ce  fléau  des  ennemis  par 
Mahéndra  pour  Çatchi,  son  épouse,  en  échange,  d'une 
lance  de  fer,  au  coup  certain,  extrêmement  épouvantable. 

» Il  est  armé  de  cette  lance  I comment  Dhanandjaya 
pourrait-il  vivre?  La  victoire  est  assurément,  sire,  comme 
un  fruit  placé  dans  ma  main.  2,198 — 2,199. 

» La  défaite  entière  des  ennemis  sur  la  terre  est  évi- 
dente; en  eflét,  Bhishma,  dans  un  seul  jour,  lils  de 
Bharata,  peut  tuer  un  million  d'hommes!  2,200. 


âS  LE  MAHA-BHARATA. 

» Drona,  son  fils  et  Kripa  même  sont  des  héros  à lui 
pareils  : nous  avons,  fléau  des  ennemis,  une  ligue  de 
kshatryas,  liés  par  ce  serment  : 2,201. 

« Nous  tuerons  Arjouna  ! ou  nous  tomberons  tués  par  le 
guerrier,  qui  a pour  son  étendard  un  singe!  » Cela  suffit, 
pensent  tous  ces  princes,  qui  sont  propres  â la  mort 
d' Arjouna.  Pourquoi  ta  majesté  est-elle  troublée  sans 
raison  par  eux  ? Bliimaséna  tué,  quel  autre  des  ennemis 
nous  fera  la  guerre,  fils  de  Bharata?  Dis-le-moi,  si  tu  le 
sais,  fléau  des  ennemis.  Tous  les  cinq  frères,  Dhrishta- 
dyoumna  et  Sâtyaki  2,202 — 2,203 — 2,204. 

» Sont  les  combattants  des  ennemis  dans  la  guerre  ! 
cette  force  est  réputée  valoir  une  armée  ; mais  ceux,  qui 
sont  distingués  entre  nous,  c’est  Bhishma,  c'est  Drona, 
c’est  Kripa,  et  les  autres,  2,205. 

■>  Le  Dronide,  Karna,  le  fils  du  Soleil,  et  Somadatta  le 
Vàhlika,  Çalya,le  monarque  du  Pr&gdjyotisha,  et  Djayad- 
ratha,  le  roi  d’ Avant!,  2,200*  ■ 

» Douççàsana,  Doussaha  et  Dourmoukha,  monarque 
des  hommes,  Çroutàvous,  Tchitraséna , Pouroumitra, 
Vivinçati;  2,207. 

» Cala,  Bhoûriçravas  et  Vikarna,  ton  fils.  Onze  armées 
complètes,  sire,  sont  rassemblées  pour  moi.  2,208. 

» L’ennemi  ne  possède  que  sept  armées  inférieures; 
pourquoi  serais-je  vaincu?  « 11  faut  que  les  ennemis,  a 
dit  Vrihaspati,  attaquent  une  armée  dépourvue  des  trois 
qualités.  » <Or,  cette  mienne  armée,  sire,  a les  trois  qua- 
lités, dont  je  vois  privée  la  nombreuse  armée  des  ennemis. 

2,209—2,210. 

» Ayant  considéré,  souverain  des  hommes,  l’avantage 
des  qualités,  et  que  leur  multiplicité  est  réunie  en  moi  ; 


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OUDYOGA-PARVa. 


A9 


ayant  observé  toutes  ces  choses,  fils  de  Bharata,  la  force 
supérieure  de  mon  armée  2,2 H. 

» Et  l’état  d’infériorité  des  Pândouides,  ne  veuille  pas 
t’abandonner  à cet  abattement  de  l'esprit.  » A ces  mots, 
le  vainqueur  des  cités  ennemies,  sachant  que  les  temps 
étaient  arrivés,  et  désirant  porter  plus  loin  scs  infor- 
mations, se  mit  à questionner  Sandjaya  : 2,212 — 2,213. 

« Quand  il  eut  reçu  les  sept  armées,  dit-il,  avec  les 
rois,  Sandjaya,  quelle  chose  a désirée  Youdhishthira?  Ce 
fils  de  Kountl  a-t-il  voulu  obtenir  la  guerre?  » 2,21A. 

o Extrèmementjoveux,  sire,  Youdhishthira  a demaudé 
la  guerre,  répondit  Sandjaya;  Arjouna  et  Binmaséna  éga- 
lement; et  ces  jumeaux,  leurs  frères,  ne  montrent  au- 
cune crainte.  2,215. 

.)  Bîbhatsou,  le  fils  de  Kountl,  ayant  envie  de  recevoir 
une  incantation,  a attelé  son  char  céleste,  qu’il  fait  res- 
plendir à tous  les  points  du  ciel.  2,216. 

» Nous  l’avons  vu  revêtu  de  sa  cuirasse,  comme  un 
nuage,  d’où  jaillissent,  de  tous  côtés,  les  éclairs.  Après 
un  moment  de  réflexion,  il  m’a  dit,  rempli  d’ardeur  : 

« Vois  ces  formes  primitives  ! Nous  vaincrons,  San- 
djaya ! » Et  moi  je  vois  les  choses  de  la  manière  qu’a  parlé 
Bîbhatsou.  » 2,217—2,218. 

a Tu  loues  avec  plaisir  les  Pritides,  que  leurs  rivaux 
ont^  vaincus  au  jeu,  reprit  Douryodhana.  Dis-moi  com- 
ment sont  les  chevaux  ? Cornaient  sont  les  drapeaux  au 
char  d’ Arjouna  ? » 2,219. 

» Bhaàumana  fit  avec  Indra  les  formes  d’une  manière 
bien  diverse,  lui  répondit  Sandjaya.  L’architecte,  prince 
auguste,  c’est  toujours  Brahma.  2,220. 

» Us  créèrent  sur  ce  drapeau  avec  une  magie  céleste 
'I  A 


50  LE  MAHA-BHARATA. 

des  formes  grandes,  bien  riches,  magnifiques  et  gra- 
cieuses. » 2,221. 

» Hanoumat,  le  fils  de  Maronte  ou  du  rent,  plaça  dans 
cet  étendart  son  portrait,  afin  défaire  une  chose  agréable 
à Bhimaséna.  2,222. 

» Ce  drapeau  enferma  tous  les  pays  du  monde,  réduit 
A la  mesure  d’un  yodjana,  au  milieu,  de  travers,  en  haut. 
Environné  d'arbres,  il  s’en  détache.  Telle  fut  la  céleste 
illusion,  avec  laquelle  Uha&umana  composa  ce  bel  éten- 
dard. 2,223. 

» Grâce  à l’art  de  Bhaâuinana,  cette  enseigne  est  faite 
comme  l’arc  d'Indra,  qui  brille  de  plusieurs  teintes  au  mi- 
lieu dp  ciel  — (spectacle,  qui  n’est  pas  étranger  à mes 
yeux)  ; — sa  forme  sembie  de  mainte  et  mainte  espèce. 

» Grâce  à l’art  de  Bhaàumana,  cette  enseigne  est  faite 
comme  la  fumée  du  feu,  qui  monte  dans  le  ciel  offusqué 
et  porte  des  couleurs  ardentes  et  des  formes  multiples  : 
c'est  une  masse  sans  poids  ou  une  mer  sans  rivage. 

2,224-2,225. 

/ 

» 11  altèle  à son  char  des  chevaux  blancs,  de  noble  race, 
qui  ont  la  rapidité  du  vent  ; Tchitraséna  lui  a fait  présent 
de  chars  célestes.  Ils  roulent  dans  le  ciel,  au  sein  de  l’at- 
mosphère et  dans  la  terre.  Aucune  route,  Indra  des 
hommes,  ne  les  arrête  ici  bas.  2,226. 

» Par  eux  est  détruit  en  chaque  temps  un  cent,  qui  est 
complet  ; par  eux  est  détruite  la  grâce  jadis  accordée. 
Ces  grands  coursiers,  couleur  de  l’ivoire,  resplendisse. .t 
attelés  au  char  de  ce  roi  avec  une  vigueur  égale  à la 
sienne.  2,227. 

» Les  chevaux,  qui  traînent  le  char  de  Bhimaséna  sont 
pareils  à des  ours;  ils  ont  la  rapidité  du  vent  ; ils  ont  les 


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OUDYOGA-PAUVA. 


51 


membres  de  couleurs  variées  ; leur  dos  est  semblable  à 
celui  de  la  perdrix  : c’est  un  présent  de  Phâlgouna,  d’un 
frère,  qui  l'aime,  au  héros,  son  frère.  Un  char  triompha- 
lement attelé,  distingué  par  ses  coursiers,  conduit 
Sahadéva.  Des  chevaux  les  plus  excellents  de  ces  quadru- 
pèdes, présent  du  grand  Indra,  traînent  le  fils  de  Madrl, 
Nakoula,  l'ami  d’Adja.  2,228 — 2,229. 

» Des  chevanx  appareillés,  au  pied  agile,  qui  ont  la 
force  du  vent,  transportent  ce  héros,  comme  Indra,  l'en- 
nemi de  Vritra.  Des  coursiers  de  noble  race,  présents  des 
Dieux,  grands,  de  forme  diverse,  d'une  admirable  vitesse, 
égaux  à ceux-ci  pour  la  jeunesse  et  la  vigueur,  traînent 
le  fils  de  Soubhadrâ  et  les  autres  jeunes  princes,  enfants 
de  Draâupadi.  « 2,230—2,231. 

« Sandjaya,  interrompit  Dhritarâshtra,  je  ne  vois  pas 
ici  quels  hommes  leur  affection  a rassemblés  pour  com- 
battre cette  armée  de  mon  fils?  » 2,232. 

u J’ai  vu  là,  répondit  Sandjaya,  venu  vers  Khrisna, 
le  plus  grand  des  Andhakas  et  des  Vrishnides,  Tchéki- 
tâna  et  Sàtyaki-Youyoudhàha  ; 2,233. 

» (les  deux  héros  célèbres,  âmes  fières,  qui  se  sont 
réunis  aux  fils  de  Pàndou,  avec  chacun  une  armée  com- 
plète. 2,234. 

» Le  roi  de  Pantchàla,  suivi  d’une  armée  au  complet, 
environné  de  ses  dix  héroïques  fils,  Salyadjit  à la  tète,  et 
précédés  par  Dbrishtadyoumna;  2,235. 

» Droupada,  qui  augmente  la  fierté,  est  venu,  défendu 
par  Çikhandi,  après  qu’il  eut  couvert,  de  ta  cuirasse,  les 
corps  de  tous  ses  guerriers.  2,230. 

» Viràta,  le  maître  de  ta  terre,  accompagné  de  Soûrya- 
datta  et  des  autres  héros  , à la  tète  de  qui  s’avance 


52 


Lli  MAHA-BHAKATA. 


Madirâçva,  est  venu,  avec  ses  frères  et  ses  fils,  au  son 
même  du  plus  grand  de  ses  tambours,  environné  d’une 
armée  complèie  de  guerriers  , se  joindre  au  fils  de 
Prithâ.  2,257—2,238. 

» Djàràsandhi,  le  Magadhain,  et  Dhrishtakétou,  le  roi 
de  Tchédi,  sont  venus  l’un  et  l’autre,  entourés  chacun 
d’une  armée  au  complet.  2,239. 

» Les  cinq  frères  Kaikéyains,  déployant  leurs  drapeaux 
rouges,  sont  venus,  tous,  marchant  au  milieu  d'une  nom- 
breuse armée , se  ranger  autour  des  fils  de  Pàndou. 

u J'ai  vu  tous  ces  héros,  rassemblés  en  aussi  grand 
nombre  : ce  sont  eux,  qui,  dans  l'intérêt  des  Pàndouides, 
combattront  l'armée  des  fils  de  Dhritarâshtra. 

2,240—2,241. 

n L’héroïque  Dhrishtakétou,  auquel  est  dévoilé  que 
c'est  une  multitude  composée  d'hommes,  d’Asouras,  de 
Gandharvas  et  même  de  Dieux,  marche  à la  tête  de  cette 
armée.  2,242. 

» Bhîshma,  le  fils  de  Çântanou,  est  abandonné  pour 
victime  à Çikhandi,  que  soutiendra  le  roi  Virâta,  secondé 
des  guerriers  du  Matsya.  2,243. 

n Le  vigoureux  monarque  du  Madra  est  laissé  pour  la 
part  du  (ils  aîné  de  Pàndou  : n Ces  deux  héros,  ai-je 
entendu  là  dire  à quelques-uns,  sont  réputés  formidables 
pour  nous!  » 2,244. 

» Douryodhana,  ton  fils,  avec  la  centaine  de  ses  frères, 
et  les  héros  de  l'Occident  et  du  Midi,  sont  adjugés  pour  la 
part  de  Bhimaséna.  2,245. 

» Karna,  qui  passe  pour  le  fils  du  soleil,  est  donné 
pour  victime  à Arjouna.  Açvatthâman,  Vikarna  ctDjayad- 
ratha,  le  roi  du  Sindhou,  2.249. 


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OUDYOGA-PAUVA. 


53 


» Et  tous  ceux,  qui  ont  sur  la  terre  la  fierté  des  héros, 
sont  incapables  de  lui  résister.  Arjouna,  le  fils  de  Prithà, 
s’est  arrogé  pour  sa  part  tous  ces  guerriers.  2,247. 

» Les  cinq  frères  Kalkéyains,  fils  de  roi,  sont  des 
héros;  ils  livreront  bataille  <1  Arjouna,  qui  fera  d’eux  ses 
victimes.  2,248. 

» Il  a fait  d’eux  sa  part;  il  la  fera  également  des  Mâ- 
lavas,  des  Çàlvakas  et  des  deux  héros  conjurés,  qui  sont 
les  chefs  des  Trigartas.  2,249. 

» Tous  les  fils  de  Douryodhana,  et  ceux  de  Douççâ- 
sana,  et  le  roi  Vrihadbala,  sont  attribués  pour  la  part  du 
fils  de  Soubhadrâ.  2,250. 

» Les  héros,  (ils  de  Ora&upadt,  aux  enseignes,  dont 
l’or  a changé  la  substance,  aborderont  Drona,  Dhrishta- 
dyoumna  4 leur  tête,  rejeton  de  Bharata.  2,251. 

» Tchékitâna  désire  combattre  Somadatta,  dans  un 
duel  à deux  chars  ; Youyoudhàna  veut  s’attaquer  à Bliodja, 
qui  a revêtu  sa  cuirasse.  2,252. 

» Sahadôva,  le  héros,  fils  de  Mâdrl,  qui  rappelle  Indra 
dans  la  guerre,  a pensé  de  lui-même  au  fils  de  Soubala, 
son  beau-frère.  2,253. 

» Le  fils  de  Mâdrl,  Nakoula,  fit  sa  part  d'Ouloûka,  le 
Kitavide,  et  des  troupes  du  Saraswata.  2,254. 

» Les  enfants  de  Pândou  ont  jeté  un  déli  à ces  princes 
et  à tous  les  autres,  qui  les  attaqueront  sur  le  champ  de 
bataille.  2,255. 

» Ainsi,  leurs  armées  sont  divisées  partiellement.  Que 
ce  qui  doit  être  fait,  pour  toi  et  ton  lils,  soit  donc  fait, 
quand  ce  n’en  est  pas  encore  la  saison.  » 2,256. 

« Tous  mes  fils  ne  sont- ils  pas  des  insensés,  fit  Dhri- 
tharàstra,  joueurs  de  jeux  funestes,  eux,  qui  auront  un 


54 


LK  MAHA-BH.ARATA. 


combat  à soutenir  contre  le  vigoureux  Bhtma,  au  front  du 
champ  de  bataille?  2,257. 

» Tous  les  princes  et  les  rois,  offerts  en  sacrifice  par  la 
mort,  entreront  dans  le  feu  du  Gândiva,  comme  des  sau- 
terelles se  précipitent  dans  la  flamme  du  foyer.  2,258. 

» Mon  armée  est,  dans  mon  esprit,  déjà  mise  en 
fuite,  au  milieu  du  combat,  par  les  magnanimes  Pân- 
douides  aux  hostilités  déclarées;  qui  la  suivra  dans  sa 
défaite  sur  le  champ  de  bataille?  2,259. 

» Tous,  ils  sont  des  héros,  combattant  sur  des  chars, 
environnés  de  la  renommée,  resplendissants,  accoutumés 
à vaincre  dans  les  combats,  égaux  pour  l'éclat  au  feu  ou 
au  soleil.  2,260. 

» Ils  ont  pour  guide  Youdhishthira;  pour  défenseur, 
le  meurtrier  de  Ma-  hou  ; pour  combattants,  ces  deux  Dis 
de  Pàndou,  l'Ambidextre  et  Ventre-de-Loup;  2,261. 

•>  INakoula,  Sahadéva,  Dhrishtadyoumna  le  Prishatide, 
Sâtyaki  , üroupada  et  Dhrishtadyoumna  , le  dernier 
né,  2,262. 

» Ottamaàudja  le  Pàntehàlain,  et  l’invincible  Youdhft- 
manyou,  (iikandi,  KshattradévaetValrâtiroultara,  2,263. 

» Tous  les  kàçayas,  les  Tchédiens,  les  Matsyas  et  les 
Srindjayas,  le  fils  de  Viràta  à la  haute  taille,  et  les  Pàn 
tchàlains,  suivis  de  l'heureuse  fortune.  2,264. 

» Aux  mains  de  ces  héros,  forts  dans  les  combats,  et 
qui  rompraient  des  montagnes,  Indra  lui-’uéme  ne  pour- 
rait enlever,  malgré  eux,  cette  terre!  2,265. 

» Semblable  à un  malheureux,  qui  pousse  des  cris,  mon 
misérable  liis,  Sandjaya,  veut  combattre  avec  ces  héros, 
doués  de  toutes  les  qualités  et  qui  ont  une  majesté  plus 
qu’humaine!»  2,266. 


OLDYOGA-PARVA. 


56 


« Tous  deux,  vous  êtes  bien  de  la  même  caste,  s’écria 
Douryodhana;  tons  deux,  vous  êtes  courbés  vers  la  terre! 
Tu  penses  sans  raison  que  la  victoire  va  pencher  d’un  seul 
côté,  vers  les  (ils  de  Pândou.  2,267. 

» Indra  lui-même,  accompagné  des  Immortels,  à plus 
forte  raison  les  P.  ndouides,  serait  incapable  de  vaincre 
en  bataille  mon  arrière-grand-oncle,  et  Rrona,  et  Kripa, 
et  l'invincible  Kartia,  et  Pjayadratha,  et  Somadalta,  et 
Açvalthàman  lui-même,  ces  héros  environnés  d'une  écla- 
tante splendeur.  2,268 — 2,209. 

» Tous  ces  maîtres  de  la  terre,  ces  nobles  héros,  qui 
portent  les  armes,  sont  capables  de  repousser  à cause  de 
moi,  mon  père,  les  fils  de  Pàndou  ! 2,270. 

» Ils  n’oseraient  pas,  ces  Pàndouides,  regarder  les 
miei  s,  face  à face  ! Je  suis  assez  vaillant  pour  combattre 
sur  un  champ  de  bataille  les  Pàndous  et  leurs  fils.  2,271. 

» Tous  les  princes,  qui  désirent  faire  une  chose,  qui 
in'est  agréable,  rejeton  de  Bharata,  les  arrêteront  comme 
de  jeunes  antilopes  avec  un  lacet.  2,272. 

» Les  Pàntchâlains  avec  les  Pàndouides  seront  dispersés 
en  fuite,  par  la  grande  multitude  de  mes  chars  et  les 
averses  de  mes  flèches.  » 2,273. 

« Ce  mien  fils,  Sandjaya,  parle  comme  un  insensé, 
reprit  Dhritaràshtra  ; car  il  n’est  pas  capable  de  vaincre 
en  bataille  Youdhisbthira-Dharmaràdja  ! 2,27A. 

n Bhtshma  sait  en  effet  quelle  est  la  vigueur  de  ces  Pàn- 
douides et  de  leurs  fils,  ces  héros  illustres,  magnanimes 
et  versés  dans  le  devoir  ! 2,275. 

» Aussi  n’approuvé- je  pas  qu'il  se  jette  dans  une  guerre 
avec  ces  guerriers  aux  grands  cœurs!  Mais  dis-moi  encore, 
Sandjaya,  ce  que  font  ces  héros.  2,276. 


60 


LE  MAHA-J1HARATA. 


» Qu'est -ce  qui  enflamme  d’une  plus  grande  ardeur  ces 
vaillants  fils  de  Pàndou,  ces  guerriers  aux  grands  arcs, 
resplendissants  comme  le  feu,  où  l'on  a versé  l’offrande  du 
beurre  clarifié  ? » 2,277. 

« Dhrisiadyoumna  en  personne  les  enflamme  toujours, 
rejeton  de  Bharata,  répondit  Sandjaya.  « Combattez  ! leur 
dit-il  : vous,  les  plus  excellents  des  Bharatides,  ne  crai- 
gnez pas  une  bataille.  2,278. 

» Tous  les  princes,  quels  qu’ils  soient,  que  le  fils  de 
Dhritaràslitra  couvre  ici,  s’en  iront  à cette  guerre  tumul- 
tueuse et  remplie  d’armes.  2,279. 

» Moi  seul,  je  les  enlèverai  tous  irrités,  rassemblés  avec 
leurs  adhérents,  dans  le  champ  de  bataille,  comme  une 
baleine  enlève  les  poissons  des  eaux.  2,280. 

» Bhtshtna,  Drona,  Kripa,  Karna,  le  fils  de  Prona, 
Çalya,  Souyodhana,  je  refoulerai  ces  héros  mêmes, 
comme  un  rivage  repousse  le  séjour  des  makaras  ! » 

» Au  jeune  héros,  qui  parlait  ainsi,  Youdhishthira,  le 
vertueux  monarque,  dit  : « Pàntchâlains  et  Pândouides, 
nous  sommes  tous  montés  au  niveau  de  ton  héroïsme  et 
de  ta  fermeté.  Sauve-nous  du  combat!  Je  sais,  guerrier 
aux  longs  bras,  que  tu  es  constamment  fixé  dans  le  devoir 
du  kshatrya.  2,281—2,282—2,28:$. 

» 11  y a un  puissant,  un  seul  moyen  dans  la  coercition 
des  enfants  de  Kourou,  ces  hommes,  que  le  désir  d'un 
combat  a conduits  en  face  de  nous  ! 2,284. 

» Ce  qui  doit  être  fait  par  ton  altesse  sera  notre  salut, 
fléau  des  ennemis,  à nous,  revenus  de  la  bataille,  brisés, 
désirant  du  secours.  2,286. 

» Le  héros  montrant  du  courage,  qui  tiendra  en  pré- 
sence de  l’ennemi,  il  faut  qu'on  achète  cet  homme 


OUDYOGA-PARVA. 


57 


mille  fois  son  pesant  dor  : c'est  l’opinion  des  politiques. 

» Toi,  éminent  guerrier,  tu  es  un  brave,  un  valeureux, 
un  héros,  le  sauveur  des  hommes  tourmentés  par  la  peur 
dans  les  combats  : c’est  indubitable.  » 2,280 — 2,287. 

» Quand  le  vertueux  fils  de  Kountt,  Youdhishthira,  eut 
parlé  ainsi,  Dhrishtadyoumna  me  tint  ce  langage,  à moi, 
qui  avais  secoué  ma  crainte  ! 2,288. 

« Dis  à tous  les  habitants  de  la  campagne,  cocher,  à 
tous  ceux,  qui  appartiennent  à Douryodhana,  aux  Vâhli— 
kides,  aux  enfants  de  Kourou,  aux  Pràsipidcs  et  aux 
Çaradvatides,  2,289. 

» Au  fils  du  cocher,  à Drona  et  à son  fils,  à Djayad- 
ratha , à Douççâsana , à Vikarna  et'  au  monarque 
Douryodhana  ; 2,290. 

» Hàte-toi  d’aller  vers  Bhlshma  et  dis— lui  : « Partez, 
sans  différer  ! 2,291. 

» 11  faut  qu’un  homme  vertueux  s’en  aille  trouver 
Youdhishthira  de  peur  qu'Arjouna,  protégé  parles  Dieux, 
ne  vous  ôte  la  vie  ! Hâtez-vous  de  rendre  â Dharmaràdja 
son  royaume  ! Suppliez  ce  fils  de  l’àndou,  le  héros  du 
monde.  2,292. 

» En  effet,  il  n’existe  sur  cette  terre-ci  aucun  combat- 
tant de  la  même  nature  que  l’Ambidextre,  ce  lils  de 
Pàndou  au  courage  infaillible.  2,293. 

» Son  char  céleste  est  environné  par  les  Dieux  : l'ar- 
cher du  Gàndiva  ne  peut  ôire  vaincu  par  un  homme.  Ne 
tournez  pas  votre  âme  à la  guerre.  » 2,29.1. 

« Le  fils  de  Pàndou  a la  splendeur  du  kshatrya,  repartit 
Dhrislarâshtra  ; dès  l’enfance,  c’est  un  brahmâteharî.  Les 
insensés,  ils  s’engageront  dans  une  guerre  avec  lui  en 
dépit  de  mes  plaintes.  2,295. 


58 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Douryodhana,  abstiens-toi  des  combats,  ô le  plus  ex-  . 
cellent  des  Bharatides  ! En  effet,  on  ne  loue  pas  la  guerre, 
qui  compoite  toutes  les  conditions,  fier  dompteur  des 
ennemis.  2, ‘298. 

» Que  la  moitié  de  la  terre  te  suffise  pour  vivre,  à toi  et 
à tes  ministres.  Donne  l’autre,  ainsi  qu'il  convient,  puis- 
sant guerrier,  aux  fils  de  Pàndou.  2,297. 

» Tous  lesKourouides  regardent  cette  restitution  comme 
jointe  à la  vertu  ; et,  grâce  à elle,  tu  pourras  estimer  que 
tu  es  en  repos,  du  côté  des  magnanimes  enfants  de  Kou- 
rou.  2,298. 

» Considère,  oh  ! mon  fils,  celte  armée  de  toi  ! Voilà 
une  affliction,  qui  est  née  pour  ta  ruine,  et  tu  ne  t'aperçois 
pas  de  ton  délire  ! 2.299. 

» Certes  ! je  ne  désire  pas  la  guerre,  et  Vàblika  ne  la 
veut  pas,  ni  Bhlshma,  ni  Drona,  ni  Açvatthàman,  ni 
Sandjaya.  2,300. 

» Somadatta  ne  désire  pas  combattre,  ni  Cala,  ni  Kripa. 

11  en  est  ainsi  de  Satyavrata,  de  Pouroumitra,  de  Djayaet 
de  Bhoûriçravas.  2,301. 

» Appuyés  sur  ces  hommes,  les  Kourouides,  malme- 
nés par  l’ennemi,  tiendront  ferme;  ils  ne  veulent  pas  la 
guerre.  Que  leur  sentiment,  mon  fils,  ait  ton  approba- 
tion ! 2,302. 

» Tu  n’agis  pas  de  ton  plein  gré  ; Karna  est  ton  ins- 
tigateur ; c’est  encore  le  criminel  Douççâsana  et  le  fils 
de  Soubala,  Çakouni  lui-mème.  » 2,303. 

o Mes  provocations,  répondit  Douryodhana,  ne  sont 
pas  motivées  par  la  confiance,  que  j’ai  mise  dans  le  véné- 
rable Drona,  ou  dans  Açvatthàman,  on  dans  Sandjaya, 
ni  dans  Bhtshma,  ni  dans  le  roi  du  Kàmbodja,  ni  dans 


OUDYOG  A-PARV  A. 


50 


K ripa,  ni  dans  le  Vàhlikide,  ou  dans  Satyavrata,  ou  dans 
Pouroumitra,  ou  encore  dans  Bhoûr'çravas,  ni  dans  ces 
autres,  qui  sont  les  tiens  ! 2,305 — 2,305. 

» Karna  et  moi,  deux  taureaux  des  hommes,  nous 
sommes  initiés  pour  un  sacrifice  de  bataille,  que  nous 
avons  commencé,  mon  père,  et  dans  lequel  nous  avons 
pris  Youdhishthira  pour  victime  ! 2,306. 

n Mon  char  est  mon  autel  ; mon  cimeterre,  voilà  mon 
aube  ! Ma  massue  est  la  cuiller  du  sacrifice  ; ma  cui- 
rassa, c’est  l'assemblée,  ma  vaillance  est  la  réunion  des 
quatre  sacrificateur^;  mes  flèches  sont  l'herbe  Kouça 
et  j'ai  ma  renommée  pour  beurre  clarifié!  2,307. 

» Après  que  nous  aurons  honoré  Yama  avec  mon 
sacrifice,  que  nous  aurons  vaincu  dans  le  combat,  immolé 
nos  ennemis,  nous  marcherons  de  compagnie,  environnés 
de  la  Déesse  Fortune.  2,308. 

» Moi,  et  Karna,  et  mon  frère  Douççâsana,  oui!  nous 
trois,  mon  père,  nous  abattrons  les  Pàndouides  dans  un 
combat  : 2,309. 

» Quand  j'aurai  tué  les  fils  de  Pàndou,  moi,  je  gouver- 
nerai cette  terre;  ou  ce  sont  eux.  qui  en  savoureront  les 
délices,  après  qu’ils  m’auront  couché  sur  la  poussière  ! 

» J’abandonnerais  toutes  mes  richesses,  mon  royaume, 
ma  vie;  mais  jamais,  prince  auguste,  je  n'habiterai  avec 
les  Pàndouides  ! 2,310 — 2,311. 

» Aussi  long-temps  que  les  fils  de  Pàndou  ne  nous 
auront  pas  fait  l'abandon  de  la  terre,  vénéré  monarque, 
aussi  long-temps  les  pointes  d'une  profonde  douleur  me 
déchireront  le  cœur  ! » 2,312. 

A ces  mots,  Dhritaràshtra  dit  : 

« J'abandonne  Douryodhana  ; mais  je  vous  plains  tous, 


«0 


LM  MAHA-BHARATA. 


mes  amis,  qui  suivre*  un  insensé,  qui  se  précipite  vers 
le  séjour  d’Yama!  2,313. 

» Les  Pândouides  réunis  tueront  les  plus  braves  d’entre 
vous  dans  le  combat,  comme  un  tigre,  le  plus  terrible  des 
assaillants,  tue  les  meilleurs  dans  les  troupeaux  des  ga- 
zelles. 2, 31  A. 

» L’armée  Bharalienne  me  semble  déjà  mise  en  fuite, 
comme  une  femme  confuse,  enlevée,  dévorée  même  par 
un  guerrier  aux  longs  bras.  2,315. 

» Màdhava  se  tiendra  ajoutant  au  nombre  de  l’armée 
déjà  complète  du  Prilhide,  et  Çaînéya  dispersera  dans  le 
combat  ses  flèches  comme  une  semence.  2,316. 

» Bhîmaséna  sera  à la  tête  de  l’armée  des  combattants 
ennemis  : tous  se  réfugieront  auprès  de  lui,  tels  que 
sous  un  rempart  inaccessible  à la  crainte.  2,317. 

» Quand  tu  verras  tomber,  comme  des  montagnes  rom- 
pues, les  éléphants  arrosés  de  sang,  les  protubérances 
frontales  en  morceau  et  les  défenses  brisées  sous  les  coups 
de  Bhima,  2,318. 

u A l’aspect  de  ces  pachydermes,  tels  que  des  montagnes 
disloquée.;,  alors,  glacé  d'épouvante  à l’attouchement  de 
Bhîma,  tu  te  rappèleras  ces  paroles  de  moi.  2,319. 

» A la  vue  de  ton  armée,  consumée  pat  Bhima,  avec  tes 
éléphants  assommés,  tes  chars  brisés,  comme  si  le  feu  y 
avait  passé,  lu  te  rappèleras  alors  ces  paroles  de  moi. 

» Je  tombe  à cause  de  vous  dans  une  grande  frayeur. 
Si  vous  no  vous  calmez  à l'égard  des  Pândouides,  la  mas- 
sue de  Bhimaséna  en  vous  immolant  vous  forcera  bien  à 
vous  calmer  ! 2,320 — 2,321. 

» Quand  tu  verras  l’armée  des  Kourouides,  étendue 
par  Bhima  sur  la  terre,  comme  un  vaste  bois,  que  la 


OUDYOGA-PARVA. 


61 


hache  a coupé,  tu  te  rappèleras  alors  ces  paroles  de 
moi  ! » 2,322. 

Quand  le  vieux  monarque , continua  Valçampàyana, 
eut  fait  entendre  ce  langage  à tous  les  maîtres  de  la  terre, 
il  adressa,  puissant  roi,  d’une  voix  haute  ces  nouvelles 
interrogations  à Sandjaya  : 2,323. 

« Répète -moi  ce  qu’ont  dit  ces  deux  magnanimes, 
Rhanandjaya  et  le  Vasoudévide  ! J'ai  le  désir,  homme  à 
la  vaste  science,  d’écouter  encore  ta  parole  ! » 2,324. 

n Écoute,  sire,  de  quelle  manière  j’ai  vu  Krishna  et 
Dhanandjaya,  répondit  le  cocher;  je  te  dirai  ensuite,  re- 
jeton de  Bharata;  ce  qu’ont  dit  ces  deux  héros.  2,325. 

» Après  que  j'eus  contemplé  les  doigts  des  pieds  de 
ces  Dieux-hommes  , j’entrai  dévotement , sire  , et  les 
paumes  des  mains  réunies  au  front,  dans  le  sérail  pour 
leur  exposer  ma  rnission.  2,326  (1). 

» Dans  ce  lieu  n'entrent  pas,  ni  Abbimanyou,  ni  les 
jumeaux  ; là  seulement  sont  les  deux  Krishnas , et  le 
chaste  Krishnâ,  et  l’illustre  Satyabhamâ.  2,326. 

» Ils  sont  enivrés  d’âsava  et  de  liqueurs  spiritueuses, 
poudrés  de  sandal , chargés  de  bouquets,  revêtus  des 
robes  les  plus  riches,  décorés  de  célestes  parures.  2,327. 

n Là,  sont  de  hauts  sièges  d’or,  étincelants  de  nobles 
pierreries  diverses,  recouverts  de  tapis  variés,  où  sont 
assis  les  deux  héros  dompteurs  des  ennemis.  2,328. 

u Je  vis  les  deux  pieds  de  Kéçava  posés  dans  le  sein 
d’Arjouna,  et  ceux  du  magnanime  Arjouna,  dans  le  giron 
de  Krishna  et  de  Satyâ.  2,329. 


(1)  Ce  distique  est  compté  par  erreur  2,325.  Pour  ne  pas  nous  séparer 
de  noire  édition,  nous  avons  doublé  ce  chiffre. 


62 


LL  MAHA-BHARATA. 


» Le  Prithide  m’indiqua  du  pied  son  escabeau  d’or, 
je  le  touchai  de  la  main  ; ensuite,  je  m'assis  à terre. 

» Je  vis  là,  ôtés  de  l’escabelle  les  deux  pieds  du  fils 
de  Prithà  aux  signes  admirables,  aux  plantes  inarquées  de 
raies  verticales.  A peine  eus-je  vu,  trônant  sur  un  même 
siège,  ces  deux  resplendissants  héros,  jeunes,  grands,  azu- 
rés, d'une  taille  élevée  comme  la  tige  d'un  shor  'e,  une 
profonde  terreur  mesaisit.  2,830—2,331 — 2,332. 

u L’appui,  qu’il  trouve  dans  la  protection  de  nos 
princes,  la  jactance  de  Karna,  l’affection  de  Bhlshmaetrfe 
Dronaempêche  un  esprit  stupide  de  reconnaître  qu'ils  sont 
pareils  à Indra  et  à Vishnou.  2,333. 

u Ils  sont  l'un  et  l'autre  soumis  aux  commandements 
de  cet  Youdhishthira,  de  qui  l'âme  doit  arriver  à la  per- 
fection. Ses  projets  sont  alors  devenus  une  vérité  pour 
moi.  2,334  (1). 

» Honoré  de  nourriture  et  de  breuvage,  après  que  j’eus 
reçu  l’itospitalité,  bien  couvert  et  portant  les  paumes  de 
mes  mains  réunies  à mon  Iront,  je  demandai  à ces  héros 
des  nouvelles  de  leur  santé.  2,340. 

» Le  Prithide,  honorant  son  pied  de  la  main  aux 
marques  heureuses,  où  se  voyaient  imprimées  les  callo- 
sités, qu'y  avait  laissées  la  corde  de  son  arc,  excita  kéçava 
à prendre  la  parole.  2,341. 

» Orné  de  toutes  les  parures  et  semblable  en  vigueur  à 
Çakra,  Krishna,  étendu  sur  sacouche,  s'étant  levé,  comme 
l’arc  d’Indra  sur  le  ciel , m'adressa  ce  langage  ; 2,342. 


(I)  Il  y a une  erreur  dans  l’édition  ; car  la  stance  suivante  est  numérotée 
2,340;  chiffre,  qu’il  nous  faut  donc  adopter  pour  marcher  d'un  pas  égal  à 
celui  du  texte. 


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OUDYOGA-PARVA. 


OS 


» Lui,  le  plus  éloquent  des  hommes,  il  me  tint  ce 
discours,  puissant  en  paroles,  causant  la  joie,  que  pré- 
cédait un  doux  sourire , mais  bien  effrayant  aussi , et  qui 
portait  la  terreur  chez  les  enfants  de  Dhritaràshtra  ; 

» Et  moi,  j'entendis  ce  langage  de  l'Être,  digne  qu’on 
parle  de  lui,  ce  langage,  doué  d’une  science  éternelle, 
au  sens  aimé  et  qui  enlevait  le  cœur  à sa  suite  : 

2,3A3— 2,344. 

« Sandjaya,  répète  ces  mots  au  sage  Dhritaràshtra,  en 
présence  de  Rhishma,  le  plus  grand  des  Kourouides,  aux 
oreilles  même  de  Drona.  2,346. 

« Incline-toi,  cocher,  suivant  nos  paroles,  devant  les 
plus  âgés  et  les  plus  jeunes;  ensuite,  leur  ayant  demandé 
s’ils  fleurissent  en  santé,  dis- leur  de  cette  manière  : 2,340. 

« Célébrez  différents  sacrifices,  donnez  aux  brahtnes 
les  présents  honorifiques,  réjouissez-vous  avec  vos  fils  et 
vos  femmes  1 Un  grand  danger  fond  sur  vous.  2,347, 

» Abandonnez  vos  richesses  à ceux,  qui  ont  droit  à 
vos  biens  ; engendrez  des  fils  nés  de  l’amour  ; obligez  vos 
amis!  Voici  que  le  roi ‘ Y oudhishthiru  marche  d’un  pas 
rapide  à la  victoire.  2,348. 

» Krishnà  s'est  écriée  vers  moi , qui  habitais  loin 
d’elle  : « Govinda!  Govinda!  » C'est  une  dette,  qui  s’est 
accrue  ; elle  n'est  pas  sortie  de  mon  cœur.  2,349. 

» Vous  avez  une  guerre  ici  avec  l’ Ambidextre,  secondé 
par  moi.  C’est  lui,  qui  possède  l’arc  Gândtva  inaffron- 
tablc  et  composé  de  splendeurs.  2,350. 

» Qui  désire  encore  croiser  l’épée  avec  Arjouna,  quand 
il  a moi  pour  second  ; lui,  qui  n’e8t  point  assiégé  par  la 
mort,  et  qui  est  Indra  lui-même  en  personne?  2,351. 

i Est-il  un  homme,  qui  puisse  vaincre  cet  Arjouna, 


LE  MAHA-BH  VRATA. 


64 

qui  porterait  la  teiTe  sur  ses  bras,  qui  consumerait  ces 
créatures  dans  sa  colère  et  qui  arracherait  les  Dieux 
mêmes  du  Tridiva?  2,352. 

» Je  ne  vois  personne  entre  les  serpents,  les  Yakshas 
et  les  Gaudharvas,  parmi  les  hommes  et  les  Dieux,  qui 
ose  affronter  ce  lils  de  Pàndou  dans  une  bataille!  2,353. 

» Ce  qu’on  raconte  de  lui,  tandis  qu'il  habitait  la  cité 
de  Virûta,  est  prodigieux;  cet  exemple  suffit  pour  la 
preuve,  non-seulement  d’un  seul  fait,  mais 'd’un  grand 
nombre.  2,354. 

« tjuand  ce  (ils  de  Pàndou,  seul,  dans  la  cité  de  Yirâta, 
vous  mettait  en  fuite,  rompus  à tous  les  points  de  l’espace, 
cet  exemple  n’est-il  pas  suffisant?  2,355. 

» La  force,  la  vigueur,  l’énergie,  la  promptitude,  l'agi- 
lité de  la  main,  l'absence  de  la  fatigue  et  la  constance, 
n'existent  point  ailleurs  que  dans  ce  lils  de  Prithâ!  u 

» Ainsi  parla  Hrishlkéça,  exaltant  de  sa  voix  le  lils  de 
Kouuil,  tel  que  Pàkaçàsana,  tonnant  au  sein  du  ciel,  verse 
la  pluie  dans  la  saison  humide.  2,350 — 2,367. 

» A peine  eut-il  ouï  ce  discours,  Arjouna,  ceint  d'une 
tiare  et  porté  sur  des  chevaux  blancs,  articula  un  son,  qui 
lit  se  hérisser  les  poils  sur  le  corps.  2,358. 

Dès  qu’il  eut  entendu  ce  langage  de  Sandjaya,  le 
vieux  monarque  des  hommes,  qui  avait  l'œil  de  la  science, 
commença  à supputer,  dans  un  discours,  les  avantages  et 
les  défauts.  2,359. 

Ce  prince  savant,  qui  désirait  voir  la  victoire  sourire 
à ses  fils,  lorsqu’il  eut  compté  dans  la  vérité  de  son 
jugement  avec  subtilité,  exactement,  les  qualités  et  les 
défauts,  qu’il  eut  balancé  avec  justesse  le  fort  et  le  faible, 
ce  monarque  intelligent  commença  à distinguer  de  quel 


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OUDYOGA-PAHVA. 


65 


c6té  se  trouvait  la  puissance,  et  dit  à Douryodhana  que 
les  Pàndouides  réunissaient  la  vigueur  et  l'énergie  de 
l'honmic  et  du  Dieu,  mais  que  les  Kourouides  n'avaient 
pas  une  force  aussi  grande.  2,3(30 — 2,301—2,302. 

« Douryodhana,  cette  pensée  me  revient  sans  cesse, 
elle  ne  se  calme  pas.  Je  la  vois,  comme  une  vérité,  placée 
devant  mes  yeux,  et  non  comme  une  idée  acquise  par 
induction.  2,363. 

• » Toutes  les  créatures  témoignent,  à leurs  enfants,  le 
plus  grand  amour;  elles  prodiguent  à tes  jeunes  ( 1res , 
suivant  leurs  moyens,  les  choses  utiles  et  agréables. 

« Nous  voyous  souvent  des  bienfaiteurs,  qui  sont  de 
cette  sorte  même.  Les  gens  de  bien  désirent  rendre,  au 
centuple,  un  grand  plaisir,  quion  leur  a fait. 

2,30â— ,2306. 

» Aussi,  le  Feu,  se  rappelant  quel  service  il  reçut 
d’Arjouna,  dans  la  forêt  Khàndava,  fera-t-il  amitié  avec 
lui,  dans  ce  terrible  engagement  des  Kourouides  et  des 
Pàndouides.  2,3(50. 

» Les  habitants  du  ciel  appelés,  Yauia  et  les  autres, 
viendront  en  grand  nombre,  amenés  par  affection  pour  le 
parti  des  Pàndouides.  2,367. 

» Ils  viendront  par  le  désir  de  sauver  leur  colère,  sem- 
blable à la  foudre,  de  la  crainte,  qu'inspirent  Rhtsma, 
Drona,  K ripa  et  les  autres.  C’est  mon  opinion.  2,368. 

» Accompagnés  des  Dieux , il  est  impossible  à un 
mortel  de  vaincre  les  fds  de  Pândou,  ces  tigres  des 
hommes,  remplis  de  vigueur,  qui  sont  parvenus  à la  rive 
ultérieure  des  astras.  2,369. 

» 11  n’existe  pas,  sur  la  terre,  un  être  égal  au  guerrier, 
qui  possède  l’arc  Gàndiva  sublime,  incomparable,  divin, 
vt  5 


66 


LK  MA1IA-BHARATA. 


et  ces  deux  carquois,  présent  de  Varouna,  célestes,  impé- 
rissables, pleins  de  flèches,  et  ce  singe  peint  en  son 
drapeau,  et  ce  divin  cimeterre,  dont  la  route  est  celle  du 
feu,  et  ce  char,  qui  forme  un  quadrilatère  I 

2,370—2,371. 

» Quand  il  s'avance,  les  hommes  entendent  un  bruit 
pareil  à celui  des  vastes  nuages,  un  son  tel  que  celui  de 
la  grande  foudre,  qui  glace  de  terreur  les  ennemis  î 

» Le  monde  entier  pense  qu'il  est  pour  la  vigueur  au- 
dessus  de  l’humanité  : les  princes  reconnaissent  qu'il 
est  dans  les  combats  le  vainqueur  des  Dieux  mêmes. 

» On  le  voit  prendre  cinq  cents  flèches,  les. décocher 
dans  le  seul  espace  d’un  clin  d'œil  et  les  faire  tomber  au 
loin.  2,372 — 2,373 — 2, 37 A. 

» l.ui,  duquel  il  fut  dit  par  Bhlshna  et  Drona,  par 
Kripa  et  Açvatth&man,  par  Çalya,  le  roi  de  Madra,  et  par 
des  hommes  [placés  entre  les  deux  partis  : 2,375. 

» 11  est  impossible  à des  princes  au-dessus  de  l'huma- 
nité même  de  vaincre  le  fils  de  Prilliâ,  ce  dompteur  des 
ennemis,  cet  éminent  maître  de  char,  fermement  résolu 
au  combat  ! 2,376. 

» Ce  fils  de  Pàndou,  égal  à Kàrllavîrya  pour  la  vigueur 
de  ses  bras,  qui,  aidé  par  sa  virilité  seule,  peut  décocher 
cinq  cents  flèches  à la  fois.  2,377. 

» Il  me  semble  déjà  voir  cet  Arjouna  au  grand  arc, 
qui  a le  courage  de  Mahéndra  ou  de  Vishnou,  étendre  son 
courage  dans  cette  vaste  bataille  et  dans  cette  mêlée. 

» Tourmenté  de  ces  pensées  durant  les  longues  nuits 
entières,  je  veille  sans  sommeil,  rejeton  de  Bharata  ; je 
suis  privé  de  tout  plaisir,  occupé  de  la  seule  pensée  du 
repos  des  enfants  de  Kourou.  2,378 — 2,379. 


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OUDYOGA-PAUVA. 


U7 


» Celte  ascension  épouvantable  de  la  mort  des  Kou- 
ronides  se  lève  sur  l’horizon,  si  l’on  ne  met  lin  à ces 
débats,  et  il  n’existe  pas  d'autre  moyen  que  la  paix. 

» La  paix  a toujours  des  charmes  pour  moi  ! Qu’il  n’y 
ait  pas  de  guerre  avec  les  Prithides,  mon  ami  ! Car  je  ne 
puis  écarter  de  ma  pensée  que  les  fils  de  Pàndoù  sont  plus 
vigoureux  que  les  enfants  de  Kourou.  » 2,380 — 2,381. 

A peine  eut-il  entendu  ce  discours  de  son  père,  le 
Dhritarâshtride,  plein  d’une  bouillante  colère,  entra 
daus  une  grande  fureur,  et  prononça  ces  nouvelles 
paroles  : 2,382. 

« Les  Prithides,  qui  ont  les  Dieux  pour  conseillers,  ne 
peuvent  être  vaincus  ! » ainsi  pense  ta  majesté.  Que 
cette  crainte  s’en  aille  de  ton  cœur,  ô le  plus  excellent  des 
rois.  2,383. 

» Les  Dieux  sont  parvenus  A la  divinité  par  l'abandon 
des  sentiments,  en  se  séparant  de  la  cruauté,  de  l’avarice, 
de  la  haine  et  de  l’amour.  2,384. 

» Ainsi  Vyàsa-Dwalpayana,  Nàrada  aux  grandes  péni- 
tences et  Râma  le  Djamadagnide  nous  ont  jadis  raconté 
cette  légende.  2,385. 

» Jamais  les  Dieux  ne  procèdent  comme  un  homme, 
éminent  Bharatide,  suivant  l’amour,  la  colère,  la  cupidité 
et  la  haine.  2,38ti. 

» Quoique  le  Vent,  Agni,  Yama,  Indra  et  les  deux 
Açvvins  aient  agi  par  le  sentiment  de  l’amour,  les  fds 
de  Prithâ  ne  sont-ils  pas  tombés  dans  l’infortune  ? 2,387. 

» 11  ne  faut  donc  pas  que  ta  majesté  conçoive  jamais 
cette  pensée  : les  Dieux  en  effet,  rejeton  de  Bharata,  atten- 
dent éternellement  l’avenir  avec  des  sentiments conforme-s 
à la  condition  divine.  2,388. 


68 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Si,  d’après  l'union  avec  l'amour,  on  voit  la  haine 
et  l'avarice  ; ces  affections  ne  passent  point  dans  les  Dieux, 
conformément  à l'autorité  des  Védas.  2,380. 

n Jeté  de  tous  les  côtés  et  sur  le^ioint  de  consumer  tous 
les  mondes,  le  feu  se  câlin*  toujours,  cédant  à mes  incan- 
tations. 2,300. 

» Sache  encore,  lils  de  Bharata,  que  je  suis  ceint  de 
cette  éminente  splendeur,  dont  les  habitants  du  ciel  sont 
environnés,  et  qu’elle  est  en  moi  sans  égale,  plus  grande 
même  que  chez  les  Dieux.  2,301. 

n Mes  incantations,  sire,  rétabliraient  aux  yeux  du 
monde  la  terre  éclatée  et  les  montagnes  brisées  en  mor- 
ceaux. 2,392. 

» Je  pourrais  ici,  en  tous  les  temps,  mainte  et  mainte 
fois,  éteindre,  à la  vue  du  monde,  par  compassion  pour 
ceux  qui  l’habitent,  et  le  vent,  et  une  pluie  de  pierres  bien 
épouvantable,  au  fracas  terrible,  suscitée  pour  la  ruine 
de  l’univers  avec  ses  êtres  mobiles  et  immobiles,  avec  ses 
créatures  animées  ou  sans  âme.  2,393 — 2,39â. 

» Grâce  à moi,  les  hommes  de  pied  et  les  chars  mar- 
chent sur  les  eaux  consolidées.  C’est  moi,  qui  seul  fais 
naître  les  sentiments  des  Asouras  etdes  Dieux.  2,395. 

» La  crainte  d'une  armée  complète  m'accompagne  en 
tous  les  lieux,  où  me  conduit  une  affaire  quelconque. 
Mes  chevaux  s’élancent  partout  où  se  portent  mes  dé- 
sirs. 2,396. 

» Pour  moi,  il  n’y  a pas  sur  la  terre  de  créatures  formi- 
dables, serpents  ou  autres  monstres,  ni  gens  défendus  par 
des  formules  secrètes,  ni  êtres  inspirant  l’effroi,  qui  puis- 
sent me  nuire.  2,397. 

o Pardjanya  verse  les  pluies  à souhait,  sire,  aux  habi- 


oudyoga-parva. 


t>9 

tanls  de  la  terre  ; tous  les  sujets  sont  remplis  de  vertus 
et  les  intempéries  n’existent  aucunement  pour  moi. 

» Ni  les  deux  Açwins,  ni  le  Vent,  ni  le  Feu,  ni  le  meur- 
trier de  Vrilra,  avec  les  Maroutes,  ni  Yama  lui-même  ne 
peuvent  défendre  ceux,  que  je  liais.  2,398—2,399. 

» En  effet,  si,  véritablement,  ces  Dieux  étaient  capables 
de  défendre  mes  ennemis,  les  Pritbides,  qui  ressem- 
blent aux  immortels,  ne  seraient  pas  tombés  Sans  l'infor- 
tune. 2,400. 

» Ni  les  Rakshasas,  ni  les  Asouras,  ni  les  Gandharvas, 
ni  les  Dieux  mômes  ne  sont  capables  de  sauver  un 
homme,  que  poursuit  ma  haine  : je  te  dis  cela  en  vérité  ! 

■»  Un  me  reproche  de  penser  toujours  line  chose  mal- 
heureuse où  fortunée  ; mais  ces  paroles  n’ont  pas  encore 
été  démenties  par  l’événement,  ni  de  l’un  ni  de  l’autre 
côté,  pour  mes  amis  et  mes  ennemis.  2,401 — 2 402. 

» Si  j’ai  dit,  fléau  des  ennemis:  « Cette  chose  arri- 
vera ! » ou  n’a  pas  vu  au  temps  passé  les  affaires  se 
tourner  autrement.  « C'est  un  homme  véridique  I » C’est 
ainsi  que  je  suis  connu.  2,403. 

n Le  monde  entier  rend  témoignage  à cette  magnani- 
mité de  moi  ; elle  est  célèbre  dans  toutes  les  plages  du 
ciel  ; ta  majesté  en  a parlé  elle-même,  sire,  pour  relever 
le  courage,  non  pour  faire  mon  éloge.  2,404. 

» Certes  ! jamais  avant,  sire,  je  n’ai  été  un  glorieux,  car 
l’éloge  d'un  homme  de  bien  est  dans  le  mal,  qu’il  ne  fait 
pas.  2,405. 

» Tu  entendras  dire  que  les  filsdePândou,  les  Matsyas, 
les  Pântch&lains  avec  les  Kaikévides,  et  Sâtyaki,  le  iils  de 
Vaçoudéva,  furent  vaincus  par  mon  bras.  # 2,40(5. 

« S’étant  approchés  de  moi,  ils  périront,  eux  et  leurs 


70 


LE  MAHA-BHARATA. 


familles,  comme  les  fleuves  périssent  entièrement,  une 
fois  qu'ils  ont  abordé  la  mer.  2,407. 

» Mon  intelligence  est  supérieure;  supérieure  est  aussi 
ma  force;  ma  vaillance  est  suprême,  ma  science  est  supé- 
rieure ; mon  unification  incomparable  à Dieu  l'emporte 
sur  l’absorption  méditative  de  ces  hommes.  2,408. 

» Tout  ce  que  mon  arrière-grand-oncle,  et  Drona,  et 
Kripa,  et  Çalya , et  Cala  savent  dans  la  science  des 
astras,  existe  également  en  moi.  » 2,409. 

A ces  mots,  fils  de  Bharata,  le  dompteur  des  ennemis, 
connaissant  que  les  temps  étaient  arrivés,  interrogea  de 
nouveau  sur  les  affaires  Sandjaya,  dans  son  désir  de  com- 
battre. 2,410. 

Mais,  sans  penser  qu’il  s’enquérait  diligemment  sur  le 
fils  de*Prith&,  Karna,  réjouissant  le  Yitchitraviride,  fils 
de  Dhritaràshtra,  lui  adressa  ce  langage  dans  l’assemblée 
des  Kourouides  : 2,411. 

b Ayant  su  que  jadis  j'avais  en  vain  promis  au  nom 
de  Ràma  un  astra  inspiré  de  l'esprit  absolu,  il  ine  tint 
alors  ce  langage  : <■  Au  temps  de  la  mort,  le  souvenir  des 
astras  t'abandonnera  I » 2,412. 

» Cirronstance,  où  je  fus  maudit  dans  une  grande 
offense  par  ce  vieux  maharshi.  Cet  anachorète  aux  per- 
çants rayons  de  lumière  est  capable  d’incendier  la  terre 
jointe  à ses  mers.  2,41 3. 

» Je  fléchis  sa  colère,  grâce  à mon  obéissance,  et  cet 
asira  me  fut  donné  avec  ses  accessoires  et  tout  rempli  de 
sa  force.  Je  puis  m'en  servir  : voilà  ma  fonction.  2,414. 

» Quand  j’aurai  immolé  dans  l’espace  d’un  clin  d'ueil 
et  grâce  à la  faveur  obtenue  du  saint  personnage  les 
Karoùshas,  les  l’anlchàlains,  les  Matsyas  et  les  Priihides, 


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OüDYOG  V-PAKVA. 


71 


accompagnés  de  leurs  lils  et  petits-fils,  je  posséderai  les 
mondes,  conquis  par  mes  armes.  2,415. 

» Que  l’arrière-grand-oncle  , et  Drona , et  tous  les 
principaux  des  monarques  se  tiennent  à mes  côtés  et 
qu'ils  voient  comme,  marchant,  escorté  de  l’intelligence 
et  du  courage,  je  vais  tuer  les  enfants  de  Pritlià  : voilà 
ma  fonction.  » 2,416. 

• « Pourquoi  te  vantes-tu,  homme,  de  qui  l’intelligence 

est  enveloppée  par  la  mort?  répondit  Bhtshma  au  guer- 
rier, qui  discourait  ainsi.  Ignores-tu,  Rarna,  que  les 
lils  de  Dhritaràshtra  suivront  dans  la  tombe  leur  chef 
abattu?  2,417. 

» Tu  as  ouï  parler  de  cette  promesse,  que  fit  Dha- 
nandjaya,  secondé  par  Krishna,  quand  il  fit  brûler  le 
Khàndava.  Après  une  telle  action,  es-tu  capable  avec  tes 
parents  de  l’arrêter  lui-mème?  2,418. 

» Tu  verras,  brisée  dans  la  guerre,  frappée  du  tchakra 
de  Kéçava  et  réduite  en  cendres,  cette  lance  merveilleuse, 
que  ta  donnée  l’adorable  et  magnanime  Mahéndra,  le 
souverain  des  Dieux  ! 2,419. 

» Cette  flèche  à la  gueule  de  serpent,  qui,  honorée  des 
plus  riches  bouquets,  resplendit  toujours  dans  ta  main, 
elle  ira  à sa  destruction  avec  toi,  Rarna,  frappée  des 
averses  de  flèches  lancées  par  les  fils  de  Pândou.  2,420. 

» Rirlti  est  protégé,  Rarna,  par  le  meurtrier  de  l'in- 
fernal Vàna,  ce  Vasoudévide,  qui,  dans  une  guerre  ter- 
rible , immola  des  ennemis  égaux  à toi  et  même  plus 
vigoureux  ! » 2,421. 

•i  11  est  hors  de  doute,  répondit  Rarna,  que  le  souve- 
rain des  Vrishnides  est  connue  tu  le  dis,  et  que  je  suis  un 
magnanime  plus  grand  encore  ! Que  l’arrière-graud-oude 


72 


LE  MAHA-BHARATA. 


écoute  ma  réponse  à ces  paroles  un  peu  dures  ! 2,422. 

» Je  ne  déposerai  (1)  jamais  les  armes  dans  le  combat 
et  l’arrière-grand-oncle  me  reverra  dans  l'assemblée  ! 
Mais  tiens-toi  en  repos,  loi!  et  tous  les  monarques  sur  la 
terre  verront  qu’elle  est  ma  puissance!  » 2,423. 

A ces  mots,  quittant  l’assemblée,  ce  grand  archer  de 
retourner  dans  son  palais.  Bhishma  alors  tint  en  sou- 
riant, sire,  ce  langage  à Douryodhana  au  milieu  des  kou-- 
rouides  : 2,424. 

« Certes  ! avant  ce  jour,  le  fds  du  cocher  nous  a donné 
des  promesses  vraies  ; mais  de  quelle  manière  soutiendra- 
t-il  aujourd'hui  cette  charge  ? Ayant  rangé  l’armée  en 
bataille,  dit-il,  et  coupant  les  têtes  sous  les  yeux  de  Bhi- 
maséna,  contemplant  la  destruction  du  monde,  2,425. 

» J’immolerai  toujours,  par  milliers  et  par  myriades, 
les  combattants  des  ennemis  dans  le  repos  même  des  rois 
d’Avanti,  des  Kâlingas,  de  Djayadratha,  du  souverain  de 
Tchédi  et  de  Vâhlika!  2,420. 

» Le  devoir  et  la  pénitence  sont  des  choses  perdues 
pour  ce  (ils  du  soleil,  le  plus  vil  des  hommes,  alors  qu’il 
fait  cette  déclaration  d’armes  (2)  et  prononce  ces  paroles 
de  brahme,  quand  le  beau  Krishna  vit  sans  reproche  sur 
la  terre  ! « 2,427. 

Quand  Bhishma  eut  prononcé,  après  le  départ  de 
Karna,  ce  discours,  où  il  blâmait  scs  armes,  le  (ils  du 
Vitchitraviride,  Douryodhana  A l’intelligence  étroite  tint 
ce  langage  au  fils  de  Çântariou  : 2,428. 


(1)  Nyasydnti,  présent  de  l'indicatif,  par  hypallage,  sans  doute. 

(2)  L'édition  de  Bomber  porte  ladtulram , et  non  induirai,  comme  celle 
de  Calcutta. 


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OCDYOGA-PARVA. 


75 


• Comment  peux-tu  être  le  seul  à penser  que  la  vic- 
toire puisse  rester  à ces  Prithides,  semblables  au  reste 
des  hommes,  et  de  qui  la  naissance  ne  diffère  pas  de 
toutes  les  autres?  2,420. 

» Nous  sommes  leurs  égaux  en  courage  et  en 
prouesses  ; notre  jeunesse  n’est  pas  différente,  égale  est 
notre  science  divinatoire.  2,430. 

» Nous  les  valons  pour  l’art  de  lancer  la  flèche,  de 
réunir  les  guerriers,  pour  la  vitesse  et  l’habileté  ; nos  fa- 
milles sont  pareilles  ; nous  sommes,  comme  eux,  sortis  du 
sein  d’une  femme.  2,431. 

» Comment  sais-tu,  mon  aïeul,  que  la  victoire  est  à 
ces  Prithides?  N’ai-je  pas  commencé  à m'avancer  hé- 
roïquement aux  yeux  de  ton  altesse,  de  Drona,  de  Kripa, 
et  du  Vahlikide,  et  de  tous  les  autres  Indrasdes  hommes? 
Moi,  et  Raina,  le  fils  du  soleil,  et  Douççàsàna,  mon 
frère,  2,432 — 2,433. 

» Nous  abattrons  dans  le  combat  les  cinq  fils  de  Pàn- 
dou  sous  nos  flèches  acérées!  Ensuite,  je  rassasierai  de 
vaches,  de  chevaux,  de  présents,  tous  les  brahmes  en  de 
grands  sacrifices  de  diverses  sortes  et  riches  de  nom- 
breux honoraires.  Lorsqu'ils  verront  les  années  enne- 
mies pleines  de  chars  et  d'éléphants,  les  miens  enfermer 
dans  leurs  bras  comme  en  des  rèts  leurs  puissants  rivaux, 
tels  qu’on  arrête  des  gazelles  an  lacet , alors  Kôçava  et 
les  Pàndouides  metfront  bas  leur  orgueil.  » 

2,434— 2,435— 2, 43B-2, 437. 

« La  répression  des  sens  et  la  vertu  éternelle,  dit 
Vidoura,  appartiennent  surtout  au  brahme,  qui  a la  vue 
de  la  vérité.  Ici,  aflinnent  les  vieillards,  est  la  béati- 
t de.  2,438. 


74 


LE  JIAHA-BHARATA. 


» L'aumône,  la  patience,  la  perrection,  lui  viennent 
exactement  : la  répression  des  sens,  l'aumône,  la  péni- 
tence, suivent  la  lecture  et  la  science.  2,439. 

» La  répression  des  sens  augmente  l’énergie;  la  purifi- 
cation est  suprême  dans  la  répression  des  sens.  L'homme 
sans  [>éché,  à la  grande  énergie,  obtient  la  domination. 

» Semblables  aux  carnassiers,  les  hommes  indomptés 
inspirent  de  l’effroi  aux  créatures;  c’est  pour  les  arrêter 
que  rÊtrc-cxistant-par-lui-nièuie  a créé  la  caste  des 
kshatryas.  2,440 — 2,441. 

» La  répression  des  sens  est,  dit-on,  le  plus  grand 
vœu  dans  les  quatre  ordres  religieux,  — j'en  dirai  le  ca- 
ractère; — chez  eux,  la  répression  des  sens  commence  le 
lever  des  vertus.  2,442. 

» la  fermeté,  la  patience,  l'innocuité,  l’égalité  d'âme, 
la  vérité,  la  droiture,  la  victoire  sur  les  organes  des  sens, 
la  constance,  la  douceur,  la  pudeur,  l’immobilité,  2,443. 

» La  richesse  de  l’esprit,  l'absence  de  la  colère,  le 
contentement  et  la  confiance  ; l'homme,  qui  possède  ces 
qualités,  Indra  des  mortels,  on  dit  qu'il  est  dompté. 

n L’amour,  l'avarice,  l’orgueil,  le  ressentiment,  le 
sommeil,  l’ambition,  l’envie  et  le  chagrin  sont  des  choses, 
qu'un  homme  dompté  ne  connaît  pas  ! 2,444 — 2,445/ 

» La  franchise,  la  bonté,  la  pureté,  être  libre  de 
couvoitise,  désirer  peu  de  chose,  ne  pas  songer  aux 
amours,  sont  le  caractère  de  l'homme  dompté.  2,440. 

» Celui,  que  l’on  vante  connue  dompté,  est  semblable 
à la  mer;  il  est  vertueux,  il  est  sage  : il  est  doué  de 
bonnes  mœurs,  il  connaît  la  sérénité  de  l'âme.  2,447. 

» Après  qu'il  a joui  du  respect  dans  ce  monde-ci,  il 
entre,  au-delà  de  la  tombe,  dans  la  voie  des  bienheureux, 


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OUDYOGA-PARVA. 


75 


11  n'inspire  ancun  effroi  à tous  les  êtres  et  n'a  rien  à 
craindre  d’aucun  d'eux.  2,448. 

» li  a mûri  la  science  ; on  le  cite  comme  le  plus  grand 
des  hommes;  il  est  bon  pour  toutes  les  créatures,  il  est 
aimable  et,  par  conséquent,  il  n'est  point  agité  par  la 
crainte.  2,440. 

o Profond  comme  la  mer,  rassasié  de  science  ; il  a l’es- 
prit en  paix  ; la  chose,  qu’il  fait,  est  toujours  celle  que  les 
gens  de  bien  ont  faite  avant  lui.  2,450. 

» Ayant  embrassé  de  tels  sentiments,  les  hommes 
domptés  se  réjouissent,  adonnés  à la  paix  de  l’âme  ; ou 
bien,  adoptaut  l’abstention  des  œuvres,  les  organes  des 
sens  vaincus,  rassasié  de  science,  il  marche  dans  ce  monde, 
les  yeux  fixés  sur  la  mort  ; il  participe  à ('unification  en 
Dieu,  et,  de  même  qu’on  n'aperçoit  pas  la  trace  des 
oiseaux  au  milieu  des  airs,  2,451 — 2,452. 

» Telle  on  ne  voit  pas  la  route  de  l’ homme,  rassasié  de 
la  science.  Ou  les  mondes  éternels,  faits  de  lumière,  sont 
dans  les  cieux  l'héritage  du  mortel,  qui,  abandonnant  son 
épouse,  n’aspire  qu'à  la  délivrance.  2,453 — 2,454. 

» Nous  avons  ouï  dire  à nos  devanciers,  mon  lils,  qu’un 
certain  oiseleur  s'était  muni  sur  la  terre  d'un  lacet  pour 
attraper  ici  des  oiseaux.  2,455. 

t Deux  hôtes  de  l’air  vinrent  de  compagnie  se  prendre 
ensemble  au  piège  : l'homme  les  dégage  de  ses  rêts,  mais 
les  deux  habitués  du  ciel  s'enfuient  à tire  d’aile.  2,458. 

» Quand  l’oiseleur  vit  les  deux  captifs  s’envoler  par  La 
voie  des  airs,  il  se  mit  à courir  après  eux,  sans  rougir, 
partout  où  ils  allaient.  2,457. 

» Placé  dans  son  hermitage,  où  il  avait  accompli  ses 
obligations  quotidiennes,  un  anachorète  vit  le  chasseur, 


LE  MAHA-BHARATA. 


7« 

qui  courait  dans  le  désir  d'attraper  les  oiseaux.  2,458. 

* L’hcrmitc  alors  d'interroger,  Kourouide,  avec  ce 
çloka,  l'homme,  qui  suivait  d'un  pied  rapide,  mais  par 
terre,  les  volatiles,  qui  s'enfuyaient  dans  les  airs  : 2,4ôfl. 

« L'action,  que  tu  fais,  chasseur,  nie  parait  surprenante 
et  merveilleuse,  car  tu  poursuis  à pied  deux  oiseaux, 
que  leurs  ailes  emportent  dans  l’atmosphère.  » 2,460. 

i.  (les  volatiles,  répondit  l’oiseleur,  sont  venus  de  com- 
pagnie dans  le  même  filet  de  moi,  qui  l’avais  tendu  pour 
les  prendre  ; ils  reviendront  en  ma  puissance,  quand  la 
querelle  se  mettra  parmi  eux.  » 2,461. 

» ltientût  la  rixe  se  glissa  entre  eux,  comme  l'oiseleur 
avait  dit;  ils  se  livrèrent  un  combat  avec  un  esprit  bien 
stupide,  et  s’abattirent  sur  la  terre.  Tandis  qu’ils  combat- 
taient irrités,  obéissants  à la  volonté  de  la  mort,  le  meur- 
trier d’animaux  s’approcha,  .ans  être  vu  ni  entendu,  et  les 
prit.  2,462 — 2,463. 

» 11  en  est  ainsi  des  parents,  qui  prennent  le  combat 
pour  arbitre  en  leurs  mutuelles  affaires  : la  guerre  les 
met,  comme  ces  oiseaux,  sous  le  pouvoir  de  leurs  enne- 
mis. 2,464. 

» Ne  fais  jamais  d'obstacle  à ces  usages  de  famille  : les 
repas  en  commun,  les  conversations  mutuelles,  les  de- 
mandes réciproques,  une  commune  entrevue.  2,465. 

» Tous  les  hommes  d’un  bon  esprit,  qui  honorent  à 
propos  les  vieillards,  sont  aussi  invulnérables  qu'une  forêt, 
défendue  par  un  lion.  2,466. 

» Ceux,  qui,  après  avoir  commencé  une  affaire  éternelle, 
s’arrêtent  comme  des  lâches,  éminent  Hharatide,  ils  don- 
nent l'avantage  aux  ennemis.  2,467. 

u Dhritaràshtra  est  obscurci  de  fumée  par  sa  famille, 


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OU  DYOGA-PARVA. 


tel  que  par  des  torches  réunies,  flamboyantes,  mais  arri- 
vées à leur  lin.  2.46S. 

n Je  te  dirai  cette  autre  chose,  comme  je  l’ai  vne  sur  une 
montagne.  Quand  tu  l’auras  entendue,  rejeton  de  Kourou, 
agis  de  manière  que  ta  conduite  soit  pour  le  mieux.  2,469. 

» Escortés  par  des  chanteurs  Kiràtas,  noussotumesallés 
sur  une  montagne  très-élevée,  accompagnés  d’interprètes, 
d’hommes,  qui  exposaient  la  science,  et  de  brahmes,  sem- 
blables aux  Dieux.  2,470. 

» ('.'était  le  Gandhamàdana,  montagne  toute  remplie  de 
tous  les  côtés  avec  des  plantes  rampantes  et  grimpantes, 
avec  une  multitude  d’herbes  phosphorescentes,  habitée 
par  des  Gandharvas  et  des  Siddhas.  2,471. 

» LA,  nous  vîmes  tous  du  miel,  des  rayons,  des  gâteaux 
de  miel,  semblables  A un  boisseau,  et  placés  au  milieu 
d'un  lieu  désert,  dans  un  précipice  escarpé!  2,472. 

■>  Ce  dépôt,  très-aiuié  de  Kouvéra,  est  gardé  par  des 
serpents.  L’homme  mortel,  qui  peut  en  jouir,  obtient  aus- 
sitôt l'immortalité.  2.473. 

» L’aveugle  acquiert  des  yeux,  le  vieillard  revient  A la 
jeunesse  : ainsi  nous  le  racontèrent  les  brahmes,  qui 
faisaient  nos  approvisionnements.  2,474. 

» Alléchés  par  sa  vue,  maître  de  la  terre,  les  Kiràtas 
périrent  tous  dans  cette  caverne  escarpée  et  remplie  de 
serpents.  2,475. 

» l)e  même,  ton  fils,  que  voici,  désire  posséder  seul  la 
terre-,  il  voit  le  miel,  et,  dans  sa  folie,  il  ne  lient  pas 
compte  du  précipice.  2,476. 

s Ce  Douryodhana,  il  veut  combattre  l’Ambidextre  en 
bataille;  mais  je  ne  lui  vois,  ni  une  force,  ni  un  courage 
assortis  à ceux  du  guerrier,  2,477. 


7S 


LE  .MA H V-BHARATA. 


» Par  qui  seul, -monté  sur  un  char,  la  terre  a été  sou* 
mise.  Bhishma,  Drona  et  les  autres,  valeureux  compa- 
gnons, tout  tremblants,  n’ ont-ils  pas  été  rompus  dans  la 
cité  militaire  de  Vira  ta  ? Le  souvenir  de  cette  action  est- 
il  sorti  de  ta  mémoire?  Le  souverain  héroïque  du  Mnlsya, 
Droupada,  qui  dans  l’attente  soutient  ton  regard,  et  Dha- 
naudjaya  irrité,  semblables  tous  deux  à des  feux  excités 
par  le  vent,  ne  laisseront  pas  survivre  un  seul  de  tes 
guerriers.  2,478—2,479 — 2,480. 

« Embrasse  sur  ton  sein,  Dhritai  àshtra,  le  monarque 
Youddhishthira  ; car , si  vous  combattez  l’un  contre 
l’autre,  la  victoire  ne  sera  pas  entière.  » 2,481. 

« Douryodhana,  comprends,  mon  fils,  reprit  Dhrita- 
ràshlra,  ce  que  je  vais  te  dire.  Tu  regardes  comme  une 
erreur,  tel  qu'un  voyageur  ignorant,  la  route,  que  tu  dois 
suivre.  2,482. 

» Car  tu  veux  te  rire  des  cinq  fils  de  Pàndou,  sem- 
blables aux  cinq  grands  éléments,  par  qui  se  soutient  le 
monde.  .2,483. 

» En  effet,  tu  ne  peux  vaincre  cet  Youdhishthira,  ce 
fils  de  Kountt , qui  pratique  ici-bas  la  plus  haute  vertu  et 
qui  doit  [lasser  après  sa  mort  dans  la  plus  haute  voie. 

» Tel  qu’un  arbre  ne  peut  surmonter  un  grand  vent, 
de  même  ne  pourras-tu  surmonter  Bhitnaséna,  de  qui  un 
égal  en  force  n'existe  pas  et  qui  est  la  mort  dans  les 
combats.  2,484 — 2,485. 

n Quel  homme,  s’il  a de  l’intelligence,  engagerait  nne 
bataille  avec  l’archer  du  G&ndtva , le  plus  vaillant  de 
tous  ceux,  qui  portent  les  armes,  comme  le  Mérou  est  la 
plus  haute  des  montagnes?  2,480. 

•>  Quel  guerrier  pourrait  immoler  ici  aujourd’hui  même 


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OUDYOGA-PAItVA. 


79 


Dhristadyoumna  le  Pântchàlain,  qui  décoche  au  milieu 
des  ennemis  ses  flèches  de  la  manière  que  le  roi  des 
Dieux  Tance  sa  foudre?  2,487. 

» Sâtyaki  est  réputé  invincible  parmi  les  An  il  h ak  as 
et  les  Vrishnides;  il  moissonnera  ton  armée,  car  il  se 
plaît  dans  le  bien  des  Pàndouides.  2,488. 

« Quel  homme , s'il  a de  l’intelligence,  combattrait 
avec  Khrisna  aux  yeux  de  lotus  bleu,  lui,  de  qui  la  gran- 
deur surpasse  encore  les  trois  mondes?  2,489. 

» D’un  côté  est  son  épouse,  ses  parents,  ses  alliés; 
de  l’autre  est  Dhanandjaya,  cette  terre  et  lui- même. 

» (l’est  au  parti  du  PAndouide  à l’âme  comprimée 
qu’appartient  l'invincible  fils  de  Yasoudéva.  I.A,  où  se 
tient  Kéçava,  est  une  force  insoutenable  même  à la  terre! 

2,490—2,491. 

» Attache-toi,  mon  fils,  à la  parole  de  tes  vertueux 
amis  au  langage  sensé  ; supporte  la  censure  du  vieux  (ils 
de  (làntanou,  Rhtshma,  ton  arrière-grand-oncle.  2,492. 

» Écoute-moi,  qui  te  parle,  les  yeux  fixés  sur  l’avan- 
tage des  Kourouides  ; écoule  Drona,  Kripa,  A ikarna  et  le 
puissant  roi  Vâhlika.  2,493. 

» Ils  sont,  en  effet,  à l’égal  de  moi,  veuille  les  consul- 
ter, comme  tu  le  ferais  pour  moi-même.  Tous  connaissent 
le  devoir  ; ils  ont  pour  toi,  rejeton  de  Bharata,  un  amour 
égal  nu  mien.  2,494. 

» Dans  l’expédition  contre  la  cité  de  Viràta,  forcée 
d’abandonner  les  vaches,  ton  armée  tremblante  d’effroi, 
fut  rompue  avec  tes  frères  sous  tes  yeux  mêmes.  2,495. 

» Nous  avons  appris  quelle  haute  et  merveilleuse 
prouesse  fut  accomplie  dans  cette  ville  : cet  exemple 
d'une  seule  est  suffisante  pour  un  grand  nombre. 


so 


Lli  MAHA-BHAUATA. 


» Si  Arjouna  l'exécuta,  combien  plus  tous  ceux  qui 
C accompagnent  ! Souviens-l’en  ! Sauve  ta  famille  avec 
tes  frères.  » 2.49(5 — 2,497. 

Quand  il  eut  adressé  à Souvodhana  ces  paroles,  le 
vertueux  Dhrilarâshtra  à la  grande  science  interrogea  de 
nouveau  Sandjaya  : 2,498. 

« Dis-moi,  Sandjaya,  ce  qui  reste.  Que  te  dit  Arjouna 
immédiatement  après  le  Vasoudévide?  Ma  curiosité  est 
extrême.  » 2,499. 

« Dès  qu'il  eut  entendu  le  discours  du  Vasoudévide, 
répondit  Sandjaya,  l’inalfrontable  fils  de  Kouutl,  Dha- 
nandjaya,  tint  ce  langage  à propos  devant  le  Vasoudévide, 
qui  écoutait  : 2,500. 

« Dis,  Sandjaya,  à mon  arrière-grand-oncle,  le  fils  de 
r.ântanou,  ainsi  qu’à  Dhritarâshtra,  à Drona,  à Rripa,  à 
Karna,  au  grand  roi  Y&hlika,  au  fils  de  Drona,  à Soir.a- 
datta,  à Çakouni  lui-même,  le  fils  de  Soubala,  à Douççà- 
sana,  à Cala,  à Pouroumitra,  à Vivinçati,  à Vikarna,  à 
Tchitraséna,  au  prince  Djayatséna,  à Vinda  et  Anouvinda, 
les  rois  d' Avant!,  à Dourmoukha  le  Kourouidc,  au  Sin- 
dltien  Doussalta,  à Bhoùriçravas,  au  monarque  Bhaga- 
datta,  à son  altesse  Djalasandha  et  à tous  les  autres 
princes,  qui,  réunis  là  pour  combattre  dans  l’intérêt  des 
enfants  de  Kourou,  désirent  la  mort,  et  que  le  Dhrita- 
ràshtride  amena  pour  sacrifier  dans  le  feu  allumé  des 
Pândouides.  Il  te  faut  parler  à pes  grands  rassemblés, 
suivant  la  convenance , leur  baiser  les  pieds  et  leur 
demander,  en  mon  nom,  des  nouvelles  de  leur  félicité. 
Dis  ces  mots,  Sandjaya,  au  milieu  des  rois,  à Souyo- 
dhana,  le  trésor  des  vices.  (De  ta  stance  2,501  à la 
stance  2,507.) 


1 1 — 


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OUDYOGA-PAUVA. 


81 


>>  Fais  entendre  complètement , Sandjaya  , tout  ce 
discours  de  moi  au  Dhritarâshtride,  environné  de  ses 
ministres;  ce  fils  ainé  du  roi,  plein  d'avarice,  prompt  ft 
la  colère,  à l’esprit  méchant,  à l'âme  criminelle.  >■  2,507. 

» A ces  mots,  le  sage  lils  de  Prithâ,  Dhanandjaya,  prit 
une  contenance  ferme  et,  fixant  sur  le  Vasoudévide  ses 
grands  yeux  aux  angles  rouges,  il  me  tint  ce  langage, 
plein  de  sens  et  conforme  à la  justice  : 2,508. 

« Tu  répéteras  devant  les  monarques  rassemblés  son 
discours,  tel  que  tu  l’as  entendu  sortir  de  la  bouche  du 
magnanime  héros,  qui  triompha  de  Madhou,  et  ton  excel- 
lence redira  aussi  mes  paroles  entièrement.  2,509. 

« Tous  réunis,  déployez  vos  efforts,  afin  que,  dans  un 
grand  combat,  l’ offrande  ne  soit  pas  versée  dans  le  feu 
des  Pàndouides,  excité  par  le  vent  des  chars,  avec  l'arc 
en  guise  de  cuiller  sacrée,  qui  été  la  force  aux  astras. 

» Si  vous  refusez  de  rendre  à Youdhishthira,  l’imino- 
lateur  des  ennemis,  sa  désirée  part  d'héritage,  je  vous 
plongerai  tous,  avec  vos  coursiers,  vos  hommes  de  pied 
et  vos  éléphants,  sous  mes  flèches  acérées,  dans  le  séjour 
infortuné  des  Mânes.  » 2,510 — 2,511. 

» Alors,  je  dis  adieu  à Dhanandjaya  ; je  fis  à la  hâte 
mes  adorations  à AfrisAna-Vishnou,  et  je  revins  prompte- 
ment ici,  en  ta  présence,  roi,  ceint  d'une  auréole  immor- 
telle, te  répéter  cette  grande  parole.  » 2,512. 

Ce  langage  ne  fut  point  agréable  à Douryodhana,  le 
Dhritaràshtride ; tous  gardèrent  le  silence,  et  les  princes 
éminents  levèrent  le  siège.  2,513. 

Après  le  départ  de  tous  les  rois  de  la  terre,  puissant 
monarque,  le  vieux  souverain  se  mit  à interroger  Sandjaya 
dans  la  salle  évacuée.  2, 51 A . 


vi 


O 


82 


LE  MAHA-BHARATA. 


Soumis  au  pouvoir  de  ses  fils,  il  désirait  leur  victoire, 
et  cherchait  un  jugement  sur  les  Pândouides,  sur  leurs 
ennemis  et  sur  .lui-même.  2,515. 

« Fils  de  Gavalgani,  dis-nous  maintenant  ici  le  fort  et 
le  faible  de  cette  armée,  demanda-t-il.  Tu  sais  le  nerf  des 
Pândouides.  Qu’est-ce  qu’ils  ont  de  plus  fort?  Qu’est-ce 
que  les  autres-ont  de  plus  faible?  2,516. 

» Tu  connais  la  force  de  l’un  et  de  l'autre  parti;  tu 
vois  tout;  tu  es  versé  dans  le  juste  et  l’utile;  tu  sais  la 
vérité.  Interrogé  par  moi,  Sandjaya,  ne  cache  rien.  De 
quel  côté  les  combattants  ne  se  trouvent-ils  pas  ? # 

« Je  ne  puis  te  rien  dire  en  ce  lieu  solitaire,  sire,  lui 
répondit  Sandjaya,  car  il  serait  possible  que  la  calomnie 
eût  accès  auprès  de  toi.  Mais,  ami  d’Adja,  fais  venir  ici 
ton  aïeul  au  grand  vœu  et  Gândhârl,  ta  royale  épouse. 

2,517—2,518. 

» Que  la  présence  de  ces  deux  personnes  écarte  de  toi 
la  calomnie,  Indra  des  hommes.  Elles  connaissent  le 
devoir,  elles  sont  habiles,  elles  distinguent  la  vérité.  En 
présence  d’elles,  je  pourrai  dire  mon  opinion  entière  sur 
Kéçava  et  les  enfants  de  Prithâ.  » 2,519. 

Dès  qu'il  eut  ainsi  parlé,  Gândhârl  et  Vyâsa  arrivèrent, 
amenés  par  Vidoura,  et  furent  promptement  introduits 
dans  la  salle  du  trône.  2,520. 

Aussitôt  qu’il  eut  eonnu  le  sentiment  de  son  fils  et  l’o- 
pinion de  Sandjaya,  Krishna-Dwaîpâyana  à la  grande 
science  s’approcha  et  dit  : 2,521. 

« Sandjaya,  déclare  aux  interrogations  de  Dbrita- 
râshlra  tout  ce  qu'il  t’ordonne  de  dire.  Tu  sais  bien  tout 
exactement  et’  suivant  la  vérité  sur  ce  qui  concerne 
Arjouna  et  le  Vasoudévide.  » 2,522. 


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OU  DYOG  A-PARV  A . 


83 


Sandjnya  dit  alors  : 

« Arjonnaetle  Vasoudévide  sont  deux  archers  infini- 
ment honorés,  qui  doivent  leur  naissance  h une  autre 
cause  que  l'anrour,  et  l'estime,  dont  ils  jouissent,  â toutes 
les  sortes  de  bons  sentiments.  2,523. 

» I.c  disque  guerrier  du  sage  Vasoudévide,  qui  se  dé- 
veloppe dans  l'espace  entier  d’une  brasse  mesurée  par 
l’ youta,  roule,  seigneur,  environné  de  magie.  2,624. 

» Il  est  refusé  aux  enfants  de  Kourou  de  connaître,  en 
ce  qu'elle  a de  faible,  en  ce  quelle  a de  fort,  l’armée  des 
Pàndouides,  bien  estimée  et  qui  brille  d'une  multitude  de 
splendeurs.  2,525. 

» Le  vigoureux  meurtrier  de  Madhou  a triomphé , 
comme  en  se  jouant,  de  Maraka,  de  Çambara  même,  de 
Kansa  et  du  roi  de  Tchédi,  qui  ressemblaient  tous  à l’hor- 
reur en  personne.  2,626. 

» Le  sage  Pouroushottama  (1)  à l’âme  supérieure  par 
l’intelligence  a réduit  en  son  pouvoir  la  terre,  l’atmos- 
phère et  le  ciel.  2,627. 

» Au  sujet  des  questions , que  tu  m’as  adressées 
mainte  et  mainte  fois  pour  connaître  les  fils  de  Pândou, 
écoute  en  abrégé  de  ma  bouche,  sire,  le  fort  et  le  faible 
de  cette  armée.  2,528. 

» Place  d’un  côté  le  monde  entier,  de  l’autre  part 
Djanàrddana.  Celui-ci  par  sa  force  excelle  sur  le  monde 
entier.  2,529. 

u Djanàrddana  par  le  seul  effet  de  sa  pensée  mettrait 
en  cendres  tout  l'univers  ; mais  tout  l’univers  ne  peut  ré- 
duire en  cendres  Djanàrddana  ! 2,630. 

u Du  côté  où  est  la  vérité,  où  est  le  devoir,  où  est  la 


(i)  Le  plus  grand  des  hommes. 


84 


LE  MAHA-BHARATa. 


pudeur,  où  est  la  droiture,  là  toujours  se  tient  Govinda  : 
où  est  Krishna,  là  est  la  victoire.  2,531. 

» Djanârddana,  le  plus  grand  des  hommes,  le  principe 
de  vie,  donne,  comme  en  se  jouant,  le  mouvement  à la 
terre,  à l’atmosphère  et  au  ciel.  2,532. 

alla  permis  que  les  Pàndouides  fussent  victimes  d'une 
tromperie  et  il  égare , pour  ainsi  dire,  le  monde  ; il  désire 
consumer  tes  fds  insensés , de  qui  les  vices  composent 
tous  les  plaisirs.  2,533. 

» Kéçava  est  la  révolution  du  temps,  la  révolution  du 
monde  et  la  révolution  de  l’youga  : cet  Adorable  change 
éternellement  par  l’union  de  son  âme  avec  tous  les  (très. 

n Seul,  Bhagavat  domine  sur  les  créatures  animées  ou 
privées  d’âme,  sur  le  temps , sur  la  mort  elle-même  : 
c’est  une  vérité,  que  je  t’affirme  là  ! 2,534 — 2,535. 

» Tout  en  exerçant  son  empire,  Hari,  ce  grand  Yogi, 
continue  à exécuter  les  affaires  du  monde  entier,  comme 
un  laboureur,  qui  enrichit  ta  terre.  2,530. 

» Kéçava  trompe  les  mondes  par  le  moyen  de  cette 
magie  : les  hommes  qui  vont  à lui,  sont  jetés  par  lui- 
même  dans  le  délire.  » 2,537. 

« Comment,  lui  demanda  Dhritarâshtra,  connais-tu 
Màdhava,  le  souverain  maître  de  l’univers  entier?  Et 
comment  se  fait-il  que  je  ne  le  connaisse  pas?  Dis-moi 
cela,  Sandjaya  I » 2,638. 

» Écoute,  sire,  pour  toi  la  science  n’existe  pas,  répon- 
dit Sandjaya  ; et  moi,  je  n’ai  pas  délaissé  la  science.  Dé- 
pourvu de  science,  tu  es  tombé  dans  les  ténèbres  ; et  voilà 
pourquoi  tu  ne  connais  pas  Kéçava.  2,539  (1). 


(t)  Cette  alancc  est  par  erreur  comptée  2,540  ; nous  allons  sauter  par- 
dessus  un  chiffre. 


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OUDYOGA-PARVA. 


35 


» C’est  par  la  science  que  je  connais,  mon  père,  le 
meurtrier  de  Madhou , qui  renferme  en  soi  les  trois 
yougas,  ce  créateur  incréé,  ce  Dieu,  qui  est  la  voie  même 
de  la  naissance  pour  tous  les  êtres.  » 2,541. 

« Gavalganide,  reprit  Dhritarâshtra,  quelle  est  ici  la 
piété,  que  tu  eus  toujours  en  Djanàrddana  et  par  laquelle 
tu  obtins  de  connaître  ce  meurtrier  de  Madhou,  cet  être, 
qui  renferme  en  soi  les  trois  yougas  ? » 2,542. 

« Je  ne  pratique  point  la  fraude,  si  tu  me  permets  de 
le  dire  (1)  ; je  ne  cultive  pas  en  vain  la  vertu,  lui  répondit 
Sandjaya  ; la  piété  m'a  conduit  à des  sentiments  purs,  et 
je  connais  Djanàrddana  par  les  Traités.  » 2,543. 

» Douryodhana,  dit  alors  Dhritarâshtra,  dirige  tes  pas 
vers  Djanârddana-Hrishîkéça  ; Sandjaya  est  notre  ami, 
mon  fils  ; demande  le  secours  de  Réçava.  » 2,544. 

« Si,  alléguant  l’amitié,  qui  l’unit  avec  Arjouna,  reprit 
Douryodhana,  l'honorable  fils  de  Dévakl  veut  immoler 
aujourd’hui  les  hommes,  je  ne  veux  pas  de  son  appui  ! » 

« Gândbârl,  fit  Dhritarâshtra,  ton  fils  recule;  c'est  un 
homme  à l'esprit  méchant,  envieux,  â l’àme  inique,  or- 
gueilleux et  qui  outrepasse  la  parole  des  hommes  les  plus 
vertueux!  » 2,545 — 2,546. 

« Ame  criminelle  par  l’amour  de  la  domination,  répar- 
tit Gândbârl,  tu  méprises  les  ordres  des  vieillards.  Honte, 
insensé,  à toi,  à ton  père  et  à moi-même  dans  ta  vie  am- 
bitieuse ! 2,547. 

» Tu  accrois  la  joie  de  tes  ennemis,  tu  mets  le  comble 
à mon  chagrin  ; mais  tu  te  souviendras  des  paroles  de 
ton  père,  quand  tu  succomberas  sous  les  coups  de  Bhl- 
inaséna!  » 2,548. 

(1)  Bhadran  tai,  loculiou  expliquée  dans  mon  Hàmdyana. 


8fl 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Tu  es  l'ami,  sire,  de  Krishna;  écoute-moi,  Dhrita- 
rishtra,  dit  alors  Vyàsa.  Toi,  qui  as  pour  messager  San- 
djaya,  il  te  fera  choisir  le  meilleur  des  partis.  2,549. 

» Il  connaît  Hrishikéça  et  ce  qui  est  le  premier  des  Pou- 
rânas  : il  sauve  d’un  grand  péril  l’homme,  plongé  dans 
la  méditation  et  qui  vient  lui  prêter  l’oreille.  2,550. 

» Les  mortels,  environnés  de  la  colère  et  de  la  joie, 
enchaînés  par  des  liens  de  différente  espèce,  Vitchitravl- 
ride,  ne  sont  jamais  contents  de  leurs  richesses.  2,551. 

» D’une  autre  part,  conduits  par  leurs  œuvres,  comme 
des  aveugles,  les  hommes,  tombés  dans  la  folie  de 
l’amour,  passent,  les  yeux  fermés  à la  lumière  sous  le 
pouvoir  d'Yama.  2,652. 

» Le  grand  homme,  qui  regarde  avec  une  profonde 
attention  le  chemin , par  où  marchent  les  sages,  saute 
par-dessus  la  mort  et  ne  se  laisse  pas  enchaîner  par 
elle!  » 2,553. 

« Eh  bien  ! Sandjaya,  dis-moi  par  quelle  route  fermée 
à la  crainte,  fit  Dhritaràshtra,  je  puis  me  diriger  vers 
Hrishikéça  et  obtenir  une  perfection  suprême.  » 2,554. 

« Jamais  l’insensé,  répondit  Sandjaya,  ne  connaîtra  le 
sage  Djanârddana.  Il  n’y  a pas  d'autre  moyen  pour  arriver 
à celte  science  que  d'accomplir  sur  soi-même  la  compres- 
sion des  sens.  2,555. 

» Le  renoncement  à l’amour  doit  se  faire  avec  attention 
en  de  nobles  organes  des  sens,  la  vigilance  et  l’abstention 
de  toute  action  nuisible  : voilà,  sans  contredit,  les  mères 
de  la  science.  2,65<1. 

» Déploie  sans  paresse,  sire,  tes  efforts  dans  la  compres- 
sion des  sens  ; et  garde  ton  àtne  de  la  chûte  tandis  que  tu 
la  réprimes.  2,557. 


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OUDYOGA-PARVA. 


87 


i)  Les  brahmes  connaissent  assurément  cette  science, 
qui  contient  les  sens  ; cette  science  est  la  route,  par  la- 
quelle s’avancent  les  sages.  9,558. 

» Kéçava  aux  sens  vaincus,  que  ne  peuvent  atteindre 
les  hommes  aux  organes  indomptés,  accorde  sa  faveur, 
suivant  la  vérité,  à l'unification  en  Dieu  et  aux  Çâstras 
obtenus.  » 2,559. 

« Réponds  encore  à mes  questions , Sandjaya , sur 
Poundarîkàksha , reprit  Dhritarâshtra  ; fais  qu’avec  la 
connaissance  du  sens,  de  la  chose  et  du  nom,  je  puisse 
atteindre  au  plus  grand  des  hommes.  » 2,560. 

« J'ai  entendu  une  heureuse  explication  du  nom  de 
Vasoudéva,  répondit  Sandjaya,  de  manière  que  je  puis  la 
donner  ici.  Kéçava  se  dérobe  à toute  mesure.  2,561. 

» 11  est  appelé  Vasou  d’après  son  habitation  dans  tous 
les  êtres  ; ensuite,  de  sa  naissance  divine,  vient  le  nom 
de  Vasoudéva.  11  est  appelé  Vishnou  d’après  sa  gran- 
deur. 2,562. 

» Sache,  rejeton  de  Bharata,  que  de  son  unification  en 
Dieu,  de  sa  méditation,  de  son  silence  est  dérivé  son 
nom  de  Mâdhava  ; on  le  nomme  Madhoukaet  Madhousoû- 
dana , parce  qu’il  est  formé  de  toute  la  vraie  nature. 

» 11  est  appelé  le  Labourage,  la  Terre  ; il  est  appelé  la 
Dette  ; il  est  appelé  le  Repos,  Vishnou,  Sâttwata  et 
Krishna,  suivant  son  union  à cette  couleur  azurée, 

2,563 — 2,564. 

» Le  Lotus  blanc,  l’Habitation  suprême,  immortelle, 
impérissable,  éternelle,  le  Dieu  aux  yeux  de  lotus  bleu, 
parce  qu’ils  ont  cette  teinte,  et  Djanârddana  d’après  le 
tremblement,  qu’il  jette  dans  les  ennemis.  2,565. 

» 11  est  nommé  Saltwala  selon  qu’il  ne  déchoit  pas  du 


88 


LE  MAHA-BHARATA. 


bien  (1),  selon  qu'il  n’est  pointabandonné par lebien  (2). 
Sàttwata  ou  Vishnou  est  dit  le  Dieu  aux  yeux  de  taureau, 
d’après  cette  ressemblance  avec  le  saint  quadrupède. 

» Comme  il  n'est  pas  né  d'un  père,  il  est  appelé  à 
cause  de  cela  Adja  (3).  L'auguste  est  nommé  Anikadjit, 
mon  père,  en  ce  qu’il  est  visible  aux  Dieux,  et  Damaudara, 
parce  qu’il  a mis  un  frein  aux  appétits  du  ventre. 

2506—2367. 

» S'il  jouit  du  nom  de  Hrishlkéça  (â),  c’est  qu’il  do- 
mine sur  les  plaisirs,  les  délices  et  ht  volupté.  S’il  est 
commémoré  le  Dieu  aux  longs  bras,  c'est  qu’il  porte  dans 
ses  bras  le  ciel  et  la  terre.  2,508. 

» Il  ne  périt  jamais  ici-bas,  de  15  vient  son  nom  de 
Adhoksbadja;  sa  marche  sur  les  eaux  l’a  fait  appeler 
Nâràyana.  2,509. 

» 11  est  nommé  Pouroushottaman  d’après  son  antique 
habitation  (5)  ; il  assiste  à la  naissance  de  chaque  être, 
qu’il  soit  bon  ou  méchant.  2,570. 

» Krishna  nomme  toujours  chaque  créature,  parce 
qu’il  possède  la  science  de  toute  chose  ; il  repose  dans 
la  vérité,  et  la  vérité  repose  en  lui.  2,571. 

» Il  est  en  elîet  la  vérité  : aussi  le  nom  de  la  vérité 
lui  est-il  donné  ; ce  Dieu  est  appelé  Vishnou  de  sa  mar- 
che et  Djishnou  de  ses  victoires,  2,572. 

u Sans-lin  de  sa  durabilité  et  Govinda  de  sa  connais- 
sance des  troupeaux.  U fait  être  vrai  ce  qui  n’est  pas 
vrai  ; et  jette  l’illusion  au  milieu  des  créatures.  2,573. 

(1 — 2)  Saittoa. 

(3)  Son  natus. 

(4)  Le  nom  d'un  organe  des  sens. 

(5)  Pourana-Sadana. 


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OUD  YOG  A-PARV A . 


89 


» De  cette  manière,  le  meurtrier  de  Madhou  est  le 
devoir  éternel  ; quand  Atchyouta  aux  longs  bras  descend 
ici-bas,  c'est  à cause  de  sa  bonté.  » 2,574. 

« Je  porte  envie,  Sandjava,  fit  là-dessus  Dhritarâshtra, 
aux  hommes,  qui  ont  des  yeux  ; ils  voient  à leurs  côtés  le 
Vasoudévide,  resplendissant  de  beauté,  éclairant  d’une  lu- 
mièresuprème  les  plages,  et  principales  et  intermédiaires  ; 

» Ce  Dieu,  qui  fait  écouter  sa  parole  vertueuse,  fortu- 
née, honorable,  aux  Bharatides  et  aux  Srindjayas  ; parole, 
que  recevront  ceux,  qui  désirent  l’existence,  et  dont  la 
forme  n’est  pas  acceptable  à ceux,  qui  sont  déjà  morts  ; 

» Ce  héros  unique  à la  grande  taille  des  Sàttwatas,  ce 
taureau  conducteur  des  Yadouides,  au  bras  homicide,  qui 
jette  la  déroute  parmi  les  adversaires  et  dérobe  la  gloire 
aux  ennemis!  2,575— 2,570 — 2,277. 

» Certes  ! les  Kourouides  rassemblés  voient  ce  ma- 
gnanime chef,  le  plus  brave  des  Vrishnides,  ce  héros 
destructeur,  qui  fait  entendre,  une  parole  sortie  de  sa 
bonté  et  répand  le  trouble  parmi  les  miens;  2,578. 

» Ce  saint,  le  plus  immortel  de  tous  les  saints,  ce  docte, 
cette  mer  d’éloquence,  cette  aiguière,  avec  laquelle 
puisent  les  yatis  ; cette  roue  non  brisée,  Garouda,  Sou- 
parna,  Hari,  la  splendeur  du  palais  des  créatures.  2,579. 

» Je  m'incline  devant  la  protection  de  cet  homme 
aux  mille  tètes,  antique,  sans  commencement,  sans 
fin,  à la  gloire  impérissable,  le  protecteur  de  Çoûkrà, 
Adja,  l’ Eternel,  le  premier  des  plus  grands.  2,580. 

» Je  m’incline  devant  la  protection  de  cet  architecte, 
qui  a créé  les  trois  mondes,  de  ce  père  desRakshasas,  des 
serpents,  des  Démons  et  des  Dieux,  de  ce  chef  des  sages 
monarques,  de  ce  frère  puîné  d’Arjouna!  » 2,581. 


AMBASSADE  DE  BHAGAVAT. 


Valçampàyana  dit  : 

Après  que  Sandjaya  fut  parti,  Youdhishthira-Dharma- 
ràdja  adressa  ce  langage  au  D&ç&rhain,  le  plus  éminent 
de  tous  les  Sâltwatas  : 2,582. 

« Voici  le  moment  venu  de  montrer  si  l’on  est  ami, 
héros , qui  aime  tes  amis,  et  je  ne  vois  pas  un  autre  que 
toi  pour  me  faire  traverser  ces  eaux  malheureuse»,  2,583. 

» En  effet,  appuyé  sans  crainte  sur  toi,  le  destructeur 
de  Madhou,  nous  demanderons  notre  part  d’héritage  au 
fils  de  Dhritaràshtra,  environné  de  ses  ministres  et  enflé 
d’un  vain  orgueil.  2,58â. 

» 11  te  faut  défendre  en  toutes  ces  infortunes,  dompteur 
des  ennemis,  les  fils  de  Pândou  comme  tu  défendrais 
ceux  de  Vrishni.  Sauve-nous  de  ce  grand  danger  ! » 2,585. 

« Me  voici  prêt,  héros  aux  longs  bras,  lui  répondit  le 


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OUI)  YOGA-PAU  VA. 


91 


bienheureux  Bhagavat  ; dis-inoi  ce  que  tu  as  envie  de  me 
dire  ! car  je  ferai  tout  ce  que  tu  me  demanderas,  fds  de 
Bharata.  » 2,536. 

« Tu  as  entendu  parler  reprit  Youdhishlhira,  des 
projets  de  Dhritarâshtra  et  de  son  fils  ! Sandjaya  m’a 
révélé,  Krishna,  toute  l’opinion  du  vieux  roi.  Le  lils  de 
Dhritarâshtra,  voyant  ce  qu’il  couvrait  découvert,  a dit  : 
» Que  tout  homme,  cocher,  qui  parlera  autrement  qu’il  n’a 
été  dit,  soit  mis  à mort  ! » 2,587 — 2,588. 

» Cupide,  faisant  avec  un  esprit  vicieux  des  choses 
indignes  de  lui-mème,  il  cherche,  la  paix  avec  nous  sans 
rendre  le  royaume.  2,589. 

» Quant  aux  douze  années,  que  nous  avons  habité  dans 
les  bois,  et  la  treizième  sous  un  personnage  emprunté, 
Dhritarâshtra  ne  dépassera  pas  cette  condition,  qui  nous 
fut  imposée  sans  son  ordre  : c’est  mon  avis,  seigneur.  En 
effet,  ce  n’est  pas  lui,  Krishna,  les  brahmes  le  savent,  qui 
nous  prescrivit  cette  condition.  2,590 — 2,591. 

» Dhritarâshtra  est  un  vieux  roi,  il  ne  considère  pas 
son  devoir  ; l’habitude  d'obéir  à son  fils  et  une  ambition 
avide  lui  fait  suivre  l’ordre  d’un  insensé.  2,592. 

» Le  roi  se  tiendra  pour  nous,  Djanârddana,  dans  le 
sentiment  de  Douryodhana  ; il  suit  une  fausse  route,  et, 
parce  qu’il  est  cupide,  il  ne  fait  que  ce  qui  est  agréable  à 
lui-mème.  2,593. 

» 11  en  résulte  pour  nous  uneplus  vive  peine  : combien 
n’est-elle  pas  encore  plus  grande  à la  fin,  Djanârddana, 
en  ce  que  je  n’ai  pas  la  puissance  de  rendre  heureuse  ma 
mère  ou  mes  amis?  2,594. 

» Les  habitants  de  Kâçi,  les  Tchédiens,  les  Pânchâ- 
lains,  les  Matsyas,  ta  majesté,  notre  seigneur,  meurtrier 


92 


LE  MAHA-BHARATA. 


de  Madhou,  et  moi,  nous  avons  choisi  cinq  villages:  2,595. 

» Avisthala , Vrikastala,  Màkandi,  Vâranàvata  et  un 
certain  Avasâna,  qui  est  ici  même  le  cinquième.  2,596. 

» Qu'ils  nous  donnent  cinq  villages  ou  cités,  dans  les- 
quels nous  puissions  habiter  réunis,  ou  continuer  à sup- 
porter nos  charges.  2,597. 

» Mais  le  vicieux  Dhritaràshlride  n’accepte  pas  cette 
proposition  et  pense  que  la  propriété  en  appartient  à lui- 
mème  : est-il  rien  de  plus  douloureux?  2,598. 

u L’avarice  détruit  la  science  de  cet  homme,  qui  porte 
ses  désirs  sur  les  richesses  d'un  autre,  né  et  grandi  dans 
sa  famille  ; et  la  science,  frappée  à mort,  détruit  à son 
tour  la  pudeur.  2,599. 

» La  pudeur  blessée  tue  le  devoir,  le  devoir  frappé 
tue  la  fortune,  la  fortune  détruite  tue  l’homme,  et  la  mort 
de  l’homme  est  la  mort  de  ses  richesses.  2,(500. 

» Les  brahmes,  les  amis,  les  parents  eux-mêmes  se  dé- 
tournent d'un  homme,  qui  est  pauvre,  comme  les  oiseaux, 
Krishna,  s’éloignent  d’un  arbre,  qui  est  sans  (leurs  et  sans 
fruits.  2,601. 

» Tels  que  les  souilles  vitaux  s’éloignent  d’un  corps, 
qui  a rendu  l’âme,  voir  les  parents  s'éloigner  de  moi 
comme  d’un  paria  : voilà,  mon  père,  ce  qui  est  la  mort  ! 

» Il  n’est  pas,  a dit  Çambava,  de  condition  plus  mal- 
heureuse que  celle-là,  où  n’apparalt  ni  demain,  ni  aujour- 
jourd’hui  même,  un  plat,  qui  puisse  rassasier. 

» Un  dit  que  la  richesse  est  la  vertu  suprême  ; tout  re- 
pose sur  la  richesse  : les  hommes  riches  vivent  dans  ce 
monde  ; ceux,  qui  ne  possèdent  rien,  sont  déjà  morts. 

2,602— 2,603— 2,60, i. 

» Ceux,  qui,  n’admettant  pour  l’homme  que  la  seule 


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OUDYOGA-PARVA. 


93 


• 

énergie,  l’écartent  des  richesses,  font  violence  au  juste,  à 
l’utile,  à l’agréable,  à l'homme  même.  2,605. 

• » Des  créatures,  qui  ont  obtenu  cette  condition  de  for- 
lune,  les  unes  ont  préféré  la  mort,  les  autres  se  sont  exi- 
lées au  villtfîje,  celles-ci  dans  les  forêts,  celles-là  dans  le 
renoncement  aux  choses  îles  sens.  2,606. 

» Plusieurs  ont  nourri  la  folie  en  eux-mêmes,  d’autres 
sont  tombés  sous  le  pouvoir  des  ennemis  ; il  en  est  que 
leurs  richesses  ont  amenés  dans  la  domesticité  des  autres. 

» Le  malheurest  pour  l’homme  plus  cruel  que  la  mort  ; 
la  perte  de  sa  prospérité  est  pour  lui  ce  qui  entraîne  la 
perte  du  juste  et  de  l’agréable.  2,607  —2,608. 

» 11  n'est  personne  en  tous  lieux,  qui  ait  pu  échapper 
à cette  voie;  car  la  mort  est  la  route  éternelle  du  monde 
et  conforme  à l’ordre  des  chost s.  2,609. 

» Être  privé  du  bonheur,  quand  on  possède  la  plus 
haute  fortune  et  que  l’on  est  parvenu  à son  comble,  est  un 
coup  plus  cruel  pour  l’homme  réduit  à la  misère  que  tous 
ceux,  Krishna,  dont  sévit  la  nature.  2,610. 

» Il  est  tombé  alors  par  sa  faute  dans  une  grande  in- 
fortune; il  maudit  les  Dieux  avec  Indra,  il  se  maudit  en 
quelque  sorte  soi-même.  2,611. 

» Tous  les  Castras  ne  peuvent  rien  pour  empêcher  sa 
destruction  ; il  s’irrite  contre  ses  domestiques,  il  exècre 
ses  amis.  2,612. 

» Arrivée  doncla  colère,  il  se  livre  à de  plus  grands 
accès  de  délire,  et,  tombé  sous  le  pouvoir  de  la  folie,  il 
cultive  les  oeuvres  de  la  cruauté.  2,613. 

» 11  entretient  la  confusion  des  castes  par  sa  propension 
à faire  des  actes  criminels;  le  Nakara  même  est  pour  la 
promiscuité  : c’est  la  place  des  actions  coupables.  2,61A. 


LE  MAHA-BHARATA. 


9A 

» S'il  ne  se  réveille  pas,  Krishna,  il  va  au  Naraka.  Son 
réveil  est  la  science;  l’œil  de  la  science  fait  traverser 
l'onde,  infernale.  2,015. 

» L'homme,  en  effet,  dans  l'acquisition  de  la  science, 
tourne  ses  regards  sur  les  Çftstras  ; la  foi  aux -Castras  de- 
vient ensuite  son  devoir,  la  pudeur  est  sa  tête.  2,616. 

» L’homme  rempli  de  pudeur  entre-'t-il  dans  le  crime, 
sa  pudeur  s’en  trouve  aussitôt  accrue;  il  reste  un  être  viril 
aussi  long-temps  qu’il  est  environné  de  la  fortune.  2,617. 

» L'homme  à l'àme  paisible,  qui  apporte  continuelle- 
ment un  moyen  dans  l'exécution  de  son  affaire,  demeure 
toujours  dans  la  vertu  ; il  ne  met  pas  sa  pensée  dans  le 
vice,  il  ne  marche  pas  dans  le  crime.  2,618. 

» Si  l’on  manque  de  pudeur  ou  si  l’on  est  privé  de  sa- 
gesse, que  l’on  soit  femme  ou  que  l'on  soit  homme,  on 
n’arrive  point  à la  suprématie  dans  le  devoir  ; on  est  tel 
qu’un  çoûdra.  2,619. 

» Le  mortel,  qui  a de  la  pudeur,  honore  les  Dieux,  les 
Mânes  et  lui-même;  cette  conduite  le  mène  à l’immor- 
talité, et  sa  place  est  celle  des  hommes  aux  œuvres  pures. 

» C’est  ce  que  tu  as  vu  en  moi  devant  tes  yeux,  meur- 
trier de  Madhou,  puisque  je  suis  tombé  de  mon  royaume, 
et  que  je  demeure  en  ces  habitations.  2,620 — 2,621. 

a 11  ne  Suffit  pas  que  nous  abandonnions  le  trône  avec 
une  certaine  décence.  Si  nous  mettions  là  nos  soins,  il 
serait  bon  pour  nous  de  mourir.  2,622. 

» Ma  première  pensée  fut  ici,  vainqueur  de  Madhou, 
que  nous  et  les  Dhritarâshtrides  nous  jouissions  du  trône 
en  paix  au  sein  de  l’égalité.  2,623. 

» 11  est  ici  un  dernier  parti,  où  se  lèvent  et  se  couchent 
des  actions  terribles  : c’est  que  nous  obtenions  le  royaume 


DigitîzHfbf^swegle 


OUDYOGA-PARVA. 


95 


pour  nous  seuls,  après  que  nous  aurons  tué  les  Kourouides. 

» Nous  devons  épargner,  Krishna,  la  vie  d'ennemis 
non  respectables,  et  qui  ne  tiennent  pas  à nous  par  les 
liens  de  la  famille  : à plus  forte  raison  devons-nous  épar- 
gner celle  des  hommes,  qui  ont  des  qualités  contraires  ! 

» Nos  familles,  nos  parents  et  nos  précepteurs  spiri- 
tuels sont  en  grand  nombre  : leur  donner  la  mort,  serait 
la  plus  criminelle  des  actions  ! Un  combat  la  rendrait-il 
belle?  2,624 — 2,625 — 2,626. 

» 11  y a crime  ici  dans  le  devoir  des  kshatryas  ; car  nous 
sommes  les  parents  de  ces  kshatryas,  nos  futures  victimes  ; 
que  notre  vertu  ne  devienne  pas  un  vice  ou  une  autre 
conduite,  objet  du  blâme.  2,627. 

» Le  çoûdra  observe  l’obéissance  envers  les  autres 
castes,  le  valçya  soutient  sa  vie  avec  son  commerce  ; nous 
vivons,  nous  1 avec  la  mort,  comme  un  crâne  adopté  par 
les  brahmes.  2,628. 

» Le  kshatrya  pourfend  les  kshatryas,  le  poisson  vit  de 
poissons,  le  chien  tue  le  chien:  ainsi,  Dâçârhain,  agit 
l’homme,  de  qui  la  vertu  s’est  retirée.  2,229. 

» Kali  se  tient  continuellement  au  milieu  des  batailles -, 
les  vies,  Krishna,  s’éteignent  dans  la  guerre  ; la  force 
exige  une  bonne  politique,  et  de-là  naissent  la  défaite  ou 
la  victoire  dans  les  combats.  2,230. 

» La  vie  et  la  mort  des  Êtres  ne  sont  pas,  ô le  plus 
grand  des  Yadouides,  par  le  désir,  qu'on  peut  en  avoir; 
ne  pas  obtenir  le  bonheur,  quand  le  temps  n’est  pas  venu, 
est  une  chose  égale  à la  douleur  présente.  2,631. 

» Un  seul  guerrier  en  tue  plusieurs,  ou  plusieurs  n’en 
tuent  qu'un  seul  ; un  lâche  immole  un  héros,  un  homme 
obscur  abat  un  homme  renommé.  2,632. 


9(3 


LE  MAHA-1ÎHARATA. 


» La  victoire  ne  règne  que  d’un  seul  côté  ; on  ne  voit 
pas  à la  fois  apparaître  la  défaite  dans  l’un  et  l’autre 
parti  : la  perte  elle-même  est  vue  dans  la  fuite,  où  l’on 
voit  aussi  l’infortune  et  la  ruine.  2,033. 

» Le  combat  est  de  toute  manière  un  péché:  quel  homme 
tue  et  n’est  pas  tué  à son  tour  ? Quand  on  a mordu  la 
poussière,  Hrishîkéça,  il  n’y  a pas  de  différence  entre  la 
victoire  et  la  défaite.  2,634. 

» La  défaite,  A mon  avis,  ne  vaut  pas  mieux  que  la 
mort  : assurément,  Krishna,  il  y a peite  aussi  pour  celui- 
même,  qui  remporte  la  victoire.  2,035. 

» Enfin,  les  hommes  détruisent  une  personne  aimée  ; 
les  autres  immolent,  hélas  ! sous  les  yeux  de  l’ennemi 
impuissant,  ses  fils  et  ses  lrères.  2,636. 

» Il  renaît  partout,  humble  dans  sa  vie.  Ceux,  qui  sont 
nobles,  fermes,  pleins  de  pudeur,  connaissant  la  piété, 
succombent  eux-mêuies  dans  la  bataille.  Un  guerrier  plus 
jeune  est-il  sauvé  : le  regret  des  ennemis,  qu’il  a tués, 
Djanârddana,  le  ronge  continuellement.  2,637 — 2,638. 

» Toujours  il  survit  un  reste  de  l'ennemi , et  c’est  là 
une  chaîne  vicieuse  ; car  ce  reste,  une  fois  qu’il  a pris  de 
la  force,  ne  veut  point  à son  tour  laisser  derrière  lui  un 
seul  reste  ; et  ce  fragment  du  tout  redouble  d’efforts  par 
le  désir  de  mettre  une  fin  à l’hostilité.  La  victoire  enfante 
l'inimitié,  et  le  vaincu  siège  dans  la  peine. 

2,030—2,640. 

» Renonçant  à la  victoire  et  à la  défaite,  l’homme  tran- 
quille dort  en  paix  ; et  celui,  qui  voit  devant  lui  un 
ennemi,  dort  continuellement  au  milieu  des  angoisses. 

» Quiconque  abat  tout  sous  ses  armes  se  dépouille  de  sa 
renommée,  tel  qu’un  homme  vit  avec  une  âme  inquiète 


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OUDYOGA-PARVA. 


97 


dans  sa  maison,  où  s'est  glissé  un  serpent.  2,640 — 2,641. 

» 11  se  couvre  d une  honte  éternelle  au  milieu  de  tous 
les  êtres  : car  le  temps,  quelque  long  soit-il,  ne  calme  pas 
les  lortas  inimitiés.  2,642. 

» Où  il  y a uu  homme  dans  une  famille,  on  trouve 
également  des  gens,  qui  racontent  tes  causes  de  l' inimitié. 
line  hostilité,  Kéçava,  ne  se  calme  pointavecune  hostilité. 
Il  en  est  comme  de  l’offrande  de  beurre  clarifié,  qui  ajoute 
au  feu  une  plus  vive  ardeur.  On  ne  peut  donc  obtenir  la 
tranquillité  d’une  autre  manière,  et  la  cause  de  la  mort 
est  continuelle.  2,643 — 2,644. 

n dette  faute  est  incessante  pour  ceux,  qui  désirent  une 
différence  de  fortune.  La  force  de  l’homme  est  une  ma- 
ladie, qui  tourmente  le  creur.  2,645. 

» La  paix  ne  peut  donc  naître,  meurtrier  de  Madhou, 
que  du  renoncement  à ces  affections,  ou  de  la  mort,  ou 
de  l’exstirpation  entière  de  la  racine  des  ennemis.  2,646. 

» La  paix,  qui  sortira  du  renoncement,  aura  pour  son 
fruit  une  joie  brillante  ; il  n’y  aura  plus  d’actes  criminels  : 
autrement,  c’est  la  mort.  2,64". 

» Nous  ne  voulons  pas  abandonner  cela,  d’après  l’in- 
certitude de  la  destruction  des  ennemis  ou  de  nous- 
mêmes,  et  nous  ne  voulons  pas  la  perte  de  la  famille. 

» Profonde  est  ici  la  paix,  qui  vient  de  la  soumission 
des  gens,  qui  ne  désirent  pas  la  guerre,  et  qui,  pour  t'é- 
viter, emploient  de  toute  manière  leurs  efforts. 

2,648-2,649. 

o Les  moyens  de  conciliation  repoussés,  on  exécute  la 
guerre;  il  n’y  a pas  d’autre  procédé;  la  conciliation  re- 
jetée donne  naissance  à des  choses  épouvantables.  2,650. 

» Ainsi,  dans  les  assauts,  que  se  livrent  des  chiens,  les 
vi  7 


08 


LE  MAHA-BHAHATA. 


savants  remarquent  l’action  musculaire  de  la  queue,  les 
cris  de  guerre , la  montre  des  dents , qui  roulent  à 
l’entour  du  défi,  et  les  aboiements.  Ensuite,  le  combat 
s’engage , et  le  plus  vigoureux , demeuré  vainqueur, 
mange  alors  ce  morceau  de  chair,  qui  est  la  cause  de  la 
bataille.  2,651 — 2,652. 

» 11  n'y  a donc  aucune  différence  entre  les  hommes  ; et 
les  forts  ont  coutume  d’observer  tout-à-fait  cette  manière 
à l’égard  des  faibles.  2,653. 

» Le  faible  est  méprisé,  il  est  suivi  de  l’infortune,  il 
est  réduit  à l'obéissance.  Un  roi,  un  père,  un  vieillard 
mérite  toute  espèce  d'honneurs.  2,65.1. 

» Ainsi,  Dhritarâshtra  doit  être,  Djanârddana,  res- 
pecté et  même  honoré.  Il  y a en  lui  un  puissant  amour  de 
son  fils,  vainqueur  de  Madhou.  2,655. 

» Tombé  sous  le  pouvoir  de  son  fils,  il  ne  sera  point 
touché  des  révérences.  Quelle  autre  chose  penses-tu, 
Krishna,  qui  soit  assortie  aux  circonstances  et  que  l'on 
doive  faire  immédiatement?  2,656. 

» Comment  ne  sortirons-nous  pas,  Mâdhava,  du  juste 
et  de  l'utile?  Que  vois-tu  autre  chose  dans  ces  difficiles 
conjonctures,  meurtrier  de  Madhou?  2,657. 

» Je  désire  que  tu  l’interroges  dans  la  vérité,  6 le  plus 
grand  des  hommes.  Tu  es  mon  ami,  tu  veux  mou  bien,  tu 
connais  la  voie  de  toutes  les  affaires.  2,658. 

» Qu'y  a-t-il  pour  nous  d’égal  à toi,  Krishna,  et  qui 
sache  la  vraie  nature  de  toutes  les  vérités?  » 2,650. 

A ces  mots,  Djanârddana  répondit  à Dharmarâdja  : 
« J’irai  à la  cour  des  enfants  de  Kourou  dans  l’intérêt  de 
vous  tous.  2,660. 

» S’il  accepte  la  paix,  sans  laisser  échapper  votre  in- 


OU  D YOG  A-PARVA . 


99 


térét,  j’aurai,  sire,  exécuté  une  chose  bien  grande,  sainte 
et  portant  beaucoup  de  fruits.  2,661. 

» Puissé-je  délivrer  du  lacet  de  la  mort  les  Srindjayas- 
Kourous  irrités,  les  fils  de  Pàndou,  les  Dhritarâshtrides  et 
cette  terre!  » 2,602. 

o Mon  sentiment  n’est  pas,  Krishna,  reprit  Youdhish- 
thira,  que  tu  ailles  vers  les  enfants  de  Kourou  : Souyo- 
dhana  n'écoutera  point  ta  parole,  quelque  bien  dite  soit- 
elle.  2,603. 

» Là,  est  réuni  l’ordre  guerrier  des  princes,  qui  suivent 
la  volonté  de  Douryodhana  ; et  je  n’approuve  pas  que 
tu  te  rendes  au  milieu  d’eux.  2,60â. 

» En  effet,  ni  les  richesses,  ni  la  condition  divine,  ni  le 
plaisir,  de  quelque  côté  vint-il,  ni  l’empire  même  sur  tous . 
les  Immortels,  ne  pourraient  nous  être  agréables,  s’il  fal- 
lait les  acheter  au  prix  d’une  offense  reçue  par  toi,  vain- 
queur de  Madhou.  » 2,665. 

o Je  connais,  grand  roi,  lui  répondit  l’adorable  Bha- 
gavat,  la  méchanceté  du  fils  de  Dhrilarâshlra.  Nous  ne 
mériterons  aucun  reproche  dans  tout  le  monde  des  souve- 
rains de  la  terre.  2,066. 

» Tous  les  rois  ensemble  sout  impuissants  à tenir  de 
pied  ferme  dans  une  bataille  devant  ma  colère,  comme 
les  autres  animaux  devant  un  lion  ! 2,667. 

» Si  ces  hommes  tentaient  quelque  chose  d’inconve- 
nant à mon  égard,  soudain  je  consumerais  tous  les  Kou- 
rouides  : ainsi,  ma  pensée  est  posée  dans  mon  esprit. 

» Jamais,  (ils  de  Prilhâ,  il  ne  sera  sans  fruit  d’aller  en 
ces  lieux  : ce  sera  ou  l’obtention  par  vous  de  la  chose 
désirée  ou  le  blâme  encouru  par  eux.  » 2,668 — 2,669. 

« Puisque  cela  te  plaît,  adieu,  Krishna  I Va  cher  les 


100 


LE  M AH  A-BHAR  ATA. 


Kourouides,  reprit  Youdhishthira;  je  te  reverrai  à ton 
retour,  heureux  de  ton  affaire  accomplie.  2,070. 

» Arrivé  chez  les  Kourouides,  appaise  ces  rejetons  de 
Bharata,  auguste  V'ishnou  ; fais  que  nous  ayons  tons 
l'esprit  en  repos  et  l'âme  paisible.  2,671 . 

» Tu  es  mon  ami,  tu  es  mon  frère,  tu  es  cher  à Bibhat- 
sou  et  à moi  ; on  ne  peut  douter  de  ton  amitié  : adieu  ! 
Va- pour  notre  salut  ! 2,072. 

» Tu  nous  connais,  tu  connais  les  ennemis,  tu  connais 
nos  affaires,  tu  sais  l’art  de  parler  : il  te  faut  dire  à 
Souyodhana  tout  ce  que  tu  penses,  Krishna,  être  utile 
pour  nous.  2,073. 

» Fais-lui  entendre,  Kéçava,  toute  parole  bonne,  con- 
venable, unie  à la  vertu,  soit  un  langage  conciliateur, 
soit  autre  chose.  » 2,674. 

« J’ai  ouï  le  discours  de  Sandjaya  et  j’ai  entendu  ta 
parole,  répondit  le  Vaspudévide  : je  connais  tout  ce  qu'ils 
se  proposent  et  les  désirs  de  ta  majesté.  2,675. 

» Ton  intelligence  a pour  base  la  vertu,  et  leur  esprit 
a pour  son  appui  l’inimitié  : aussi,  estimes-tu  beaucoup 
d’obtenir  sans  combat  ce  qui  t' appartient.  2,670. 

» Le  devoir  du  kshatrya,  souverain  des  hommes, 
n’est  pas  de  cette  manière  le  plus  élevé.  Le  kshatrya  ne 
doit  pas,  ont  dit  les  quatre  ordres,  mener  la  vie  du  reli- 
gieux mendiant.  2,677. 

» La  victoire  ou  la  mort  dans  la  bataille,  prescription 
éternelle  de  Brahma:  voilà  quel  est  le  devoir  de  kshatrya. 
On  ne  lui  recommande  pas  la  pauvreté.  2,078. 

» En  effet,  s'il  embrassait  la  pauvreté,  Youdhishthira, 
sa  conduite  serait  impossible.  Avance-toi  hardiment,  guer- 
rier aux  longs  bras,  frappe  les  ennemis,  fléau  puissant. 


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OUDYOGA-PARVA. 


101 


» Ces  Dhritarâshtrides,  pleins  d’avidité,  dam  ton  em- 
pire, qu’ils  ont  habité  long-temps,  ont  acquis  des  alliés, 
ont  obtenu  des  amis,  ont  achevé  leurs  études  sur  les 
armes,  invincible  combattant.  2,671) — 2,680. 

» Le  temps  n’est  pas  opportun,  souverain  des  hommes, 
puisqu’ils  se  mettent  avec  toi  sur  un  pied  égal  ; car  ils 
pensent  que  la  force  appartient  à Bhlshma,  Orona,  Kripa 
elles  autres.  2,681. 

» Ils  garderont  ton  royaume  enlevé,  dompteur  des 
ennemis,  aussi  long-temps  que  tu  agiras,  sire,  avec  dou- 
ceur envers  eux.  2,682. 

» Les  Dhritarâshtrides  ne  sont  point  capables  d’ac- 
quiescer à ton  désir,  invincible  guerrier,  ni  par  tendresse 
ni  par  pusillanimité,  ni  â cause  de  l’utile  et  du  juste. 

» Aussi,  quand  lut  commis  à ton  égard  cet  acte  si  dou- 
loureux, si  grand,  si  coupable,  les  fils  de  Pândou  (1)  ne 
s’en  affligèrent-ils  pas.  2,683 — 2,68â. 

u Sous  les  yeux  de  tous  les  principaux  Kourouides,  de 
la  ville,  du  roi,  des  vertueux  brahmes,  du  sage  Vidoura, 
de  Drona  et  de  ton  grand-oncle , il  t’a  trompé  dans 
une  tricherie  au  jeu , sire , loi , en  vérité  ! fidèle  à tes 
vœux,  dompté,  libéral,  doux,  si  bien  doué  de  la  vertu  ; 
et  il  n'a  pas  rougi  alors  de  son  action  criminelle  ! 

» Ne  montre  pas  d’affection  dans  ton  cœur  bien  disposé 
par  ta  bonne  nature  : ils  ont  mérité  la  mort  aux  yeux  du 
monde  entier  ; à plus  forte  raison  devant  les  tiens,  Bha- 
ratide.  2,685— 2,686— 2,687— 2, 6S8. 

» Pleins  de  jactance,  joyeux,  lui  et  ses  frères,  ils  t’ont 
blessé  avec  des  paroles,  qui  ne  ressemblent  5 rien,  toi  et 
les  frères  plus  jeunes.  2,689. 

(1)  Ne  faudrait- il  point  ici  : tes  fils  de  DhrUarAshlra  Y 


/ 


102  . LE  MAHA-BHARATA. 

» Il  n’y  aura  plus  rien  ici,  'qu'ils  aient  de  commun  avec 
les  Pàndouides,  ni  le  nom,  ni  la  famille  : tout  cela  va 
s’évanouir  en  eux.  2,090. 

» lis  subiront  la  destruction  pour  un  long-temps,  et 
leur  nature  détruite  ira  se  changer  eu  moi  dans  une  nou- 
velle nature.  2,691. 

» Ce  bien  cruel  Douççâsana,  le  criminel,  alors  que  le 
jeu  régnait  clans  sa  fureur , traîna  par  les  cheveux  la  reine 
Draâupadl  éplorée,  sans  protecteur  en  ce  moment,  au  mi- 
lieu de  la  salle  dans  rassemblée  des  rois.  Une  parole  indi- 
gnée fut  mainte  fois  proférée  devant  Bhlshma  et  Drona. 

2,692—2,693. 

» Mais,  tes  frères  à la  vigueur  épouvantable  furent  tous 
arrêtés  par  ta  majesté  : liés  par  la  chaîne  du  devoir,  ils 
n’ont  pas  répondu  un  seul  mot.  2,694. 

» Et  lui,  jetant  ces  paroles  amères  et  d'autres,  il  s’est 
vanté  au  milieu  de  sa  famille,  tandis  que  tu  partais  en 
exil  pour  les  bois.  2,695. 

» Ceux,  qui  étaient  réunis  là,  voyant  que  tu  étais  pur 
de  toute  faute  , restèrent  alors  dans  la  salle,  mais  versant 
des  larmes  et  le  cou  arrosé  de  pleurs.  2,696. 

o Les  rois  et  les  bratnues  ne  l'approuvèrent  pas,  et  tous 
les  membres  de  l’assemblée  jetèrent  le  blâme  sur  Pou- 
ryodhana?  2,697. 

» Est-ce  le  blâme  ou  la  mort,  que  doit  préférer  l’homme 
bien  né,  ô toi,  qui  traînes  les  corps  de  tes  ennemis  sur  un 
champ  de  bataille?  La  mort,  sire,  a beaucoup  d'avantages 
sur  le  blâme,  compagnon  d’une  méchante  vie.  2,698. 

» Dans  l’instant  môme  que  l'homme  sans  pudeur,  sire, 
est  frappé  à mort,  il  est  blâmé,  grand  roi,  sur  la  terre  par 
tous  les  souverains.  2,699. 


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OUDYOGA-PARV  A. 


103 


» Un  homme,  de  qui  telle'.est  la  conduite,  a mérité 
quelque  peu  la  mort  ; tel  un  arbre,  dont  la  racine  est 
coupée,  mais  qui  se  tient  encore  debout  au  moyen  d un 
appui.  2,700. 

» Cet  être  vil  à l’àme  insensée  est  digne  de  moft,  comme 
un  serpent , aux  yeux  du  monde  entier  ; imniole-le,  6 toi, 
qui  détruis  les  ennemis,  et,  sire,  ne  balance  pas  ! 2,701. 

» Sa  rie  est  de  toute  manière  une  chose  inconvenante. 
Je  suis  d'avis,  prince  sans  péché,  que  tu  présentes  aussi 
tes  révérences  à Bhlshma,  ton  aïeul.  2,702. 

» Ma  venue  auprès  d’eux  retranchera  les  incertitudes 
de  tout  le  monde,  sire,  et  fera  cesser  le  doute  de  ces 
princes,  qui  ont  l'âme  partagée  en  deux  à l’égard  de 
Souyodhana.  2,703. 

a J’exposerai  là  au  milieu  des  rois  les  vertus  de  ta  ma- 
jesté , jointes  au  déploiement  du  courage  en  face  de 
l’ennemi,  et  les  qualités  toutes  contraires  de  ton  antago- 
niste. 2,704. 

» Quand  tous  ces  princes,  maîtres  de  contrées  variées, 
auront  ouï  de  ma  bouche  ce  discours  utile,  marié  au  juste 
et  à l’intérêt,  ils  répondront  sur  toi  : « C’est  une  âme 
juste  aux  paroles  de  vérité  1 » Ils  iront  pour  l’autre  à cette 
opinion  qu’il  s’est  laissé  vaincre  à la  cupidité. 

2,705—2,700. 

b Je  le  blâmerai  au  milieu  des  habitants  de  la  ville  et  de 
la  campagne,  ayant  retiré  de  cet  auditoire  les  vieillards 
avec  les  enfants,  et  devant  les  quatre  classes  rassem- 
blées. 2,707. 

b Toi,  qui  demandes  la  paix,  tu  n’obtiendras  point  la 
censure  de  t’écarter  de  la  vertu  ; et  le  blâme  des  princes 
retombera  sur  les  Kourouidesetsur  Dhritaràslura.  2,708. 


EK  MAHA-BHARATA. 


104 

» Quelle  chose  reste  encore  dans  cet  abandon  du 
monde  ? Et,  Dourvodhana  une  fois  tué,  sire,  que  dois-je 
faire  de  plus  ? 2,70$). 

» Je  vais  aller  chez  tous  les  Kourouides  ; je  m'effor- 
cerai, sans  abandonner  vos  intérêts,  d'établir  chez  eux  la 
paix,  et  j’observerai  les  actions.  2,710. 

» Étant  allé  aux  nouvelles  chez  les  enfants  de  Konrou, 
ayant  vu  là  ce  qui  peut  causer  la  guerre  ou  la  paix,  je  re- 
viendrai ici  pour  la  victoire,  fils  de  Bharata.  .2,711. 

» J’ai  toute  sorte  de  raisons  pour  craindre  un  combat 
avec  les  ennemis;  car  tous  les  augures  se  manifestent  si- 
nistres. 2,712. 

» Au  commencement  des  nuits,  les  quadrupèdes  et  les 
volatiles  poussent  des  cris  effrayants  ; les  éléphants  et  las 
coursiers  prennent  des  formes  terribles,  et  le  feu  se  revêt 
de  couleurs,  qui  glacent  d'effroi.  2,713. 

» Si  ce  ne  sont  là  tous  les  prognoslict  de  la  guerre , 
telle  du  moins  sera  la  mort  à l'aspect  si  horrible,  qui 
viendra  mettre  fin  au  monde  des  hommes.  Que  tous  les 
guerriers,  la  résolution  déterminée,  soient  donc  attentifs 
à leurs  chars,  éléphants  et  coursiers;  qu’ils  fassent  mon- 
tés en  tous  lieux  sur  les  chevaux,  les  éléphants  ou  les 
chars,  et  fassent  prendre  à tous  les  cuirasses,  les  engins 
de  guerre  et  les  flèches.  Exécute  au  complet,  Indra  des 
hommes,  tous  ces  préparatifs  militaires  et  qui  sont  à ras- 
sembler par  tes  soins.  2,714—2,715. 

» Douryodhana,  tant  qu’il. vivra,  n’est  point  capable 
de  te  rendre  jamais,  sire,  ce  royaume  opulent  et  vaste  de 
l’àndou,  qui  fut  naguère  à loi  avant  qu’il  te  l’eût  gagné 
au  jeu  ! » 2,710. 

« Tu  dois  parler,  meurtrier  de  Madhou,  lui  dit  lihima- 


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OUDYOGA-PARVa. 


105 


séna,  un  langage  tel  que  les  enfants  (le  Kourou  gardent  la 
paix,  et  il  ne  faut  pas  t’effrayer  de  la  guerre.  2,717. 

» Tu  ne  dois  pas  adresser  à Douryodhana  une  parole 
dure,  quoiqu'il  soit  irascible,  qu'il  ait  le  cœur  hautain,  la 
colère  toujours  allumée  et  la  haine  de  la  vertu  ; il  le  faut 
même  l’aborder  avec  un  langage  de  conciliation.  2,718. 

s L’âme  naturellement  vicieuse,  l'esprit  semblable  A 
celui  des  brigands,  enivré  par  l’orgueil  du  pouvoir,  en- 
gagé dans  une  guerre  avec  les  fils  de  P.indou,  ce  guerrier 
à la  vue  étroite,  au  cœur  méchant,  au  courage  cruel,  à la 
longue  colère,  à la  pensée  coupable,  qui  renverse  tout, 
qu’on  ne  peut  ramener,  qui  fait  son  plaisir  de  la  tricherie, 
il  mourra  plutôt  que  de  partager  uvcr  nous  ; il  n’abandon- 
nera point  ce  qu’il  pense  être  à lui.  Je  crois  que  la  paix 
avec  un  tel  homme,  Krishna,  est  uneœuvre  d’une  extrême 
difficulté.  2,710—2,720—2,721. 

» L’homme,  qui  aime  le  mensonge,  qui  a déserté  la 
vertu,  qui  s’est  précipité  même  en  bas  de  ses  amis,  re- 
jette et  les  esprits  et  les  paroles  de  ses  intimes.  2,722. 

» La  disposition  i aturelle,  semblable  à un  serpent  ca- 
ché sous  les  herbes,  conduit  au  crime  l’homme,  qui, 
tombé  sous  le  pouvoir  de  la  colère,  embrasse  de  mauvais 
desseins.  2,723. 

» Douryodhana  est  connu  de  toi  ; tu  sais  ce  qu’il  a 
d’armées,  quel  est  son  caractère,  quels  desseins  il  nourrit, 
quelle  est  sa  force  et  quel  est  son  courage.  2,724. 

v Jadis,  les  enfants  de  Kourou  et  nous  avec  nos  (ils 
nous  vivions  en  paix,  nous  étions  comme  les  fils  aînés  du 
roi,  le  cœur  toujours  dans  la  joie  avec  nos  adhérents, 

» Mais,  enflammés  par  la  colère  de  Douryodhana,  les 
Bharatides,  meurtrier  de  Madhott,  ont  brûlé,  comme  au 


LE  MAflA-BHARATA. 


10*1 

départ  de  la  froide  saison,  les  forêts  embrasées  par  le  feu. 

2,725 — 2,720. 

» On  raconte  que  ces  dix-huit  rois,  vainqueur  de 
Madhou,  ont  détruit  leurs  familles , leurs  amis  et  leurs 
alliés.  2,727. 

» Le  temps  opportun  de  la  vertu  arrivé,  naquit  Kali, 
père  des  riches  Asouras,  flamboyants  en  quelque  sorte  de 
splendeur,  2,728. 

» Oudâvartta  des  Hathayains,  Djanamédjaya  des  Nipas, 
Bahoula  des  Tàladjanghas,  le  lier  Vasou  des  Kramis, 

» Adjavindou  des  Souvlras,  Rousharddhika  des  Sou- 
ràshtras,  Arkadja  des  Bal  1 lias , Dhaâutamoùlaka  des 
Chinois,  2,728 — 2,730. 

» Hayagriva  des  habitants  du  Vidéha , Varayou  des 
Mahaàudjas,  Bàhou  des  Soundaravanças,  Pouroûravas  des 
Dlptàksbas,  2,731. 

» Sahadja  des  Tchédiens,  Vrishadhwadja  des  éminents 
Matsyas , Dhârana  des  Tchandravalsas , Vigàhana  des 
Moukoutas  2,732. 

u Et  Santa  des  Nandivégas.  Ils  furent  l’opprobre  chacun 
de  sa  race  : ces  plus  vils  des  êtres  naquirent  dans  les  fa- 
milles, Krishna,  à la  fin  d’un  youga.  2,733. 

» Ile  même,  on  peut  dire  que  ce  Douryodhana  pervers, 
le  dernier  des  hommes,  le  tison  pour  incendier  sa  la- 
mille,  fut  préparé  à la  fin  d’un  youga  par  la  mort  pour 
nous  et  les  Kourouides.  2,735. 

» Ainsi , fais  entendre  , avec  lenteur  et  d’une  voix 
douce,  un  langage  utile,  conforme  et  à l'intérêt  et  au  de- 
voir. L’amour  et  non  la  colère  est  un  lien  puissant,  ô toi, 
de  qui  la  vigueur  est  épouvantable.  2,735. 

» Devenus  humbles  et  marchant  au-dessous  de  Dou- 


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OEDYOGA--PARVA. 


107 


ryodhana,  nous  tous,  Krishna,  nous  te  suivrons  de  peur 
que  le  fardeau  ne  nous  échappe.  2,738. 

» 11  faut  agir  de  telle  sorte,  Vasoudévide,  que  notre 
conduite  soit  libre  (Te  toute  affection  à l'égard  des  Kou- 
rouides  et  que  l'infortune  ne  touche  pas  les  enfants  de 
Kourou.  2.737. 

» Tu  dois  parler  à notre  vieil  oncle  paternel  et  h tous 
ceux,  qui  siègent  dans  sa  cour,  de  manière  que  nous  puis- 
sions garder  la  fraternité  avec  ces  frères  et  que  le  Dhri- 
tarâshtride  soit  calmé,  2,738. 

» Je  te  parle  ainsi,  et  le  monarque  Arjouna  donne  les 
mêmes  éloges  à la  paix  ; il  ne  désire  point  la  guerre  : une 
immense  pitié  règne  dans  Arjouna.  » 2,739. 

» Dès  qu'il  eût  entendu  ce  discours  sans  précédent, 
que  Bhlmnséna  avait  prononcé  avec  douceur,  kéçava  aux 
longs  bras,  ayant  estimé  dmis  ce  /«Vos  la  légèreté  de  sa 
voix  ce  que  serait  la  fraîcheur  au  milieu  du  feu,  ce  frère 
puîné  de  Balarâma,  Gaàuri,  j'archer  du  Çàrnga,  tint  en 
souriant,  à Uliirna  Ventre-de-Loup  assis , qu’il  excitait 
par  scs  paroles  comme  le  vent  excite  le  feu,  ce  langage 
enveloppé  de  tendresse  : 2,740 — 2,741 — 2,742. 

« D’autres  fois,  c’est  la  guerre  seulement,  Bhlinaséna, 
que  tu  vantes-,  la  mort  est  ton  plaisir  et  tu  désires  broyer 
les  Kourouides  et  les  enfants  de  Dhritaràshtra!  2,7A3. 

» Et  tu  ne  dors  pas,  tu  es  réveillé  I Hait  non!  tu  som- 
meilles inertement;  car,  menaçant  de  choses  terribles,  ta 
parole  est  toujours  irritée.  2,744. 

n Soupirant  et  consumé  par  ta  colère,  comme  par  le 
feu,  ton  esprit  agité,  Blilina,  est  semblable  à un  feu  ac- 
compagné de  sa  fumée.  2,745. 

» Soupirant  à part,  lu  sommeilles,  tel  qu’un  homme 


108 


LC  MAHA-BHARAT.4. 


faible  sous  l'oppression  d’un  cauchemar  ; et  certains 
hommes,  qui  le  savent,  te  regardent  maintenant  comme 
frappé  de  folie.  2,746. 

« Pareil  à un  éléphant,  qui  broie  des  arbres  sans  ra- 
cines, sur  lesquels  il  est  monté , tu  cours  à la  ronde 
IShiuia,  poussant  des  soupire  et  creusant  la  terre  sous  tes 
pieds.  2,747. 

» Tu  te  joues  de  cet  homme,  fils  de  Pândou;  tu  le 
maudis  en  secret,  et,  ni  le  jour,  ni  la  nuit,  tu  ne  prends 
jamais  souci  d'autre  chose.  2,748. 

» Tu  ris  sans  cause,  et,  assis  sans  témoin,  tu  semblés 
pleurer!  Tu  restis  assis  long-temps,  les  yeux  fermés, 
quand  tu  eus  enlevé  la  tête  de  Djàmbou.  2,749. 

» Contractant  à plusieurs  reprises  tes  sourcils,  mor- 
dant, pour  ainsi  dire,  tes  lèvres,  on  te  voit  mainte  et 
mainte  fois,  Bhiuia,  exprimer  tout  ce  que  fait  produire  la 
colère.  2,750. 

« Aussi  vrai  que  Ton  voit  le  soleil  au  matin  répandre 
son  énergie  dans  les  deux  ; aussi  vrai  que,  délivré  des  té- 
nèbres, l’astre  radieux  recommence  sa  révolution;  2,751. 

i.  Je  te  dis  cette  parole  sans  mensonge  et  il  ne  peut  s'y 
dérober  : j’aborderai,  la  massue  au  poing,  l'irascible  Dou- 
ryodhana  et  je  l'abattrai  sous  mes  coups.  » 2,752. 

» C'est  ainsi  qu'au  milieu  de  les  frères,  tu  as  parlé 
avec  vérité,  en  touchant  ta  massue  ; et  ton  esprit,  fléau 
des  ennemis,  est  porté  maintenant  à la  paix  avec  lui  ! 

» Ah!  sans  doute,  le  moment  de  la  guerre  est  arrivé, 
puisque  les  âmes  de  ceux,  qui  aspiraient  à la  guerre,  ont 
changé  ! puisque  la  crainte,  Bhlraa,  s’est  glissée  en  ton 
cœur.  2,753 — 2,754. 

» Ah  ! sans  doute,  fils  de  Prithâ,  tu  vois  des  augures 


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OUDYOGA-PARVA. 


109 


contraires,  à la  fin  d ■ ton  sommeil  et  quand  expire  ton 
état  de  veille  ; et  c’est  pour  cette  cause  que  tu  désires  la 
paix!  2,755. 

»•  Ah!  sans  doute,  tu  n’espères  pas  trouver  en  toi  un 
peu  de  virilité,  comme  l’eunuque  en  soi-même  ; tu  es 
déchu  du  courage  : ton  âme  est  changée  par  cet  abattement 
de  l'esprit  ! 2,756. 

» Ton  cœur  tremble,  ton  énergie  s’affaisse,  tu  es  pris 
d’une  paralysie  dans  les  cuisses,  et  c’est  pour  cette  cause 
que  tu  désires  la  paix  ! 2,757. 

» L'àme  du  mortel,  ferme  et  mobile,  fils  de  Prithâ, 
n'est  certes  pas  toujours  la  même;  elle  ressemble  à un 
caillou  rond,  emporté  du  Çâlmali  par  la  fougue  du  vent. 

» Ta  pensée,  objet  du  blâme,  est  telle  que  la  voix 
humaine  des  vaches  de  ta  fable;  elle  submerge,  ainsi  que 
des  hommes  sans  navire,  les  âmes  des  fils  de  Pàndou. 

» C’est  le  sujet  d’un  grand  étonnement  pour  moi,  Bhi- 
maséna,  comme  la  pente  glissante  d’une  montagne,  que 
tu  dises  une  telle  parole,  qui  ne  t’est  point  assortie. 

« Ayant  considéré  tes  actions  et  ta  naissance  dans  cette 
noble  famille,  relève-toi,  rejeton  de  Bharata:  ne  t'aban- 
donne pas  à la  crainte  et  déploie  la  fermeté  du  héros. 

2,758—2,759—2,760—2,761. 

» Cette  défaillance,  que  tu  montres,  dompteur  des  en- 
nemis, n’est  pas  digne  de  toi;  ce  qu’il  doit  à sa  vigueur  est 
le  seul  fruit,  que  goûte  le  kshatrya!  » 2,762. 

» A ces  mots  du  Vasoudévide,  l’irascible  guerrier  â la 
colère  éternelle,  accourant  comme  un  généreux  coursier, 
lui  répondit  immédiatement  ce  discours  : 2,763. 

« Immortel,  toi,  de  qui  le  courage  est,  plus  que  toute 
chose,  infaillible  dans  la  bataille,  tu  penses  autrement  de 


110 


LE  MAHA-BIIAUATA. 


moi,  qui  désires  me  tenir  dans  une  autre  conduite  et  de 
qu'lie  sentiment  est  déclaré  ! 2,76 h. 

.1  Tu  le  sais,  Dâçàrhain,  toi,  qui  as  long-temps  demeuré 
avec  moi.  Ou  ne  le  permets-tu  pas,  comme  ce  qui  nage 
défend  à ce  qui  ne  peut  nager  la  fréquentation  d’un  lac  ? 

» Tu  m’attaques  donc  avec  tes  paroles,  qui  ne  sont 
point  agréables.  En  elfet,  comment,  Màdhava,  un  homme, 
sachant  que  je  suis  Bhîmaséna,  nie  jetterait-il  les  paroles 
sans  égales,  que  tu  as  pu  me  dire  ? Aussi  te  tiendrai-je  ce 
langage,  rejeton  de  Vrishni.  2,765 — 2,766 — 2,767. 

» Les  ennemis  n’ont  rien  d’équipollent  à ma  force  et 
mon  courage  ! La  louange,  qu’un  homme  se  donne  à soi- 
même  de  sa  propre  bouche,  est  une  chose  tout  à fait  indé- 
cente. 2,768. 

» Mais,  blessé  de  tes  reproches,  je  vais  exposer  ma 
vigueur.  Vois,  Krishna,  ce  ciel  et  cette  terre,  où  habitent 
toutes  les  créatures  ! 2,769. 

» Ces  deux  immobiles,  infinis,  sans  limite,  le  père  et  la 
mère  de  toutes  les  choses,  s’ils  venaient  tout  à coup  se 
rassembler  dans  ma  colère,  comme  deux  épis  glanés  ; 

» Je  les  envelopperais  dans  mes  liras  avec  les  êtres 
animés  et  sans  âme.  Les  vois-tu  au  milieu  de  mes  bras  tels 
que  s’ils  étaient  saisis  entre  deux  grandes  massues  ? 

2,770—2,771. 

» Et  je  ne  vois  pas  l'homme,  qui  pourrait  les  délivrer  de 
mon  étreinte  ! Ni  l’Himâlaya,  ou  la  mer,  ou  Balabhid,  le 
Dieu  même,  qui  tient  la  foudre;  2,772. 

» Eux  trois,  déployant  toute  leur  puissance,  ne  les  sau- 
veraient pas,  une  fois  saisis  dans  mes  bras  ! Je  me  tiendrais 
sur  le  sol  de  la  terre,  foulant  à mes  pieds  sous  moi  tous 
les  criminels  kshatryas,  dignes  de  combattre  avec  les  fils 


Die  t t;  by  Goegle 


OUDYOGA-PARVA. 


1H 


de  Pândon.  Non,  Immortel  ! non  ! tu  ne  connais  pas  ma 
vigueur.  2,773 — 2,774. 

n Tu  ne  sais  pas  comme  les  rois,  vaincus  par  moi,  ont 
été  forcés  de  passer  sous  ma  puissance.  Mais,  si  tu  ne  me 
connais  pas,  moi,  qui  suis  comme  la  splendeur  même  du 
soleil  levant,  2,775. 

» Tu  sauras  qui  je  suis,  Djanàrddana,  dans  la  mêlée  du 
combat  engagé.  Tu  as  jeté  sur  moi  le  mépris  de  paroles 
outrageantes;  et  tu  as  conduit  ainsi  la  blessure  en  quelque 
sorte  à la  puanteur.  2,770. 

» Je  te  parle  de  cette  manière  d’après  mon  opinion  : 
conclus-en  que  je  surpasse  les  ennemis  ; tu  le  verras  dans 
ce  jour  de  carnage,  quand  s’agitera  ce  combat  sur  un 
champ  trop  étroit.  2,777. 

» Toi  et  le  monde  entier,  vous  me  verrez  dans  ma  colère 
(rainer  les  êtres  immobiles  et  mobiles,  immoler  les  chefs 
des  kshatryas,  et  les  plus  valeureux  combattants,  et  les 
cavaliers,  et  les  guerriers  montés  sur  des  chars,  et  les 
éléphants  chassés  devant  moi  ! La  moëllc  n’a  pas  perdu 
la  sève  dans  mes  os,  et  mon  âme  ne  tremble  pas. 

2,778—2,770. 

» Le  monde  entier  ne  m’inspire  aucune  crainte  dans  sa 
colère  ; mais  la  pitié  seule,  meurtrier  de  Madhou,  était  la 
cause  de  ce  mouvement  d’amitié.  2,780. 

» Je  souffre  patiemment  ces  peines  dans  la  crainte  que 
le  fardeau  ne  nous  échappe  ! » 2,781. 

« Je  tentais  ainsi  ta  disposition  naturelle  par  affection, 
reprit  Kéçava;  ce  n’était  pas  le  blâme,  ni  la  curiosité, 
ni  la  colère,  ni  le  désir  de  parler,  qui  m’avaient  inspiré  ce 
discours.  2,782. 

» Je  connais  ta  magnanimité,  je  connais  ta  force,  je 


112 


LE  MAHA-BHARATA. 


connais  également  tes  actions , et  je  ne  te  méprise 
pas.  2,783. 

» De  même  que  tu  estimes  la  fortune  en  toi-même, 
ainsi  j'estime  en  toi,  fils  de  Pàndou,  cette  qualité  mille 
fois.  2,784. 

» Tel  qu’est  l'honneur  de  naître  dans  une  telle  famille, 
honorée  de  tous  les  rois,  tel  es-tu,  Bhlma,  partes  parents 
et  tes  amis.  2,785. 

» Les  gens,  qui  veulent  étudier,  Vrikaudara,  de  quelle 
sorte  est  le  devoir  incertain,  ne  considèrent  pas  quelle 
différence  sépare  l'homme  et  le  Dieu.  2,780, 

» La  même  cause,  qui  a fait  accomplir  les  devoirs  de 
l’homme,  agit  encore  pour  les  détruire  : le  courage  est 
une  chose  incertaine  dans  la  vertu  de  l'homme.  2,787. 

» 11  en  est  comme  des  bonds  légers  du  vent.  Autre- 
ment, les  choses  sont  comprises  des  poètes,  qui  voient  les 
fautes  ; autrement,  elles  se  passent.  2,788. 

» Une  action  faite  par  une  multitude  d’hommes,  exa- 
minée suivant  la  droite  raison,  bien  délibérée,  bien  con- 
duite, rencontre  elle-même  un  obstacle  dans  le  destin. 

» Le  courage,  fils  de  Bharata,  peut  empêcher  un  acte 
même  d’un  Dieu,  avant  qu’il  no  soit  fait,  comme  le  froid 
ou  le  chaud,  et  la  pluie,  la  faim  ou  la  soif.  2,789 — 2,790. 

» Il  n’y  a pas  d’empêchement  par  cela  que  c’est  un 
fait  de  l’homme  même,  de  qui  les  sentiments  sont  tracés 
d’une  manière  différente.  Là,  existe  un  caractère,  qui 
distingue  les  choses  (1).  2,791. 


(1)  Je  ne  puis  accepter  ici  le  sens  très-alambiqué  rtu  commentaire  : ce- 
lui-ci est  un  peu  obscur,  si  l'on  veut;  mais  vnyett  le  telle  î c'est  la  traduction 
toute  simple  et  même  littérale. 


OUDYOGA-PAltVA. 


113 


» Autre  n’est  point  la  marche  du  monde,  et  autre  l’ac- 
tion des  Pàndouides  : que  l’intelligence  procède  ainsi,  et 
le  fruit  en  sera  cueilli  dans  l’une  et  l’autre  famiile.  2,792. 

» L’intelligence,  étant  ainsi  faite,  se  manifeste  dans 
les  œuvres  elles-mêmes  : on  n'est  pas  accablé  de  chagrin 
dans  l'insuccès,  ou  ne  se  livre  pas  à une  folle  joie  dans  la 
réussite.  2,793. 

b C'est  la  détermination,  que  je  me  propose  ici,  Bhl- 
maséna.  Ou  ne  doit  pas  dire  : « 11  n'y  a de  succès  que 
dans  une  bataille  seulement  avec  les  ennemis,  b 2,79â. 

b Son  âme  ne  sera  pas  entièrement  dépourvue  de  lu- 
mière, et,  dans  le  renversement  des  pensées,  il  tombera 
dans  la  terreur  ou  l’abattement  de  l'esprit  : c’est  une  vé- 
rité, que  j’énonce  ici  devant  toi.  2,795. 

b Quand  demain  sera  venu,  je  me  rendrai  auprès  de 
Dhritarâshtra,  et,  sans  m’écarter  de  vos  intérêts,  fils  de 
Pàndou,  je  m'efforcerai  de  faire  la  paix.  2,796. 

b S'ils  accèdent  à ma  proposition,  de  là  il  naitra  pour 
moi  une  renommée  infinie;  pour  vos  altesses,  l'accomplis- 
sement de  votre  désir,  et,  pour  eux,  la  félicité  suprême. 

b S'ils  ne  s’asseoient  pas  dans  mon  conseil  et  s'ils  ne 
s’approchent  pas  de  mes  paroles,  les  Kourouides  auront 
ici  la  guerre,  et  il  en  sortira  des  choses  épouvantables. 

2,797-2,798. 

b Le  faix  de  cette  guerre  sera  imposé,  Bhtmaséna,  sur 
tes  épaules  : le  timon  en  sera  soutenu  par  Arjouna.  Moi, 
un  puissant  guerrier,  je  serai,  certes!  le  conducteur  du 
char  de  Bîbhatsou  dans  cette  bataille  engagée,  car  tel  est 
le  désir  de  Dhanandjaya  ; mais  je  n’aime  point,  assuré- 
ment! les  combats.  2,799 — 2,800. 

b J’ai  donc  un  instant  suspecté  ton  âme,  quand  je  t'ai 
vi  8 


114 


LU  M AH  ABU  Alt  VT  A. 


entendu  prononcer,  Vrikaudara,  ce  langage  énervé,  et 
j'ai  cherché  à ranimer  ta  virilité.  » 2,801. 

Aijouna  dit  alors  : 

« Ton  discours  me  parait  à moi,  qui  l’ai  entendu, 
Djanârddana,  fléau  des  ennemis,  ressembler  à celui,  que 
nous  a tenu  Youdhishlhira.  2,802. 

» Tu  ne  penses  pas,  seigneur,  que  la  paix  soit  une 
chose  bien  facile,  soit  pour  la  cupidité  de  Dhrilaràshtra, 
soit  pour  l'affaiblissement  survenu  dans  les  esprits. 

» Tu  ne  crois  pas  que  l’atonie  de  l’homme  porte  aucun 
fruit,  et  tu  es  d’avis  que  la  production  du  fruit  n’est  pas 
dans  une  autre  cause  que  celle  du  courage. 

2,803—2,804. 

» La  parole,  que  tu  as  dite,  est  ainsi  et  n’est  point 
ainsi.  La  chose  ne  doit  pas  être  considérée  de  celte  ma- 
nière et  rien  ne  doit  Être  même  laissé  dans  l'imperfec- 
tion. 2,805. 

» Penses-tu  que  cette  guerre  soit  pour  nous  un  far- 
deau, sous  lequel  s’épuiseront  no  ; forces  ? Nos  ennemis 
font  les  œuvres  de  ceux,  qui  ne  voient  pas  se  lever  le 
fruit  des  œuvres.  2,800. 

i L’action,  qui  est  accompagnée  d’un  fruit,  seigneur, 
sera  accomplie  convenablement.  Conduis -toi,  Krishna,  de 
manière  que  les  ennemis  goûtent  la  joie  ! 2,807. 

» De  même  que  le  Pradjâpati  est  le  héros  des  Asouras 
et  des  Dieux,  ainsi  ton  excellence  est-elle  le  plus  grand 
ami  des  fils  de  Pândou  et  de  Kourou.  2,808. 

» Donne  un  état  prospère  aux  Kourouides  et  aux  Pân- 
douides.  Il  t’est  facile,  je  pense,  d’exécuter  ce  bien,  dont 
nous  sommes  les  objets.  2,809. 

» Que  la  chose  soit  accomplie  de  cette  manière  : marche 


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OUDYOGA-PARVA. 


115 


à ton  aflaire,  Djanârddana  ! Il  suffit  que  tu  ailles  pour 
quelle  soit  faite!  2,810. 

» S’il  est  une  autre  chose,  (pie  tu  désires  faire  i l’égard 
de  cette  âme  méchante,  tout  eela,  héros,  se  fera  comme 
tu  en  as  le  désir.  2,811. 

» Goûtons  la  félicité  avec  eux,  ou  rangeons-nous  à ton 
dessein  r le  désir,  qui  est  ta  pensée,  Krishna,  est  pour 
nous  une  chose  importante.  2,812. 

u 11  mérite  la  mort  avec  ses  parents  et  ses  fds,  ce  grand 
scélérat,  qui  n’a  pu  supporter  de  voir  le  fds  d’Yama 
jouir  de  la  prospérité.  2,813. 

» Ce  joueur  à des  jeux  perfides,  ne  trouvant  pas  un 
moyen  honnête,  meurtrier  de  Madhou,  lui  enleva  sa  pros- 
périté par  un  moyen  criminel.  2,814. 

a Comment,  son  arc  à la  main,  un  homme  né  dans  une 
famille  de  kshatryas,  peut-il  refuser  le  combat,  quand  il 
est  provoqué,  eût-il  même  la  mort  devant  lui?  2,815. 

» Que  ce  Douryodhana,  sorte  de  son  armée,  Vrishnide, 
et  qu’il  soit  immolé  pour  moi,  lui,  qui  a pu  nous  voir 
vaincus  par  la  tricherie,  et  bannis  dans  les  bois  ! 2,816. 

» Ce  que  tu  veux  faire  pour  un  ami,  Krishna,  n'a  rien 
qui  m'étonne  : comment,  s’il  n'y  avait  15,  pour  les  accom- 
plir, soit  un  parent,  soit  un  ami,  y aurait-il  de  bonnes  cé- 
rémonies funèbres  (1)?  2,817. 

» Cependant,  à ton  avis,  vaut-il  mieux  leur  donner  la 
mort  sans  délai,  je  vais  le  faire  à l’instant  même  ; tu  ne 
dois  pas  balancer  sur  ce  choix.  2,818. 

),  Tu  sais  comme  Draâupadl  fut  traînée  dans  l’assem- 

(1)  Comment  une  chose  porterait-elle  du  fruit , si  elle  n était  faite  ou 
par  la  paix  ou  par  la  guerre?  explication  du  commentaire. 


LE  MAHA-BHARATA. 


H6 

blée  par  un  homme  à l’âme  perverse,  de  qui  tu  n’ignores 
pas  tous  les  outrages.  2,819. 

« 11  ne  pourra  jamais  vivre  convenablement  avec  les 
Pàndouides,  » fïlt-il  dit  alors,  Madhava;  et  mon  intelli- 
gence devint  comme  une  semence  jetée  dans  une  terre 
saline.  2,820. 

» Fais  donc  promptement,  rejeton  de  Vrishni,  ce  qui 
doit  être  fait  pour  nous  sans  différer,  ce  que  tu  crois  juste 
et  utile  pour  les  Pàndouides.  » 2,821. 

« C’est  de  la  manière  que  tu  le  dis,  Pàndouide  aux 
longs  bras,  répondit  le  fortuné  Bhagavat  : je  rétablirai  la 
santé  dans  le  corps  malade  des  enfants  de  Kourou  et  de 
Pândou.  2,822. 

» Je  ferai  dans  ces  deux  affaires,  Bibhatsou,  tout  ce 
qui  dépendra  de  moi.  Un  champ  pur  et  plein  de  sucs  est 
fécondé  par  la  culture.  2,823. 

» Sans  les  pluies,  jamais,  fils  de  Kounti,  il  ne  produira 
de  fruits  : aussi  la  sève,  dit-on,  se  manifeste  là  où  l'on 
fait  pratiquer  l’arrosement.  2,824. 

» Il  est  aisé,  pour  sûr,  de  voir  dans  ce  cas  même  que 
le  dessèchement  est  un  fait  établi  par  les  Dieux  ; c'est  une 
vérité  saisie  déjà  par  l’intelligence  de  nos  magnanimes  de- 
vanciers. 2,825. 

» Ainsi,  la  production  du  bien  dans  le  monde  dépend 
à la  fois  de  Dieu  et  de  l’homme.  Moi,  certes,  je  donnerai 
;i  cette  oeuvre  la  plus  grande  élévation  possible  en  consi- 
dération de  l’homme.  2,026. 

» Il  ne  peut  arriver  que  je  fasse  jamais  une  œuvre 
autre  que  celle  d’un  Dieu.  Cet  insensé,  il  marche,  ayant 
abandonné  le  devoir  et  le  monde  I 2,827. 


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OliDYOGA-PARVA. 


117 


» Il  n’est  point  affligé  de  douleur  au  sujet  d’une  œuvre, 
qui  se  présente  sous  une  forme  telle,  et,  partant,  ses  con- 
seillers sou  frère  Douççâsana,  Ç.akouni,  et  le  (ils  du  co- 
cher, augmentent  la  perversité  de  son  âme,  déjà  très- 
vicieuse.  11  ne  consentira  jamais  à la  paix  avec  la  cession 
du  royaume.  2,828 — 2,829. 

» Souyodhana  avec  ses  adhérents  choisira  plutôt  la 
mort,  fils  de  Prithâ;  et  Dharmarâdja  ne  veut  pas  aban- 
donner le  trône  et  s’incliner  pour  une  révérence.  2,830. 

» L’insensé  ne  cédera  pas  le  royaume  à des  supplica- 
tions, et  il  ne  faut  pas  lui  parler,  je  pense,  du  désir  des 
cinq  villages,  qu’a  manifesté  Youdhishthira.  2,831. 

» Ainsi,  le  Kourouide  pervers  ne  fera  rien  de  toute 
cette  affaire,  descendant  de  Bharata,  qu'a  dite  Youdhish- 
thira,2,832. 

» Et,  la  paix  n’étant  pas  conclue,  il  méritera  la  mort 
au  tribunal  du  monde;  il  mérite  la  mort,  liharatide,  de- 
vant le  monde  et  moi  ; 2,833. 

» Parce  qu’il  vous  a toujours  contrecarrés  dans  tout  le 
temps  de  son  adolescence  et  que  ce  cruel  à Pâme  mé- 
chante a détruit  votre  royaume  ! 2,834. 

» Bien  ne  peut  le  calmer  depuis  qu'il  a vu  Youdhish- 
thira , environné  de  sa  prospérité.  Plus  d’une  fois, 
(ils  de  Prithâ,  mon  cœur  fut  aliéné  par  lui  à cause  de 
toi.  2,835. 

» Je  n'ai  pas  arrêté  le  crime,  qu’il  désir  ait  commettre  ; 
car  tu  sais,  guerrier  aux  Iong3  bras,  ce  qu’il  estime  son 
plus  grand  bien.  2,836. 

» Tu  sais  que  je  désire  faire  ce  qui  est  agréable  à 
Dharmarâdja,  que  mon  âme  est  la  sienne,  et  que  c’est  là 
ce  que  j'estime  le  plus  grand  des  biens.  2,837. 


118 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Pourquoi  douter  en  ce  moment,  Arjouna,  comme  si 
tu  ne  me  connaissais  pas?  Comment  les  ennemis  pour- 
raient-ils se  réjouir  de  voir  que  tu  suis,  fils  de  Prithâ,  la 
règle  sublime  et  céleste,  qui  nous  fut  donnée?  Je  ferai, 
soit  en  œuvres,  soit  en  paroles,  ce  qui  m'est  possible  ; 
mais  je  n’espère  pas  qu’il  puisse  en  résulter  la  paix  avec 
nos  ennemis.  Comment?  Ce  que  dit  Bhishma,  ce  qu’il  de- 
manda même  avec  prière , quand  on  ravit  les  vaches , 
n’était-il  pas  une  chose  utile,  de  laquelle  on  devait  se  ré- 
jouir. Dans  la  route  écoulée  d’une  année,  se  sont  donc 
évanouies  les  choses,  que  tu  as  désirées. 

2,838— 2,83»— 2,840— 2, 841. 

» Souyodhana  n’est  pas  satisfait  d'une  part , d’une 
fraction  du  royaume.  11  faut  que  j’accomplisse  de  toute 
manière  Tordre  de  Dharmarâdja  ; et  la  coupable  entre- 
prise du  scélérat  fils  de  Dhritarâshtra  doit  être  observée 
de  nouveau  par  moi.  » 2,842 — 2,8A3. 

Nakoula  dit  : 

« Tu  as  entendu  en  entier,  Mâdhava,  le  discours  varié, 
que  vient  de  prononcer  ici  le  vertueux  et  éloquent  You- 
dhishthira.  2,844. 

» Tu  as  entendu  l’allocution,  qu’a  tenue  avec  calme 
Bhlmaséna,  qui  n’ignore  pas  le  sentiment  du  roi  : il  est 
appelé  Bâhouvlrva  (1),  ô toi,  qui  es  né  dans  la  contrée 
du  Madhou  lui-même.  2,843. 

» Tu  as  entendu  également  ce  qu’a  dit  Phâlgouna,  et 


(1)  //  guerrier  à la  vigueur  rlet  bras.  Le  telle  est  ici  embrouillé  de 
nominatifs,  d'accusatifs  et  de  génitif»,  qui  répugnent  tous  à marcher  en- 
semble. Nilàkantha  ne  réussit  guère  à éclaircir  l’obscurité  de  ce  passage  ; 
nous  uous  sommes  tenus  entre  lui  et  la  loltre. 


OU  D YOG  A-PA  H V A . 


H9 


ton  excellence  a plusieurs  fois  énoncé  quelle  est,  héros, 
l’opinion  de  toi-même.  2,840. 

» Que  ta  grandeur,  parcourant  tout  cela  et  s’arrêtant 
au  sentiment  le  plus  juste,  quelle  vient  d’entendre,  fasse 
donc  ici,  ô le  plus  grand  des  hommes,  ce  qui  est  à propos, 

» Dans  telle  ou  telle  affaire,  Kéçava,  il  y a sans  doute 
une  opinion,  et  l'homme  doit  employer  dans  chacune, 
dompteur  des  ennemis,  le  moyen  opportun, 

2,847 — 2,848. 

» Une  chose  pensée  différemment  obtient  aussi  un  ré- 
sultat différent  ; les  mortels,  û le  plus  sage  des  hommes, 
n’ont  pas  dans  le  monde  des  opinions  constantes. 

» Nos  pensées,  quand  nous  habitions  dans  les  bois, 
différaient  des  pensées,  quenous  avons  maintenant  : autres, 
elles  sont  dans  ce  qui  ne  doit  pas  être  vu,  Krishna,  autres 
sont-elles  daus  ce  qui  doit  être  mis  sous  les  regards. 

2,849—2,850. 

» En  ce  temps,  où  nous  égarions  nos  pas  au  sein  des 
des  forêts,  Vrishnide,  nous  n'avions  pas  cette  bienveil- 
lance, dont  nous  sommes  remplis  aujourd’uiq  que  nous 
marchons  au  milieu  du  royaume.  2,851. 

» Grâce  à toi,  héroïque  Djanârddana,  ces  armées  com- 
plètes au  nombre  de  sept  se  sont  rassemblées  à la  nou- 
velle que  nous  étions  sortis  de  notre  habitation  dans  les 
bois.  2,852. 

» Quel  guerrier  ne  sera  ému  de  terreur,  quand  il  verra, 
doués  d'un  courage  et  d'une  vigueur  inconcevables,  ces 
tigres  des  hommes,  les  armes  à la  main,  dans  le  com- 
bat? 2,853. 

» Que  ta  grandeur  tienne  au  milieu  des  Kourouides  un 
discours,  suivi  de  la  terreur,  mais  précédé  par  un  langage 


120 


LL  MAIIA-BHARATA. 


bienveillant,  de  sorte  que  le  stupide  Souyodliana  n’en  soit 
pas  irrité.  2,804. 

» Quel  mortel,  revêtu  de  chair  et  de  sang,  pourrait 
soutenir  une  bataille  contre  Youdhishthira,  Rhimaséna  et 
l’invincible  Btbhatsou,  Sahadéva,  toi,  Kéçava,  et  moi,  et 
Balarânia,  et  Sâtyaki  à la  grande  vigueur,  et  Viràta  avec 
son  fils,  et  Droupada  avec  ses  ministres,  et  Dhrishta- 
dyounina,  et  le  vaillant  monarque  dn  Kâçi,  etDhrishtaké- 
tou,  le  roi  de  Tchédi?  2,855 — 2,856 — 2,857, 

» La  seule  venue  de  ton  excellence,  héros  nux  longs 
bras,  sullira  sans  doute,  Kéçava,  pour  effectuer  la  chose 
désirée  par  le  roi  Dharmarâdja.  2,858. 

» Vidoura,  et  Bhishma,  et  Drona,  et  Vâhlika  avec 
eux,  sont  capables,  si  tu  leur  parles,  mortel  sans  péché, 
de  reconnaître  ce  qui  est  le  plus  sage  parti.  2,859. 

» Ils  sauront  persuader  ce  roi  Dhritarâshtra  et  Souyo- 
dhana  lui-même  avec  ses  ministres,  cet  homme  engagé 
dans  le  chemin  du  vice.  3,860. 

» Vidoura  entendra,  et  toi,  Djanârddana,  tu  diras  ce 
qu’il  y a d’utilité;  pour  quelle  raison  n’établiriez-vous  pas 
ferme  sur  ses  pieds  un  homme,  qui  se  vautre  en  quelque 
sorte  dans  sa  route.  » 2,861. 

« Si,  reprit  à son  tour  Sahadéva.  ce  qui  fut  dit  par  le 
roi  est  le  devoir  éternel,  il  faut,  dompteur  des  ennemis, 
que  ta  conduite  nous  amène  le  combat.  2,862. 

» Si  les  Rourouides  désirent  la  paix  avec  les  fils  de 
Pândou,  il  faut  la  guerre  dans  cette  condition,  même, 
Dâçârhain.  Prépnre-la  avec  eux.  2,863. 

» Comment,  après  que  j’ai  vu  la  Pàntchâlaine  traînée 
ainsi  en  pleine  assemblée,  ma  colère  pourrait-elle  se 
calmer,  Krishna,  sans  combattre  Souyodliana?  2,864. 


Digitized-bÿ"' 


OU  DYOGA-PARV  A. 


121 


» Si  Bhima  et  Arjouna  sont  vertueux,  si  Dharmaràdja 
l'est  encore , je  désire  engager  un  combat  avec  cet 
homme,  qui  a déserté  le  devoir  ! » 2,865. 

« Sahadéva  à la  grande  sagesse,  observa  Sàtyaki,  a dit 
la  vérité,  héros  aux  longs  bras  ; il  n’est  que  la  mort  de 
Douryodhana,  qui  puisse  éteindre  ma  colère  ! 2,866. 

» Tu  ne  connais  pas  leurs  angoisses,  pour  les  avoir  vus 
porter  dans  le  bois  la  peau  de  l'antilope  et  l'habit 
d’écorce  ! Ta  fureur  éclaterait  sans  doute,  si  tu  avais  pu 
voir  les  Pàndouides  au  milieu  de  la  douleur.  2,867. 

» La  parole,  qu’a  prononcée  le  fils  de  Mâdri,  ce  héros 
cruel  dans  les  combats,  est  ici,  ô le  plus  grand  des  hommes, 
l’opinion  de  tous  les  guerriers.  » 2,868. 

11  dit,  et  à peine  Youyoudhàna  à la  haute  sagesse  eut- 
il  articulé  cette  parole,  de  tous  côtés  les  guerriers  de 
lui  répondre  avec  un  cri  de  guerre  des  plus  épouvan- 
tables. 2,869. 

Tous  les  héros  applaudirent  à ces  mots  de  toutes  parts, 
et,  désireux  du  combat,  ils  réjouirent  le  Çinide  de  leurs 
acclamations  : o Bien  1 c’est  bien  ! » 2,870. 

Dès  quelle  eut  ouï  du  prince  ce  discours  utile,  joint  au 
juste  et  à l’utile,  Krishnâ,  en  proie  à la  douleur,  adressa 
la  parole  au  DAçârhain  assis.  2,871. 

La  fille  du  roi  Droupada  aux  cheveux  longs  et  noirs 
applaudit  à Sahadéva  et  à l’héroïque  fils  de  Satyaka. 

Quand  elle  vil  Bhlmaséna  tranquille,  l'intelligente 
femme,  dans  la  plus  profonde  tristesse  et  les  yeux  noyés 
de  larmes,  articula  cette  parole  : 2,872 — 2,873. 

« Tu  sais,  vertueux  et  puissant  meurtrier  de  Madhou, 
comme  les  Pàndouides,  tombés  dans  l’infortune,  furent 
précipités  du  bonheur  ; 2,874. 


LE  MAHA-BHARATA. 


{« 

# Et  comment,  Dàçârhain,  le  roi  Youdhishthira  en  par- 
ticulier confia  une  mission  à Sandjaya  pour  le  fils  de 
Dhritaràshtra  et  ses  ministres.  Tu  sais  également  de 
quelle  manière  il  fut  parlé  à Sandjaya  ; tu  as  tout  entendu. 

2,875—2,876. 

« Cède-nous  cinq  villages,  mon  ami  : Avisthala,  Vri- 
kasthala,  Màkandi,  Vâranâvata  et  Avasàna,  prince  à la 
grande  splendeur  et  aux  longs  bras  ; » fut-il  dit,  kéçava, 
à Douryodhana  et  à ses  amis.  2,877 — 2,878. 

» Mais  Souyodhana  n’exécuta  rien  de  cette  parole,  que 
lui  fit  entendre  le  sage  Youdhiskthira  dans  te  désir  de  la 
paix.  2,879. 

» S'il  refuse  de  céder  le  royaume,  rends  toi  là;  mais 
qu’il  n’espère  jamais  que  la  paix  puisse  se  faire.  2,880. 

» Aidés  par  les  Srindjavas,  les  Pàndouides,  guerrier 
aux  longs  bras,  sauront  bien  résister,  malgré  sa  colère,  à 
l'armée  terrible  du  Dhritaràshtride.  2,881. 

» Aucun  bien  n’est  possible  avec  eux,  ni  parlescaresses, 
ni  par  les  cadeaux  ; il  ne  faut  donc  pas  t’abandonner, 
meurtrier  de  Madhou,  il  la  compassion  pour  eux.  2,882. 

» A un  homme,  qui  veut  défendre  sa  vie,  il  ne  reste 
plus  que  le  châtiment  à employer  avec  des  ennemis,  qui 
ne  peuvent  s’appaiser,  ni  par  les  caresses,  ni  par  les 
cadeaux.  2,883. 

» Les  fils  de  Pàndou,  lesSrindjayasettoi,  Impérissable, 
vous  devez  donc  faire  peser  sur  eux  au  plus  tût  une  sévère 
punition.  2,884. 

i)  Cette  action  vigoureuse,  si  elle  est  faite,  apportera  la 
gloire  aux  Pàndouides  et  à toi,  en  même  temps  qu’elle 
donnera  le  bonheur  à la  caste  des  kshatryas.  2,885. 

» En  efl'et,  le  kshatrya  doit  immoler  un  kshatrya, 


OUDYOG  \-PARVA. 


123 


esclave  de  la  cupidité  ; ou,  s'il  n’est  pas  kshatrya,  il  in- 
combe à tout  homme,  qui  se  tient  dans  son  devoir,  de  lui 
donner  la  mort.  2,880. 

» Différemment  du  brahme,  qui  se  tient  infesté  de  tous 
les  vices,  un  brahme,  digne  de  ce  nom,  est  le  vrai  gourou 
de  toutes  les  castes.  2,887. 

u De  même  que  l’on  commet  un  crime,  en  donnant  la 
mort  à l’ homme,  qui  ne  la  mérite  pas  ; de  môme,  il  y a 
faute,  si  on  laisse  la  vie  à quiconque  est  digne  de  mort  : 
ainsi  l'ont  décidé  ceux,  qui  connaissent  le  devoir.  2,888. 

» Agis  de  manière,  Krishna,  avec  les  Pàndouides  et  les 
guerriers  Srindjayas,  que  ce  péché  ne  fasse  pas  invasion 
sur  toi.  2,889. 

» Répète  sans  repos,  Djanârddana,  ce  que  l'on  a dit. 
Est-il  sur  la  terre,  Kéçava,  une  femme  plus  infortunée  que 
moi?  2,890. 

u Fille  du  roi  Droupada,  née  du  milieu  d'un  autel, 
sœur  de  Dhrishtadyoumna  et  ta  chère  amie,  Krishna, 

» Entrée  dans  la  famille  d’Ajamitha,  je  devins  la  bru 
du  magnanime  Pândou,  l'épouse  royale  des  cinq  lils  de 
Pàndou,  qui  ont  une  splendeur  égale  à celles  de  cinq 
lndras.  2,891—2,802. 

» Cinq  héroïques  lils  me  sont  nés  des  cinq  héros  : de 
môme  qu'Abkimanyou  t'appartient,  de  môme  ces  eufants 
tiennent-ils  également  & toi,  Krishna.  2,893. 

».  Infortunée,  j'ai  vu  un  scélérat  me  saisir  aux  cheveux 
et  me  traîner  dans  l’assemblée,  toi  vivant,  Kéçava,  et 
sous  les  yeux  des  fils  de  Pàndou  f 2,894. 

b I)u  vivant  môme  des  Vrishnides,  des  Pântchàlains  et 
des  fils  de  Pândou,  je  suis  devenue  une  esclave,  offerte  à 
la  vue  au  milieu  d'une  assemblée  de  gens  pervers. 


1-24 


LE  MAHA-BHARATA. 


n Alors,  je  t’adressai  mentalement  cette  prière , Go- 
vinda  : « Puisque  les  Pândouides  me  voient,  qu’ils  restent 
immobiles,  sans  colère,  défends-moi  donc  ! » 

2,895—2,890. 

» Dans  ce  moment,  Bhagavat,  le  monarque,  mon  beau- 
père,  me  fit  entendre  ce  langage  : « Choisis  une  grâce, 
Pànchâll  ; tu  mérites  d’obtenir  des  grâces  ! Tu  as  mon  es- 
time. « 2,897. 

« Que  les  Pândouides  ne  soient  plus  dans  l’esclavage, 
avec  leurs  chars,  avec  leurs  armes  ! » Ce  fut  ma  réponse  ; 
je  fus  donc  mise  en  liberté,  Réçava,  pour  habiter  au  milieu 
des  bois.  2,898. 

» De  telles  infortunes  ne  sont  pas  ignorées  de  toi, 
Djanârddana  aux  yeux  de  lotus  bleu.  Sauve-moi  avec  mes 
conjoints,  mes  parents  et  mes  époux.  2,899. 

u Ne  suis-je  pas  légalement  la  bru  de  Bhlshma  et  de  ' 
Dhritarâshtra,  de  ces  deux  à la  fois?  C’est  malgré  ma  ré- 
sistance que  je  fus  réduite  en  esclavage.  2,900. 

» Honte  à l’adresse,  connue  archer,  du  fils  de  Pritliâ  ! 
Honte  à la  vigueur  de  Bhimaséna,  s’il  reste  à vivre  un 
seul  instant,  Krishna,  au  fils  de  Dhritarâshtra  ! 2,901. 

» Si  je  suis  mise  en  quelque  faveur  auprès  de  toi,  si  tu 
as  pour  moi  quelque  compassion,  décharge  entièrement 
ta  colère  sur  les  Dhritaràshtrides!  » 2,902. 

Elle  dit;  et  la  femme  aux  yeux  noirs,  aux  regards 
modestes,  à la  taille  charmante,  imprégnée  de  tou£  les 
parfums,  prit  dans  sa  main  gauche  son  abondante  cheve- 
lure, doux  et  charmant  assemblage  aux  bouts  aunelés, 
qui  .avait  la  splendeur  d’un  serpent  et  qui  était  douée  de 
tous  les  caractères  de  ta  beauté.  2,903—2,904. 

La  dame  à Toril  de  lotus,  à la  démarche  d’éléphant, 


OUDYOG  A-PARVA. 


125 


s’avança  vers  Krishna  aux  yeux  de  nymphéas  bleus,  et, 
triste,  ses  paupières  pleines  de  larmes,  elle  tint  ce  lan- 
gage : 2,905. 

« Dans  toutes  les  affaires  des  ennemis,  qui  désirent  la 
paix,  il  faut,  Poundarikâksa,  te  rappeler  ce  Douççâsana  à 
la  taille  élevée  comme  une  trompe  d’éléphant.  2,906. 

» Si  Bhtmaséna  et  Arjouna  sont  malheureux,  Krishna, 
dans  leur  amour  de  la  paix,  mon  vieux  père  combattra 
avec  les  héros,  ses  fils.  2,907. 

» Et  mes  cinq  fils  à la  grande  force,  meurtrier  de  Ma- 
dhou,  sous  la  conduite  d’Abhimanyou,  livreront  bataille 
aux  enfants  de  Kourou.  2,908. 

» Si  je  ne  vois  pas  tué,  caché  sous  la  poussière  et  divisé 
par  tronçons,  ce  noir  serpent  de  Douççâsana,  quelle  tran- 
quillité peut  être  donnée  à mon  cœur?  2,909. 

» Treize  années  se  sont  écoulées  pour  moi  dans  l’at- 
tente depuis  que  j’ai  posé  dans  mon  cœur  le  ressentiment 
comme  un  feu  allumé.  2,910. 

» Mou  cœur  est  déchiré  sous  l’oppression  d’une  flèche, 
cette  parole  de  Bhîmaséna  aux  longs  bras,  qui  tourne 
maintenant  ses  yeux  uniquement  sur  le  devoir.  » 2,911. 

En  parlant  ainsi,  Krishna  aux  grands  yeux  baignait  son 
cou  d’un  ruisseau  de  larmes;  elle  pleurait  avec  tremble- 
ment et  parlait  d'une  voix,  que  ses  pleurs  rendaient  bé- 
gayante. 2,912. 

dette  dame  aux  grands  lombes  inondait  ses  deux  seins 
l’un  à l’autre  unis,  et,  toute  fondante  en  larmes,  elle 
versait  bien  brûlante  l’eau,  qui  naît  dans  les  yeux.  2,913. 

Kéçava  aux  longs  bras  lui  répondit  en  la  consolant  : 
« Avant  qu’un  long  temps  ne  s’écoule,  Rrishnâ,  tu  verras 
pleurer  à leur  tour  les  épouses  de  ces  fils  de  Bharata. 


12(1 


l-K  MAHA-BHAIIATA. 


» Celles,  contre  qui  tu  es  en  colère,  craintive  dame, 
pleureront  elles-mêmes  ainsi  leur  armée  détruite,  leurs 
amis  tués,  leurs  alliés  et  leurs  parents  immolés. 

» Je  ferai  cela,  moi!  avec  Bhlrna,  Arjouna  et  les  ju- 
meaux, sur  l’ordre  d'Youdhishthria  et  pour  obéir  au 
Destin  créé  par  l’Être  absolu.  2,91â — 2,015 — 2,918. 

u Si  les  Dhritaràshtrides,  mûrs  pour  la  mort,  n’écou- 
tent pas  mes  paroles,  leurs  armées,  en  proie  aux  chiens  et 
aux  chacals,  seront  étendues  mortes  sur  la  terre.  2,917. 

» Un  verra  le  mont  Himalaya  marcher,  la  terre  se 
rompre  en  cent  morceaux,  et  le  ciel  tomber  avec  les  cons- 
tellations, avant  que  ma  parole  ne  soit  dite  en  vain. 

» C’est  une  vérité,  que  je  te  promets,  Krishna,  retiens 
ces  larmes.  Tu  verras  bien  tôt,  et  tes  ennemis  immolés,  et  tes 
époux  rendus  au  bonheur!  » 2,918—2,919. 

a Ta  majesté  est  aifjou rd’hui  le  plus  grand  ami  de  tous 
les  Kourouides,  ajouta  l’Ambidextre;  elle  est  remplie  de 
bonnes  qualités  et  continuellement  aimée  de  l'un  et  de 
l’autre  parti.  2,920. 

» Que  les  Dhritaràshtrides  soient  remis  en  bons  termes 
avec  les  Pàndouides  ! Veuille  bien,  kéçava,  rétablir  la 
paix,  qui  est  entre  tes  mains  capables.  2,921. 

» Dis  enlin,  Poundailkàksba,  à l'irascible  Bharalide, 
Souyodhana,  tout  ce  qu'il  faut  dire,  immolateur  des  en- 
nemis, pour  obtenir  la  paix.  2,922. 

b Si  tu  lais  entendre  ce  qui  est  conforme  à l'utile  et  au 
juste,  nous  jouirons  tous  d’une  santé  prospère  ; mais,  si 
l’insensé  rejette  le  bien,  il  tombera  sous  le  pouvoir  du 
Destin.  » 2,923. 

« Me  voici  prêt  à me  rendre,  lui  répondit  l’adorable 
Bhagavat,  vers  le  roi  Dhritaràshtra  par  le  désir  de  rétablir 


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OUDYOGA-PAUVA. 


127 


la  santé  chez  les  enfants  de  Konrou  et  de  faire  pour  nous 
ce  qui  est  le  bien  et  le  devoir.  » 2,924. 

Ensuite,  l’obscurité  s’évanouit,  le  soleil  pur  se  mani- 
festa, l’auteur  du  jour  fit  naître  l'instant  favorable  au  mi- 
lieu de  sa  douce  lumière.  2,925. 

Alors,  dans  le  mois  de  Kaâumouda,  sous  la  constella- 
tion Révatt,  à la  (in  de  l’automne,  au  temps  où  les  froids 
ont  disparu,  dans  une  saison,  que  rendent  agréables  les 
semences  poussées,  bien  portant  lui-même,  le  plus  ver- 
tueux des  hommes  vertueux,  prêtant  l’oreille  à des  sons 
purs,  de  bon  augure,  aux  paroles  fortunées  des  brahmes 
illustres,  comme  Indra  à celles  des  Rishis,  Djanârddana, 
ayant  vaqué  aux  cérémonies  du  matin,  s’étant  baigné,  pu- 
rifié et  paré,  adora  le  soleil  et  le  feu. 

2,928—2,927—2,928. 

11  prit  un  taureau  parlaqueue,  et,  s' étant  incliné  devant 
les  brahmes,  il  décrivit  un  pradakshina  autour  du  feu 
propice,  ’es  yeux  fixés  devant  lui.  2,929. 

Après  qu’il  eut  fait  cette  promesse  au  fils  de  Pândou, 
Djanârddana  dit  au  petit-lils  de  Çini,  assis  à ses  côtés , à 
Sàlyaki  : 2,930. 

« Que  mon  disque  de  guerre  et  ma  conque  soient 
placés  sur  mon  char  avec  ma  massue,  mon  carquois,  ma 
lance  de  fer  et  toutes  mes  armes  ! 2,931. 

# Car  Douryodhana,  Karna  et  le  Soubalide  ont  des 
âmes  méchantes  : un  ennemi,  quelque  faible  soit-il, 
ne  doit  pas  être  méprisé  par  un  homme  plus  fort.  » 

Connaissant  alors  son  opinion,  des  chefs  s’avancèrent, 
portant  le  disque  et  la  massue,  pour  équiper  le  char  de 
Kéçava  ; 2,932—2,933. 

Ce  char,  semblable  au  feu  allumé  de  la  mort,  qui 


128 


LE  MAIIA-BIIAHATA. 


voyage  dans  le  ciel  au  milieu  du  soleil,  et  qui  est  orné 
de  roues  pareilles  aux  deux  flambeaux  du  jour  et  de  la 
nuit.  2,934. 

11  est  décoré  de  lunes  et  de  demi-lunes,  de  poissons,  de 
volatiles  et  de  quadrupèdes,  de  fleurs  diverses,  et  parsemé 
entièrement  de  pierres  précieuses.  2,935. 

Grand,  beau  à voir,  semblable  au  soleil  adolescent, 
il  est  paré  de  riches  drapeaux  et  de  brillants  étendards  ; 
ses  membres  sont  embellis  de  pierreries  et  d’or.  2,93(5. 

Parsemé  de  charmants  objets  d’art,  inaffrontable, 
couvert  de  la  peau  des  tigres,  il  détruit  la  renommée 
des  ennemis  et  augmente  la  joie  des  Yadouides.  2,937. 

Ils  attelèrent  ce  char  avec  les  coursiers  Çalvya  et  Sou- 
grlva,  purs,  semblables  aux  nuages  pluvieux  et  doués  de 
toute  la  félicité.  2,938. 

On  munit  de  son  drapeau  le  roi  des  volatiles,  ce  char 
au  beau  son,  qui  ajoutait  encore  à la  grandeur  elle-même 
de  Krishna.  2,939. 

Çaàuri  monta  sur  ce  char,  accompagné  du  tambour  des 
nuages,  pareil  aux  cimes  du  mont  Mérou,  et  semblable  à 
un  palais,  qui  marche  au  gré  de  la  volonté.  2,940. 

Ensuite,  ayant  fait  monter  Sàtyaki,  le  plus  grand  des 
hommes  s’avança,  remplissant  du  bruit  de  son  char  les 
échos  du  ciel  et  de  la  terre.  2,941. 

A l’instant  même,  le  temps  apparut  avec  ses  nuages 
dissipés,  le  vent  souffla  d’une  haleine  favorable  et  la  pous- 
sière calmée  s’abattit.  2,942. 

Placés  à droite,  réguliers,  de  bon  augure,  les  quadru- 
pèdes et  les  volatiles  suivaient  dans  sa  marche  le  Vasou- 
dévide.  2,943. 

Les  ardées,  les  paons,  les  cygnes  venaient  de  tous  les 


OllDYOGA-PARVA. 


129 


côtés  vers  le  meurtrier  de  Madhou,  formant  des  sons,  qui 
ressemblaient  à des  mots  de  choses  favorables.  2,944. 

Honoré  en  des  sacrifices,  où  l'on  versait  en  abondance 
le  beurre  clarifié,  offert  avec  les  prières  consacrées, 
le  Feu  tournait  it  droite  sa  llamine  sans  fumée.  2,945. 

Vaçishtha,  Vâmadéva,  Bboûridyoumna,  GayaetKratha, 
Çoukra,  Nàrada,  les  Vâlmikis,  les  Maroutes,  Kouçika  et 
Bhrigou,  2,946. 

Les  brahmes,  les  rishis  et  les  Dieux,  tous  de  concert, 
décrivaient  un  pradakshina  autour  de  Krishna,  qui  ap- 
porte le  plaisir  à Yadhou,  et  de  son  frère,  l’ainé  du  Va- 
soudévide.  2,947. 

Ainsi,  Krishna  s'avançait  vers  !e  palais  des  enfants  de 
Kourou,  honoré  par  ces  chœurs  des  vertueux,  grands  et 
pieux  rishis.  2,948. 

Le  fils  de  Kounti,  Youdhishthira,  Bhimaséna,  Arjoutia 
et  les  deux  Pândouides,  fils  jumeaux  de  Màdri,  le  suivaient 
dans  sa  marche.  2,949. 

Tchékitana,  le  vaillant  guerrier,  Dhrishtakétou,  le  roi 
de  Tchédi,  Droupada,  et  le  souverain  de  Kâçi,  et  le  héros 
Çikhandl,  2,950. 

Dhrishtadyoumna  avec  son  fils,  Virâta,  accompagné  des 
Kékayains,  tous  ces  kshatryas  s’avancèrent  pour  faire 
honneur  au  plus  éminent  des  kshatryas.  2,951. 

Alors,  quand  il  eut  suivi  Govinda  à la  distance , qu’im- 
posait l'étiquette,  le  resplendissant  Youdhishthira-Dhar- 
marâdja  tint  ce  langage,  en  présence  des  rois,  2,952. 

A ce  Kéçava,  vertueux,  ferme,  le  plus  docte  de  toutes 
les  créatures,  le  seigneur  de  tous  les  êtres,  l'éternel  Dieu 
des  Dieux,  à qui  l'homme  exempt  de  passions,  à F intelli- 
gence inébranlable,  doit  obéir,  contre  les  règles  de  la  lo- 
vi  » 


130 


LE  MAHA-BHAIUTA. 


giquc,  ni  par  désir,  ni  par  colère,  ni  par  crainte,  ni  à 
cause  de  l’intérêt.  2,953 — 2,955. 

Le  fils  de  Kountl,  ayant  donc  embrassé  cet  être  doué 
de  toutes  les  vertus,  au  caractère  de  prédestination  mar- 
qué par  le  çrivatsu,  se  mit  à lui  parler  en  ces  termes  : 

« Cette  dame , qui  nous  éleva  depuis  notre  enfance,  de 
qui  la  conduite  fut  toujours  vouée  au  jeûue  et  à la  péni- 
tence, elle,  qui  se  plaît  dans  la  route  du  bien, 

2,956-2,956. 

» Qui  aime  les  hommages  rendus  aux  hôtes  et  aux 
Dieux,  qui  est  soumise  à l’obéissance  envers  le  précepteur 
spirituel,  cette  tendre  mère,  que  ses  enfants  aiment  et  qui 
aime  ses  enfants,  Djanârddana,  2,957. 

» Qui  nous  sauva  des  périls,  que  nous  fit  courir  Dou- 
ryodhana  ; et  nous  retira,  formidable  guerrier,  du  chemin 
de  la  puissante  mort,  comme  de  la  mer;  2,958. 

» lnterroge-la,  vainqueur  de  Madhou,  sur  sa  santé, 
cette  dame,  qui  n’a  point  mérité  l’infortune  et  qui  est,  à 
cause  de  nous,  éternellement  la  proie  de  toutes  les  infor- 
tunes. 2,959. 

» Prodigue-lui  tes  consolations,  à cette  femme  noyée 
dans  le  chagrin  de  ses  fils  ; incline-toi  devant  elle  et, 
l’ayant  embrassée,  parle-lui  de  ses  chers  Pândouides. 

» Depuis  son  mariage,  les  peines  de  ses  beaux-pères 
sont  retombées  sur  sa  tête  ; et,  quoiqu’elle  méritât  un  autre 
sort,  les  yeux  fixés  sur  leurs  infortunes,  elle  n’a  connu 
que  la  peine.  2,960—2,961. 

» Le  temps  ne  montrera  jamais  le  revers  de  la  peine, 
Krishna,  dompteur  des  ennemis , que  je  n’aie  rendu  le 
plaisir  à ma  déplorable  mère  ! 2,962. 

» Partant  pour  l’exil,  nous  sommes  allés  dans  la  forêt, 


OUDYOGA-PAUVA. 


131 


abandonnant  l’infortunée,  qui  pleurait  et  qui,  dans  le  dé- 
sir avide  de  voir  encore  ses  fils,  courait  d’une  manière  la- 
mentable. 2,9(53. 

» Certes!  si  elle  vit  encore,  c’est  qu’on  ne  meurt  pas 
de  chagrin!  Profondément  tourmentée  des  peines  de  ses 
fils,  qu’elle  soit  honorée  par  toi,  auguste  Anartain  ! 
Incline-toi  devant  elle  en  mon  nom,  Krishna,  et  devant  le 
Kourouide  Dhritaràsthra,  et  devant  les  rois  d’un  âge  supé- 
rieur. 2,96/1 — 2,905, 

» Prosterne-toi  devant  Bhîshma,  Drona  et  Kripa,  de- 
vant le  grand  roi  Vàhlika,  devant  le  fils  de  Drona,  et 
Somamadatta,  et  tous  les  Bharatides.  2,966. 

u Embrasse,  meurtrier  de  Madhou,  Vidoura  à la 
grande  science,  qui  porte  en  soi  le  conseil  des  enfants  de 
Kourou,  qui  sait  le  devoir  et  de  qui  la  science  est  pro- 
fonde. » 2,967. 

Quand  il  eut  parlé  en  ces  termes  â Kéçava,  Youdltish- 
thira,  l'ayant  honoré  d’un  pradakshina,  prit  congé  de  lui 
et  retourna  sur  ses  pas.  2,968. 

Bibhatsou  s’avance  et  tient  ce  langage  au  Dàçârhain, 
l’homme  éminent,  son  ami,  l’immolateur  des  héros  enne- 
mis, qui  n'a  jamais  connu  la  défaite  : 2,969. 

u Tous  les  rois  connaissent,  auguste  Covinda,  ce  qui 
fut  jadis  arrêté  par  nous  dans  la  décision  du  conseil  sur  la 
moitié  du  royaume.  2.970. 

» Qu’ils  donnent  cela  sans  regret,  après  nous  avoir 
honorés  et  sans  nous  mépriser,  je  serai  content,  guer- 
rier aux  longs  bras,  et  ils  m’auront  délivré  d'une  grande 
crainte.  2,971. 

» Si  le  fils  de  Dhritarftshtra  agit  d’une  autre  manière 
dans  l'ignorance  des  quatre  moyens,  je  ferai  pour  sûr, 


132 


LE  MAHA-BHARATA. 


Djanârddana,  l'extermination  de  ses  kshatryas.  » 2,972. 

A ces  paroles,  Vrikaudara  se  réjouit,  et  le  Pândouide 
mainte  et  mainte  fois  de  trembler  sous  le  pouvoir  de  la 
colère.  2,973. 

Tout  en  tremblant,  ce  (ils  de  Kountl  jetait  de  grands 
cris:  et  ces  mots  de  Dhanandjaya,  qu'il  venait  d’ouïr, 
l'inondaient  sous  des  flots  de  joie.  2,974. 

A ces  cris  entendus,  les  archers  de  trembler,  et  les 
bêtes  de  somme,  éléphants  et  chevaux,  de  lâcher  sous 
eux  les  excréments  et  l’urine.  2,975. 

Après  qu’il  eut  parlé  en  ces  termes  à Kéçava  et  lui  eut 
fait  entendre  sa  résolution,  Djaya  prit  congé  de  Vasoudé- 
vide,  l’embrassa  et  s’en  revint.  2,976. 

Tous  les  rois  partis,  Djanârddana  joyeux  de  continuer 
sa  route  d’une  course  accélérée  sur  son  char,  que  traînaient 
Çaivya  et  Sougrlva.  2,977. 

Excités  par  Dârouka,  ces  coursiers  du  Vasoudévide 
mangeaient  l’espace  dans  la  route  et  semblaient  dévorer 
le  ciel  lui-même.  2,978. 

Ensuite  Kéçava  aux  longs  bras  vit  dans  son  chemin  les 
rishis  enflammés  d'une  splendeur  brahmique  rangés  de 
l’un  et  de  l’autre  côté  de  la  voie.  2,979. 

Djanârddana  descendit  à la  hâte  de  son  char,  il  s’in- 
clina devant  eux,  rendit  ses  hommages  aux  saints  et  leur 
parla  à tous  d’une  manière  convenable  : 2,980. 

« La  santé  règne-t-elle  dans  vos  contrées?  Le  devoir 
est-il  bien  observé?  Les  trois  castes  inférieures  obéissent- 
elles  aux  coumimandeinents  des  brahmes  ? » 2,981. 

Dès  qu'il  eut  accompli  cet  hommage,  le  meurtrier  de 
Madhou  leur  dit:  « En  quel  lieu  vos  saintetés  parviennent- 
elles  à la  perfection  ? Quelle  est  ici  la  règle  de  vos  saintetés  ? 


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OUDYOG  A-PARVA. 


ISS 


.)  Quelle  est  l’affaire  de  vos  révérences?  Que  dois-je 
faire  pour  vous?  Pour  quelle  chose  vos  saintetés  sont- 
elles  venues  sur  la  surface  de  la  terre.  « 2,982 — 2,983. 

Le  fils  de  Djamadagni  s’approche  du  meurtrier  de  Ma- 
dhou,  embrasse  Govinda,  et  cet  ami  du  souverain  des 
Démons  et  des  Dieux  lui  dit  : 2,984. 

« Les  Dévarsbis  aux  œuvres  pures,  les  brahmes  très- 
instruits  et  les  saints  rois  pénitents  honorent  le  Dàçâr- 
hain.  2,985. 

» Désireux  de  contempler,  maître  de  la  terre,  l’antique 
Dévasoura  (1)  ils  se  sont  réunis  de  tous  les  cêtés  par  l’en- 
vie de  voir  ee  Dieu,  qui  est  devenu  un  prince  kshatrya. 

» Les  courtisans  et  les  rois  te  contemplent,  toi,  Dja- 
nârddana,  qui  es  la  vérité.  Nous  sommes  accourus  voir, 
Kéçava,  cette  chose  bien  digne  d’être  admirée. 

» Nous  désirons  entendre,  Mâdhava,  ces  paroles,  ac- 
compagnées du  juste  et  de  l’utile,  que  tu  vas  prononcer, 
fléau  des  ennemis,  chez  les  Kourouides  au  milieu  des 
rois.  2,986—2,987 — 2,988. 

» Bhishma,  Drona  et  les  autres,  Vidoura  à la  grande 
sagesse,  et  toi,  tigre  des  Yadouides,  vous  vous  réunirez 
dans  la  salle  du  conseil.  2,989. 

# Nous  désirons  entendre,  Mâdhava,  les  paroles  utiles, 
vraies,  célestes,  Govinda,  de  ces  sages  et  de  ta  divinité. 

ii  Nous  te  saluons,  guerrier  aux  longs  bras;  nous  par- 
lerons ensuite.  Va,  héros!  Nous  te  verrons,  quand  tu 
seras  entré  dans  l’assemblée,  assis  sur  un  siège  divin, 
la  splendeur  et  la  force  réunies  avec  toi  ! » 

2,990—2,991—2,992. 

(1)  Ce  mol,  comme  un  des  surnom»  de  Krishna,  manque  à tous  les  dic- 
tionnaire», même  à celui  de  BOlhlingk  et  Kotb. 


134 


LE  MAHA-BHA1UTA. 


Dix  héros,  exterminateurs  des  plus  vaillants  guerriers 
ennemis,  suivaient,  les  armes  à la  main,  cette  marche  du 
fils  aux  longs  bras  de  Dévakt.  2,993. 

Il  était  accompagné  de  vivres  en  abondance,  d’un 
millier  de  fantassins  et  de  cavaliers,  puissant  monarque, 
et  d’autres  serviteurs  par  centaines.  2,99â. 

Djanamédjaya  interrompit  le  narrateur  : 

« Comment  s’avançait  le  meurtrier  de  Madhou,  ce  ma- 
gnanime Dàçârhain?  demanda-t-il.  Et  quels  prodiges  se 
manifestaient  dans  la  marche  de  ce  guerrier  à la  grande 
vigueur?  a 2,995. 

Valçampàyaua  répondit  : • 

Écoute-moi  ! je  vais  entièrement  te  raconter  les  pro- 
diges malheureux,  envoyés  par  les  Dieux,  qui  apparurent 
daus  la  marche  de  ce  magnanime.  2,996. 

Le  bruit  de  la  foudre,  accompagné  d’éclairs,  naquit 
dans  un  ciel  sans  nuages;  et  Pardjanaya,  imitant  celte 
merveille,  fit  tomber  des  torrents  de  pluie  dans  une  atmo- 
sphère sereine.  2,997. 

Les  sept  grandes  rivières  de  la  contrée  du  Sindhou,  qui 
coulent  vers  l’orient,  tournèrent  leur  cours  ;i  l’occident. 
Toutes  les  plages  du  ciel  furent  confondues,  et  l’on  ne 
distinguait  plus  rien.  2,998. 

Les  feux  lancèrent  des  flammes,  sire,  la  terre  lut 
ébranlée  ; les  puits  et  les  seaux  laissèrent  par  centaines 
échapper  leurs  eaux.  2,999. 

Tout  le  monde  fut  enseveli  dans  les  ténèbres;  et  il  était 
impossible  de  rien  distinguer,  au  milieu  de  la  poussière, 
ni  ce  qui  était  une  contrée,  ni  ce  qui  ne  l’était  pas.  3,000. 

Une  grande  voix  éclata  au  sein  des  deux,  où  l’on  ne 
voyait  personne,  qui  f eût  produite:  ce  fut  dans  toutes  les 


OUDYOGA-PAKVA. 


135 


régions , sire , comme  une  chose  merveilleuse.  3,001. 

Le  vent  du  couchant  et  le  vent  du  midi  ébranlaient 
Hàstinapoura  : ce  souille  rompait  les  arbres  par  centaines 
avec  un  fracas  de  tonnerre.  3,002. 

Mais  dans  chaque  lieu  de  la  route,  où  se  tenait  le  re- 
jeton de  Vrishni,  le  vent  était  paisible,  Bharatide,  et  tout 
était  favorable.  3,003. 

11  plut  à verse  une  grêle  de  fleurs  et  de  lotus  ; la  route 
était  unie,  sans  fatigue,  et  les  herbes  Kouças  avaient 
déposé  leurs  épines.  3,00A. 

Le  donateur  des  richesses,  loué  çà  et  là  par  les  voix  des 
brahmes,  était  honoré  en  tous  lieux  par  des  présents  de 
richesses,  par  des  bassins  de  caillebotte,  de  beurre  cla- 
rifié et  de  miel.  3,005. 

Les  femmes,  qui  s’étaient  rassemblées  le  long  de  sa 
route,  inondaient  de  fleurs  champêtres  au  doux  parfum 
ce  magnanime,  qui  trouvait  son  plaisir  dans  le  bien  de 
toutes  les  créatures.  3,000. 

On  lui  accumulait  avec  tous  les  geains  un  délicieux  pa- 
lais de  riz  ; et  il  s’élevait,  éminent  Bharatide,  à un  plaisir 
de  la  plus  haute  vertu.  3,007. 

Contemplant  de  nombreux  bestiaux  villageois,  agréa- 
bles et  faisant  la  joie  du  coeur,  il  traversa  différentes  villes 
et  divers  royaumes.  3,008. 

La  pensée  des  Bharatides  veillait  à l’entour  de  lui.  Tou- 
jours satisfaits,  l’âme  bien  disposée,  jamais  troublée  par 
les  armées  des  ennemis  et  dans  l’ignorance  des  infor- 
tunes. 3,009. 

Des  hommes,  habitants  de  la  ville  et  venus  d’Oupa- 
plavya,  se  tenaient  rassemblés  dans  la  roule  par  le  désir 
de  voir  cette  incarnation  de  Vishnou.  3,010. 


130 


LE  MAHA-BHARATA. 


Tous  d’honorer,  comme  le  feu  allumé,  l'auguste  arri- 
vant, l’hôte  venu  dans  la  contrée  et  digne  de  cet  hon- 
neur. 3,011. 

Parvenu  à Vrikausthala  dans  un  temps  où  le  soleil  ré- 
pand ses  rayons  dans  un  ciel  à l’horizon  rouge  de  sa  lu- 
mière, Réçava,  l’exterminateur  des  héros  ennemis,  des- 
cendit à la  hâte  de  son  char,  fit  son  ablution  suivant  la 
règle,  ordonna  de  dételer  sa  voiture  et  assit  là  son  camp  à 
l’heure  du  crépuscule.  3,012—3,013. 

Dàrouka  détela  de  sa  main  les  coursiers,  qu’il  pansa 
d’une  manière  conforme  aux  Traités  hippiques  ; il  défit  les 
nœuds  et  les  autres  attaches,  qui  retenaient  ces  quadru- 
pèdes au  timon,  et,  ces  préliminaires  achevés,  il  les  mit 
en  liberté.  3,014. 

Après  qu’il  eût  passé  toutes  ces  choses  en  revue  : 
« Nous  habiterons  cette  nuit  ici  pour  l’affaire  d' Youdhish- 
thira,  » dit  le  meurtrier  de  Madhou.  3,015. 

A peine  eurent -ils  connu  l’opinion  du  maître,  ses 
hommes  de  construira  là  des  habitations,  et  d’y  ramasser 
dans  un  instant  des  breuvages  et  des  nourritures  savou- 
reuses. 3,010.' 

Dans  ce  village,  il  y avait,  sire,  des  chefs  de  brahmes 
nobles,  de  bonne  race,  pleins  de  pudeur  et  fidèles  obser- 
vateurs d’une  conduite  vraiment  brahmique.  3,017. 

Ils  s’ avancèrent  vers  le  magnanime  Hrishîkéça,  le  domp- 
teur des  ennemis,  et  lui  adressèrent  un  hommage  suivant 
la  convenance,  joint  aux  prières  et  aux  paroles  fortunées. 

Dès  qu'ils  eurent  honoré  le  D&çârhain  mis  en  honneur 
dans  tous  les  mondes,  ils  offrirent  au  magnauime  des 
maisons  ornées  de  pierres  précieuses.  3,018 — 3,019. 

n Soit!  » répondit  le  seigneur,  qui  honora  les  brahmes, 


OUDYOGA-  PAR  V A. 


137 


selon  qu'ils  en  étaient  dignes,  s’en  alla  dans  leurs  mai- 
sons et  en  sortit  accompagné  d’eux.  3,020. 

Là,  après  qu’il  eut  nourri  les  deux  fois  nés  et  qu’il  eut 
mangé  avec  eux  tous  d'une  façon  bien  pure,  Kéçava  de 
passer  tranquillement  la  nuit.  3,021. 

Aussitôt  qu'il  eut  connu  par  des  courriers  l’approche 
du  meurtrier  de  Madhou,  Dhritarâshtra  tint  ce  langage  à 
Bhlshma,  quand  il  eut  honoré  ce  magnanime.  3,022. 

Le  poil  hérissé,  il  dit  ces  paroles  à Drona,  à Sandjaya,  à 
Vidoura,  prince  d'une  grande  sagesse,  et  à Dourvodhana, 
accompagné  de  ses  ministres  : 3,023. 

« On  entend  dire  une  chose  merveilleuse,  grandement 
étonnante,  rejeton  de  Kourou.  Elle  fait  dans  chaque  mai- 
son l’entretien  des  femmes,  des  vieillards  et  des  enfants. 

» Dans  les  réunions,  à peine  les  premiers  compliments 
sont-ils  faits,  les  uns  et  les  autres  de  raconter  cet  événe- 
ment ; c'est  le  sujet  des  conversations  particulières  dans 
les  cours  et  les  salles  d’assemblée.  3,024—3,025. 

» Le  Dâçârhain,  plein  d’héroïsme,  doit  venir  ici  pour 

les  fils  de  Pândou  ; il  nous  faut  combler  de  tous  les  hon- 
\ 

neurs,  de  tous  les  hommages,  ce  meurtrier  de  Madhou, 

» Car  en  lui  s’opère  la  marche  du  monde;  il  est  le  sou- 
verain des  créatures  ; en  ce  Màdhava  sont  la  fermeté,  l’é- 
nergie, la  science  et  la  force.  3,020 — 3,027. 

» Le  plus  excellent  des  hommes,  il  doit  être  honoré  des 
gens  de  bien;  il  est  effet  le  devoir  éternel.  Si  on  l’ honore, 
il  goûtera  du  plaisir;  mais,  s'il  n’est  pas  honoré,  il  en 
ressentira  de  la  peine.  3,028. 

» Si  le  Dâçârhain  est  satisfait  de  notre  cour,  nous  se- 
rons élevés  par  Krishna  lui-même  au  comble  de  tous  nos 
désirs,  parmi  tous  les  rois.  3,029. 


13S 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Dispose  tout  à l'instant  même,  fléau  (les  ennemis, 
pour  lui  faire  honneur.  Que  l'on  construise  dans  sa  route 
des  salles  bien  pourvues  de  toutes  les  choses,  que  l’on 
peut  désirer.  -3,030. 

» Agis  de  telle  sorte,  fils  de  Gândhàrl,  que  tu  fasses  naître 
ma  satisfaction  en  toi,  guerrier  aux  longs  bras:  ou  queL 
est  le  sentiment  de  Bhishma?  » 3,031. 

Alors,  Bhishma  et  tous  les  autres,  honorant  sa  parole, 
répondirent  à Dhrilarâshtra,  le  souverain  des  hommes  : 
o Ainsi  faite,  la  chose  est  pour  le  mieux  ! » 3,032. 

Aussitôt  que  le  roi  Douryodhana  connut  l'approbation 
donnée  par  eux  aux  paroles  de  son  père,  il  se  uiit  à com- 
mander des  salles  et  des  habitations  charmantes.  3,033. 

On  édifia  dans  tous  les  endroits  agréables,  en  petit  ou 
en  grand  nombre,  des  palais  remplis  de  toutes  les  pier- 
reries. 3,03â. 

Là,  étaient  des  sièges  admirables,  assortis  de  qualités 
diverses,  des  femmes,  des  parfums,  des  parures  et  des 
vêtements  du  tissu  le  plus  délié.  3,035. 

Le  monarque  donna  des  aliments  et  des  breuvages, 
pleins  de  saveur,  différents  mets  et  des  bouquets  à l’o- 
deur la  plus  exquise.  3,036. 

Surtout,  le  roi,  fils  de  Kourou,  disposa  pour  l’habita- 
tion, dans  le  village  de  Vrikausthala,  une  maison  ravis- 
sante, ornée  de  pierres  précieuses  en  grand  nombre. 

Mais,  après  qu’il  eut  disposé  toutes  ces  choses,  dignes 
d'un  Dieu  et  pour  un  être  plus  qu'humain,  le  royal  Dou- 
ryodhana dit  alors  à Dhrilarâshtra  : 3,037 — 3,038. 

« Kéçava  n’a  pas  même  regardé  tous  ces  châteaux  et 
ces  pierreries  diverses.  Le  Dâçârhain  va  bientôt  arriver 
dans  ce  palais  de  Kourou.  » 3,030. 


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OUDYOGA-PARVA. 


139 


« Kshattri,  fit  Dhritarâshtra,  Djanàrddana  vient  ici 
d’Oupaplavya;  il  habite  dansVrikausthala,  il  sera  demain 
arrivé  ici.  3,040. 

» Djanàrddana  est  le  souverain  des  Ahoukas  et  le  chef 
de  tous  les  Sàtvvatides  ; il  possède  une  grande  intelligence, 
une  grande  énergie,  une  grande  âme.  3,041. 

» Màdhava  est  le  protecteur  et  le  conservateur  de  l’o- 
pulent royaume  de  Vrishni  : Bhagavat  est  le  bisaïeul  môme 
des  trois  mondes.  3,042. 

» C/est  de  cet  Immortel  que  les  Vrishnides  et  les  An- 
dhakas  honorent  la  science,  comme  les  Adityas,  les  Vasous 
et  les  Roudras  s'inclinent  devant  l’intelligence  de  Vrihas- 
pati.  3,043. 

b Je  dirai  en  ta  présence,  vertueux  frère,  l’hommage, 
que  mérite  ce  magnanime  Dàçàrhain  : écoute-moi!  je 
raconte.  3,044. 

s Je  lui  donnerai  seize  chars  d'or,  attelés  chacun  de 
quatre  chevaux,  nés  dans  le  Vahlika,  aux  membres  bien 
formés  et  du  même  pelage.  3,045. 

b Je  lui  donnerai,  fils  de  Kourou,  huit  éléphants  aux 
longues  défenses,  aux  joues  continuellement  an-osées  de 
mada,  et  suivis  chacun  par  huit  guerriers.  3,040. 

b Je  lui  donnerai  un  cent  de  jolies  servantes  à l’éclat 
d'or  et  qui  n’ont  pas  encore  été  mères,  avec  un  pareil 
nombre  de  serviteurs.  3,047. 

b Les  toisons  produites  sur  les  brebis  des  montagnes 
ont  le  toucher  doux  : je  lui  en  donnerai  dix-huit  mille. 

b De  chevaux  nés  dans  le  pays  de  la  Chine,  je  lui  en 
donnerai  autant  de  milliers  que  Kéçava  en  est  digne. 

3,048—3,049. 

b Voici  un  joyau  pur,  d’un  puissant  éclat,  qui  res- 


LE  MAHA-BHARATA. 


140 

plendit  jour  et  nuit;  j’en  ferai  même  un  présent  à Kéçava, 
car  il  en  est  digne.  3,050. 

•i  Ce  char,  attelé  de  mules,  franchit  quatorze  yodjanas 
dans  un  seul  jour,  je  le  donnerai  encore  â cette  éminente 
personne.  3,051. 

» Je  lui  donnerai,  tant  qu'il  vivra  avec  nous,  huit  fois 
autant  d'aliments  qu’il  a d'hommes,  qu’il  a de  chevaux 
dans  son  escorte.  3,052. 

» Élégamment  parés,  tous  mes  fils  et  petits-fils,  ex- 
cepté Douryodhana,  s’avanceront,  sur  des  chars  bien 
lavés,  à la  rencontre  du  Dâçârhain.  3,053. 

» Les  principales  et  riches  courtisanes  iront  par  mil- 
liers à pied  au-devant  du  vertueux  Kéçava.  3,054. 

» Les  jeunes  vierges,  celles  du  moins,  qui  appartien- 
nent à la  ville,  iront  aussi  voir  Djanârddana,  et,  fortu- 
nées, elles  s’avanceront  sans  être  cachées.  3,055. 

‘i  Que  toute  la  cité,  hommes,  femmes  et  enfants,  con- 
templent ce  magnanime  vainqueur  de  Madhou,  comme  les 
créatures  voient  le  soleil  radieux.  3,050. 

» Que  les  vastes  drapeaux  et  les  grands  étendards 
soient  arborés  dans  toutes  les  parties  de  la  ville  ; que  sa 
route,  arrosée  d’eau,  soit  exempte  de  poussière!  » Tels 
sont  les  ordres,  qui  furent  postérieurement  donnés  par  lui  : 

» Que  le  palais  de  Douççâsana,  que  la  porte  de  la  mai- 
son-Douryodhana  soit  à l’iustant  même  bien  nettoyée  et 
décorée  au  plus  vite  ! 3,057 — 3,058. 

><  Que  la  ville,  embellie  de  palais  avec  ces  charmantes 
formes,  soit  fortunée,  ravissante,  offrant  une  grande  opu- 
lence de  toutes  les  saisons.  3,059. 

» Ce  mien  palais  et  celui  de  Douryodhana  renferment 
toutes  les  pierreries  ; elles  doivent  toutes  être  données 


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OUDY  OG  A-l’ARV  A . 141 

sans  aucun  doute  au  rejeton  de  Vrishni,  qui  est  digne  de 
les  recevoir.  » 3,060. 

» Sire,  dit-Vidoura,  tu  es  en  grande  estime,  tu  es  né 
même  le  plus  vertueux  des  trois  mondes  ; tu  es,  rejeton 
de  Bharata,  estimé  de  l’univers  entier.  3,061. 

» Le  langage,  que  tu  tiens  en  des  circonstances  telles, 
c’est  la  vieillesse,  qui  te  l’inspire,  parce  que  tu  es  arrivé 
au  couchant  de  la  vie,  parce  que  tu  es  ferme,  ou  dans  les 
Tiaités,  ou  dans  le  raisonnement,  3,062. 

» Comme  est  une  raie  dans  la  pierre,  comme  est  la 
clarté  dans  le  soleil,  comme  est  un  grand  flot  dans  la 
mer,  tel  est  en  toi  le  devoir,  sire.  Ainsi  raisonnent  tes 
sujets.  3,063. 

» Le  monde  est  toujours  rempli,  seigneur,  par  la 
multitude  de  tes  vertus  ; emploie  continuellement  tes 
efforts,  avec  les  gens,  qui  l’appartiennent,  à conserver  ces 
vertus.  3,064. 

» Acquière  la  droiture,  sire,  et  ne  détruis  pas  de  fond 
en  comble,  par  ta  démence,  tes  petits-fils,  tes  amis  les 
plus  chers  et  tes  fils.  3,065. 

» Ces  grands  honneurs,  que  tu  veux  prodiguer  à 
Krishna,  ton  hôte,  sire,  le  Dâçàrhain  en  est  digne;  il 
mérite  plus,  le  monde  entier  lui-même!  3,066. 

» L’objet  de  ce  désir  n’a  point  en  vue  le  devoir,  ou  il 
n'est  pas  de  faire  une  chose  agréable  à Krishna  : j’en 
touche  mon  cœur  dans  la  vérité  ! 3,067. 

» Mais  ici,  la  vérité  est  une  illusion  : c’est  le  masque 
d’un  autre  sentiment,  qui  se  dérobe  sous  ces  nombreux 
cadeaux  : je  connais,  sire,  l'opinion,  qui  est  cachée  der- 
rière cette  chose  extérieure.  3,068. 

» Les  fils  de  Pândou,  sire,  veulent  obtenir  cinq  villages 


142 


LE  M AH  A-BH  A RATA. 


pour  eux  cinq,  et  tu  ne  veux  pas  les  donner  : tu  ne  feras 
donc  point  la  paix?  3,069. 

» Tu  désires  enlever,  au  moyen  de  cette  richesse,  le 
Vrishnide  aux  longs  bras;  et,  par  ce  moyen,  tu  rompras 
avec  les  Pândouides.  3,070. 

» lin  autre,  sire,  que  Dhanandjaya,  n'est  pas  capable 
d’agir  sur  lui,  ou  par  des  richesses,  ou  par  la  contrainte, 
ou  par  des  reproches  ; je  te  dis  sa  vraie  nature.  3,071. 

» Je  connais  la  grandeur  d'âme  de  Krishna;  je  connais 
la  fermeté  de  son  dévoilaient;  je  sais  qu’il  ne  peut  aban- 
donner Dhanandjaya,  qui  est  pour  lui  égal  au  souille  de 
sa  vie.  3,072. 

n Djanârddana  n’ira  pas  au-delà  d’une  coupe  remplie 
d’eau,  au-delà  du  lavement  de  ses  pieds,  au-delà  d'une 
enquête  polie  sur  sa  bonne  santé.  3,073. 

» Les  honneurs  de  l’hospitalité,  sire,  peuvent  être 
agréables  au  magnanime,  qui  est  digne  de  cet  hommage; 
que  ces  devoirs  soient  donc  pratiqués  envers  lui.  Djanârd- 
dana mérite  ces  honneurs.  3,074. 

» Kéçava  arrive  chez  les  Kourouides  avec  le  désir  de 
leur  félicité  : donne-nous  donc  à lui,  sire,  avec  tes  ri- 
chesses mêmes.  3,075. 

» Le  Dàçârhatn  désire  la  paix,  et  pour  toi,  Indra  des 
roi9,  et  pour  Douryodhana,  et  pour  les  Pândouides  : ac- 
complis sa  parole.  3,076. 

» Tu  es  père,  sire,  et  ceux-là  sont  tes  fils  ; tu  es  un 
vieillard,  et  les  autres  sont  tes  pupilles.  Agis  comme  un 
père  à leur  égard,  puisque  ceux-ci  envers  toi  se  conduisent 
comme  des  (ils.  » 3,077. 

« Tout  ce  que  Vidoura  vient  de  nous  dire  sur  l’éternel 
Krishna  est  la  vérité,  répondit  Douryodhana.  11  est  dé- 


UigitizecJtry  Geogle 


OUDYOG  A-P  ARV  A. 


148 

voué  aux  fils  de  Prithà  ; l'amitié  de  Djanàrddana  pour 
eux  est  indestructible.  3,078. 

» Cette  richesse,  qui  est  associée  avec  l’hospitalité,  il 
faut  la  donner  à Djanàrddana;  mais  un  royaume,  qui  est 
multiforme,  ii  ne  laut  jamais  le  donner.  3,079. 

» Si  le  temps  et  le  lieu  n’y  sont  point  assortis,  Kéçava 
ne  mérite  point  l'hommage.  C’est  de  cette  manière,  sire, 
qu’en  doit  juger  Adlxokshadja.  S’il  m'honore,  dit-on,  c’est 
par  crainte.  3,080. 

» En  tout  lieu,  où  le  mépris  du  kshatrya  doive  le 
suivre,  un  sage  n’exécutera  point  une  affaire,  maitre  des 
hommes  : voilà  mon  opinion  fixe.  3,081. 

» Krishna  aux  grands  yeux  est  dans  l'univers  entier 
l’ètre  le  plus  honorable  des  trois  mondes  : je  connais  cette 
vérité  complètement.  3,082. 

» Mais  il  ne  faudra  pas  lui  céder  rien;  une  guerre 
bouillante  de  colère,  seigneur,  est  la  route,  qu’on  doit  lui 
offrir  : un  état  sans  guerre  ne  l’appaiserait  pas.  » 3,083. 

A ces  mots,  le  bisaïeul  des  Kourouides,  fihishma  tint 
ce  langage  au  roi  descendant  de  Vitchitravlrya  : 3,08/i. 

n Bien  ou  mal  accueilli,  Kéçava  ne  s’en  irritera  pas  : 
tu  n’es  pas  de  taille  à mépriser  Djanârddaua;  et  il  ne  mé- 
rite les  mépris  de  personne  ! 3,085. 

« Que  ce  qui  est  à faire  soit  donc  fait,  guerrier  aux 
longs  bras  : qui  que  ce  soit  ne  peut  exécuter  autiement 
cette  pensée  par  tous  les  moyens.  3,086. 

» QueleVasoudévtde  à la  grande  puissance  expose,  sans 
balancer,  l’objet  de  sa  mission!  Que  sa  descente  ici-bas 
calme  promptement  ta  colère  à l’égard  des  Pàndouides. 

» Le  vertueux  Djanàrddana  tiendra  assurément  un 
langage  utile  et  juste  : reçois  donc,  toi  et  tes  parents, 


LE  MAHA-BHARATA. 


1AA 

comme  agréable  en  lui,  ces  paroles,  qu'il  doit  prononcer.» 

« Il  n'y  a pas  moyen  que  je  puisse,  répondit  Douryo- 
dhana,  jouir,  tant  qu’ils  auront  la  vie,  mon  auguste  aïeul, 
de  ce  trône  entier.  3,087—3,088 — 3,089. 

» Écoute  celte  vaste  idée,  que  j’ai  conçue  et  arrêtée  : 
je  chargerai  de  fers  Djanârddana  comme  une  personne  at- 
tachée aux  Pândouides.  3,090. 

« Lui  une  fois  mon  prisonnier,  il  ne  me  sera  pas  diffi- 
cile de  manier  le  Vrishnide,  les  fils  de  Pândou  et  toute  la 
terre.  11  doit  venir  ici  à l’aurore.  3,091. 

» Que  ta  majesté  veuille  bien  me  dire  ici  de  quelle 
manière  Djanârddana  ne  pourrait  nullement  s’apercevoir 
de  mes  desseins  et  comment  aucun  de  ses  gens  ne  pourra 
s’échapper.»  3,092. 

A ces  mots  de  l’abominable  projet,  que  méditait  son  fils 
contre  Krishna,  Dhritarâshtra  fut  saisi  d’effroi  et  demeura 
sans  âme,  lui  et  ses  ministres.  3,093. 

Revenu  à lui-même  (1) , il  dit  ces  paroles  à Douryodhana  : 
« Ne  parle  point  ainsi,  maître  des  créatures,  car  ce  n'est 
pas  le  devoir  éternel.  3,09â. 

» Hrishikéça  est  ambassadeur,  il  est  notre  allié,  il  est 
notre  ami  : comment,  innocent  qu’il  est,  a-t-il  mérité  la 
prison  chez  les  kourouides?  » 3,095. 

« Ton  fils  à l’intelligence  des  plus  étroites,  s’écria  tout 
à coup  Bhîshma,  est  contraire  à ton  avis;  il  choisit  l'infor- 
tune avec  ses  amis  et  ne  demande  pas  le  bonheur.  3,096. 

» C’est  un  criminel  attaché  au  vice,  qui  marche  dans 
une  mauvaise  route  1 Et  toi,  fuyant  les  paroles  de  tes 
amis,  obéiras-tu  aux  siennes?  3,097. 


(!)  Ta  ta*. 


Digrtized  by  (î(Wgle 


n Qu’il  ose  s’approcher  de  Krishna  aux  œuvres  infatiga- 
bles, et  ton  insensé  (ils  aura  bientôt  cessé  de  vivre,  lui  et 
ses  ministres  ! 3,098. 

» Je  ne  saurais  entendre  plus  longtemps  les  paroles  de 
cet  homme  fou,  méchant,  scélérat,  qui  a renoncé  au 
devoir  ! » 3,099. 

A ces  mots,  le  plus  vertueux  des  Bharatides,  le  vieux 
Bhtshma  au  courage  infaillible  se  leva,  bouillant  de 
sa  plus  ardente  colère,  et  se  tint  debout  après  ces  pa- 
roles. 3,100. 

Le  matin  du  jour  suivant  arrivé,  Krishna,  ayant  accom- 
pli ses  cérémonies  journalières  et  reçu  des  brahmes  la 
permission  de  partir,  s’avança  vers  la  ville.  3,101. 

Tous  les  habitants  du  Vrifcausthala,  prenant  congé  de 
lui,  entouraient  ce  héros  aux  longs  bras,  à la  grande  force 
au  moment  de  son  départ.  3,102. 

Bhlshma,  Drona,  Kripa  et  les  autres,  les  fils  de  Dhri- 
laràshtra,  excepté  Douryodhana,  tous  dans  la  plus  bril- 
lante parure,  allèrent  au-devant  du  guerrier,  qui  s’avan- 
çait. 3,103. 

Attirés  par  l’envie  de  voir  Hrtshikéça,  les  habitants  de 
la  ville  en  grand  nombre,  sire,  accoururent  les  uns  sur 
des  chars  de  formes  diverses,  les  autres  à pied.  3,101. 

Il  entra  dans  la  cité,  environné  des  Dhritarâshtrides, 
de  Drona,  de  Bhtshma  aux  travaux  infatigables,  qui  s’é- 
taient réunis  à lui  dans  sa  route.  3,105. 

ün  avait  décoré  la  ville  pour  faire  honneur  à Krishna; 
et  la  route  royale  éclatait  p r des  milliers  de  pierreries. 

Personne,  éminent  Bharalide,  ne  resta  alors  dans  la  cité, 
ni  femmes,  ni  vieillards,  ni  enfants  : tant  était  grand, 
sire,  le  désir  de  voir  le  Vasoudévide.  3,100 — 3,107. 
vt  10 


LE  MAHA-BHARATA. 


140 

Les  hommes  accourus  dans  la  roule  royale,  puissant 
monarque,  adressaient  en  ce  moment,  à.  l'entrée  de 
Hrishikéça,  leurs  félicitations  à la  terre.  3,108. 

On  voyait,  sur  la  surface  du  sol,  trembler  en  quelque 
manière  sous  leur  fardeau  les  palais  remplis,  quelque 
vastes  fussent-ils,  des  femmes  les  plus  charmantes.  3,109. 

La  marche  était  devenue  impossible  dans  la  rue  royale, 
couverte  d'hommes,  tandis  que  les  coursiers  du  Vasoudé- 
vide  y faisaient  route.  3,110. 

Poundarîkâksha,  le  puissant  guerrier,  entra  dans  la 
blanche  habitation  de  Dhritaràshtra,  embellie  de  pa- 
lais. 3,111. 

Quand  Kéçava,  le  dompteur  des  ennemis,  eut  fran- 
chi trois  euceintes  du  château  royal,  il  arriva  au  lieu, 
où  se  tenait  le  monarque,  (ils  de  Vitchitravlrya.  3,112. 

Pendant  que  le  Dàçàrhain  s’avançait  vers  le  souverain, 
éclairé  par  l'œil  de  la  science,  ce  roi  à la  haute  renommée 
se  leva  avec  Drona  et  Bhishuia.  3,113. 

Kripa,  et  Somadatta,  et  le  grand  potentat  Vâhlika,  tous, 
pour  honorer  Djanârddhana,  liront  quelques  pas  en  avant 
de  leurs  sièges.  3,114. 

Dès  qu'il  se  fut  approché  de  l'illustre  monarque  Dhri- 
tarâshtra,  le  Vrishnide  honora  aussitôt  lihlshma  de  ses 
paroles.  3,115. 

Après  qu’il  eut  rempli  successivement  ses  devoirs 
envers  eux,  le  meurtrier  de  Madhou  s’adressa  aux  rois 
suivant  leur  âge.  3,110. 

Djanàrddana  offrit  ses  voeux  à Somadatta,  à Kripa, 
â l'illustre  Drona,  accompagné  de  son  fils  et  de  Vàh- 
lika.  3,117. 

Là,  fut  apporté,  à l’ordre  de  Dhritaràshtra,  un  grand 


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OUI)  YOGA-PAU  VA. 


147 


siège  d’or  pur,  dominant  tous  les  autres,  sur  lequel  s’assit 
l’impérissable.  3,118. 

Les  archibrahmes  <le  Dhritarâshtra  suivant  l’étiquette 
de  présenter  à Djanàrddana  de  l’eau,  une  vache,  un 
bassin  de  caillebotle,  de  beurre  clarifié  et  do  miel.  3,119. 

Quand  on  eut  rempli  tous  les  devoirs  de  l’hospitalité 
envers  lui,  Govinda  de  rester  assis,  souriant,  environné  des 
Kourouides  et  leur  montrant  à tous  son  amabilité.  3,120. 

Aussitôt  qu’il  eut  reçu  les  honneurs  et  les  civilités  de 
Dhritarâshtra,  le  dompteur  des  ennemis  à la  haute 
renommée  detnauda  au  roi  la  permission  de  se  retirer,  et 
sortit.  3,121.  * 

Satisfait  de  s’être  montré  aux  Kourouides  dans  l’as- 
semblée des  enfants  de  Kourou,  Màdhava  choisit  pour  sa 
demeure  la  délicieuse  habitation  de  Vidoura.  3,122. 

Celui-ci  accueillit  Djarnârddana  avec  toutes  les  choses 
fortunées,  et  prodigua  au  Dâçârhain,  son  hôte,  tous 
les  objets,  sur  lesquels  peut  se  porter  le  désir  : 3,123. 

« Pourquoi  te  dirais-je  la  joie,  que  m’inspire  ta  vue. 
Dieu  aux  yeux  de  lotus  bleu  ? N'es-tu  pas  l’âme  des  subs- 
tances incorporées  î » 3,124. 

Une  fois  qu’il  se  fut  acquitté  de  l'hospitalité  envers  lui, 
Vidoura,  qui  n’ignorait  aucun  des  devoirs,  s’enquit 
auprès  du  meurtrier  de  Madhou  sur  la  santé  des  fils  de 
Pàndou.  3,125. 

Le  plus  vertueux  des  Vrisbnides,  le  Dâçârhain,  qui 
voyait  tout  exposé  à sa  vue,  de  raconter  au  prudent 
Kshaltri,  ce  vertueux  et  sage  ami,  content,  exempt  de  la 
colère,  toujours  occupé  du  juste  et  de  futile,  les  actions 
des  Pûndouides  exposées  toutes  avec  étendue. 

3,126—3,127. 


LE  MAHA-BH VRATA. 


148 

Le  jour  suivant,  l’héroïque  Djanârddana  commença  par 
se  rendre  auprès  de  Vidoura;  puis,  il  alla  voir  Prithâ,  la 
sœur  de  son  père.  3,128. 

A peine  a-t-elle  vu  s’avancer  Krishna,  resplendissant 
comme  le  soleil  pur,  elle  s'élance  à son  cou,  et,  pous- 
sant des  cris,  lui  rappelle  nommément  chacun  de  ses 
fils.  3,129. 

Prithâ  répandit  ses  larmes,  en  revoyant  après  une  lon- 
gue absence  ce  Govinda,  le  rejeton  de  Vrishni,  qui  mar- 
chait au  milieu  de  ses  fils  vertueux.  3,130. 

Ayant  rempli  à son  égard  les  devoirs  de  l’hospitalité  et 
l’ayant  fait  asseoir,  elle  dit  à Krishna,  le  roi  des  batailles, 
avec  un  visage  desséché  par  la  douleur  et  plein  de  larmes, 
qui  rendaient  sa  voix  bégayante  : 3,131 . 

« Ces  jeunes  hommes,  qui,  dès  leur  enfance,  se  fai- 
saient un  plaisir  d'obéir  â leur  gourou,  qui  ont  une  même 
âme,  qui  sont  estimés  les  amis  l'un  de  l'autre;  3,132. 

» Qui,  renversés  de  leur  trône  par  la  tricherie  et  dignes 
de  vivre  au  milieu  du  monde,  sont  allés  dans  la  solitude  ; 
qui  savent  gouverner  la  colère  et  la  joie,  pieux,  véri- 
diques; 3,133. 

» Ces  Prithides,  qui,  désertant  le  plaisir  et  les  choses 
agréables,  m’ont  abandonnée  au  milieu  des  larmes,  et, 
parlant  pour  la  forêt,  m’ont  arraché  le  cœur  avec  sa 
racine;  3,134. 

» Comment  ces  magnanimes  Pàndouides  habitent-ils, 
Kéçava,  mon  fils,  dans  ce  vaste  bois,  qu'ils  ne  méritent 
pas  d’habiter  et  qui  est  rempli  d’éléphants,  de  tigres  et 
de  lions?  3,135. 

» Privés  de  leur  père  dès  l’enfance,  toujours  caressés 
par  moi,  comment  supportent-ils  dans  la  grande  forêt  le 


OUDYUG.Y-l'ARVA. 


149 


malheur  de  ne  voir  ni  leur  père,  ni  leur  mère?  3,13(5. 

» Les  Pàndouides  se  réveillaient  dès  leur  enfance, 
Kéçava,  au  son  des  flûtes  et  des  tambours,  au  bruit  de  la 
grosse  caisse  et  des  trompettes.  3,137. 

» Dans  leur  palais,  ils  se  réveillaient  alors  au  grince- 
ment de  la  roue  des  chars,  au  hennissement  des  chevaux, 
au  barrit  des  éléphants.  &,138. 

■<  Les  fanfares  des  tambourins  et  des  conques,  associées 
au  concert  des  vinàs  et  des  flûtes,  se  mêlaient  à la  voix 
des  paroles  saintes,  quand  les  brahuies  les  comblaient  de 
bénédictions.  3,139. 

» Honorés  par  les  voix  des  brahmes  magnanimes,  ma- 
riées aux  choses  de  bon  augure,  ils  prodiguaient  eux- 
mêmes  aux  régénérés  les.vêtements,  les  pierreries  et  les 
parures.  3,140. 

» Eux,  qui,  endormis  sur  les  plus  belles  fourrures  des 
axis  mouchetés,  se  réveillaient  en  de  superbes  palais, 
salués  par  les  louanges  de  poètes  honorés  et  dignes 
d’honneur,  ils  ont  vu  leur  sommeil  interrompu  avant  sa  fin , 
eux,  qui  ne  méritaient  pas  un  tel  sort,  Djanârddana,  par 
les  hurlements  sauvages  des  bêtes  carnassières  entendues. 

» Comment  se  réveillaient-ils  dans  les  grandes  forêts 
aux  rugissements  des  animaux  carnivores,  eux,  accou- 
tumés à se  réveiller  aux  hymmes  des  poètes,  des  bardes 
et  des  ménestrels,  aux  doux  chants  des  femmes,  aux 
accords  des  flûtes  et  des  conques,  aux  concerts  des  tam- 
bourins et  des  tambours?  3,141 — 3142 — 3,143 — 3,144. 

» Ce  héros,  plein  de  pudeur,  ferme,  vrai,  dompté, 
rempli  de  tendresse  pour  tous  les  êtres,  qui  a mis  sous 
son  pouvoir  l’amour  et  la  haine,  continue-t-il  4 suivre  la 
route  des  gens  de  bien  ? 3,145. 


150 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Lui,  qui  suit  le  devoir,  qui  a fait  un  pacte  avec  la 
vérité,  qui  est  doué  de  la  bonne  conduite  et  des  vertus, 
qui  a mis  sur  ses  épaules  le  timon  diflicile  à porter  des 
antiques  râdjarshis,  3,1 40. 

» D'Ambarlsha,  de  Mândhâlri,  d’Yayati,  de  Mahousha, 
de  Bharata,  de  Dilîpa,  de  Çivi,  et  du  fds  d'Ouçinara  ; 

» Ce  mortel,  qui,  doué  de  toutes  les  vertus,  pourrait 
être  le  monarque  des  trois  mondes,  le  vertueux  Adjàta- 
çatrou,  qui  a la  splendeur  de  l’or  pur:  3,147 — 3,148. 

» Que  fait  Youdliishthira  aux  longs  bras,  à l'aspect 
aimable,  le  plus  excellent,  Krishna,  de  tous  les  Kou- 
rouides  pour  le  devoir,  la  science  et  la  conduite?  3,140. 

» Ce  fils  de  Pândou  à la  grande  vigueur,  qui  possède 
la  rapidité  du  vent  et  la  force  d’une  myriade  de  boas, 
cet  homme  irritable,  qui  se  plaît  à rendre  service  à son 
frère;  3,150. 

» Ce.  héros,  qui  immola,  meurtrier  de  Madhou,  Ki- 
thnka  et  sa  famille,  Hidimba  et  Yalta,  tombés  sous  l’em- 
pire de  la  colère  ; 3,0151. 

» Ce  guerrier,  qui  est  égal  à Çakra  pour  la  vaillance, 
au  vent  pour  la  force,  à Mahéçwara  pour  la  colère, 
Bhiraa  enfin,  le  meilleur  des  combattants  ; 3,152. 

n Ce  fléau  des  ennemis,  ayant  mis  un  frein  à sa  colère, 
à sa  force,  à son  ressentiment,  cet  irascible  I’ândouide, 
ayant  vaincu  son  âme,  se  tient-il  soumis  à l’ordre  de  son 
frère?  3,153. 

» Parle-moi,  Djanârddana,  rejeton  de  Vrishni,  parle- 
moi  de  ce  magnanime  Bblmaséna,  ce  monceau  de  vi- 
gueurs, le  plus  héroïque  des  combattants,  à la  force  sans 
mesure,  épouvantable,  quand  il  se  montre  ! Que  fait  main- 
tenant Yrikaudara?  Un  vigoureux  fils  de  Pândou,  aux  bras 


' "Oui  ized  l . le 


OUDYOGA-PARVA. 


151 


pareils  à des  massues,  tient  par  sa  naissance  le  milieu  de 
mes  enfants.  3.15A — 3,155. 

» C’est  Arjouna,  qui,  n’ayant  que  deux  bras,  Kéçava, 
rivalise  avec  l'arjouna  aux  mille  bras,  continuellement 
vaincu  dans  celte  lutte.  3.156. 

» Il  décoche  du  même  coup  rapidement  cinq  cents  flè- 
ches. Ce  Pàndouide  est  l'égal  du  roi  Kàrltavlrya  pour 
l’art  de  lancer  un  trait.  3,157. 

» 11  est  égal  au  soleil  eu  splendeur,  égal  aux  grands 
saints  en  répression  des  sens,  égal  à la  terre  pour  la  force 
de  porter,  égal  à Mahéndra  en  vaillance.  3,158. 

» C’est  lui,  de  qui  la  vigueur  doit  enlever,  meurtrier 
de  Madhou,  à tous  les  rois  issus  de  Kourou  cet  euipire 
illustre,  éclatant  de  splendeur.  3,159. 

» Tous  les  fils  de  P&ndou  honorent  la  force  de  ses  bras  : 
il  est  le  plus  excellent  de  tous  les  maîtres  de  chars  ; sa  va- 
leur est  une  vérité.  3,160. 

» Quiconque,  dans  un  combat,  l'aborderait  face  à face, 
n’en  sortirait  pas  vivant  ! 11  est  appelé  Djishnou,  parce 
qu’il  est  le  vainqueur,  Atchvouta,  de  toutes  les  créatures. 

» Lui,  qui  est  la  planche  de  salut  pour  les  fils  de 
Pàndou,  comme  Indra  l'est  pour  les  Dieux,  que  fait  main- 
tenant Dhanandjaya,  qui  est  ton  frère  et  ton  ami? 

3,161—3,162. 

» Il  est  rempli  de  compassion  pour  toutes  les  créatures, 
observateur  de  la  pudeur,  vertueux,  doux,  bien  délicat; 
il  possède  la  science  des  grands  astras  et  il  est  aimé  de 
moi.  3,163. 

» Sahadéva  est  un  guerrier,  un  héros,  qui  brille  dans 
les  batailles  ; il  est  jeune,  Krishna,  docile  à ses  frères, 
habile  dans  le  juste  et  l’utile.  3,10â. 


152 


LE  MAHA-BHARATa. 


» Toujours  ses  frères  eux-mêmes  respectent  la  conduite 
de  ce  magnanime  à la  conduite  fortunée.  3,165. 

» Parle-moi  de  ce  héros  Sahadéva,  rejeton  de  Vrishni, 
qui  marche  sur  les  traces  de  ses  aînés,  qui  est  le  seigneur 
des  batailles  et  qui  m’obéit  comme  il  aurait  obéi  à M&drt, 
sa  mère.  3,166. 

» Ce  Pândouide  est  un  héros  jeune,  très-délicat,  admi- 
rable à voir,  aimé  de  tous  ses  frères  ; c’est  leur  âme,  qui  se 
meut  extérieurement  à leur  personne.  3,167. 

» Nakoula  est  un  héros  à la  grande  force,  un  com- 
battant avec  des  armes  diverses  : est-il  bien  portant, 
Krishna,  ce  fils,  qui  a grandi  sous  mon  amour?  3,168. 

u Reverrai-je  un  jour,  guerrier  aux  longs  bras,  ce  Na- 
koula au  grand  char,  jeune  adolescent,  accoutumé  au 
plaisir,  mais  novice  & la  peine?  3,169. 

» Abandonnée  par  Nakoula  pendant  l’espace  d’un  clin- 
d’œil,  je  ne  puis  trouver  tin  moment  de  tranquillité  : vois! 
est-ce  que  je  vis  maintenant?  3,170. 

« Drâaupadl  est  celle,  que  j’aime  le  plus  après  tous  mes 
fils,  Djanârddana  : est-elle  en  bbnne  santé,  celte  femme 
douée  de  la  beauté  et  parvenue  à la  hauteur  de  toutes  les 
vertus?  3,171. 

» Cette  dame  aux  paroles  de  vérité  a préféré  le  monde 
de  ses  époux  au  monde  de  ses  enfants  ; et,  fuyant  scs  fils 
chéris,  elle  a mieux  aimé  les  Pàndouides.  3.172. 

» Que  fait-elle,  Atchyouta,  cette  Draâupadt,  douée 
d’une  famille  illustre,  richement  comblée  de  toutes  les 
choses,  que  l’on  peut  désirer,  souveraine  maîtresse  de 
toutes  les  félicités?  3,173. 

» Pourvue  de  cinq  héroïques  époux,  guerriers  aux 
grands  arcs  et  semblables  au  feu,  que  fait-elle , cette 


DTgitteec 


OUDYOGA-PARVA. 


153 


Dr&aupadl,  maintenant  qu'elle  a sa  part  <lu  malheur? 

» N’ai-je  pas  vu,  dompteur  des  ennemis, — cette  année 
qui  s’écoule  est  depuis  ce  temps  la  quatorzième!  — cette 
Dràaupadl,  aux  paroles  de  vérité,  mise  elle-même  au  jeu 
dans  les  angoisses  de  mes  fils?  3,174 — 3,175. 

» L’homme,  sans  doute,  n’obtient  pas  le  bonheur  en 
récompense  de  ses  œuvres  saintes,  si  pour  une  telle  con- 
duite, Dràaupadl  ne  jouit  pas  d’une  impérissable  félicité. 

» Il  n’est  plus  rien  qui  me  soit  agréable,  ni  les  ju- 
meaux, ni  Bhimaséna,  ni  Arjouna,  ni  Youdhishthira  lui- 
même,  depuis  que  je  l’ai  lu  traînée  dans  l'assemblée! 

3,170 — 3,177. . 

» Rien  n’est  plus  affligeant  pour  moi  ; il  ne  m’est  rien 
survenu  avant,  qui  fût  plus  douloureux  que  de  voir  la  plus 
vertueuse  des  femmes,  Dràaupadl,  exposée  devant  ces 
personnes  vénérables.  3,178. 

u Tous  les  enfants  de  Kourou  la  virent  couverte  d’un 
seul  vêtement,  arrivée  dans  l’assemblée,  où  la  conduisit 
un  homme  vil,  qui  obéissait  à la  colère  et  à la  cupidité. 

» Là,  étaient  Dhritarâshtra,  et  le  grand  roi  Vàblika,  et 
Kripa,  et  Somadatta,  et  tous  les  Kourouides  plongés  dans 
l’abattement.  3,1 70—3,180. 

» Kshattri  dans  cette  assemblée  mérite  entre  tous  mon 
respect  ; car  il  fut  noble  par  la  conduite  ; il  ne  l’est  pas 
seulement  pour  la  richesse  ou  la  science.  3,181. 

» Cette  conduite  de  Kshattri,  magnanime,  profond,  à 
la  vaste  intelligence,  est  comme  un  ornement,  Krishna, 
qui  a les  mondes  pour  son  piédestal!  » 3,182. 

Ayant  vu  Govinda  arrivé  dans  ccs  lieux,  Kountl,  le 
jouet  de  la  douleur  et  de  la  joie,  se  mit  à lui  raconter 
ainsi  toutes  ses  peines  de  mainte  et  mainte  espèce  : 


15â 


Lii  MAHABHAKATA. 


« Le  jeu,  la  chasse,  qui  fut  l’exercice  et  le  divertisse- 
ment des  mauvais  rois , nos  devanciers , n’ont  jamais 
donné  de  plaisir  à mon  époux  ni  à mes  fils.  3,183-3,lSâ. 

» La  pensée  que  les  Dbritaràshtrides  ont  accablé  Krishna 
d’afflictions  en  pleine  assemblée,  sous  les  yeux  des  enfants 
de  Rourou,  me  brûle  au  point  qu’il  n'est  plus  de  bonheur 
pour  moi.  3,185. 

» Leur  expulsion  de  la  ville,  leurs  courses  errantes  !.... 
J’ai  connu,  Djanârddana,  fléau  des  ennemis,  les  peines 
sous  mille  formes  ! 3,186. 

» La  marche  incertaine  de  ihes  enfants,  les  obstacles 
apportés  devant  eux....!  Après  tant  de  malheurs,  fléau 
des  ennemis,  il  n’est  plus  rien  de  très-douloureux,  que 
nous  ayons  à supporter,  moi  et  mes  fils.  3,187. 

» Douryodkana  me  persécute  depuis  maintenant  qua- 
torze années  : verrons-nous  le  bonheur  sortir  enfin  de 
la  peine  ? Aon  ! si  le  fruit  des  œuvres  saintes  est  perdu  ! 

» Je  ne  mis  jamais  aucune  distinction  entre  lus  fils  de 
Pàndou  et  les  enfants  de  Dhritar&shtra.  Aussi  vrai  que 
l’est  cette  vérité,  Krishna,  puissé-je  te  revoir  avec  mes 
Pàndouides  au  sortir  de  ce  combat,  environné  de  la  for- 
tune et  tes  ennemis  immolés  I 11  est  impossible  môme  de 
les  vaincre  : tout  est  pour  eux  arrangé  de  cette  manière  ! 

3,188—3,189—3,190. 

» Mais  c’est  sur  mon  père,  non  sur  moi,  ni  Douryo- 
dhana,  que  je  dois  faire  tomber  mes  reproches  ; car  il  m'a 
donnée  à Kountibbodja,  comme  un  trésor  est  donné  par 
des  hommes  généreux.  3,191. 

» J’étais  un  enfant,  qui  jouait  à la  balle  de  paume, 
quand  ton  grand-père  me  donna  à Kountibbodja,  présent 
d’un  ami  à son  magnanime  ami.  3,192. 


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OUDYOGA-PAIWA. 


155 


u Abandonnée  par  mon  père,  accablée  des  plus  grandes 
douleurs  au  sujet  de  mes  beaux-pères,  quel  fruit  de  ma 
vie,  puissant  Krishna,  ai -je  donc  recueilli?  3,193. 

» Dans  le  jour,  où  je  mis  au  monde  l’Ambidextre,  une 
voix  me  dit  pendant  la  nuit  : « Ton  (Ils  sera  le  vainqueur 
de  la  terre,  et  sa  renommée  montera  jusqu’au  ciel.  3,194. 

u Victorieux  des  Kourouides  dans  une  grande  bataille, 
Dhanandjaya,  le  (ils  de  kounti,  maître  eulin  du  royaume, 
célébrera  avec  ses  frères  trois  açva-médhas.  » 3,195. 

» Je  ne  maudis  pas  cette  voix  mystérieuse  : adoration 
soit  rendue  à Dbarma,  à lîrahma,  au  grand  Krishna  ! 
Le  devoir  soutient  continuellement  les  créatures.  3,19(1. 

» Si  le  devoir  existe  dans  te  monde,  la  voix  a dit  la 
vérité;  et  toi,  Krishna,  tu  exécuteras  ainsi  toutes  ces 
choses.  3,197. 

» Ni  mon  état  de  veuve,  ni  la  perte  de  mes  biens,  ni 
ces  inimitiés  conçues  ne  m’ont  causé  d’aussi  cuisants 
chagrins  que  cette  existence  séparée  de  mes  lils.  3,198. 

» Quelle  satisfaction  peut-il  être  à mon  cœur,  quaud  le 
plus  vaillant  de  tous  ceux,  qui  portent  les  armes,  Dha- 
nandjaya, l'archer  du  Gàndiva,  est  refusé  à ma  vue  ? 

» Voici  la  quatorzième  année,  qui  s’écoule,  Govinda, 
depuis  que  je  n’ai  vu  Youdhishthira,  et  Dhanandjaya,  et 
les  jumeaux,  et  Vrikaudara  lui-même.  3,199 — 3,200. 

» Les  hommes  célèbrent  des  çrâddhas,  commémoration 
de  la  vie  éteinte  en  l’honneur  des  parents,  qui  ne  sont 
plus  ; mes  fils  sont  morts  véritablement  pour  moi,  Dja- 
uàrddana,  et  je  leur  offre  des  présents  funèbres.  3,201. 

» Parle-moi , Màdhava , du  vertueux  monarque  You- 
dhishthira ; la  vertu  excellente  n’est  pas  abandonnée  par 
toi  ; n’agis  pas  en  vain,  mon  (ils.  3,202. 


150 


LE  MAHA-BHA1UTA. 


» Honnie  soit  la  femme,  qui  habite  dans  la  maison  d'un 
autre,  Vasoudévide  I La  meilleure  même,  quand  sa  vie 
est  pleine  de  misère,  est  encore  sans  gloire  ! 3,203. 

» Parle-moi  aussi  de  Dhanandjaya  et  de  ce  Vrikaudara, 
qui  est  toujours  dans  l’activité  ; lui,  pour  qui  ce  temps 
venu  engendre  les  kshatryas.  3,20A. 

» Ce  temps  arrivé,  le  passera-t-il  sans  livrer  de  combats? 
Hommes  vertueux,  en  vous  occupant  du  monde,  vous 
faites  une  chose  bien  cruelle  1 3,205. 

» Je  dois  abandonner  ces  années,  qui  me  rest  m à 
vivre,  si  votre  cruauté  les  accompagne.  Oui!  ce  temps 
venu,  je  dois  abandonner  la  vie  ! 3,200. 

1 » 11  faut  me  parler  de  ces  deux  lils  de  Mâdri,  qui  se 
complaisent  toujours  dans  les  devoirs  du  kshatrya;  ilsont 
préféré  les  richesses  acquises  par  la  vaillance  au  prix 
même  de  la  vie.  3,207. 

» En  effet,  les  richesses  obtenues  par  le  courage,  0 le 
plus  grand  des  hommes,  réjouissent  toujours  l'àme  du 
mortel,  qui  vit  dans  les  devoirs  du  kshatrya.  3,208. 

» Parle-moi,  guerrier  aux  longs  bras  et  qui  marche  dans 
la  route  de  Draàupadî,  toi,  qui  es  allé  vers  lui,  du  plus 
vaillant  de  tous  ceux,  qui  portent  les  armes,  du  héros 
Pândouide,  Arjouna.  3,200. 

» Certes!  tu  le  sais  : Arjouna  et  Bhlma,  au  comble  de 
la  colère,  pourraient,  comme  s’ils  étaient  l’un  et  l’autre  la 
Mort  en  personne,  conduire  les  Dieux  mêmes  au  tom- 
beau ! 3,210. 

» Et  ce  fut  au  mépris  de  ces  deux  guerriers,  que 
Krishnà  fut  tramée  dans  l’assemblée,  que  Dou<  çâsana  et 
Karna  lui  ont  adressé  des  paroles  outrageantes.  3,211. 

» Bhimaséna,  qui  a du  cœur,  fut  attaqué  par  Douryo- 


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0UDY0CA-1MRVA. 


157 


dhnna  : celui-ci  verra  le  fruit  de  son  action,  commise  sous 
lesregards  des  principaux  Rourouides.  3,2t2. 

» Une  fois  qu’il  a conçu  une  haine,  Vrikaudara  ne  se 
calme  pas.  Certes!  de  longtemps,  l’inimitié  de  Bhima  ne 
s’appaise!  3,213. 

» Le  puissant  guerrier  ne  se  calme  pas  avant  qu’il  n’ait 
jeté  les  ennemis  à la  mort.  Ni  le  chagrin  du  royaume 
enlevé,  ni  la  défaite  au  jeu,  3,21,1. 

» Ni  l'exil  de  mes  lils  ne  m’ont  causé  autant  de  peine 
que  de  voir  conduite  îi  l’assemblée  cette  noble  Çyamà 
couverteld’un  seul  vêtement  ! 3,215. 

» Elle  s’entendit  adresser  des  paroles  injurieuses,  cette 
dame  à la  taille  charmante,  la  plus  vertueuse  des  fem- 
mes, qui  se  plaît  toujours  à voir  accomplir  les  devoirs  du 
kshatrya  : est-il  un  douleur  plus  grande  ? 3,216. 

» Personne  ne  vint  alors  à son  «aide,  quoiqu'elle  ne  fut 
pas  sans  défenseur  ; elle,  de  qui  et  de  mes  lils,  meurtrier 
de  Madhou,  tu  es  le  protecteur,  3,217. 

» Et  Raina,  le  plus  fort  des  forts,  et  Dhrishtadyounma 
au  grand  char!  Comment  puis-je,  ô le  plus  grand  des 
hommes,  supporter  une  douleur  de  telle  sorte,  3,218. 

» Quand  Bhima  vit,  l’inaffrontable  Bhima,  qui  ne  sait 
pas  fuir  dans  la  victoire?  » 3,219. 

Ensuite,  l'ami  des  Prithides,  Çaâuri  de  consoler  la 
soeur  de  son  père,  cette  plaintive  Prithâ,  noyée  dans  le 
chagrin  de  ses  fils  : 3,220. 

« Est-il  dans  les  inondes  une  dame  égale  il  toi,  sœur 
de  mon  père,  fille  du  roi  Çoûra,  qui  as  reçu  la  naissance 
dans  la  famille  d’Adjamltha?  3,221. 

» Illustre,  issue  d'une  noble  race,  lotus  transporté 
d'un  lac  dans  un  autre  lac,  reine  comblée  de  toutes  les 


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I5S 


I.E  MAHA-BHA1UTA. 


choses  fortunées,  souverainement  honorée  de  ton 
époux  ; 3,222. 

» Epouse  et  mère  de  héros,  parvenue  au  sommet  de  la 
vertu,  est-il  une  femme  égale  à toi,  dame  <\  la  grande 
science,  qui  puisse  supporter  comme  toi  la  peine  et  le 
plaisir?  3,223. 

» Le  sommeil  et  la  paresse,  la  colère  et  la  joie,  la  faim 
et  la  soif,  le  froid  et  le  chaud  : vainqueurs  de  ces  affec- 
tions, les  l’rithides  font  du  courage  leur  plaisir  con- 
tinuel. 3,22  h. 

» Désertant  les  jouissances  grossières,  ils  mettent  à 
jamais  le  plaisir  en  des  actes  d'héroïsme  : une  chose 
minime,  crois-le  bien,  ne  saurait  plaire  à ces  Prithides 
d’une  immense  valeur  et  d’une  vigueur  infinie.  3,225. 

» Les  sages  cultivent  la  lin  ; ceux,  qui  sont  adonnés 
aux  plaisirs  grossiers,  cultivent  le  milieu,  et,  pur  suite, 
les  plus  grandes  misères  et  des  jouissances  tout  hu- 
maines (1).  3,226. 

» Les  sages  se  sont  complus  dans  les  dernières,  ils 
n’ont  pas  aimé  les  moyennes  ; ils  ont  dit  qu’obtenir  la 
fin  (2)  est  un  plaisir,  mais  que  le  milieu,  entre  les  deux, 
te  commencement  et  lu  fin  , est  une  peine.  3,227. 

» Les  lils  de  Pândou  s’inclinent  avec  Krishnït  devant 
la  majesté:  et,  t’ayant  fait  connaître  que  leur  personneest 
bien  portante,  ils  s’informent  de  ta  bonne  santé.  3,228. 

» Tu  verras  bientôt  les  Pàndouides  libres  de  maladie. 


(!)  On  pourrait,  dans  cctto  stance  et  la  suivante,  désirer  un  mot  du 
commentateur,  mais  il  garde  le  silence;  il  parlera  sans  doute,  quand  on 
aura  moins  besoin  de  sou  aide. 

(2)  L'édition  de  Bombay  no  porte  pas  anUisprtlptim,  comme  celle  de 
Calcutta,  mais  aniùprâptim , que  nous  préférions. 


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OUI)  YOGA-PAU  VA. 


15!) 


heureux  dans  toutes  leurs  affaires,  victorieux  des  enne- 
mis, souverains  du  monde  entier  et  environnés  de  la  féli- 
cité. » 3,229. 

Comprimant  dans  son  âme  les  ténèbres  nées  de  son 
ignorance,  < t franchissant  les  soucis  de  l'absence  de  ses 
fils,  Kountl  de  répondre  en  ces  termes  : 3,230. 

« Fais,  meurtrier  de  Madhou,  tout  ce  qui  sera  conve- 
nable pour  eux  et  que  ta  conduite,  Krishna  aux  longs 
bras,  soit  assortie  à ta  manière  de  penser,  et  par  ta  man- 
suétude, et  par  ta  persévérance  dans  le  devoir.  Je  con- 
nais ta  puissance,  fléau  des  ennemis,  et  celle  de  ta  véri- 
dique famille.  3,331 — 3,332. 

» Je  sais  quelles  sont  ta  fidélité  à l'égard  de  tes  amis, 
ta  force  et  ton  intelligence.  Tu  es  le  devoir  lui-même, 
dans  notre  famille,  tu  es  la  vérité,  tu  es  la  grande  péni- 
tence. 3,233. 

» Tu  es  uu  frère,  tu  as  la  puissante  cause  divine  : tout 
repose  en  toi.  Cas  choses  seront  vraies  en  toi  de  la  ma- 
nière que  tu  le  dis.  » 3,23 h. 

Govinda  lui  fil  ses  adieux,  et,  quand  il  eut  décrit  un 
pradakshina  autour  d'elle,  le  guerrier  aux  longs  bras  s’en 
alla  vers  les  palais  de  Douryodhana.  3,235. 

Après  qu’il  eut  dit  adieu  â Pritha  et  qu’il  eut  décrit 
son  pradakshina,  le  dompteur  des  ennemis,  Çaâuri  se 
dirigea  vers  l’habitation  de  Souyodhana  (1).  3,236. 

Djanàrddana  fit  son  entrée  dans  ce  palais,  garni  de 
sièges  divers,  environné  de  la  plus  haute  prospérité  et 
semblable  à la  demeure  de  Pourandara.  3,237. 

(I)  C’est  dans  les  mêmes  termes  la  stance  précédente,  qui  termine,  et 
celle-ci  commence  un  nouveau  cliapitreou  lecture.  Si  nous  l’avons  conservée, 
c’est  pour  ne  pas  interrompre  la  suite  des  chiffres. 


100 


LE  MAH  V-lill  \ Il  VT  A. 


Arrêté  par  les  gardiens  des  portes,  il  en  traversa  les 
trois  enceintes.  Ensuite,  le  héron  à la  vaste  renommée 
monta  dans  ce  palais,  élevé  comme  la  cime  d'une  mon- 
tagne, pareil  à une  masse  de  nuages  et  flamboyant  de 
richesses,  Là  était,  environné  par  les  Rourouides  et  par 
des  milliers  de  rois,  3,238 — 3,239. 

Le  fils  aîné  de  Dhritaràshtra  aux  longs  bras,  qu'il  vit 
siégeant  sur  un  trône.  11  remarqua , aux  côtés  de  Douryo- 
dhana  et  placés  sur  des  sièges,  Douççâsana,  et  karna,  et 
Çakouni,  le  fils  de  Soubala.  L’illustre  Douryodhana  de  se 
lever  à l’approche  du  Dàçàrhain  avec  ses  ministres  et 
d’honorer  le  meurtrier  de  Madhou.  kéçava  de  s’aboucher 
avec  le  Dhritarâshtride  et  s;*s  conseillers. 

3,240 — 3,241 — 3,242. 

Le  Vrishnide  s’approcha  des  rois,  suivant  leur  âge,  et 
l’Eternel  prit  place  sur  un  palanquin  fait  d'or,  bien  dé- 
coré et  drapé  sous  différentes  couvertures.  Le  Kourouido 
offrit  alors  à Djanârddana  une  vache,  de  l’eau,  un  bassin 
de  caillebotte,  de  beurre  clarifié  et  de  miel,  son  palais  et 
son  royaume.  Tous  les  Rourouides  alors  avec  les  rois 
d'honorer  Govinda  assis,  resplendissant  comme  le  soleil 
sans  nuages.  Puis , l’auguste  Douryodhana  invita  le 
Vrishnide,  le  plus  brave  des  conquérants,  à manger  de 
ses  aliments,  et  kéçava  les  refusa.  Aussitôt  le  Dlirila- 
râshtride  tint  ce  langage  à Rrishna  au  milieu  des  Rou- 
rouides. 3,243— 3,244— *,245— 3,240— 3,247. 

Mais,  avant,  il  dit  un  mot  4 l’oreille  de  Rarna,  com- 
mençant par  la  douceur  les  cruautés  du  temps  à venir. 
« Pourquoi,  Djanârddana,  ne  reçois-tu  pas  ces  aliments, 
ces  breuvages,  ces  tapis  de  couche  et  ces  vêtements,  que 
l’on  apporte  ici  pour  toi  ? Tu  acceptes  l’union  des  deux 


UltjitizeU  tiy ■A3 


OUDY  OG  A-PARV  A. 


101 


côtés  et  tu  te  complais  dans  le  bien  de  l’une  et  de  l'autre 
part.  3,548—3,249. 

» Tu  es,  Mâdhava,  un  parent  chéri  de  Dhritarâshtra  ; 
tu  sais,  Govinda,  le  juste  et  T utile  entièrement,  suivant  la 
vraie  nature.  3,250. 

» Je  désire  en  apprendre  ici  la  cause,  ô toi,  qui  portes 
la  massue  et  le  disque  de  guerre.  » 3,251. 

A ce  langage,  le  magnanime  Govinda  aux  yeux  de  lotus 
bleu,  élevant  son  grand  bras,  de  répondre  au  monarque, 
avec  le  bruit  des  nuages,  qui  se  forment  dans  la  saison 
pluvieuse,  ces  mots  sublimes,  pleins  de  sens,  dits  avec 
lenteur,  nets,  remplis  de  gravité  (1)  et  de  consistance  : 

• 3,252—3,253. 

« Les  ambassadeurs  mangent  et  reçoivent  les  honneurs, 
après  qu’ils  ont  terminé  leur  mission.  Ainsi,  veuille  ho- 
norer, rejeton  de  Bharata,  et  moi,  et  mes  conseillers, 
après  que  nous  aurons  accompli  nos  affaires  ! » 3,254. 

» Le  Dhritarâshtride  lui  répondit  à ces  mots  : « 11  ne 
convient  pas  que  ta  majesté  reçoive,  au  milieu  de  nous, 
ce  qui  n’est  pas  à propos.  3,255. 

» Que  tu  aies  terminé  ou  non  tes  affaires,  meurtrier 
de  Madhou,  nous  nous  efforçons  de  t’honorer,  Dâçârhain  ; 
mais  nous  ne  le  pouvons  pas.  3,250. 

» Nous  ne  connaissons  pas  la  cause  de  ta  venue  parmi 
nous  : ne  crois  pas,  ô le  plus  grand  des  hommes,  que  cet 
honneur  te  soit  rendu  par  des  gens  satisfaits.  3,257. 

» 11  n’y  a pas  d’inimitié,  il  n’y  a pas  de  guerre  entre 
nous  et  ta  majesté,  Govinda  : que  ton  excellence,  ayant 

(i)  L'édition  du  Calcutta  écrit  alamboû , qui  no  signifie  rien  et  n’existe 
pas  ; mais  celle  de  Bombay  donne  correctement  : alaghoûkritam. 

VI  11 


162 


LL  MAHV-BHARVTA. 


considéré  ces  choses,  ne  veuille  pas  tenir  un  tel  langage  ! » 

(les  mots  dits,  le  Dâçàrhain  regarda  en  souriant  le 
Dhritaràshtride  et  ses  ministres  ; puis,  Djanârddarna  lui 
dit  : 3,258—3,259. 

« Ni  par  amour,  ni  par  colère,  ou  par  haine,  ou  par 
raison  d’intérêt,  ni  par  dispute,  ni  par  cupidité,  je  ne  sa- 
crifierai jamais  le  devoir  ! 3,260. 

» Ces  aliments  doivent  être  mangés  dans  la  joie,  ou, 
au  contraire,  ils  doivent  l'être  dans  l’infortune  ; ta  ma- 
jesté ne  nous  a point  donné  une  cause  de  joie,  sire,  et 
nous  ne  sommes  pas  encore  descendus  à l’infortune. 

» Tu  exècres  sans  raison  depuis  ta  naissance  les  Pân- 
douides,  sire,  ces  frères,  parvenus  au  faite  de  toutes  les 
vertus,  et  qui  suivent  la  voie  des  choses  agréables. 

3,261—3,262. 

» Cette  haine  sans  raison  pour  les  Pàndouides  ne  te 
sied  pas.  Les  fds  de  Pândou  se  tiennent  dans  le  devoir  ; 
qui  peut  dire  et  quelle  chose  est  à dire  contre  eux  ! 3,263. 

» Les  haïr,  c’est  me  haïr  : tu  me  hais  à cause  d’eux  et 
ta  les  hais  à cause  de  moi  ! Sache  que  mon  âme  est  venue 
se  confondre  avec  l’âme  de  ces  Pàndouides,  qui  marchent 
dans  le  sentier  de  la  vertu.  3,264. 

» On  appelle  le  plus  vil  des  hommes  l’individu,  qui  dé- 
teste, par  égarement  d’esprit,  un  homme  vertueux  et  qui 
veut  mettre  des  obstacles  devant  lui.  3,265. 

» Le  mortel,  qui,  n’ayant  pas  vaincu  son  âme,  n’ayant 
pas  triomphé  de  sa  colère,  désire,  par  cupidité  ou  folie, 
enlever  leur  bien  à des  parents  doués  de  qualités  émi- 
nentes, ne  conserve  pas  longtemps  sa  prospérité.  3,266. 

» Quiconque  sait  rendre,  quelque  désagréables  qu’ elles 
soient  à son  cœur,  des  personnes  remplies  de  vertu,  sou- 


Di-  i T?ea  l GcîOgle 


OU  UYOG  A-PAUVA . 


103 


mises  à lui  d'amitié, conserve  longtemps  sa  gloire.  3,207. 

a Tous  ces  mets,  confondus  avec  l’intérêt  du  mé- 
chant, ne  doivent  pas  être  mangés;  ils  peuvent  l’être  seu- 
lement par  le  fils  d’un  çoûdra  : ainsi  le  comporte  mon 
sentiment.  » 3,208. 

11  dit  ; et,  quand  il  eut  parlé  de  telle  sorte  à Dourvo- 
dhana  irrité,  le  guerrier  aux  longs  bras  sortit  du  splen- 
dide palais  de  ce  fils  aillé  de  Dhritarâshtra.  3,209. 

Hors  de  ce  château,  le  terrible  Vasoudévide  à la  grande 
âme  s’en  alla  demander  une  habitation  au  palais  du  ma- 
gnanime Vidoura.  3,270. 

Drona,  Kripa,  Bhishma  et  le  Kourouide  Vâhlika  vien- 
nent trouver  le  héros  aux  longs  bras  placé  dans  la  maison 
de  Vidoura.  3,271. 

« Rejeton  de  Vrishni,  disent-ils  au  vaillant  meurtrier 
de  .Madhou,  nous  t'offrons  des  maisons  ornées  de  pier- 
reries. » 3,272. 

« Vos  grandeurs  peuvent  se  retirer  toutes,  répondit  il 
ces  Kourouides  le  guerrier  à l'éminente  splendeur  ; mon 
choix  est  déjà  tout  arrêté.  » 3,273. 

Les  Kourouides  partis,  Kshattri  de  prodiguer  avec  em- 
pressement toutes  les  choses,  que  l’on  pouvait  désirer,  à 
l’invincible  Ilâçârhain.  3,274. 

Il  apporta  au  magnanime  Kéçava  des  breuvages  et  des 
mets  purs,  en  grand  nombre  et  pleins  de  qualités,  3,276. 

Krishna,  le  meurtrier  de  Madhou,  commença  par  en 
rassasier  tous  les  brahmes  instruits  dans  les  Védas  et  leur 
donna  même  des  richesses  éminentes.  3,270. 

Ensuite,  il  mangea  les  mets  purs  et  savoureux  de  Vi- 
doura, comme  Indra  avec  les  Maroutes,  ses  suivants. 

Pendant  qu’il  mangeait  et  quand  il  eut  repris  haleine 


164 


LE  MAHA-BH.MMTA. 


dans  la  nuit  : a Ce  projet  de  ta  venue  ici,  Kéçava,  lui  dit 
Vidoura,  n’a  pas  été  sagement  conçu.  3,277— 3, '278. 

» Ce  fils  de  Dhritarâshtra  est  un  insçnsé,  Djan&rddana, 
un  houinie  colère,  déserteur  du  juste  et  de  l'utile,  as- 
sassin de  l’honneur,  ambitieux  des  grandeurs  et  qui  trans- 
gresse les  préceptes  des  vieillards,  âme  méchante,  stu- 
pide, contempteur  des  Traités  du  devoir,  tombé  dans  les 
liens  du  vin  et  que  ne  peuvent  conduire  les  gens  ver- 
tueux. 3,279—3,280. 

» Esprit  sensuel,  orgueilleux  de  sa  science,  qui  nuit  à 
ses  amis,  qui  doute  de  tout,  qui  n’a  rien  fait  de  bien,  de 
qui  le  savoir  est  imparfait,  qui  a déserté  le  devoir  et  qui 
est  ami  du  mensonge  ! 3,281. 

» Ignorant,  de  qui  l’intelligence  n’est  pas  éclairée,  es- 
clave des  organes  des  sens,  asservi  à ses  désirs,  et  qui, 
dans  nulle  affaire,  ne  distingue  la  vérité.  3,282. 

» 11  est  rempli  de  ces  vices  et  d’autres  en  grand 
nombre.  Son  courroux  l’empêchera  d’accepter  le  salut,  in- 
voqué par  toi.  3,283. 

» 11  a fondé  ses  plus  grandes  espérances  en  Bhishma, 
Drona,  Kripa,  Karna,  sur  le  fils  de  Drona  et'Djavad- 
ratha;  son  esprit  ne  s'incline  pas  à la  paix.  3,284. 

» C’est  une  opinion  arrêtée  chez  les  Dbritaràshlrides  et 
Karna  que  les  Prithides,  Djanàrddana,  ne  sont  pas  ca- 
pables de  fixer  les  yeux  sur  Bhishma  et  Drona,  leurs 
chefs.  3,285. 

» Quand  il  eut  levé  cette  armée  du  monde  entier, 
meurtrier  de  Madhou,  l’ignorant  s’imagina,  comme  un 
enfant,  qu’il  était  parvenu  au  comble  de  ses  vœux. 

« Il  sufiit  de  Karna  seul  pour  vaincre  les  ennemis  ! <i 
dit  avec  le  ton  d’une  vérité  ce  fils  à l’âme  insensée  de 


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OUDYOGA-PARVA. 


165 


Dhritarâshtra  : il  n’accédera  pas  à la  paix.  3,286 — 3,287. 

» II  est  nécessaire  que  tu  obtiennes,  Kéçava,  le  consen- 
tement de  tous  les  Dhritarâshtrides  eux -mêmes  dans 
tes  efforts  pour  la  paix  et  dans  ton  désir  de  la  fraternité. 

» Mais  ils  ont  résolu  de  ne  pas  rendre  l’héritage  des 
Pândouides,  et  ta  parole  au  milieu  d’eux  ne  peut  qu’être 
inutile.  3,288 — 3,289. 

» L’homme  savant,  tel  qu’un  chanteur  dans  une  réu- 
nion de  sourds,  doit  se  taire,  meurtrier  de  Madhou,  là  où 
l’on  répondrait  à une  parole  bien  dite  avec  une  autre  dite 
mal.  3,290. 

» Ne  prononce  point,  Mâdhava,  tes  paroles  attentives 
au  milieu  de  gens  stupides,  qui  ne  connaissent  pas  de 
bornes  et  ne  savent  rien  distinguer  ; sois  comme  un 
brahme  au  milieu  des  tchàndàlas.  3,291. 

» L’insensé,  qui  ne  sort  pas  de  sa  force,  ne  recevra  point 
tou  discours  : ta  parole  articulée  deviendra  stérile  auprès 
de  lui.  2,292. 

» Je  n'approuve*  pas,  Krishna,  ton  arrivée  au  milieu 
de  tous  ces  hommes  réunis  avec  des  pensées  crimi- 
nelles. 3,293. 

» Non  1 ‘Krishna,  je  n’approuve  pas  que  ta  parole 
vienne  se  perdre  en  la  foule  de  ces  gens  nombreux  aux 
âmes  méchantes,  à l’esprit  corrompu  ! 3,295. 

» Aveuglé  par  sa  richesse,  qui  n’est  pas  honorée,  et  par 
l’orgueil  de  sa  bonne  fortune,  Donryodhana  ne  recevra 
pas  ton  avis  salutaire  à cause  de  sa  hauteur,  de  sa  violence, 
de  sa  jeunesse.  3,295. 

» Si  tu  parles  même  de  la  puissante  armée,  à laquelle 
commande  Youdhishthira,  tu  feras  naître  en  lui  un  grand  , 
doute  sur  toi,  Mâdhava,  et  il  n’accomplira  point  ta  parole. 


ioe 


LE  MAHA-BHAMTA. 


» Indra  lui-même  avec  les  Immortels  ne  pourrait  les  y 
forcer  dans  un  combat  ! Telle  est,  Djanârddana,  la  déter- 
mination de  tous  les  Dhritaràshtrides.  3,200 — 3,297. 

» Avec  des  hommes  ainsi  doués,  qui  obéissent  à l'a- 
mour et  à la  colère,  ta  puissante  parole,  Mâd/iava,  elle 
deviendra  impuissante.  3,298. 

» Environné  d'une  forte  armée  d’élépbants,  jointe  à 
des  chevaux  et  à des  chars,  l'insensé  Douryodhana 
pense,  libre  de  crainte  : « Toute  cette  terre  sera  ma  con- 
quête. » 3,299. 

» Ce  lils  de  Dhritarâshtra,  il  désire  un  vaste  royaume 
sans  ennemis  sur  la  terre.  Il  ne  pourra  seulement  com- 
prendre la  paix  : il  regarde  toutes  ses  richesses  amassées 
comme  enchaînées  à sa  personne.  3,300. 

» Ce  monde  est  bouleversé,  il  est  mûr  pour  la  mort  ; 
tous  les  guerriers  de  la  terre  se  sont  réunis,  tous  les  rois 
et  les  maîtres  du  monde  sont  rassemblés  avec  le  désir  de 
combattre  les  Pândouides  dans  l'intérêt  de  Douryodhana. 

» Et  voyant  la  guerre  déclarée  pal*  toi  en  face  d’eux, 
Krishna,  tous  ces  héroïques  rois,  ayant  saisi  leurs 
richesses,  sont  accourus  avec  Karna  se  serrer  bien  étroi- 
tement autour  des  fils  de  Dhritarâshtra,  à cause  de  la 
crainte,  que  tu  leur  inspirés.  3,301—3,302. 

» Tous  ces  guerriers,  prêts  à mourir  avec  Douryodhaua 
sont  joyeux  de  combattre  les  Pândouides.  Si  tu  veux  entrer 
dans  l'assemblée  de  ces  rois,  héros  des  Dâçârhains,  ce 
n’est  pas  mon  opinion.  3,303. 

» Comment,  ô toi , qui  traînes  sur  le  champ  de  bataille 
les  corps  de  tes  ennemis,  t’avanceras-tu  au  milieu  de  ces 
ennemis  nombreux,  siégeant  sur  des  trônes  et  qui  ont  des 
âmes  méchantes  ? 3,304. 


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OU  DYOü  A-PAR  VA. 


167 


» Il  est  difficile  de  toutes  les  manières  que  les  Dieux 
mêmes  soutiennent  ton  attaque,  immolateur  aux  longs 
bras  des  ennemis.  Je  connais  ton  intelligence,  toncourage 
et  ta  puissance.  3,30&. 

» L’affection  que  j'ai  pour  les  fils  de  Pàndou,  Mâdhava, 
je  l'ai  aussi  pour  toi  : c'est  l’amour,  le  respect,  la  frater- 
nité même,  qui  m'inspire  ces  paroles.  3,306. 

* Hais  à quoi  bon  te  parler,  Dieu  aux  yeux  de  lotus 
bleu,  de  l’amitié,  que  ta  vue  fait  naître  ici  en  moi  ? Tu  es 
l'âme  intime  de  tous  les  êtres,  que  revêt  un  corps.  » 

a C'est  un  père  et  une  mère,  qui  m’ont  parlé  eux- 
mêmes  par  ta  bouche,  répondit  le  bienheureux  Bhagavat  ; 
tu  m’as  parlécomme  il  convenait  à un  homme  d'une  vaste 
science,  comme  il  convenait  à un  orateur  éloquent,  comme 
ton  altesse  devait  parler  à un  ami  tel  que  je  suis,  comme 
il  était  digne  de  toi  que  fut  prononcée  cette  parole  vraie, 
associée  au  juste  etaà  l'utile.  3,307 — 3,308—3,309. 

» Je  suis,  comme  tu  l’as  dit,  un  sage,  et  je  suis  par- 
venu à la  vérité.  Ecoute  la  raison  de  ma  venue  : sois  at- 
tentif, Vidoura  ! 3,310. 

» Quoique  je  connaisse  bien  l’âme  perverse  du  Dhrita- 
ràshtride  cul’hostilité  des  kshalryas,  sans  ignorer  aucune 
de  ces  choses,  je  suis  venu  aujourd’hui,  Kshattri,  cher 
les  enfants  de  Kourou.  3,311. 

» Quiconque  pourrait  déliv  rer  du  lacet  de  la  mort  toute 
cette  terre  bouleversée  avec  ses  chevaux,  ses  éléphants  et 
ses  chars  de  guerre,  accomplirait  le  plus  grand  des  de- 
voirs. 3,312. 

» L’homme,  qui  prodigue  ses  efforts  dans  la  chose  du 
devoir,  qu’il  réussisse  ou  n’obtienne  rien,  fait  un  acte  de 
vertu  : ici  il  n‘est  aucun  doute  pour  moi.  3,313. 


108 


LE  MAHA-BHAKATA. 


» S'il  caresse  le  vice  dans  sa^pensée,  mais  s’il  ne  l'ac- 
cepte pas  dans  son  action,  il  n’en  reçoit  pas  le  fruit  ; ainsi 
disent  les  sages,  qui  discourent  sur  les  devoirs.  3,314. 

» Je  m’efforcerai,  Kshattri,  de  rétablir  franchement  la 
paix  dans  cette  division  année  des  Kourouides  et  des 
Srindjayas.  Que  par  moi  finisse  cette  infortune  épouvan- 
table, élevée  au  milieu  des  Kourouides  eux-mêmes,  où 
elle  fut  jetée  par  Douryodhana  et  Karna  ! Tous  ces  guer- 
riers, en  effet,  appartiennent  à la  même  famille. 

3,315-3,316. 

» Quiconque  ne  va  point  au  secours  de  son  ami  tour- 
menté par  le  malheur,  et  ne  le  soulage  pas  de  tout  son 
pouvoir,  les  sages  l’appellent  un  homme  cruel. 

» Celui,  qui,  employant  tous  ses  efforts,  détourne  de 
tous  ses  moyens,  jusqu’à  le  prendre  aux  cheveux  mêmes, 
son  ami  d’une  chose,  qu’il  ne  doit  pas  faire,  n’est  pas 
un  homme,  qu’il  faille  mépriser.  3,347 — 3,318. 

» Le  Dhritar&shtride  peut  avec  ses  ministres,  VidoUra, 
accepter  une  parole  capable,  utile,  brillante,  accompagnée 
de  l’intérêt  et  du  devoir.  3,319. 

» Je  ferai  donc  mes  efforts  pour  que  l’on  entende  une 
parole  utile  aux  enfants  de  Dhritarâshtra  comme  aux  fils  de 
Pândou  et  à tous  les  kshatrvas,  qui  vivent  sur  la  terre. 

» Si  mes  efforts  dans  le  bien  ne  peuvent  écarter  de 
Douryodhana  ses  doutes,  j’aurai  du  moins  la  satisfaction 
d’avoir  acquitté  mon  cœur  de  sa  dette.  3,320 — 3,321. 

» Les  sages  refusent  le  nom  d'ami  au  compagnon  in- 
différent, qui,  dans  la  division  mutuelle  de  ses  parents, 
ne  court  pas  employer  tous  ses  efforts  au  bien  de  ses 
amis.  3,322. 

» Que  des  gens  vicieux,  insensés,  infidèles  amis,  ne 


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OUDYOGA-PARVA. 


169 


disent  pas  de  moi  : « Krishna  le  pouvait  et  il  n'a  pas  em- 
pêché d'éclater  la  colère  des  enfants  de  Kourou  et  de 
Pândou!  » 3,323. 

» Je  suis  venu  opérer  le  bien  de  l’une  et' de  l'autre 
part;  quand  j’aurai  consommé  là  tous  mes  efforts,  je  ne 
tomberai  pas  sous  la  censure  des  hommes.  3,324. 

» line  fois  entendue  ma  parole  associée  au  juste  et  à 
l’utile,  si  l’insensé  ne  reçoit  pas  cette  coupe  salutaire,  il 
passera  sous  le  pouvoir  du  Destin.  3,325. 

» Si  je  puis,  sans  abandonner  l’intérêt  des  Pândouides, 
faire  désirer  franchement  la  paix  aux  Kourouides,  j’aurai 
accompli  le  devoir  de  la  vertu,  prince  magnanime  ; et 
les  enfants  de  Kourou  seront  affranchis  du  lacet  de  la 
mort.  3,326. 

» Plaise  aux  Dienx  que  les  Dhritaràshtridcs  veuillent 
accepter  de  ma  bouche  cette  parole  inspirée,  bonne, 
utile,  le  jardin  même  des  vertus,  et  les  Kourouides  hono- 
reront mon  arrivée  ici  pour  la  paix!  3,327. 

» Les  princes  de  Kourou  sont  incapables,  fussent-ils 
rassemblés  tous,  de  tenir  en  face  de  ma  colère,  comme  les 
autres  animaux  devant  un  lion  I « 3,328. 

Alors  qu'il  eut  articulé  ces  mots,  l’éminent  Vrishnide, 
la  joie  d'Yadon,se  reposa  dans  sa  couche,  agréable  au 
toucher.  3,329. 

Tandis  que  ces  deux  grandes  intelligences  s’entrete- 
naient ainsi ,1a  nuit  s'écoula  fortunée,  en  parsemant  ses 
constellations.  3,330. 

Elle  s’enfuit  rapidement,  tandis  que  le  magnanime  Vi- 
iloura  écoutait  ces  différentes  paroles  aux  syllabes  et  aux 
pieds  remplis  de  sens  divers,  à la  force  sans  mesure, 
mêlées  au  juste,  à l'utile,  à l’agréable  ; et  que  Krishna  ra- 


170 


LE  MAHA-BHAMATA. 


contait,  semblable  aux  ténèbres,  maintes  narrations, 
dignes  de  la  nuit.  3,331 — 3,332. 

Ensuite,  un  grand  nombre  de  poètes  et  de  bardes  à la 
voix  mélodieuse  de  réveiller  Kéçava  aux  sons  des  conques 
et  des  tambours.  3,333. 

Alors  s’étant  levé,  Djanàrddana,  l’éminent  DAçàrbain, 
remplit  toutes  les  obligations  indispensables  au  matin  de 
tous  les  Sattwalides.  3,33 4. 

Après  qu’il  eut  vaqué  à ses  ablutions,  prononcé  les 
prières  à voix  basse. , sacrifié  au  Feu,  et  qu'il  se  fut  paré, 
Mâdhava  offrit  ses  adorations  au  soleil  levant.  3,335. 

Ces  choses  faites,  Douryodhana  et  Çakouni  le  Souba- 
lide  vinrent  trouver  au  jour  naissant  l’invincible  Dàçà- 
rhain,  et  se  tinrent  debout  en  sa  présence.  3,336. 

Ils  annoncèrent  à Krishna  que  Dhritarâsthra  était  entré 
dans  son  conseil,  accompagné  des  Kourouides,  Bhishma 
à leur  tète,  des  monarques  et  de  tous  les  princes.  3,337. 

« Ils  désirent  te  voir,  Govinda,  comme  les  Immortels 
désirent  Çakra  dans  le  ciel.  » Krishna  d’une  éminente 
beauté  salua  avec  bienveillance  ces  deux  messagers. 

Quand  le  soleil  se  fut  éclairci,  Krishna,  le  fléau  des 
ennemis,  distribua  aux  brahmes  de  l’or,  des  vêtements, 
des  vaches  et  des  coursiers.  3,338 — 3,339. 

Dès  qu’il  eut  fait  de  nombreuses  largesses  en  pierreries, 
le  cocher  s'avança  vers  son  maître  debout,  et  s’incliua  de- 
vant le  Dàçàrhain,  qui  ne  connut  jamais  la  tléfaite. 

Un  char  grand , resplendissant , orné  de  clochettes, 
attelé  des  plus  généreux  coursiers,  eut  bientôt  conduit 
Dârouka  vers  lui.  3,340—  3,341. 

Aussitôt  qu'il  vit  arrivé  ce  char  divin,  paré  de  mainte 
espèce  de  pierreries  et  dont  le  bruit  ressemblait  au  fracas 


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OUDY  OGA-PARVA. 


171 


des  grands  nuages , le  magnanime  Djanârddana,  ayant 
décrit  un  pradakshina  autour  du  feu  et  des  brahmes , 
s’étant  revêtu  du  joyau  Kaàustoubha , flamboyant  d’une 
splendeur  suprême,  Krishna-Çaâuri,  la  joie  de  tous  les 
Yadouides,  monta  sur  son  char,  environné  par  les  en- 
fants de  Kourou  et  défendu  par  les  fds  de  Vrishni. 

3,342—3,343—3,344. 

Vidoura,  instruit  dans  tous  les  devoirs,  y monta  der- 
rière le  Dàçârhain,  le  meilleur  de  tous  les  êtres  animés, 
le  plus  excellent  de  toutes  les  créatures  intelligentes. 

Ensuite,  Dourvodhana  et  Çakouni  le  Soubalidc,  sur  un 
second  char,  de  suivre  Krishna,  le  fléau  des  ennemis. 

3,345—3,340. 

Sàtvaki,  Kritavarman  et  les  autres  héros  des  Vrish- 
nides  suivaient,  montés  sur  des  chars,  des  éléphants  ou 
des  chevaux,  les  pas  de  Krishna.  3,347. 

Dans  leur  marche,  sire,  on  voyait  resplendir  les  chars 
éclatants  sous  les  ornements  d'or,  dont  ils  étaient  char- 
gés, et  remplis  de  bruit  par  les  superbes  coursiers. 

Flamboyant  de  prospérité,  le  sage  Krishna  suivait  le 
grand  chemin  pur,  à la  poussière  arrosée,  que  les  rois 
saints  avaient  tenue  dans  leur  temps.  3,348 — 3,349. 

Des  conques  uniques , éminentes , annonçaient  la 
marche  du  Dàçârhain  ; et  l’on  remplissait  de  vent  tout  ce 
qui  existait  alors  d’instruments  de  musique.  3,350. 

De  jeunes  héros  à la  valeur  de  lion  et  fléaux  des  enne- 
mis, accourus  de  tout  l’univers,  environnaient  le  char  de 
(jaàuri  et  suivaient  sa  marche.  3,351. 

D’autres,  par  nombreux  milliers,  vêtus  d’habits  admi- 
rables et  merveilleux,  des  traits  barbelés  et  des  flèches  à 
la  main,  précédaient  les  pas  de  Çaàuri.  3,352. 


172 


LE  MAHA-BHARATA. 


Il  y avait  là  cinq  cents  éléphants  et  des  milliers  de 
chars,  qui  suivaient  la  marche  du  Dàçârhain,  à qui  la  dé- 
faite n’avait  jamais  été  connue.  3,353. 

Désireuse  de  contempler  Djanârddana , la  ville  était 
couverte  des  fils  de  Kourou  : enfants,  vieillards  et  femmes, 
tout,  dompteur  des  ennemis,  avait  afllué  dans  ses  rues 
carrossières.  3,354. 

Les  palais  foulés  aux  pieds  des  femmes  accourues  en 
nombre  immense  sur  leur  védikà,  chancelaient,  pour 
ainsi  dire,  sous  la  charge.  3,355. 

Au  milieu  de  ces  honneurs,  que  lui  rendaient  les  Kou- 
rouicles,  il  s'avançait  à pas  lents,  prêtant  l’oreille  aux 
douces  conversations  , contemplant  ces  hommages  et 
même  y répondant,  selon  qu’on  en  était  digne.  3,358. 

Au  moment  qu'ils  entrèrent  dans  l'assemblée,  les  sui- 
vants de  Kéçava  remplirent  tous  les  échos  des  diverses 
plages  avec  les  sons  de  la  flûte  et  de  la  couqne;  3,357. 

Et  cette  réunion  de  rois  à la  vigueur  infinie  trembla 
toute  entière  de  la  joie,  causée  par  le  désir  satisfait  de 
l'arrivée  du  grand  Kéçava.  3,358. 

Quand  Krishna  fut  arrivé  en  la  présence  de  ces  mo- 
narques, ils  se  levèrent  dans  une  horripilation  de  plaisir 
au  bruit  perçant  de  son  char,  semblable  au  fracas  de 
Pardjanya.  3,359. 

Parvenu  à la  porte  du  conseil,  Krishna,  le  plus  émi- 
nent de  tous  les  Sàttwatides,  sauta  à bas  de  son  char, 
aux  cimes  élevées  comme  les  sommets  du  Kaiiàsa.  3,380. 

Il  entra  alors  dans  l'assemblée,  flamboyante  en  quelque 
sorte  de  splendeur,  pareille  aux  nuages  nouveaux  de  la 
saison  pluvieuse  et  semblable  au  palais  de  Mahéndra. 

L’homme  à la  vaste  renommée  prit,  sire,  Vidoura  et 


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OUDYOGA-PARVA. 


173 


S&tyaki  par  la  main,  comme  le  soleil  s’unit  à deux  étoiles, 
et  couvrit  les  Kourouides  de  félicité.  3,361 — 3,302. 

Devant  le  Vasoudévide,  marchaient  Karna  et  Douryo- 
dhana  ; derrière  Karna  était  Vrishnaya  et  Kritavarman. 

Dhritarâshtra,  imité  dans  son  action  par  Bhlshma, 
Drona  et  les  autres,  firent  tous  quelques  pas  en  avant 
de  leurs  sièges  pour  honorer  Djanàrddana. 

3,363—3,364. 

L'illustre  souverain  des  hommes,  éclairé  par  l’œil  de  la 
science,  se  lève  de  son  siège,  et  suivi  de  Drona  et  de 
Bhlshma,  il  s’approche  du  Dàçàrhain.  3,365. 

L’auguste  Dhritarâshtra,  le  roi  des  hommes,  s’étant 
levé,  de  tous  les  côtés  s’empressent  de  se  lever  ces  milliers 
de  rois.  3,366. 

Dhritarâshtra  le  commande,  et  aussitôt  on  dispose  pour 
Krishna  un  siège  orné  d’or  et  fortuné  de  toutes  parts. 

Souriant  au  monarque,  à Bhlshma  et  à Drona,  le  ver- 
tueux Màdhava  d’adresser  la  parole  aux  autres  rois  sui- 
vant leur  âge.  3,367 — 3,368. 

Les  princes  alors,  les  rois  et  tous  les  Kourouides  d’ ho- 
norer Djanàrddan<t  aux  longs  cheveux,  qui  était  venu 
dans  l’assemblée  en  observant  les  prescriptions  de  l’éti- 
quette. 3,369. 

Le  terrible  et  victorieux  Dàçàrhain  vit  les  saints  ran- 
gés dans  l'atmosphère,  tandis  qu’il  se  tenait  au  milieu  de 
ces  rois.  3,370. 

Quand  il  eut  contemplé  ces  rishis,  qui  avaient  à leur 
tète  Nârada,  il  adressa  avec  lenteur  ces  mous  à Bhlshma  : 

« Ces  rishis  sont  venus,  prince,  contempler  cette  as- 
semblée de  la  terre  : invitons-les  en  leur  offrant  des  sièges 
et  la  plus  digne  hospitalité  I 3,371 — 3,372. 


LE  M AHA-BHARATA. 


17  h 

a Quand  ils  se  tiennent  debout,  il  est  impossible  à qui 
que  ce  soit  de  s’asseoir.  Adresse  promptement  un  hom- 
mage à ces  anachorètes  méditatifs!  » 3,373. 

Le  (ils  de  Çânlanou,  ayant  vu  les  rishis  arrivés  à la 
porte  de  l’assemblée,  se  hâta  de  jeter  cet  ordre  ! « Qu’on 
apporte  desf  sièges  ! » 3,37â. 

Des  trônes  reluisants,  grands,  larges,  admirables  d’or 
et  de  pierreries,  furent  apportés  çà  et  là,  3,375. 

Alors  ceux-ci  s’étant  assis,  Bharatide,  et  ayant  reçu 
l’arghya,  Krishna  et  les  rois  s’assirent  de  leur  côté,  cha  - 
cun  suivant  son  siège.  3,370. 

Dourçàsana  donna  à Sàtyaki  un  trône  sublime  ; Vivin- 
çati  donna  un  escabeau  d’or  à Kritavarman.  3,377. 

Karna  et  Douryodhana,  ces  deux  irritables  magna- 
nimes, s’assirent  non  loin  de  Krishna  sur  un  seul  et  môme 
trône.  3,378. 

Défendu  par  les  Gândhârains,  le  roi  du  Gândbâra , Ga- 
kouni  prit  place,  maître  de  la  terre,  avec  son  (ils  sur  un 
siège.  3,379. 

Vidoura  à la  grande  sagesse  touche  de  sa  main  le  trône 
de  Gaâuri  et  s’asseoit  sur  une  escabelle  de  pierreries  écla- 
tante, supérieure  et  couverte  de  fourrures,  objet  d’envie. 

Tous  les  rois,  après  qu'ils  ont  long-temps  regardé 
Djanûrddana  le  Dàçàrhain , ne  peuvent  s’en  rassasier, 
comme  de  l’ambroisie.  3,3S0— 3,381. 

Vêtu  d’une  robe  jaune,  semblable  à la  fleur  d'atasî,  il 
brillait  au  milieu  de  ces  rois,  tel  qu'une  pierrerie  mise 
dans  un  châton  d’or.  3,382. 

Quand  toute  l'assemblée  se  fut  présentée  devant  le 
siège  de  Krishna,  elle  demeura  en  silence,  et  nulle  part 
aucun  homme  n'articula  pas  un  seul  mot.  3,383. 


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OU  DYOG  A-P  A U V A . 


175 


Dès  que  tous  ces  rois  se  furent  assis,  plongés  dans  le 
silence,  Krishna  aux  belles  dents  tint  alors  ce  langage 
d'une  voix,  qui  ressemblait  au  tambour.  3,384. 

11  fit  résonner  toute  la  salle,  comme  un  nuage,  à la  fin 
de  la  saison  pluvieuse,  et,  fixant  les  yeux  sur  Dhrita- 
râshtra,  Mail  h a va  de  parler  ainsi  : 3,385. 

c Que  la  paix  règne  entre  les  enfants  de  Kourou  et  de 
Pàndou  ! telle  est  la  manière,  dont  tout  le  monde  parle  ! 
Je  suis  donc  venu  ici  la  solliciter  pour  empêcher  la  mort 
des  héros.  3,380. 

» On  ne  doit  pas  tenir  devant  toi,  sire,  un  autre  lan- 
gage ; tout  ce  qui  se  rapporte  à la  félicité  commune  est 
connu  ou  doit  être  connu  de  toi.  3,387. 

» Certes  ! aujourd’hui  cette  famille  est  excellente  parmi 
tous  les  rois  ; elle  est  dou  je  de  science,  de  conduite  et  de 
toutes  les  vertus  les  plus  élevées.  3,388. 

» La  mansuétude,  la  clémence,  la  miséricorde  et  l'hu- 
manité, Bharatide,  la  droiture,  la  patience  et  la  vérité 
sont  des  vertus  bien  estimées  parmi  les  Kourouides. 

» Ta  famille  étant  de  telle  sorte  et  grande,  quejque 
chose  d’irrégulier,  causé  par  toi  surtout,  sire,  ne  convient 
point  ici.  3,389 — 3,390. 

» Tu  es,  ô le  plus  vertueux  des  rois,  dans  les  affaires 
de  l'intérieur  et  du  dehors,  le  plus  solide  appui  des  Kou- 
rouides, qui  n’agissent  jamais  en  vain.  3,391. 

» Tes  fils,  qui  ont  pour  chef  Douryodhana,  foulant  aux 
pieds  le  juste  et  l’utile,  se  conduisent  comme  des  scélérats. 

» Us  se  comportent  mal,  ils  ont  brisé  les  bornes,  la 
cupidité  a dérobé  leur  âme  : ces  défauts,  vous  le  savez,  ô 
le  plus  grand  des  hommes,  sont  dans  les  principaux  de  vos 
parents.  3,392 — 3,393. 


1 7t> 


LE  MAHA-BHARATA. 


u Cette  infortune  grande,  épouvantable,  qui  s'est 
élevée  au  milieu  des  Kourouides,  si  on  la  néglige,  rejeton 
de  Kourou,  elle  incendiera  (1)  la  terre  ! 3,394. 

» Il  est  possible  de  l’éteindre,  si  tu  en  as  le  désir,  Bha- 
ratide.  En  effet,  la  paix  n’est  pas  une  chose,  que  j’estime 
ici  difficile  à établir,  ô le  plus  vertueux  des  rejetons  de 
Bharata.  3,39&. 

» La  paix,  elle  dépend,  monarque  des  hommes,  et  de 
toi  et  de  moi-môme  ; fais  entrer  tes  fils  dans  ce  sentiment, 
descendant  de  Eourou,  et  j’y  ferai  entrer  aussi  tes  enne- 
mis. 3,396. 

# Il  faut  que  ton  ordre,  Inclra  des  rois,  soit  exécuté 
par  tes  fils  avec  leur  famille.  Quelque  puissant  que  soit 
le  bien  d’eux -mômes,  il  sera  dans  ton  commande- 
ment. 3,397. 

» Le  bien  de  toi-môme,  sire,  est  également  le  bien  des 
Pândouides  ; ils  attendent  que  ton  ordre  sorte  enfin  de 
tes  efforts  pour  la  paix.  3,398. 

» Si  tu  vois  que  cet  ordre  est  lui-même  stérile,  mo- 
narque des  hommes,  dispose  tout  de  manière  que  les  fils  de 
Bharata,  puissant  roi,  deviennent  tes  compagnons.  3,399. 

» Défendu  par  les  Pândouides,  reste  ferme  dans  le 
juste  et  l’utile.  En  effet,  s’ils  deviennent  tes  alliés , souve- 
rain des  hommes,  il  est  impossible  aux  efforts  mômes  de 
vous  surmonter.  3,400. 

» Indra,  accompagné  des  Dieux  ne  pourrait  te  vaincre, 
aidé  par  les  Pàndouid.es  magnanimes  : à plus  forte  raison, 
les  rois  de  la  terre  ! 3,401 . 

» Dans  une  armée,  où  se  trouve  Bhtshma  et  Drona, 

(1)  Littéralement:  elle  tuera. 


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OUDYOG  A-PARV  A . 


177 


Kripa , Karna  et  Vivinçati , Açvatthâman  , Vikarna  et 
Somadatta,  le  roi  du  Vàhlika,  3,402. 

» Et  le  Sindhien,  et  le  Kalingain,  et  Soudakskina,  le 
monarque  du  Kàinbodje,  Youdhishthira , Bhtmaséna, 
l’Ambidextre  et  les  jumeaux,  3,403. 

» Sàtyaki  à la  grande  splendeur  et  Youyoulsou  an 
grand  char  : quel  homme  à l'esprit  hostile  oserait  les 
combattre,  éminent  Bharatide  ? 3,404. 

» Accompagné  des  enfants  de  Kourou  et  de  Pàndou,  tu 
obtiendras,  toi  ! d'ôtre  inaffron  table  aux  ennemis  et,  de 
plus,  l’empire  du  monde.  3,405. 

» Les  rois  de  la  terre  et  les  plus  grands  souverains, 
égaux  à toi,  monarque  de  la  terre,  vivront  eu  paix  avec 
toi  1 3,406. 

o Défendu  de  tous  les  côtés  par  tes  frères,  tes  amis,  tes 
pères,  tes  petits-fils  et  tes  fils,  tu  pourras  couler  une  vie 
heureuse.  3,407. 

» Leur  décernant  un  accueil  hospitalier,  comme 
devant,  et  les  faisant  même  asseoir  au  premier  rang,  tu 
jouiras,  sire,  de  cette  terre  entièrement,  sans  réserve. 

ii  Accompagné  de  tous  ces  monarques  rassemblés,  des 
Pàndouides  et  des  tiens,  rejeton  de  Bharata,  tu  triom- 
pheras des  autres  ennemis,  qui  attendront  de  toi  leurs  ri- 
chesses. 3,408 — 3,409. 

» Tu  savourer.is,  si  la  chose  réussit,  la  terre  conquise, 
assisté  d'eux,  monarque  des  hommes,  avec  tes  (ils  et 
leurs  ministres.  3,410. 

n Ou  voit,  puissant  monarque,  un  bien  grand  carnage 
dans  la  guerre.  Quelle  vertu,  sire,  trouves-tu  dans  une 
destruction,  qui  sévit  de  l'une  et  de  l’autre  part.  3,411. 

» Dis-moi,  éminent  Bharatide,  quel  plaisir  tu  peux 
vi  12 


178 


LE  MAHA-BH ARATA. 


trouver  à voir  tués  dans  la  guerre,  ou  les  Pândouides,  ou 
tes  fils  à la  grande  force  ? 3,412. 

» Les  fils  de  Pàndou  sont  tous  des  héros,  consommés  dans 
les  armes  et  qui  ont  le  désir  des  batailles  : sauve  les  tiens 
d’un  immense  danger.  3,413. 

» Puissions-nous  ne  pas  voir  tous  ces  guerriers,  les 
Kourouides  et  les  Pândouides,  massacrés  des  deux  côtés 
dans  un  combat,  les  maîtres  de  chars  immolés  et  les  cha- 
riots brisés  ! 3,414. 

» En  effet,  tombés  sous  le  pouvoir  de  la  colère,  tous 
ces  monarques  rassemblés  sur  la  terre,  ô le  meilleur  des 
rois,  et  ces  créatures,  qui  nous  environnent,  périront  ! 

» Sauve  ce  monde,  sire  ; garde  les  êtres  de  succomber  ! 
Si  tu  embrasses  des  sentiments  naturels,  un  reste  sur- 
vivra, 6 la  joie  de  Kourou  ! 3,415—3,416. 

» Candides,  éloquents,  pudiques,  nobles,  issus  de 
races  saintes,  conseillers  les  uns  des  autres,  défends-les, 
sire,  contre  un  immense  danger.  3,417. 

» Que  ces  rois  de  la  terre,  qui  se  sont  rassemblés  mu- 
tuellement ici,  ayant  bu  et  mangé,  s’en  retournent  heu- 
reusement chacun  dans  son  palais,  3,418. 

» Richement  vêtus,  ornés  de  bouquets,  bien  traités, 
éminent  Bh  r lide,  ayant  rejeté  loin  d'eux  la  colère  et  les 
inimitiés.  3,419. 

» Dispose  de  telle  sorte  les  choses  que  tu  puisses 
trouver  aujourd’hui,  cette  destruction  des  existences  n’é- 
tant pas  arrivée,  l’affection,  de  laquelle  tu  jouissais  parmi 
les  fils  de  Pàndou.  3,420. 

» Dès  l’enfance,  privés  de  leur  père,  ils  ont  grandi  par 
tes  toins  : défends-les  comme  il  convient,  eux  et  tes  fils. 

» Ta  majesté  doit  les  protéger,  surtout  dans  les 


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OUDYOGA-PAHVA. 


1 79 


malheurs;  que  pour  toi,  éminent  Bharatide,  le  juste  et 
l’utile  môme  ne  succombent  pas!  3,421 — 3,422. 

■>  Les  Pilmlouides  s’inclinent  devant  toi,  sire,  te  sup- 
plient et  te  «lisent  : « C’est  d’après  les  ordres  de  ta  ma- 
jesté, que  nous  avons  subi  l'infortune,  nous  et  ceux,  qui 
nous  ont  suivis!  3,423. 

» Nous  avons  habité  ces  douze  années  au  milieu  des 
forêts,  et  nous  avons  coulé  cette  treizième  inconnus  dans 
un  lieu  peuplé.  » 3,424. 

» Notre  père  sera  fidèle  à cette  convention,  avons-nous 
pensé.  11  n’a  pas  imposé  de  condition!  » Cela,  mon 
père,  nous  fut  dit  par  les  brahraes.  3,425. 

» Tiens-toi  dans  les  termes  de  ce  traité  avec  nous,  qui 
s’y  tiennent  : sans  cesse,  en  but  aux  persécutions,  sire, 
puissions-nous  enfin  obtenir  une  portion  de  ton  royaume  ! 

h Tu  connais  le  juste  et  l'utile;  veuille  donc  nous  sau- 
ver comme  il  convient.  Nous  avons  supporté  de  nom- 
breuses infortunes,  parce  que  nous  avons  aperçu  de  la 
gravité  en  ton  excellence.  3,426. — 3,427. 

» Que  ta  majesté  agisse  a l’égard  de  nous  comme  un 
père  et  une  mère.  La  conduite  la  plus  honorable,  fils  de 
Bharata,  est  celle  du  gourou  à l’égard  de  ses  disciples. 

d Nous  observons  cette  conduite,  envers  toi,  que  ta  ma- 
jestél’observe  aussi  envers  nous.  À peine  eûmes-nous  reçu 
la  naissance  de  notre  père,  que  nous  sommes  entrés  dans 
la  voie  du  malheur.  3,428 — 3,429. 

» Fais-nous  rentrer  dans  la  voie  du  bonheur  ; reste 
dans  le  devoir.  Tes  fils  disent,  taureau  des  Bharatides, 
que  cette  assemblée  suit  ta  route.  3,430. 

» Que  rien  d’inopportun  ne  soit  lait  ici  au  milieu  d'as- 
sistants, qui  connaissent  le  devoir  ; car  les  assistants  sont 


180 


LE  ilAHA-BHAHATA. 


tués  là  où  la  vertu  est  tuée  par  le  vice,  où  la  vérité  est 
tuée  par  le  mensonge  des  spectateurs.  Là,  où  la  vertu 
entre  dans  l’assemblée , ayant  déjà  reçu  la  blessure  du 
vice,  3,431 — 3,432. 

» Les  assistants,  blessés  eux- mêmes,  ne  peuvent 
couper  sa  fièche.  La  vertu  les  déracine,  comme  un 
fleuve  débordé  entraîne  les  arbres  nés  le  long  de  ses  ri- 
vages. 3,433. 

» Ceux,  qui  restent  assis  en  silence,  jetant  derrière  eux 
un  regard  sur  la  vertu,  disent,  û le  plus  grand  des 
Bharatides,  que  la  vérité  est  une  vertu  et  une  conve- 
nance. 3,434. 

» Est-il  une  autre  parole,  qui  soit  possible  ici  ? line 
autre  que  celle  de  la  restitution  ? Ou  que  ces  maîtres  de  la 
terre,  assis  dans  cette  assemblée,  ayant  pesé  le  juste  et 
l’utile,  disent,  monarque  des  hommes,  si  j’ai  dit  la  vérité. 
Délivre,  6 le  plus  grand  des  mortels,  ces  kshatryas  du 
lacet  de  la  mort!  3,435 — 3,430. 

» Çalme-toi  ! Ne  suis  pas  le  pouvoir  de  la  colère,  ver- 
tueux Bharatide,  et  rends  aux  fds  de  Pàndou,  comme  il 
sied,  une  portion  de  l’héritage  paternel.  3,437. 

» Ensuite,  une  fois  terminé  cette  affaire,  savoure  avec 
ton  fils  les  délices  du  trône.  Tu  sais,  fléau  des  ennemis, 
qu’Adjâtaçatrou  se  tient  sans  cesse  dans  le  devoir  des 
gens  de  bien.  3,438. 

» 11  suit  envers  toi  et  ton  fils,  roi  des  hommes,  la  con- 
duite, qu’il  suivait  avant.  Consumé  par  le  jeu , chassé  de  sa 
patrie,  c’est  vers  toi  qu'il  se  réfugie  de  nouveau.  3,439. 

» Il  a demeuré  dans  Indraprastha  avec  toi  et  ton 
fils  ; et  c'est  pendant  son  habitation  dans  cette  ville  qu'il 
a réduit  en  sa  puissance  toits  les  rois  de  la  terre.  8,440. 


OUDYOGA-PARVA. 


181 


» Il  les  mit  sous  ton  pouvoir,  sire,  et  il  ne  chercha  pas 
à te  vaincre  ! Mais,  tandis  qu'il  se  comportait  ainsi,  le 
Souhalide  employa  une  grande  fraude  pour  lui  enlever 
ses  récoltes,  ses  richesses  et  son  royaume.  Tombé  dans 
cette  condition,  il  vit  Krishna  conduite  à l'assemblée. 

3,441 — 3,442. 

» Youdhishthira  à l’âme  infinie  ne  fut  pas  ébranlé  de 
sa  vertu  de  kshatrya.  Mais  je  désire,  moi  ! fils  de  Bharata, 
le  salut  et  de  toi  et  d’eux.  3,443. 

» N’ entraîne  pas,  sire,  les  créatures  loin  du  devoir,  de 
l’intérêt  et  du  plaisir  ! Pense  à l’infortune  et  au  bonheur 
des  autres , en  songeant  au  bonheur  et  au  malheur  de  toi- 
même.  3,444. 

» Et  refrène  tes  fils  trop  relâchés  dans  la  cupidité  ! Les 
fils  de  Prithâ  se  tiennent  prêts  à t'obéir,  souverain  des 
hommes,  ou  prêts  à combattre,  dompteur  des  ennemis, 

» Fais,  terrible  monarque,  ce  qu’il  y a de  plus  conve- 
nable pour  toi.  » 3,445 — 3,446. 

Tous  les  princes  d’approuver  mentalement  son  discours; 
mais  aucun  ne  fit  un  pas  en  avant  pour  lui  répondre  un 
seul  mot.  3,447. 

Après  que  le  magnanime  Kéçava  eut  tenu  ce  langage, 
une  moiteur  d’émotion  se  répandit  sur  tous  les  assistants, 
et  leur  poil  se  hérissa  sur  tous  les  membres.  3,448. 

« Il  est  impossible  à tout  homme  d’articuler  un  mot  de 
réponse  à ces  choses  ! » Telle  fut  la  pensée  que  tous  ces 
princes  roulèrent  alors  dans  leur  esprit.  3,449. 

Tandis  que  tous  ces  rois  gardaient  le  silence,  le  fils  de 
Djamadagni,  Paratourâma,  tint  ce  discours  dans  l’assem- 
blée des  Kourouidcs  : 3,450. 

« Écoute  sans  aucun  soupçon  ce  mien  langage,  véri- 


182 


LE  MAHA-BHARATA. 


dique  et  semblable  à celui  de  Krishna  ; puis,  quand  tu 
l’auras  entendu,  dispose  les  choses  pour  le  salut,  si  tu  le 
juges  à propos.  3,451. 

» Le  roi,  nommé  Dambhodbhava,  fut  jadis  un  monarque 
universel  ; il  jouissait  de  la  terre  entièrement,  sans  excep- 
tion : ainsi  la  tradition  nous  l'a  raconté.  3,462. 

» Toujours  levé  dès  le  point  du  jour,  à la  fin  delà  nuit, 
le  vigoureux  héros  siégeait,  interrogeant  les  brahmes  et 
les  kshatryas  : 3,453. 

« Est-il  un  homme  portant  les  armes,  qui  soit  ou  supé- 
rieur ou  même  égal  à moi  dans  la  guerre,  hrabme, 
ou  kshatrya,  ou  valçva,  ou  kshatrya,  ou  brahme  ? » 

» Parlant  ainsi,  le  roi  parcourait  toute  cette  terre,  eni- 
vré d’un  fol  orgueil  et  ne  pensant  pas  à nul  autre  homme 
qu'à  lui  seul.  3,454 — 3,455. 

» Des  brahmes  instruits,  non  malheureux,  sans  crainte 
d'aucun  côté,  arrêtèrent  ce  roi,  qui  se  vantait  mainte  et 
mainte  fois.  3,456. 

» Empêché  par  eux  de  continuer  sa  route,  il  présente  à 
ces  brahmes  plus  d'une  fois  sa  demande  ; et  ceux-ci  de 
répondre  à ce  monarque  d'un  immense  orgueil,  enivré  de 
sa  prospérité.  3,457. 

» A celte  question  du  monarque,  ces  régénérés  magna- 
nimes, ascètes  doués  du  vœu  des  Védas,  disent,  enflam- 
més de  colère  : 3,458. 

« Sire,  tu  ne  seras  jamais  l’égal  de  ces  deux  hommes 
éminents,  vainqueurs  d'une  foule  d’autres  dans  la  guerre.» 

» Le  monarque  à ces  mots  adresse  une  seconde  fois 
cette  demande  aux  brahmes  : « Où  sont-ils,  ces  deux 
héros?  De  qui  ont-ils  reçu  la  naissance?  Quelles  sont 
leurs  œuvres  ? Qui  sont-ils  ? » 3,459 — 3,460. 


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OUDYOG  \-l»AHVA. 


183 


« Nara  et  Nâràyana,  lui  répondent  ces  brahmcs,  sont 
deux  ascètes,  comme  ou  nous  l’a  raconté  ; ils  sont  venus 
dans  le  monde  des  hommes  : engage  un  combat  avec  eux, 
prince.  3,481. 

. » Nous  avons  appris  que  Nara  et  Nârâyana  sont  deux 
magnanimes,  et  qu’ils  pratiquent  une  pénitence  grande, 
indescriptible  sur  le  Gandhamàdana.  » 3,462. 

» Le  roi  alors,  ayant  rassemblé  une  nombreuse  armée, 
divisée  en  six  corps,  s’en  alla  plein  d'ardeur  où  étaient  les 
deux  invincibles.  3,463. 

» Arrivé  sur  le  mont  escarpé,  épouvantable,  du  Gan- 
dhamàdana, ses  recherches  le  conduisirent  vers  les  deux 
anachorètes,  retirés  dans  les  bois.  3,464. 

» 11  vit  ces  deux  éminents  êtres,  amaigris  par  la  soif 
et  la  faim,  plongés  dans  la  répression  des  sens,  et  déchi- 
rés par  le  froid,  le  vent  et  le  chaud.  3,465. 

» Il  s'approcha  d’eux,  leur  prit  les  pieds  et  leur  demanda 
des  nouvelles  de  leur  sauté  : eux  de  leur  côté  répon- 
dirent à son  hommage,  en  lui  offrant  de  l’eau,  des  racines, 
des  fruits  et  un  siège.  3,466. 

» Ils  dirent  au  souverain  : « Que  nous  faut-il  faire  ? » 
Et  celui-ci  de  leur  conter  à deux  fois  même  toute  la  suite 
des  choses  : 3,467. 

« Cette  terre  a été  vaincue  par  mes  bras  et  tous  mes 
ennemis  ont  été  immolés:  c’est  le  désir  d’un  combat 
avec  vos  saintetés , qui  m’a  conduit  sur  cette  mon- 
tagne. 3,468. 

» Veuillez  m’accorder  ce  présent  hospitalier,  que  j’ai 
longtemps  désiré.  » Nara  et  Nàràyana  lui  répondirent  : 

« Cet  hermitage,  ô le  plus  vertueux  des  rois,  a chassé 
l’avarice  et  la  colère.  11  n'y  a poiut  de  combat  dans  cet 


184 


LE  MAHA-BHARATA. 


hermitage  : à quoi  nous  servirait  une  arme  ? A quoi  nous 
servirait  l’injustice?  3,469—3,470. 

» Va  ailleurs  demander  un  combat!  Les  kshatryas 
sont  nombreux  sur  la  terre  ! » 3,471 . 

» A ces  paroles,  il  en  opposa  d’autres  encore  : on  lui 
pardonna  mainte  et  mainte  fois,  rejeton  de  Bharata  ; on 
descendit  infime  jusqu'à  le  flatter.  3,472 

» Enfin  Oudbhava,  qui  désirait  une  bataille,  envoie  un 
défi  aux  solitaires,  et  Nara,  ayant  pris  une  poignée  de 
flèches,  lui  dit  : « Avance!  combats,  guerrier,  qui  dé- 
sire une  bataille  ! Mets  en  jeu  toutes  les  armes  ; rassemble 
ton  armée!  3,473 — 3,474. 

» Je  vais  envoyer  loin  d’ici  ton  désir  de  combat  ! 3,475. 

« Si  tu  penses  que  cet  astra  est  convenable  entre  nous, 
pénitent,  répondit  Oudbhava,  je  vais  te  combattre  avec 
lui.  a Je  veux  une  bataille  » répétais-je,  en  venant  ici. 

A ces  mots,  Oudbhava  avec  son  armée,  désirant  tuer 
le  pénitent,  inonda  son  rival  de  tous  les  côtés  avec  une 
pluie  de  flèches.  3,476 — 3,477. 

» Mais  l’anachorète,  méprisant  les  traits  épouvantables, 
qu'il  décochait,  habitués  à fendre  le  corps  des  ennemis, 
lui  riposta  avec  d'autres  flèches.  3,478. 

» L'Être  invincible  de  lui  décocher  ensuite  un  effrayant 
astra  de  dards,  qu’on  ne  pouvait  arrêter:  ce  fut  comme  un 
prodige.  3,479. 

» L’ascète  par  la  magie  blessa  les  yeux,  les  oreilles  et 
les  nez  de  ses  ennemis  : et,  fendant  le  surnaturel  de  son 
rirai,  il  ripostait  avec  de  nouvelles  flèches.  3.480. 

» Dès  qu'il  vit  le  ciel  blanchir  sous  la  masse  des  traits 
accumulés,  le  roi  tomba  aux  pieds  de  l’hermite  et  lui  dit  : 
«Que  la  paix  me  soit  accordée!  » 3,481. 


OUDYOGA-PARVA. 


185 


» Nara,  secourable  à ceux,  qui  ont  besoin  de  secours, 
lui  dit  : n Sois  vertueux  et  pieux  i N’agis  plus  de  cette 
manière  une  autre  fois.  3,482. 

» Un  tel  homme,  se  rappelant  dans  sa  pensée,  tigre 
des  rois,  les  devoirs  du  kshatrya,  ne  sera  pas  le  conqué- 
rant des  villes  ennemies.  3,483. 

» Pénétré  d’orgueil,  ne  blâme  jamais  qui  que  ce  soit,  ou 
très-petit  ou  très-grand  ; cela  est  pour  toi,  site,  une  con- 
séquence des  paroles,  qui  précèdent.  3,484. 

» Reconnaissant,  libre  d’avarice,  sans  orgueil,  prudent, 
dompté,  patient,  doux,  bon,  protège  tes  sujets.  3,485. 

» Ne  blâme  personne  avant  de  connaître  le  fort  et  le 
faible.  Je  te  donne  congé,  retire-toi  heureusement  ; n’agis 
point  ainsi  une  autre  fois.  3,486. 

» Informe-toi  soigneusement  de  leur  santé  auprès  des 
brahmes  en  notre  nom!  » Ensuite,  le  monarque,  s’étant 
incliné  aux  pieds  de  ce  couple  magnanime,  3,487. 

» Retourna  dans  sa  ville,  où  il  remplit  exactement  ses 
devoirs.  Tel  fut  l’immense  exploit,  que  fit  jadis  Nara. 

u Mais  de  bien  nombreuses  vertus  donnaient  encore 
l’excellence  à Nàràyana.  Ainsi  qu’une  flèche  ne  soit  pas 
encochée  aujourd'hui  sur  le  Gàndiva,  le  meilleur  des 
arcs.  3,488—  3,480. 

d Va,  sire,  ayant  déposé  ton  orgueil,  trouver  Dlianan- 
djaya.  * L'assoupissement  surnaturel , le  délire,  l’enivre- 
ment et  la  menace  par  un  seul  mouvement  des  yeux, 

r Une  pluie  continue  d'astras,  la  danse  des  Piçâtchas, 
les  Rakshasas,  qui  étendent  leur  destruction  et  la  fasci- 
nation de  la  bouche,  qui  est  ici  la  huitième  illusion:  sous 
l’oppression  de  ces  artifices,  tous  les  hommes  descen- 
dent sur  le  rivage  de  la  mort.  3,400 — 3,401. 

» Ces  défauts  tes  entraînent  aussi  dans  la  tombe-. 


LE  MAH  A -BHARATA. 


188 

» L’amour  et  la  colère,  la  folie  et  l’avarice,  l’ivresse 
et  la  vanité,  l’envie  et  l’orgueil  : les  voilà  nommés  suivant 
l'ordre.  3,492. 

» Que  les  hommes  soient  insensés,  vides  d'âme  ; qu’ils 
aient  la  connaissauce  perdue,  qu’ils  s’agitent,  dorment, 
flouent  çà  et  là,  vomissent,  urinent,  toujours  pleurent 
et  rient , ils  n’auront  jamais  qu'un  créateur,  l’arbitre  de 
tous  les  mondes,  qui  sait  toutes  les  choses.  * 3,493. 

» Arjouna,  de  qui  Nàràyana  est  l’ami,  est  insoutenable 
dans  une  bataille  : qui  peut  le  vaincre,  lils  de  Bharata, 
dans  les  trois  mondes?  3,494. 

» Personne  n’est  égal  dans  un  combat  au  héros  Djishnou, 
qui  a pour  drapeau  un  singe  : les  vertus  sont  incalcu- 
lables dans  le  lils  de  Prilhâ.  Djanârddana  est  très-distin- 
gué par  elles  ! 3,495. 

» Sais-tu  encore  que  Djanandjaya  est  le  fils  de  Kounti, 
et  que  ces  deux  êtres,  Nara  et  Nàràyana,  sont  Arjouna  et 
Kéçava.  3,490. 

» Sache,  grand  roi,  que  ces  deux  héros  sont  les  plus 
grands  hommes.  Si  tu  penses  les  choses  de  cette  mauière 
et  si  tu  ne  doutes  pas  de  moi,  3,497,  • 

» Prends  une  noble  résolution,  rejeton  de  Bharata,  et 
calme-toi  à l’égard  des  Pândouides.  Dis,  si  tu  penses  à 
la  paix  : u Qu’ elle  ne  soit  pas  un  sujet  de  division  pour 
moi  ! » 3,498. 

» Appaise  ta  colère,  ôle  plus  vertueux  des  Bharatides  ; 
ne  mets  pas  ton  esprit  à la  guerre.  La  famille  de  vos 
grandeurs  est  très-estimée  sur  la  terre.  3,499. 

» Que  ton  salut  soit  opéré  de  cette  manière  et  pense 
à ton  intérêt.  » 3,500. 

(*  •)  Nous  regardons  comme  uue  intrusion  tout  ce  qui  est  renfermé  ici 
entre  les  deux  étoiles. 


OUDYOGA-PARVA. 


187 


Après  qu’il  eut  écouté  ce  discours  du  Djamadagnide, 
Kanva,  le  bienheureux  saint,  adressa  au  milieu  de  l’as- 
semblée ce  langage  à Douryodhana  : 3,501. 

« On  reconnaît  Brahma,  l’aïeul  des  mondes,  impéris- 
sable, éternel,  et  ces  deux  adorables  ascètes,  Nara  et 
Nàrâyana,  3,502. 

» Vishnou,  le  chef  sempiternel  de  tous  les  Adityas,  et 
Çiva,  l'auguste  souverain,  immortel,  invincible,  3,503. 

» La  lune,  le  soleil,  la  terre  et  l’eau,  le  vent,  le  feu, 
l’atmosphère,  les  planètes,  l’armée  des  étoiles  et  les  autres, 
qui  sont  les  mânes  et  les  présages.  3,505. 

» Ceux-ci,  à la  fin  de  la  destruction  universelle,  re- 
paraissent dans  les  trois  mondes.  Sans  cesse,  ils  mar- 
chent à la  mort  et  sont  reproduits  incessamment.  3,505. 

» Les  hommes,  les  quadrupèdes,  les  volatiles  et  les 
autres  animaux,  qui  se  meuvent  dans  le  monde  delà  vie, 
ont  des  morts,  dont  une  heure  est  la  durée.  3,506. 

» Après  qu’ils  ont  achevé  leur  vie,  les  rois,  qui  ont 
le  plus  joui  du  bonheur,  reviennent  à la  jeunesse  pour 
goûter  de  nouveau  le  vice  et  la  vertu.  3,507. 

» Que  ta  majesté  daigne  faire  la  paix  avec  le  fils 
d’Yarna  : que  les  Pândouides  et  les  Kourouides  gou- 
vernent également  la  terre.  3,508. 

» Il  ne  faut  pas  concevoir  cette  pensée,  Douryodhana  : 
« Je  suis  fort  ! » car  on  voit  les  forts  confondus  avec  les 
forts,  ô le  plus  grand  des  hommes.  3,509. 

» La  force  n’est  pas  réputée  vigueur  au  milieu  des 
forts,  fils  de  Kourou,  et  tous  les  Pândouides  possèdent 
la  force  et  la  valeur  des  Dieux.  3,510. 

n On  raconte  â ce  sujet  l’antique  légende  de  Mâtali,  qui 
cherchait  un  époux  avec  le  désir  de  lui  donner  sa  fille. 


188 


LE  MAHA-BHARATA. 


>>  Cet  être,  nommé  Mâtali,  est  le  cocher  du  monarque 
des  trois  mondes  : dans  sa  famille  vivait  une  vierge  renom- 
mée pour  sa  beauté  en  tout  l’univers.  3,511 — 3,512. 

n Elle  avait  les  formes  d’une  Déesse  et  se  nommait 
Gounakéçt  ; elle  excellait  par-dessus  les  autres  femmes  en 
grâce  et  en  beauté.  3,513. 

» Quaud  il  connut,  avec  son  épouse,  que  le  temps  de 
livrer  sa  fille  à un  mari  était  venu,  il  envisagea  cette  idée 
avec  un  esprit  calme,  et,  plongé  dans  cette  pensée,  il  s’v 
livra  tout  entier.  3,51â. 

» Fi  donc  soit  à ces  hommes  d’une  âme  douce,  renom- 
mée, élevés  en  dignité,  d'un  brillant  caractère,  dans  la 
famille  desquels  est  poussé  le  jeune  scion  d’une  fille  (i)  ! 

» Une  vierge  de  grande  maison,  qu’il  faut  caser,  met 
en  péril  trois  familles  : celle  de  sa  mère,  celle  de  son 
père  et  celle  de  son  mari  (2).  3,515 — 3,516, 

» Quand  il  se  fut  plongé  dans  les  deux  mondes  des 
hommes  et  des  Dieux,  et  les  eut  fouillés  avec  un  regard 
humain  : « Je  n'y  trouve  pas  un  époux,  qui  me  sourie!  » 

» Ainsi  se  disait-il.  Mâtali,  dans  le  choix  de  cet  époux, 
rejeta  les  hommes,  les  Gandharvas,  les  nombreux  rishis, 
les  fils  de  Diti  et  les  Dieux  mêmes.  Après  qu’il  en  eut  déli- 
béré, la  nuit,  avec  son  épouse  Soudharmâ,  il  mitsa  pensée 
dans  un  voyage  au  monde  des  Nâgas  ! 

3,517—3,518—3,519. 

« Je  ne  vois  pas,  dans  le  monde  des  hommes  et  des 
Dieux,  aucun  mari,  qui  soit  égal  à Gounakéçl  pour  la 


(1— *2)  Cob  doux  distique?  sentent  bien  l’esprit  d'un  calligraphc  fatigué, 
qui  ose  jouer  avec  sa  lâche,  au  milieu  de  son  sujet  même.  Noue  tendons 
à les  rejeter  en  leur  imprimant  ce  stigmate. 


OUDYOGA-PAltVA. 


1H9 

beauté  des  formes.  On  le  trouve  sans  doute  au  monde  des 
Nàgas!  n 3,520. 

» Ces  mots  dits,  il  fit  ses  adieux  à Soudharmâ,  dé- 
crivit un  pradakshina,  mit  un  baiser  sur  la  tête  de  sa 
fille  et  entra  dans  le  sein  de  la  terre.  3,521. 

» Tandis  que  Màtali  suivait  sa  route,  il  se  joignit  5 
Nârada,  le  grand  rishi,  qui  s’en  allait  de  lui-même  faire 
une  visite  à Varouna.  3,522. 

« Où  ton  excellence  se  hâte— t-elle  d'aller?  lui  demanda 
l'hermite  céleste.  Vas-tu,  cocher,  pour  une  aflaire,  qui 
t’est  personnelle?  Ou  d’après  un  ordre  de  Çatakralou?  « 

n A ces  questions  de  Nârada,  qui  faisait  route  avec  lui, 
Màtali  de  lui  raconter  exactement  toute  son  affaire  : 
« Exécutons  de  concert  notre  chemin  vers  le  Dieu  Va- 
rouna, lui  répond  l’anachorète.  Moi,  je  viens  du  ciel, 
amené  par  le  désir  de  voir  le  souverain  des  eaux. 

3,523-3,524—3,526. 

» Je  te  raconterai  tout,  en  montrant  à tes  yeux  ces 
lieux  souterrains;  et,  quand  tu  auras  trouvé  là  cet  époux, 
que  tu  cherches,  Màtali,  nous  nous  réjouirons  ! » 3,520. 

» Sur  cela,  ces  deux  magnanimes,  Nârada  et  Màtali, 
s’enfoncent  dans  la  terre;  et  bientôt  ils  voient  le  souverain 
des  eaux,  protecteur  de  la  terre.  3,527. 

• Là,  tel  qu'est  l’hommage  rendu  à Mahéndra,  tel  Nâ- 
rada, le  rishi  des  Dieux,  tel  Màtali  reçut  aussi  l’hom- 
mage. 3,520. 

» L’âme  joyeuse  , ils  accomplissent  leur  devoir  et 
offrent  des  honneurs  au  Dieu  ; et,  avec  le  congé  de  Va- 
rouna, ils  parcourent  le  monde  des  Nâgas  ou  des  grands 
serpents.  8,529. 

n Nârada,  sans  rien  omettre,  exposa,  aux  yeux  du 


190 


LE  MA  II  V-BHAR  ATA. 


cocher,  toute  l’histoire  de  tous  ces  Otrcs,  qui  habitent 
l’intérieur  de  la  terre.  3,530. 

«Tu  as  vu,  cocher,  lui  dit-il,  Varouna  environné  de 
ses  fils  et  de  ses  petits-fils.  Voici  la  résidence  opulente  et 
partout  fortunée  du  monarque  des  ondes!  3,631 . 

» Voilà  ici  le  fils  à la  grande  science  de  Varouna,  le 
maître  de  la  terre  : il  excelle  par  sa  pureté  et  sa  vertueuse 
conduite.  3,532. 

» C’est  Poushkara,  fds  de  Varouna,  aux  yeux  de  lotus 
bleu,  prince  estimé,  beau,  admirable  à voir,  l’époux,  que 
la  fille  de  Lunus  honora  de  son  choix.  3,533. 

» Elle  a pour  nom  Djyotsnâkàli ; on  dit  quelle  est  une 
seconde  l.akshmî  pour  la  beauté.  Ce  Varouna,  qui  est  le 
fils  aîné  d'Aditi,  est  dit  aussi  le  meilleur.  3,534. 

» Vois  ce  palais  varounien!  il  est  construit  d’or  en 
entier!  Quiconque  y parvient  arrive  à la  divinité.  Ce  sont 
les  Dieux,  mon  ami,  du  souverain  des  Dieux.  3,535. 

» On  voit  là,  Mâtali,  toutes  les  flèches  enflammées  des 
Daîtyas  vaincus,  à qui  fut  enlevé  leur  royaume.  3,530. 

» Sans  doute,  ces  armes  impérissables  et  douées  de 
majesté  se  convulsaient  de  coière,  Mâtali,  avant  que  les 
Dieux  ne  les  eussent  conquises.  3,537. 

o Elles  étaient  des  guerriers  célestes,  issus  des  Raksha- 
sas,  issus  des  Daityas;  elles  sont  aujourd’hui  la  conquête 
des  Dieux.  3,538. 

u Voici  le  feu  toujours  éveillé,  qui  répand  sa  splendeur 
éclatante  dans  le  bassin  de  Varouna  : ce  disque  de  guerre 
est  celui  de  Vishnou,  qu’on  lance  avec  une  offrande  la  plus 
pure.  3,539. 

» Cet  arc  est  le  Càndlinaya,  environné  de  la  raine 
des  mondes  ; les  Dieux  toujours  défendent  avec  cette 


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OUDYOGA-PARVA. 


191 


arme,  et  c’est  d’elle  que  vient  l'arc  Gândiva.  3,5/10. 

n Une  guerre  est-elle  survenue,  cette  arme  sans  cesse 
infaillible  porte  telle  et  telle  vie  calculable  par  des  cen- 
taines et  des  milliers.  3,541. 

» Elle  gouverne  des  êtres  même  ingouvernables  : ce 
fut  Brahma,  le  révélateur  des  Védas,  qui  d’abord  créa 
cette  arme  furieuse  au  milieu  des  rois,  parents  des  Rak- 
shasas.  3,542. 

» Voilà  sa  flèche,  qui  est  empreinte  d’une  grande  éner- 
gie, disent  les  ludras  des  hommes.  Les  tils  du  monarque 
des  ondes  portent  cette 'haute  fortune  de  leur  pire. 

» Cette  ombrelle  du  roi  des  eaux  est  déposée  dans  le 
Palais-de-l’Ombrelle.  Semblable  au  nuage,  elle  verse  de 
tous  les  cOtés  une  rosée  fraîche.  3,544. 

» De  l’onde,  qui  découle  de  cette  ombrelle,  est  formée 
l'humidité  pure  de  la  lune.  Ce  parasol  brille  enveloppé 
d’une  obscurité,  qui  intercepte  le  regard.  3,545. 

» Tu  aurais  de  nombreuses  choses  aux  formes  merveil- 
leuses à voir  ici,  mais  elles  mettraient  obstacle  à ton  affaire. 
Marchons  donc,  Màtali,  sans  plus  tarder.  3,546. 

» Cette  ville,  qui  ne  pose  pas  ses  pieds  sur  le  sol  du 
monde  des  Nàgas,  est  nommée  le  Pâtàla  : elle  est  habitée 
par  les  Daltyas  et  les  Dànavas.  3,547. 

» Quiconque  à la  marche  certaine  arrive  dans  ces  lieux 
avec  les  eaux,  jette  en  y entrant,  sous  l’étreinte  de  la  peur, 
un  vaste  cri  d’e/froi.  3,543. 

» Là,  dévorant  les  ondes,  Agni  l’Asoura  vomit  des 
flammes  continuelles.  Là,  une  fois  qu’il  a bu  l'ambroisie, 
que  les  Dieux  ont  apportée,  après  qu’ils  eurent  tué  leurs 
ennemis,  le  sage  reconnaît  que  son  âme  est  enchaînée  par 


LJ:  MAHA-BIIARATA. 


lt>2 

le  travail  des  affaires  (1),  De  lit  apparaissent  le  déclin  et 
l'accroissement  de  la  lune  (2).  3,549 — 3,550. 

» Là,  se  lève  à son  temps,  à chaque  parvan,  l’Aditya 
Hayaçiras,  qui  remplit  de  voix  le  monde,  appelé  Sou- 
varna.  (3)  3,551. 

» Par  cela  que  les  formes  de  l'eau  tendent  (4)  à 
se  mouler  en  ornements  (5) , cette  ville  superbe  est  nommée 
Pàtàla.  3,552. 

» Airàvata,  bon  pour  le  monde,  ayant  puisé  l'eau  dans 
ce  bassin , la  décharge  fraîche  dans  les  nuages,  d'où  Ala- 
héndra  ensuite  la  déverse  en  pluies.  3,553. 

» Là,  des  baleines  de  plusieurs  figures  et  de  formes 
diverses  boivent  dans  les  eaux  la  lumière  de  la  luue, 
habitent  et  se  promènent  au  milieu  des  ondes.  3,554. 

» Là,  cocher,  pénétrés  par  les  rayons  du  soleil,  les 
morts  venus  dans  le  jour  au  fond  du  Pàtàla,  ressuscitent 
la  nuit.  3,555. 

» Ici,  la  lune  a des  levers  continuels  ; et,  quand  elle  a 
touché  l’ambroisie  avec  ses  rayons  comme  avec  ses  bras, 
elle  touche  les  corps,  d’où  l’àme  s' est  enfuie  et,  par  cet 
attouchement,  les  rappelle  à la  vie.  3,55(i. 

» Ici,  enchaînés  sous  l'étreinte  de  Kàla,  habitent  les 
vertueux  Daitéyas,  qu’ Indra  a dépouillés  de  splen- 
deur. 3,557. 

» Ici , le  grand  souverain  de  tous  les  êtres,  appelé 
Bhoûtapati,  a supporté  la  plus  haute  pénitence  pour  la 
prospérité  de  tous  les  mondes.  3,558. 


(1—2—3)  Idées  incohfeemes  : nous  suspectai»  ce  passage. 

(4)  Patunti. 

(5)  Atam. 


OUDYOGA-PAltVA. 


103 


' » Ici,  consumés  par  la  science  et  le  murmure  des  Vé- 
das,  habitent  inondés  de  joie,  le5  brahmes  Govratis,  qui 
ont  abandonné  l’existence  et  conquis  les  cieux.  3,559. 

» Quiconque  sans  cesse  occupe  une  couche,  quiconque 
vit  sans  jamais  quitter  le  vêtement,  dont  il  est  couvert, 
on  l’appelle  ici  un  Govrati.  3,560. 

a Atr&vana  est  le  roi  des  éléphants.  Vâmana,  Kou- 
mouda,  Andjana  ont  été  créés  les  plus  forts  des  éléphants 
dans  la  race  de  Soupratlka.  3,561. 

a Vois  si  là  est  un  époux,  qui  par  ses  qualités  puisse  te 
plaire;  j’irai  et,  consacrant  mes  efforts  à cette  affaire, 
Mâtali,  je  le  choisirai  pour  fiancé.  3,562. 

a Voilà  un  œuf,  comme  flamboyant  de  splendeur,  qui 
fut  déposé  dans  les  eaux,  dès  la  formation  des  créa- 
tures, il  n’éclot  pas,  il  ne  marche  pas.  3,563. 

a Je  n’entends  pas  raconter  sa  naissance  ou  sa  créa- 
tion : qui  que  ce  soit  ne  connaît,  ni  son  père,  ni  sa 
mère.  3,564. 

b De-là,  aux  jours  de  la  rnoj;t,  doit  sortir  un  grand 
feu;  il  consumera,  certes!  Mâtali,  tous  les  trois  mondes 
avec  les  êtres  mobiles  et  immobiles,  b 3,565. 

b A peine  eut-il  entendu  ce  langage  de  Nârada  : « Au- 
cun ne  me  plaît  ici  pour  époux  ! lui  dit  Mâtali.  Dirige 
ailleurs  tes  pas,  sans  tarder,  b 3,566. 

n On  appelle  cette  grande  capitale,  raconta  en  mar- 
chant Nârada,  la  Ville-d’or  : c’est  la  cité  des  Dattvas  et 
des  Dânavas,  qui  discutent  sur  des  centaines  de  ma- 
gies. 3,567. 

n Elle  fut  bâtie  par  les  vastes  efforts  de  Viçvakarma  ; 
elle  dépend  de  la  terre  de  Pàtàla,  créée  par  l’intelligence 
de  Maya.  3,568.  . 

’vi  13 


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19A 


LE  M AH  V -BHARATA. 


» Là,  habitent,  orgueilleux  des  grâces,  qu’ils  ont  re- 
çues jadis,  les  héros  Dùftavas  à la  grande  force,  s’occu- 
pant à des  milliers  de  magies.  3,509. 

» Ni  Çakra,  ni  aucun  autre,  fùt-il  Yama,  Varouna  ouïe 
Dieu  des  richesses,  ne  peuvent  les  mettre  sous  leur  puis- 
sance. 3,570. 

» Là,  habitent,  Màtali,  possédant  la  force  de  la  magie, 
doués  d'un  courage  supérieur  à la  fougue  du  vent,  rem- 
plis d'une  vitesse  épouvantable,  armés  de  longues  dents, 
les  Asouras  Kâlakandjas,  et  les  fils  des  pieds  de  Vishnou, 
et  les  Nairritas,  et  les  Yàtoudhânas,  et  ceux,  qui  sont 
issus  des  pieds  de  Brahma.  3,571 — 3,572. 

» Tu  sais  que  Çakra  lui-même  ne  peut  immoler  ces 
Dànavas,  nommés  les  Nivâtakavatchas,  enivrés  de  la  fu- 
reur des  combats.  3,573. 

» Nombre  de  fois,  Màtali,  ton  (ils  Gomoukha,  et  toi,  et 
l'époux  de  Çatchl,  le  roi  des  Dieux,  accompagné  de  son 
fils,  vous  fûtes  rompus  et  mis  en  fuite.  3,57a. 

» Vois  ces  palais  d'ajgent  et  d’or  joints  et  associés  à 
l’art  et  au  travail,  3,575. 

» Admirables  de  lapis-lazuli  et  de  pierreries,  éclatants 
de  corail,  resplendissants  d'un  cristal  pur  comme  le  so- 
leil et  flamboyants  du  feu  des  diamants!  3,576. 

» Faits  de  rubis,  ils  paraissent  comme  faits  de  terre  ; 
on  les  voit  comme  des  constructions  de  pierres  et  de  bois. 

» Hauts,  larges  , parsemés  de  gemmes  en  multitudes, 
ils  brillent  avec  la  ressemblance  du  soleil,  semblables  au 
feu  allumé.  3,577 — 3,578. 

» Il  est  impossible  de  les  décrire  pour  les  formes,  la 
richesse  et  les  qualités.  Ils  sont  parfaits  et  pleins  de  per- 
fections propres  à servir  de  modèle.  3,679. 


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OUDYOGA-l’ARVA. 


195 


» Regarde  ces  maisons  de  jeu  et  ces  couclies  des 
Dattyas  ; regarde  ces  palais  et  ces  trônes,  du  plus  haut 
prix  et  semés  de  pierreries  ! 3,580. 

» V où  ces  montagnes  nombreuses  et  ces  cascades  d’eau  ; 
voit  ces  arbres  luxuriants,  chargés  de  fleurs  et  de  fruits 
au  gré  de  tous  les  désirs  1 3,581. 

» Sera-t-il  ici,  Mâtali,  un  fiancé,  qui  te  plaise  ! Ou  bien 
passons  dans  un  autre  lieu  de  cette  terre,  si  tel  est  ton 
sentiment.  » 3,582. 

» Mâtali  de  répondre  au  Dieu,  qui  parlait  de  cette  ma- 
nière : « Rishi  des  Dieux,  je  ne  dois  pas  faire  une  chose, 
qui  déplaise  aux  habitants  du  ciel.  3,583. 

d Les  Oânavas  et  les  Dieux,  qui  ont  des  inimitiés  conti- 
nuelles engagées  entre  eux,  sont  mes  frères  : comment 
ferai-je  approuver  ma  parenté  dans  le  parti  des  ennemis? 

» Allons  ailleurs,  bon  Nârada ; je  ne  puis  voir  les 
enfants  de Danou.  Je  connais  ton  âme,  et  je  sais  quelle 
est  suflisamment  injurieuse.  » 3,084 — 3,585. 

» Nârada  poursuivit  : 

» Ce  monde  est  celui  des  oiseaux  Souparnas,  qui  man- 
gent les  serpents.  S'agit-il  de  voyager  ou  de  porter  une 
charge  au  milieu  des  airs,  ils  ne  connaissent  pas  la  fati- 
gue. 3,586. 

» Voici  les  noms  des  six  fils  de  Vinatà,  cocher,  qui  ont 
donné  le  jour  à cette  famille  : Soumoukha,  Sounàman, 
Sounétra,  Souvartchas,  3,587. 

» Souroutch,  le  monarque  des  volatiles,  et  Soubala.  De 
ces  auteurs  dans  la  famille  de  Vinatà,  sont  nés  et  ont 
grandi  des  centaines  et  des  milliers  de  nobles  rois  des 
oiseaux.  Dc-là  naquirent  dans  la  race  de  Kaçyapa  ces  fils, 
accroissement  de  la  prospérité.  3,588 — 3,589. 


100 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Tous,  ils  sont  les  favoris  de  la  fortune  ; tous,  ils  sont 
marqués  du  caractère  Çrlvatsa  ; tous,  ils  désirent  la  féli- 
cité et  sont  armés  de  la  force.  3,590. 

» kshatryas  par  les  œuvres,  sans  miséricorde,  ils  dévo- 
rent les  serpents  ; ils  n’ont  pas  obtenu  la  condition  des 
brahmes,  parce  qu’ils  font  la  destruction  des  races. 

» Je  vais  te  dire  les  noms  des  principaux  : éconte-ies  ! 
C’est  une  famille  digne  d'éloges,  Màtali,  puisqu'elle  des- 
cend de  Vishnou.  3,591 — 3,692. 

» Vishnou  est  leur  Dieu,  Vishnou  est  leur  principal 
objet  ; Vishnou  est  dans  leur  cœur  sans  cesse;  Vishnou 
est  continuellement  leur  voie.  3,503. 

» La  Tète-d’or,  le  Mangeur-de-serpents,  l’Épouvan- 
table,  le  Furieux -du-bec,  le  Vent,  le  Feu,  le  Volatile- 
aux-grands-yeux,  le  Porteur-de-pemleloques,  3,59/i. 

» Le  Vainqueur-de-la-poussiôre,  Y Oiseau,  qui  ressemble 
à un  collier  de  diamants,  et  le  Vinalide  Vàmana,  la  Yi- 
tesse-du-vent,  Celui  qui  parcourt  l'espace  dans  un  clin— 
d’œil,  Animisha  (1),  3,595. 

» Les  Trois-Gràces,  les  sept-Gràces,  Vàlndki,  l'Incen- 
diaire, l’Ile-des-Daityas,  Paridvvipa  (2),  Sàrasa,  le  Dra- 
peau -du-lotus,  3,596. 

» La  Belle-téte,  Tchitrakétou  et  le  vertueux  Tcbitra- 
varha,  le  Cœur-des-nuages,  koumouda,  Daksha,  Sarpànta 
et  le  Buveur-de-Soma,  3,507. 

» Gouroubliâra  , la  Colombe,  les  Yeux- du- soleil , 
Tchirântaka,  le  Devoir-de- Vishnou,  Koumàra,  Pàrihbara 
et  Hari,  3,508. 


(1)  Qui  ne  cligne  pas  les  yeux. 

(2)  Insula  circumfluente  aquâ. 


Digiti 


OUDYOGA- PARVA. 


197 


» La  Jolie-voix,  Madhouparka,  la  Couleur-d’or , le 
Malaya-Màtariçwan,  l'Oiseau-qui-fait-le-jour,  l'Oiseau-qui- 
fait-la-nuit.  3,599.  * 

» Je  t’ai  nommé  ces  (ils  de  Garouda  pour  exemple  seu- 
lement. Je  le  les  ai  cités  principalement  parce  qu’ils  sont 
en  renommée  et  qu’ils  ont  une  longue  vie.  3,(500. 

■ » Si  aucun  d’eux  ne  fait  naitre  ici  ton  désir,  viens, 
Màlali  ! allons  ailleurs.  Je  te  conduirai  dans  un  lieu,  où  tu 
puisses  trouver  un  fiancé.  3,601. 

a Voici  le  septième  fond  de  la  terre,  nommé  le  Rasàtala  : 
c’est  là  que  se  tiennent  les  Immortels,  qui  sont  nés  des 
vaches,  les  enfants  de  Sourabhi.  3,602. 

» La  terre  distille  continuellement  le  lait,  qui  prend 
l’être  dans  son  essence  : cette  saveur  unique,  sans  égale, 
est  formée  de  l'essence  tntme  des  six  saveurs.  3,603. 

» Jadis  la  vertu  sortit  de  la  bouche  du  Pilàmaha,  qui, 
rassasié  de  lait,  en  rejeta  l’essence.  3,005. 

» Le  courant  de  ce  lait  vomi,  tombant  sur  la  terre,  for- 
ma ce  lac,  qui  fut  nommé  la  Mer-de-lait,  bassin  pur  au 
plus  haut  degré.  3,605. 

u Là,  habitent  les  plus  vertueux  des  brahmes,  buveurs 
d'écume  ; ils  savourent  ses  rivages,  que  l'écume  fevêt 
comme  de  fleurs.  3,606. 

» Ges  hommes,  qui  font  de  l’écume  leur  nourriture, 
sont  justement  appelés,  Màtali,  buveurs  d’écume  ; ils  pra- 
tiquent une  terrible  pénitence,  qui  inspire  la  crainte  aux 
Dieux.  3,607. 

» Quatre  autres  vaches,  nées  de  Sourabhi,  habitent  en 
tous  les  coins  de  l’espace  ; elles  portent  cet  horizon  et 
sont  appelées  lesangles  de  ce  monde.  3,608. 

» La  fille  de  Sourabhi,  qui  est  nommée  Souroûpâ,  sou- 


108 


LE  MAHA-BHARATA. 


tient  la  plage  orientale  ; celle,  qui  a pour  nom  Hansikâ, 
supporte  un  autre  parage,  la  partie  méridionale.  3,609. 

» La  plage  Varounienne  de  l’occident  est  soutenue  par 
Soubhadhrâ,  douée  d’une  haute  majesté,  Mâtali,  et  qui 
peut  toujours  se  revêtir  de  toutes  les  formes.  3,010. 

<)  La  vache,  qui  a nom  Sarvakâmadoughà,  porte  la 
sainte  plage  du  nord,  qui  est  appelée  celle  d’Élavila. 

» Réunis  aux  Asouras,  les  Dieux,  ayant  fait  une  baratte 
avec  le  mont  Mandara,  battirent  le  lait  de  ces  vaches 
mêlé  au  lait  de  la  mer.  3,611 — 3,612. 

» Lakshml  la  première  sortit  du  sein  des  eaux,  ensuite 
l’ambroisie,  le  cheval  Outchraiçravas,  monarque  des 
coursiers,  et  le  Kaàustoubhà,  la  plus  admirable  des 
perles.  3,613. 

» Sourabhi  produit  en  son  lait  du  nectar  pour  ceux, 
qui  vivent  de  nectar,  de  la  swadhâ  pour  ceux,  qui 
mangent  la  swadhâ,  et  de  l'ambroisie  pour  ceux,  qui 
trouvent  dans  l’ambroisie  leur  nourriture.  3,61  A. 

» Jadis,  cet  antique  couplet  fut  chanté  parles  habitants 
du  Rasùtala  ; il  fut  entendu  par  les  hommes  et  fut  aussi 
chanté  par  eux  dans  le  monde  : 3,615. 

« Ni  sur  la  terre  des  Nàgas,  ni  dans  le  Paradis,  ni  au 
sein  du  Tripishtapa,  où  sont  les  chars  des  Dieux,  on  ne 
trouve  une  habitation  aussi  délicieuse  que  dans  le  pays 
du  llasàtala  ! » 3,616. 

» Voici  la  ville  nommée  Rhogavatl,  défendue  par  Va- 
souki.  Elle  ressemble  à Amaravatl,  la  charmante  cité  du 
roi  des  Dieux.  3,617. 

» Voilà  Çésba,  le  serpent,  le  premier  du  monde  par  sa 
pénitence,  qui  porte  la  terre,  associée  à tout  ce  qu'elle 
a de  force  cl  de  grandeur.  3,618. 


pilDYOGA-PARVA. 


100 


» On  dirait  à ses  fondes  que  c’est  une  blanche  mon- 
tagne; il  est  orné  de  célestes  parures;  plein  d'une  grande 
vigueur,  il  dresse  un  millier  de  têtes  et  des  langues  flam- 
boyantes. 3,619. 

» Ici,  lmbitcnt,  portant  diverses  formes,  armés  de 
poisons  différents,  les  Nàgas,  (ils  de  Sourasà,  qui  ont 
banni  la  crainte.  3,6*20. 

» Marqués  sur  la  poitrine  d'un  swastika  en  pierres 
fines,  munis  d’un  aiguière  comme  signe  de  leur  condition, 
ils  sont  tous  naturellement  vigoureux,  terribles  ; et  leur 
nombre  ne  peut  être  évalué  que  par  des  milliers.  3,621. 

« Les  uns  ont  mille  têtes,  les  autres  ont  cinq  cents 
faces,  ceux-ci  ont  une  centaine  de  tètes,  ceux-là  en  ont 
trois  seulement.  3,622. 

• » Certains  ont  deux  fois  cinq  têtes,  beaucoup  ont  sept 

visages  : ce  sont  d'immenses  serpents  aux  grands  corps, 
qui  dévorent  pour  aliments  des  montagnes.  3,623. 

» Ces  Nàgas  d'une  seule  race  forment  des  milliers  en 
grand  nombre,  des  millions  et  des  centaines  de  millions  : 
écoute  leurs  noms  de  ma  bouche,  suivant  leur  préémi- 
nence. 3,624. 

» Vasouki , Takshaka , karkotaka , Ohanandjaya, 
Kâlya,  Nahousha,  kambala  et  Açwatara,  3,625. 

o Vâhyakounda,  le  serpent  Mani  et  l'aérien  Apourana, 
Vàmana,  Élapatra,  koukoura  et  koukouna,  3,626. 

» Le  Grand-Père,  la  Joie,  l’Aiguière  et  le  Bassin, 
kallâsaka,  le  serpent  Jaune,  Alrâvata,  3,627. 

» La  Bouche-de-fleurs , Üadhimoukha,  la  Conque, 
Nanda  et  Oupananda,  Apta,  kotaraka,  le  Feu  et  l'A- 
troce,  3,628. 

» La  Perdrix,  Hastibhadra,  le  Lotus-blanc,  Màlyapin- 


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200  LE  MAHA-BHAftATA. 

data,  les  deux  Padmas,  le  Lotus-bleu,  la  Fleur,  Mouhara- 
parnaka,  3,020. 

» Karavira,  Pitharaka,  Samvritta  et  Avritta  lui-même, 
le  Bouvier,  la  Feuille-de-Vilva,  le  Mangeur-de-rats,  Çi- 
rlshaka,  3,630.  * 

» Dillpa,  la  Tête-de-conque,  et  l’Étoile , qui  ne  fut 
jamais  vaincu,  Dhritarâshtra  le  Kouravien,  Kouhara  elle 
Petit,  3,631. 

» Le  Sans-poussière  , le  Porteur , Soubâhou , Mou- 
khara,  la  Victoire,  l'Aveugle-et-sourd,  Viçoundi,  Virasaet 
la  Bonne-saveur.  3,632. 

» Ceux-ci  et  d'autres  en  grand  nombre  sont  les  fils  de 
Kaçyapa.  Vois,  Màtali,  s’il  y a parmi  eux  un  époux,  qui 
puisse  te  plaire  ! » 3,633. 

» Màtali,  ayant  ainsi  promené  sur  les  choses  son  re-  • 
gard,  toujours  impassible,  interrogea  alors  iNàrada  sur  le 
ton  de  l'aiTeclion  : 3, 634. 

« De  la  famille  de  quel  Kourouide  vénérable  était  (ils 
ce  Nàga  splendide,  admirable  à voir,  que  tu  viens  de 
mettre  sous  mes  yeux  ? 3,635. 

» Qui  était  son  père?  Ou  qui  était  sa  mère?  De  quel 
serpent,  de  quelle  race  venait  ce  Nàga,  placé  devant  moi 
comme  un  vaste  drapeau  déployé?  3,636. 

» Mon  âme  entre  dans  une  enquête  sur  sa  méditation, 
sa  fermeté,  sa  beauté,  sa  jeunesse  afin  d’en  faire  l’époux 
choisi  pour  Gounakéçt.  » 3,637. 

» Quand  il  vit  sur  son  visage  riant  que  Màtali  avait 
l’àrnc  joyeuse,  Nàrada  de  lui  raconter  alors,  et  la  nais- 
sance, et  la  magnanimité,  et  les  prouesses  du  serpent. 

« Il  était  un  roi  des  Nàgas,  appelé  Soumoukha;  il 
était  ué  dans  la  famille  d’Airàvata  ; il  était  réputé  le  pe- 


OUDYOGA-PARVA, 


9.01 


tit-fils  par  sa  fille  du  vénérable  Vâmana.  3,638—3,039. 

» Le  Nàga,  qui  eut  nom  Tchikoura,  était  son  père  ; et 
bientôt  après,  Mâtali,  ce  fils  de  Vinatâ  succombait  à la 
mort.  » 3,640. 

« Voilà  celui,  que  j’accepte  pour  mon  gendre,  dit  Mà- 
tali  enchanté  ; c’est  ce  noble  serpent!  3,641. 

» Dirige  donc  tes  efforts  de  son  côté  ; je  serai  content, 
anachorète,  si  je  donne  à ce  Nàga  ma  fille  bien  aimée  ! >< 

u Nârada  tint  ce  langage  au  serpent  : 

« Ce  cocher,  appelé  Mâtali,  est  le  cher  ami  de  (’.akra  j 
il  est  pur,  il  est  doué  des  vertus  et  du  caractère  ; il  est 
énergique,  fort  et  courageux.  3,042 — 3,643. 

» 11  est  l’ami,  le  conseiller  et  le  cocher  même  d’Indra  ; 
sa  force  le  cède  peu  à ce  Dieu  en  chaque  combat.  3,044. 

» Dans  les  batailles  entre  les  Dieux  et  les  Asouras , 
Çakra  lui  a confié  judicieusement  le  soin  de  conduire  son 
char  sublime,  le  Victorieux,  où  sont  attelés  mille  che- 
vaux. 3,04â. 

» Indra  achève  la  victoire  sur  les  ennemis,  que  celui- 
ci  a déjà  vaincus  par  ses  chevaux  et  la  vigueur  de  ses 
bras  ; avec  lui,  qui  les  a déjà  terrassés,  le  Briseur-des- 
armées terrasse  de  nouveau  l'ennemi.  3,646. 

u II  possède  une  vierge  à la  taille  charmante , incom- 
parable en  beauté  sur  la  terre  ; elle  est  douée  de  vertus, 
d’un  excellent  caractère  et  de  la  vérité  ; on  la  nomme 
Gounakéçi.  3,647. 

» Après  qu’il  a parcouru  avec  effort  les  trois  mondes, 
il  trouve  que  Soumoukha,  le  petit  fils  de  ta  majesté,  ô 
toi , qui  es  environné  d’une  lumière  immortelle,  est 
l'époux,  qui  convient  à sa  fille.  3,648. 

» Si  cette  proposition  t’agrée  de  toute  manière,  ô le 


202 


LE  MAHA-BHARATA. 


plus  grand  des  serpents,  ne  tardons  pas  ! Mets  prompte- 
ment ta  pensée  à recevoir,  vénérable  aïeul,  cette  vierge 
pour  ta  belle-fille.  3,049. 

» Que  Gounakéçl  à la  jolie  taille  soit  bientôt  dans  ta 
famille  ce  que  Lakshml  est  dans  la  lamille  de  Vishnou, 
ce  que  Swâhâ  est  dans  la  famille  du  Soleil.  3,050. 

» Que  ta  majesté  reçoive  donc  Gounakéçl  pour  son 
petit-fils,  comme  Çatclii  est  égale  à Qakra,  qui  en  est  la 
contrepartie.  3,051. 

» Nous  demandons  en  mariage  pour  ses  vertus  ce 
jeune  prince,  qui  a perdu  son  père,  à cause  de  l’estime, 
que  nous  portons  à ta  majesté  ainsi  qu'à  Alràvata  lui- 
même.  3,052. 

» L’auguste  Màtali,  qui,  conduit  ici  par  les  vertus  de 
Soumoukha,  ses  bonnes  moeurs,  sa  pureté,  sa  répression 
des  sens  et  les  autres,  s’empresse  de  lui  donner  sa  fille,  mé- 
rite également  qu’ou  lui  rende  hommage.  » 3,053-3,054. 

» L’aïeul,  de  qui  le  petit-fils  vivait,  mais  de  qui  le 
fils  avait  succombé  à la  mort,  répondit  à Nârada  avec  joie 
et  tristesse  : 3,655.  • 

« Ta  parole  n’est-elle  pas  en  grande  estime  auprès  de 
moi?  Qui  pourrait,  éminent  rishi,  ne  pas  désirer  une 
alliance  avec  cet  ami  de  Çakra,  ainsi  doué  des  qualités? 

» Mais  je  pense  à celte  allaite , grand  anachorète,  dans 
la  faiblesse  de  mes  moyens.  Ce  fils  est  pour  moi,  resplen- 
dissant ami,  ce  que  la  main  est  au  corps.  3,056—3,657. 

i>  11  sera  dévoré  par  Garouda  lui-mème;  celle  idée  nous 
afflige.  Ce  mot  cruel  nous  fut  dit  par  le  fils  de  Viuatâ,  qui 
doit  revenir.  3,658. 

n Je  mangerai  Soumoukha  l’autre  mois!»  ainsi  nous 
a-t-il  parlé,  seigneur.  El  la  chose  arrivera  de  cette  ma- 


OUDYOGA-PARVA. 


203 


nière  : nous  savons  cette  vérité  sur  son  destin.  3,650. 

» Cette  parole  de  Souparna,  elle  a tué  notre  joie  ! » 

« Ma  pensée  est  arrêtée  là-dessus,  lui  dit  alors  Màtali. 
J’ai  choisi  ton  fils  pour  mon  gendre.  3,660 — 3,661. 

» Que  ce  serpent,  accompagné  de  Nârada  et  de  moi, 
aille  vers  Indra  et  qu’il  voie  ce  roi  des  Souras,  ce  mo- 
narque des  trois  mondes.  3,662. 

» Je  connaîtrai  par  l'intermédiaire  de  Çésha  lui-même 
quelle  est  son  existence  ; et  j’emploierai  tous  les  moyens, 
0 le  plus  vertueux  des  serpents,  à tuer  Souparna.  3,663. 

» Que  Soumoukha  vienne  trouver  avec  moi  le  souve- 
rain des  Dieux  ; et  puisse  t’accompagner  la  fortune,  rep- 
tile, dans  l’accomplissement  de  cette  affaire!  » 3,66A. 

» Ensuite,  ces  êtres  à la  grande  vigueur  prennent  Sou- 
inoukha  et  bientôt  ils  contemplent  avec  lui  Çakra,  le  roi 
des  Dieux,  environné  de  lumière  et  assis  dans  son  trône. 

» L’adorable  Vishnou  aux  quatre  bras  se  trouvait  là  en 
visite.  Nârada,  aux  côtés  de  Màtali,  raconta  toute  cette 
affaire.  3,665 — 3,666. 

u Qu’on  apporte  l'ambroisie,  dit  alors  Vishnou  à Pou- 
randara,  le  monarque  du  ciel,  et  qu’il  soit  fait  égal  aux 
Immortels!  3,667. 

■ » Que  Màtali,  Nârada  et  Soumoukha  obtiennent  du 
bon  plaisir  de  ta  maj  sté  ce  vœu,  comme  ils  le  dési- 
rent. » 3,668. 

a Ayant  retourné  dans  sa  pensée  la  terrible  vigueur  du 
lils  de  Vinatâ,  Pourandara  tient  à Vishnou  ce  langage  : 
« Que  la  majesté  donne  elle-même  celte  ambroisie  ! » 

a Yu  es  le  maître  de  tous  les  êtres,  lui  répondit 
Vishnou,  de  ceux,  qui  se  meuvent,  comme  de  ceux,  qui 
ne  se  meuvent  pas.  Qui  peut  faire,  seigneur,  que  ce  qui 


204  LE  MAHA-BHARATA. 

est  donné  par  toi  n'ait  pas  été  donné?  8,669 — 8,670. 

» Çakra  donc  accorda  la  plus  longue  vie  à ce  Nâga; 
mais  le  meurtrier  du  vigoureux  Vritra  ne  fit  pas  manger 
l’ambroisie  <1  Soumoukha.  3,671. 

» Ayant  obtenu  cette  grâce,  il  manifesta  la  joie  sur  son 
visage  et  retourna  dans  son  palais,  quand  il  eut  reçu  une 
épouse,  assortie  à son  désir,  3,672. 

» Nârada  et  le  vénérable  Mâlali,  leur  affaire  terminée, 
comblés  de  joie,  revinrent  auprès  de  l’honorable  monar- 
que des  Dieux,  environné  de  lumière.  3,673. 

» Garouda  à la  grande  vigueur  entendit  raconter  cir- 
constanciellement,  rejeton  de  Bharata,  comment  Indra 
avait  donné  au  serpent  un  accroissement  de  sa  vie.  3,674. 

» Entouré  du  vent  fougueux  de  ses  ailes,  Sonpa’rna, 
enflammé  d’une  colère  extrême,  vola  à travers  les  airs 
vers  le  palais  des  trois  mondes,  où  siège  Indra.  3,675. 

« Adorable,  quelle  est  cette  çonduite,  dit-il,  que  je  re- 
pousse avec  mépris?  Quand  tu  m'as  accordé  une  grâce, 
qui  suit  mon  désir,  tu  recules  en  arrière  ! 3,676. 

j>  Brahma,  le  souverain  de  toutes  les  créatures,  a dis- 
posé pour  moi  une  nourriture  depuis  la  création  de  tous 
les  êtres;  pourquoi  en  suis-je  empêché  par  toi?  3,677. 

» J’ai  fait  choix  de  ce  grand  serpent  et  j’ai  fixé  le  temps, 
où  il  doit  Cire  mangé;  son  corps  me  servira,  puissant 
Dieu,  à nourrir  de  nombreux  enfants  ! 3,678. 

« Dans  l’état  actuel,  où  sont  les  choses,  je  ne  puis  faire 
du  mal  à un  autre.  Tu  te  moques  à ton  aise,  roi  des  Sou- 
ras,  de  cette  grâce  accordée.  3,679. 

» Je  déserterai  l’existence,  moi  et  toute  ma  famille,  qui 
attend  de  moi  sa  vie  dans  mon  aire  ; ou  montre  que  tu 
as,  Indra,  de  l’amitié  pour  moi.  3,680. 


OUDYOGA-PARVA. 


205 


» Je  mérite  sous  un  autre  aspect  de  recevoir  cette  chose, 
meurtrier  du  puissant  Vritra,  moi,  qui,  le  souverain  des 
trois  mondes,  condescends  à nourrir  les  autres.  3,081. 

» Quand  tu  existes,  monarque  du  triple  monde,  Vish- 
nou ne  peut  m’ôter  la  vie;  car  mon  royaume,  Indra,  est 
immortel  en  toi  ! 3,682. 

» Ma  mère  est  la  fille  de  Dakslia  ; Kaçyapa  est  mon 
père  ; je  puis  dans  un  instant  supporter  les  mondes  de 
tous  les  côtés.  3,083. 

» Ma  force  est  immense,  insoutenable  à toutes  les  créa- 
tures ; j’ai  accompli  un  incroyable  exploit  dans  la  guerre 
des  Daityas.  3,684. 

» Çr'outaçrî,  Çroutasnéa,  Vivasvat,  Kotchanamoukha, 
Prastouta  et  kàlakàksha,  tous  fils  de  Diti,  furent  immolés 
par  moi.  3,685. 

» Si  je  fais  la  fonction  d’un  drapeau,  si  je  parcours  les 
lieux  à la  ronde  avec  effort,  si  je  sers  de  monture  à ton 
frère  aîné,  ne  me  méprise  point  à cause  de  cela.  3,680. 

n Quel  autre  serait  capable  de  porter  celte  charge? 
Quel  autre  est  plus  fort  que  moi?  Tout  distingué  que  je 
suis,  moi  ! je  consens  à porter  ton  frère  ! 3,687. 

->  Tu  m’as  dédaigné  parce  que  je  suis  descendu  à toi 
sur  une  question  de  nourriture  ; ma  gravité  est  perdue  à 
tes  yeux,  Indra,  et  devant  ce  Nàga.  3,688. 

» Les  fils,  qui  sont  nés  d'Adili,  excellent  en  force  et  en 
courage  ; mais  parmi  eux  tous,  c’est  moi,  certes  ! qui  les 
surpasse  eu  vigueur.  3,689. 

» Je  te  porte  sans  fatigue  sur  une  portion  de  mes 
ailes  : pense  4 cela,  mon  ami,  tranquillement  : quel  autre 
a de  la  force  ici  ? » 3,690. 

>.  Dès  qu’il  eut  ouï  ce  discours  du  volatile,  effrayant 


200 


LE  MAHA-BHARATA. 


par  ses  conséquences  à venir,  le  Dieu,  qui  tient  pour 
arme  un  disque  de  guerre,  tel  que  la  roue  d'un  char,  lui 
répondit  en  ces  mots,  ébranlant  ce  qui  est  inébranlable 
même.  S, 691. 

<.  Garouda,  oiseau  bien  faible,  qui  te  crois  fort,  ne 
doit-il  pas  te  suffire  de  faire  ton  éloge  en  présence  de 
nous?  3,09*2. 

» Les  trois  mondes  réunis  sont  incapables  de  sup- 
porter mon  corps  : c’est  moi-même,  qui  me  porte,  et  je 
-te  porte  en  même  temps.  3,093. 

» Soutiens  maintenant  un  seul  de  mes  bras,  ce  bras 
gauche  ; et,  si  tu  peux  soutenir  le  poids  de  ce  bras  seul, 
ce  n’est  pas  eu  vaiu  que  tu  te  glorifies  ! 3,094. 

» Bhagavat  avait  suspendu  ce  bras  A son  épaule  ; mais 
il  succomba,  accablé  du  fardeau,  troublé,  l'âme  perdue.» 

» A r es  mots,  il  mit  son  brus  sur  lui.  Aussi  long-temps 
qu’il  porta  le  poids  de  ce  rameau  seul  de  son  corps, 
aussi  long-temps  il  crut  sentir  sur  lui  toute  la  charge  de  la 
terre  entière  avec  ses  montagnes.  3,095 — 3,690. 

» Atchyouta  ne  l’accabla  point  de  sa  force  supérieure  ; 
il  ne  détruisit  assurément  pas  sa  vie.  3,697. 

k L’oiseau  troublé , la  bouche  vomissante , le  corps 
abattu,  sans  âme,  laissa  tomber  ses  ailes,  oppressé  sous 
la  charge  pesante.  3,698. 

» Le  volatile,  fils  de  Yinatà,  courba  sa  tête  aux  pieds 
de  Vishnou,  et  confus,  l'âme  enfuie,  consterné,  il  pro- 
nonça avec  peine  ces  paroles  : 3,099. 

« Adorable,  à la  grande  vigueur,  je  suis  broyé  par  ton 
bras,  plein  de  beauté,  abandonné  inertement,  égal  à la 
force  du  monde  entier.  3,700. 

» Daigne  me  pardonner,  puissant  Dieu,  â moi,  un  vo- 


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OUDYOGA-PARVA. 


207 


latile  de  petite  pensée , en  détresse , sans  force , sans 
fierté,  qui  n’ai  d autre  habitation  <?n’un  drapeau.  3,701. 

» Je  ne  connaissais  pais  ta  force  éminente,  auguste 
Dieu,  et  c’est  pourquoi  je  pensais  que  la  mienne  était 
sans  égale  parmi  les  autres.  » 3,702. 

» Le  bienheureux  Immortel  rendit  ensuite  le  calme  à 
l’oiseau  Garouda,  et  lui  dit  alors  avec  amour  : o N'agis 
plus  ainsi  désormais.»  3,703. 

» Il  jeta  Soumoukha  avec  l’orteil  de  son  pied  sur  la 
poitrine  du  géant  des  airs  ; et  c’est  depuis  co  temps,  In- 
dra des  rois,  que  Garouda  demeure  avec  le  serpent. 

» C’est  ainsi  que,  surmonté  par  la  force  de  Vishnou, 
le  vigoureux  Garouda,  sire,  le  fils  à la  grande  renommée 
de  Vinatâ,  fut  réduit  à perdre  son  orgueil.  3,704-3,705. 

» De  même,  fils  de  Gàndhàri,  si  tu  vis  encore,  c’est 
que  tu  n’as  pas  croisé  le  fer  dans  un  combat,  mon  enfant, 
avec  les  héros  issus  de  Pàndou.  3,706. 

» Quel  homme  ne  tueraient  pas  dans  une  bataille  le  vi- 
goureux Bhima,  ce  fils  du  Vent,  le  plus  excellent  des  com- 
battants, et  Dhananiljaya,  de  qui  Indra  même  fut  le  père. 

» Vishnou,  le  Vent,  Çakra,  Yama  et  les  deux  Açwius, 
pour  quelle  raison  ces  Dieux  seraient-ils  incapables  de 
fixer  les  yeux  sur  toi.  3,707 — 3,708. 

» Loin  de  toi  la  guerre  ! Fais  la  paix,  fils  du  souverain 
des  hommes  1 Daigne  sauver  ta  famille,  en  la  purifiant 
dans  le  tîrtha  du  Vasoudévide.  » 3,700. 

Alors  Nârada  aux  grandes  mortifications,  pour  les 
yeux  de  qui  rien  n’est  caché,  A ’ùrada,  tenant  la  massue  et 
le  tchakra  de  la  magnanimité  de  Vishnou....  (1).  3,710. 


(1)  Une  lacune  dan»  l'édition:  celte  phrase  n’est  paa  même  Unie. 


208 


LE  MAHA-BHAKATa. 


A peine  eut-il  ouï  ce  discours,  Douryodhana  soupirant, 
les  sourcils  contractés  sur  le  visage,  jeta  un  regard  sur 
le  lils  adoptif  du  cocher  et  se  mit  à rire  d’une  voix  écla- 
tante. 3,711. 

L’insensé  méprisa  ce  langage  de  l'anachorète  Kanva, 
et  fit  entendre  ces  paroles  en  se  frappant  la  cuisse  airon- 
die  comme  la  trompe  d’un  éléphant  : 3,712. 

« Je  vis,  excellent  rishi,  avec  les  sentiments,  que  m’a 
créé  Içwara;  je  suis  la  route,  qu’il  m’a  tracée;  qu’est-cc 
que  ta  harangue  peut  y faire  ? » 3,713. 

Djanamédjaya  dit  : 

a Comment  se  fait-il  que  des  parents,  l’ami  par  amitié, 
l’auguste  aïeul  des  créatures  par  bienveillance,  n’écartent 
pas  de  la  mauvaise  voie  l’homme,  qui  s'y  engage,  de  qui 
l’imagination  est  née  dans  le  malheur,  qui  est  égaré  par 
la  cupidité  du  bien  d'autrui , qui  se  complaît  en  des 
choses  ignobles,  qui  prend  ses  résolutions  dans  la  mort, 
qui  fait  la  peine  de  ses  parents,  qui  accroît  le  chagrin  de 
ses  alliés,  qui  donne  à ses  amis  des  soucis  et  qui  aug- 
mente la  joie  de  ses  ennemis?  » 3,714 — 3,715 — 3,716. 

Valçamp&yana  lui  répondit  : 

Tu  as  entendu  le  discours,  qui  fut  prononcé  par  l’a- 
dorable V dsoudéride , et  l'allocution,  que  fit  écouter 
BbLshma,  prèle  maintenant  l'oreille  au  langage  plein  de 
patience  et  varié  dans  l’espèce  de  Nârada.  3,717. 

« Rare,  dit-il,  est  l'ami,  qui  écoute  les  conseils;  un  bon 
ami  est  rare-,  l'ami  en  effet  se  tient  là  où  le  parent  fait  dé- 
faut. 3,718. 

» Je  vois  ce  qu’on  doit  écouter  même  de  la  bouche  des 
amis;  mais  il  ne  faut  pas  faire  d'opiniâtreté  ; car  l'opiniâ- 
treté est  bien  épouvantable.  3,716. 


OUDYOGA-PARVA. 


209 


» On  raconte  sur  ce  sujet  une  antique  histoire,  la  ma- 
nière, dont  Gàlava  obtint  une  victoire  par  son  opiniâtreté. 

» Jadis  par  le  désir  de  connaître  les  macérations  de 
Viçvàmitra,  le  Dieu  Yama  emprunta  la  forme  du  véné- 
rable saint  Vaçishtha  et,  sous  le  déguisement  de  l’un  des 
sept  rishis,  il  s'approcha  affamé,  désirant  manger,  de 
l'hermitage  du  rejeton  de  Kouçika.  3,720 — 3,721—  3,722. 

» Viçvàmitra,  occupé,  faisait  cuire  un  aliment  de  lait 
et  de  beurre  pour  le  sacrifice,  et,  par  le  soin,  qu'il 
donnait  à ce  mets  supérieur,  il  ne  l’entendit  pas.  3,723. 

» Quand  il  eut  mangé  la  nourriture  donnée  par  les 
autres  ascètes,  Viçvàmitra  de  retourner  chez  lui,  empor- 
tant ses  aliments  très-chauds.  3,72â. 

« Toi,  nourriture,  dit  l’auachorète,  en  partant,  reste 
maintenant  à moi!  » L’iiermite  à la  gran'de  splendeur 
demeura  donc,  sire,  avec  sa  nourriiure.  3,725. 

« Ayant  mis  ses  aliments  sur  sa  tête,  où  il  les  retenait 
avec  ses  bras,  l’anachorète  aux  vœux  parfaits  se  tint 
debout,  immobile  comme  un  pieu,  sans  mouvement,  dans 
son  enseignement,  comme  un  ascète,  qui  vit  de  l'air. 

» L’hermite  Gàlava  fit  ses  efforts  pour  l’entendre,  par 
le  désir  de  lui  être  agréable,  à cause  de  son  amitié,  de 
l'estime,  quit  avait  pour  lui,  et  de  la  gravité  3e  son  ensei- 
gnement. 3,726 — 3,727. 

» Après  la  révolution  accomplie  d'une  centaine  d’an- 
nées, Yama,  sous  le  travestissement  de  Vaçishtha,  revint 
auprès  du  rejeton  de  Kouçika,  dans  le  désir  de  participer 
à sa  nourriture.  3,728. 

» Il  vit  cette  portion  d'aliments,  que  le  sage  maharshi, 
Viçvàmitra  portait  sur  sa  tête,  debout,  immobile  comme 
un  mangeur  de  vent.  3,729. 

vt  là 


$10 


LE  MAHA-BIUIl  ATA. 


» Dès  qu’il  eut  reçu  cette  nourriture  nouvelle  et  chaude 
encore  : « Je  suis  conteijt,  saint  brahme,  » dit-il,  après 
qu’il  eut  mangé,  et  l’anachorète  s'en  alla.  3,730. 

» Viçvâmitra,  qni  avait  abandonné  les  sentiments  du 
kshalrya,  et  qui  était  entré  dans  la  nature  du  brahme, 
fut  donc  satisfait  de  ces  paroles  d’Yama.  3,731. 

» 11  dit,  plein  d’affection  pour  les  services  et  le  dévoue- 
ment de  son  disciple,  au  pénitent  Gâlava  : 3,732. 

o Je  te  donne  congé,  Gâlava;  habite  où  tu  voudras;  va 
à ton  gré.  » Et  celui-ci,  content  de  cette  parole  douce, 
répondit  au  plus  saint  des  anachorètes,  à Viçvâmitra, 
environné  de  lumière  : « Quel  présent  honorifique  don- 
nerai-je à ta  sainteté,  en  reconnaissance  de  son  ensei- 
gnement? 3,733 — 3,73â. 

» Car  une  œuvre,  accompagnée  de  présents,  conduit 
un  homme  à la  perfection.  Quiconque  fait  des  présents 
arrive  à la  béatitude  finale.  3,735. 

» Le  fruit  du  sacrifice  est  dans  le  ciel  ; le  présent  est, 
dit-on,  un  soulagement.  Que  ta  sainteté  me  dise  ce  que 
je  dois  lui  donner  en  prix  de  ses  leçons  ! » 3,736. 

» A ces  mots,  récompensé  déjà  par  ses  services,  le 
vénérable  Viçvâmitra  de  l’exciter  à se  retirer,  et  de  lui 
dire  plusieurs  fois  : « Va-t-en!  Va-t-en!  » 3,737. 

» A ces  nombreux  : o Va-t-en  ! Va-t-en  ! » que  lui  adres- 
sait l’hermite,  Gâlava  de  répondre  autant  de  fois  : « Que 
te  donnerai-je?  » 3,738. 

» Viçvâmitra  sentit  un  peu  de  colère  à cette  opiniâtreté 
mainte  fois  réitérée  du  pénitent  Gâlava,  etlui  dit  ces  mots  : 

« Donne-moi  huit  centaines  de  chevaux,  qui  aient  la 
blancheur  de  la  lune,  avec  une  oreille  noire  d’un  seul 
côté.  Va-t-en!  Va-t-en!  Ne  tarde  pas!  3,739 — 3,7â0. 


Digiti-zecHe 


OUDYOGY-PAltVA. 


•211 


» A ces  paroles  du  sage  Viçvàuiitrn,  Gàlava  ne  peut 
rester,  ni  assis,  ni  couché;  il  lie  fait  aucuue  provision  de 
vivres.  3,741. 

» N’ayant  plus  que  la  peau  et  les  os,  plongé  dans  le 
chagrin  de  ses  pensées,  jaune,  gémissant  outre  mesure, 
consumé  par  le  souci,  Gàlava  désolé,  soupirait  dans  sa 
douleur  , Souyodhana  ; « Où  trouver  des  amis  opulents  ? 
Où  trouver  des  richesses?  Où  trouver  des  monceaux  de 
splendeur?  3,742 — 3,743. 

» D'où  me  viendront  ces  huit  cents  chevaux,  éclatants 
de  blancheur  comme  la  lune?  Qui  me  donnera  la  foi  dans 
ma  nourriture?  D’où  me  viendra  la  confiance  du  plaisir? 

» La  foi  dans  la  vie  m’est  retranchée  I Qu'ai-je  besoin 
de  l’existence?  J'irai  sur  la  rive  ultérieure  de  la  mer,  ou 
d’un  bout  à l’autre  de  la  terre,  et  je  romprai  ma  chaîne  ! 
Quel  fruit  y a-t-il  pour  moi  dans  la  vie,  indigent,  qui  n’ai 
pas  accompli  mon  affaire,  et  qui  suis  abandonné  de  ses 
différents  fruits?  3,744 — 3,745 — 3,746. 

» D’où  viendrait  à moi  le  plaisir  de  l’indifférence, 
quand  je  suis  chargé  d'une  dette , quand  j’ai  désiré  nouer 
l’amitié,  quand  j’ai  partagé  la  richesse  de  mes  amis?  Mieux 
vaut  la  mort  que  la  vie,  si  je  ne  puis  reconnaître  ce  bien- 
fait, si  je  ne  fais  pas  ce  que  j'ai  promis  de  faire! 

3,747—3,748. 

» L’homme,  qui  est  consumé  d’une  parole  saus  ré- 
sultat, voit  périr  son  sacrifice  et  le3  mérites  de  sa  libé- 
ralité. Le  menteur  est  privé  de  beauté,  une  postérité  est 
refusée  au  menteur.  3,749. 

» Un  menteur  n'a  point  l’empire  ! Comment  l'homme 
ingrat  aurait-il  une  voie  brillante,  ou  des  richesses,  ou  la 
renommée,  ou  une  solide  assiette,  ou  le  plaisir?  3,760. 


212 


LF,  MAHA-BHARATA. 


» L’ingrat  ne  mérite  pas  de  confiance;  il  n'y  a pas 
d'expiation  pour  l’ingrat,  lin  homme  pauvre  ne  vit  pas  : 
c’est  un  vicieux!  D’où  viendrait  la  richesse  à l'homme  vi- 
cieux? 3,751. 

» Le  vicieux  court,  certainement!  à sa  perte;  je  suis 
un  vicieux,  moi,  qui  suis  un  ingrat,  un  misérable,  un 
homme  sans  vérité,  qui  détruis  ce  que  j’ai  fait;  3,752. 

» Moi,  qui,  ayant  toujours  satisfait  mon  gourou,  m’en- 
dors et  n’exécute  pas  ce  qui  m’a  été  commandé!  Je  renon- 
cerai à ma  vie,  après  que  j'aurai  fait  les  plus  grands  ef- 
forts! 3,753. 

» Je  n'ai  pas  encore  adressé  une  demande  aux  habitants 
du  ciel  : néanmoins,  tous  les  Tridaças  m’honorent  <i  cause 
de  mes  soins  pour  étendre  le  lit  d'un  sacrifice.  3,751. 

» Je  veux  aller  trouver  l’Immortel,  le  plus  excellent 
des  Dieux  , le  souverain  des  trois  mondes , Vishnou- 
Krishna,  la  voie,  le  plus  grand  de  ceux,  qui  sont  dans  la 
voie  du  salut.  3,755. 

» Parce  que  les  serpents  ont  obtenu  la  vie,  après  qu’ils 
eurent  acquis  la  protection  de  tous  les  Dieux  et  des 
Asouras,  je  veux  aller  voir,  dans  une  attitude  respectueuse, 
Krishna,  l’impérissable  Yogi.  » 3,756. 

» A peine  avait-il  achevé  ces  mots,  quand  le  fils  de 
Vinatâ,  son  ami  Garouda  apparut,  et,  joyeux,  lui  tint  ce 
langage  avec  le  désir  de  l’obliger  : 3,757. 

« Tu  as  mon  estime,  cher  ami  ; un  ami  est  estimé  de 
ses  amis.  Quiconque  désire,  doit  arriver  à l’objet  de  son 
désir,  s’il  en  a les  moyens.  3,758. 

» J’ai  la  puissance,  brahme  ; j’ai  parlé  déjà  pour  toi  à 
Indra,  mon  puîné  : il  accomplira  ton  désir  à cause  de 
moi.  3,759. 


. . A,'  H 


OUDYOGA-PARVA. 


21  3 


» Mais  que  ta  sainteté  vienne  ! Marchons  ! Je  te  con- 
duirai, suivant  ton  désir,  soit  au  lieu  où  tu  voudras  aller ; 
soit  à la  rive  ultérieure  de  la  terre.  Viens  Gàlava!  Ne  tar- 
dons pas  ! 3,760. 

» J'ai  reçu  les  ordres  d’un  Dieu,  l’auteur  de  toutes  les 
connaissances.  Dis-moi  quel  est  ton  désir,  Gàlava.  Sur 
quelle  plage  veux-tu  que  je  dirige  d’abord  le  vol  de  mes 
ailes?  3,761. 

» Est-ce  à l’orient?  ou  au  midi?  Irai-je  à la  plage  occi- 
dentale, ou  du  septentrion,  0 le  plus  vertueux  des  brah- 
mes?  Où  dois-je  me  rendre,  Gàlava?  3,762. 

» Irai-je  d’abord  à l'orient,  où  naît  la  lumière  de  tous 
les  mondes,  où  le  soleil  se  livre, aux  temps  du  crépuscule 
et  de  l'aurore,  à la  pénitence  des  Sàdhyas  ? 

» Cette  plage,  dans  laquelle  entra  d’abord  la  sagesse, 
par  qui  ce  monde  fut  occupé  ; où  veillent  les  yeux 
d'Yama,  où  ce  roi  bien  célébré  contient  la  machine? 

3,763—3,764. 

» D’où  l’oblation  sacrifiée  est  une  chose  qui  se  répand 
de  tous  les  côtés  dans  l’espace  ; c’est  la  porte,  ô le  plus 
vertueux  des  brahmes  ; c'est  la  route  du  jour  ; 3,766. 

» Cette  plage,  où  d’abord  sont  nées  les  femmes, 
créatures  de  Daksha;  où  habitent  les  héros,  fils  de 
Kaçyapa  ; 3,766. 

» Où  le  bonheur  est  la  racine  des  Dieux  ; où  Çakra  fut 
inauguré  sur  le  trône  des  Immortels;  où  les  Dieux,  saint 
brahme,  ont  accumulé  la  pénitence?  3,767. 

» Dans  un  temps  antérieur  aux  premiers  âges,  pieux 
brahme,  cette  plage  fut  couverte  de  Souras  ; et  c’est  pour 
cette  raison  quelle  est  nommé  Poûrva.  3,768. 

» Cesl  à cause  de  cela  que  le  Poùrva  nomme  toutes  les 


214 


LE  MAH  A-BHARATA. 


affaires  des  Dieux,  qui  désirent  le  bonheur,  l’espérance 
première  des  premiers.  S, 769. 

» L’adorable  auteur  des  mondes  a chanté  là  d’abord 
les  Védas  : ceux,  de  qui  la  voix  murmurent  les  Védas, 
ont  chanté  là  d’abord  la  Savitrl,  cause  des  productions. 

» C’est  là  que  le  soleil,  6 le  plus  grand  des  brahmes, 
a donné  les  deux  Yadjours  : c’est  là  que  les  Dieux  boivent 
dans  les  sacrifices  le  Soma,  comblé  de  leurs  dons. 

3,770—3,771. 

» C’est  là  que  rassasiés,  les  Feux  viennent  s’atteler  à 
leur  origine  ; c’est  là  que  Varouna,  après  qu’il  fut  des- 
cendu au  Pàtâla,  obtint  la  couronne.  3,772. 

» Là,  ô le  plus  excellent  des  brahmes,  est  l’ancienne 
tradition  de  l’antique  Vaçishtha;  là  apparaissent  en 
personne  la  naissance,  la  vie  (1)  et  la  mort.  3,778. 

» Là,  dix  centaines  de  routes  naissent  pour  énoncer  la 
syllabe  mystique  Aiim  : c’est  là  que  les  anachorètes,  qui 
boivent  la  fumée,  savourent  la  fumée  du  beurre  cla- 
rifié. 3,774. 

» C’est  là  qu’lndra  fait  la  part  des  sacrifices  entre  les 
Dieux  avec  les  sangliers  en  grand  nombre  et  les  autres 
animaux,  qu'il  a tués  dans  la  forêt.  3,775. 

» Le  soleil  à son  lever  extermine  là  dans  sa  colère  les 
hommes  méchants,  ingrats,  ou  les  êtres,  qui  sont  des 
Asouras.  3,776. 

* C'est  la  porte  des  trois  mondes,  du  Svsarga  et  du 
bonheur.  Voici  la  première  portion  des  [liages  : entrons-y, 
si  tu  le  désires.  3,777. 


(I)  Pratinhlhâ  de  pratishthâmi,  je  suis,  sto  ou  sum.  Le  sens,  que  nous 
donnons,  manque  à tous  les  dictionnaires. 


-■'i  Gi  igle 


OUDYOGA-l'AUVA. 


215 


» Je  sais  attentif  à la  parole  de  celui,  qui  doit  faire  une 
chose  agréable  pour  moi.  Dis,  Gàlavat  Irai-je?...  Écoute 
quelle  est  la  deuxième  plage.  3,778. 

» Voici  la  région  appelée  méridionale.  Jadis  Vivaçvat, 
qui  était  le  Destin  armé  de  la  cuiller  du  sacrifice,  donna 
cette  plage  méridionale  au  vénérable  Yatna.  3,779. 

» Là,  habile  la  multitude  des  Mânes,  venus  des  trois 
mondes;  là  est,  dit-on,  tainl  brahme,  la  demeure  des 
Dieux,  Ouçmapâs,  3,780. 

» Là,  siègent  continuellement  avec  les  Mânes  ceux 
des  Dieux,  qu’on  nomme  les  Viçvas  ; ils  sont  parvenus 
dans  les  sacrifices  des  mondes  à l’égalité  des  portions. 

» C’est  appelé,  brahme,  la  seconde  porte  d’Yama  ; la 
pensée  de  Kàla  s’y  compte  par  minimes  portions,  en 
petits  intervalles  de  temps.  3,781 — 3,782. 

» Là,  habitent  sans  cesse,  exempts  d’alarmes,  les 
rishis  des  Dieux,  les  rishis  du  monde  des  Pitris  et  tous  les 
Ràdjarshis.  3,783. 

» Là,  est,  dit-on,  le  devoir,  la  vérité  et  l’action  faite  : 
c’est  la  route  de  ceux,  ô le  plus  excellent  des  brabines, 
qui  sont  arrivés  à la  fin  de  leurs  œuvres  et  de  leur 
vie.  3,78â. 

» C’est  la  route,  que  tout  homme  obtient  : mais  le  vicieux 
ne  va  point  sans  obstacle  au  plaisir.  3,785. 

» Là,  éminent  brahme , les  insensés  auront  à voir 
plusieurs  milliers  de  Démons,  créés  avec  des  âmes  enne- 
mies. 3,786. 

» Là,  sous  des  berceaux  de  mandants  et  dans  les  palais 
des  brahmarshis,  les  Gandharvas  entonnent  des  chants, 
qui  ravissent  l’âme  et  la  pensée.  3,787. 

» Là,  après  qu’il  eut  entendu  chanter  dans  ces  concerts 


216 


LE  M AHA-BHARATA. 


les  hymmes  du  Sàma-Véda,  Ratvata,  abandonnant  son 
épouse,  abandonnant  ses  ministres,  abandonnant  son 
royaume,  se  confina  dans  les  forêts.  3,788. 

» Sâvarni  et  le  fils  d’Yavakrtta  posèrent  là  une  borne, 
que  le  soleil  ne  franchit  jamais.  3,789. 

» Là,  fut  choisie  l'immortalité  par  le  magnanime  Râ- 
vana,  le  rejeton  de  Poulasti  et  le  roi  des  Rakshasas,  qui 
cultiva  la  pénitence  entre  les  Dieux.  3,790. 

» C’est  là  que  Vritra  même  par  sa  conduite  embrassa 
l’inimitié  contre  Çakra  ; c'est  ici  que  reviennent  cinq  fois 
tous  ceux,  qui  ont  obtenu  le  souille  de  la  vie.  3,791. 

» Ici,  sont  dévorés  par  les  (lamines  les  hommes  ,n)x 
œuvres  iniques  ; ici,  Gâlava,  une  rivière,  nommée  la  Val- 
tarani,  les  enveloppe  des  croisements  redoublés  de  ses 
flots.  3,792. 

» Là,  l'auteur  du  jour  est  allé  à la  fin  du  plaisir,  et  il 
parvient  au  terme  de  la  peine  ; arrivé  là,  il  détruit  l’eau 
sapide.  3,793. 

» Parvenu  dans  la  contrée  de  Vaçishtha,  il  déserte  le 
froid  de  nouveau.  Là,  jadis  consumé  par  la  faim,  Gâlava, 
et  plongé  dans  mes  pensées,  3,79â. 

» J'eus  le  bonheur  de  rencontrer  un  éléphant  colossal 
et  une  tortue  géante,  ivres  l’un  et  l’autre  de  combats.  Là, 
réside  un  grand  saint,  fils  du  soleil  et  nommé  Tchakra- 
dhanou.  3,795. 

» On  sait  que  c’est  la  demeure,  du  Dieu  Kapila,  par  qui 
les  (ils  de  Sagara  furent  jadis  précipités  dans  l'infortune  : 
là,  habite  aussi  la  parfaite  Rrahmant,  appelée  Çivâ,  qui  a 
lu  complètement  les  Védas.  3,796. 

>.  De  cette  lecture  entièrement  achevée,  elle  obtint 
un  doute,  que  rien  ne  saurait  plus  détruire.  Là,  est  la 


OUDYOGA-PARVA. 


217 


ville  nommée  Bhognvatt , que  protège  Vâsouki.  3,797. 

» Là,  fut  obtenue  la  béatitude  éternelle  dan 3 la  mort 
elle-même  par  Alrâvata  et  le  serpent  Takshaka.  Il  règne 
dans  cette  ville  une  obscurité  profonde,  que  ne  pourrait 
dissiper,  ni  le  soleil,  ni  le  feu  lui-même.  Ainsi  ta  route, 
Gàlava,  est  par  cette  ville  capitale.  3,798—3,799. 

» Dis-moi  s’il  me  faut  y aller....  Eh  bien!  écoute  quelle 
est  la  troisième  plage.  3,800. 

» Cette  région  est  la  plage  chérie  du  roi  Varouna,  le 
monarque  de  la  terre  : elle  fut  toujours  la  gloire  it  les 
autres  avantages  pour  ce  souverain  des  eaux.  3,801. 

» Cette  plage,  où  le  soleil,  à la  fin  du  jour,  abandonne 
lui-même  ses  rayons,  est  appelée,  0 le  plus  excellent  des 
brahmes,  la  plage  occidentale.  3,802. 

» C'est  là  que  le  fortuné  Dieu  Kaçyapa  institua  Varouna 
comme  le  roi  des  monstres  aquatiques  et  le  protecteur  des 
ondes.  3,803.  • 

» C'est  là  que,  après  avoir  bu  six  rasades,  la  lune, 
dissipatrice  des  ténèbres,  renaît  égale  à Varouna,  et 
jeune  au  commencement  de  la  quinzaine  lumineuse. 

» C’est  là  que  les  Daîtvas,  engendrés  au  couchant, 
furent  alors  comprimés  par  le  vent,  gémirent,  brahme,  et, 
tourmentés  par  les  vents  orageux,  sont  tombés  morts. 

3,804 — 3,805. 

» Là,  de  tous  les  côtés,  les  rayons  du  soleil  se  répan- 
dent aimables  ; c’est  d’ici  que  le  coucher-du-soleil  a reçu 
son  nom  et  que  partout  se  glisse  le  crépuscule  du 
soir.  3,800. 

» Delà,  sortis  dansla  perte  du  jour, la  nuitet  le  sommeil 
naissent  pour  enlever,  en  quelque  sorte,  du  monde  des 
vivants  la  moitié  de  la  vie.  3,807. 


218 


LE  MAHA-BHARATA. 


» C’est  ici  que  Çakra,  ayant  surpris  dans  le  sommeil. la 
Déesse  Dlti , qui  portait  un  fruit  dans  ses  entrailles, 
détruisit  le  fœtus,  à la  place  duquel  naquit  le  rhutnb  des 
vents.  3,808. 

» Ici  est  né  l’éternel  Mandara,  la  racine  de  l'Him&laya  : 
on  n'en  voit  pas  encore  la  fin  après  un  millier  même  d’an- 
nées. 3,809. 

» C’est  là,  qu’en  approchant  de  la  mer  aux  monts 
d’or,  aux  lotus  d’or,  l’eau  coule  par  la  cause  des  Dieux. 

» On  voit  là,  au  milieu  de  l’océan  et  semblable  au 
soleil,  le  corps  mutilé  de  Swarbliânou  (1) , qui  veutdévorer 
le  soleil  et  la  lune.  3,810 — 3,811. 

» Là,  on  entend  le  vaste  son  d’un  chant,  que  fait  enten- 
dre Hariroman  à la  tête  d’or,  qui  échappe  à toute  mesure 
comme  à tous  les  yeux.  3,812. 

» Là,  par  l’ordre  du  soleil  à l’intelligence  de  feu,  une 
vierge,  appelée  Dwadjavatî,  se  tient  dans  L’atmosphère  et 
dit  : o Arrête  toi  I Ne  vas  pas  au-delà  ! » 3,813. 

« Là,  Gàlava,  le  vent,  le  feu,  l’eau  et  le  ciel  guérissent 
l’homme,  qui  a reçu  l'attouchement  du  malheur,  soit  le 
jour,  soit  la  nuit.  3,814. 

» Depuis  le  temps  que  le  soleil  circule  dans  une  route 
oblique,  c’est  ici  que  toutes  les  constellations  entrent  dans 
le  cercle,  que  l'astre  de  la  lumière  décrit  annuellement. 

» Quand  elles  ont  marché  vingt-huit  jours  avec  le  so- 
leil, elles  sortent  de  sa  compagnie  dans  la  saison  conve- 
nable et  d’après  leur  intime  union  avec  la  lune. 

3,815—3,810. 

» Là,  est  sans  cesse  le  berceau  des  rivières  et  la  cause, 


(1)  Bd  Aon. 


OUDYOGA-PARVA. 


219 


qui  soulève  les  mers  ; là,  dans  l’habitation  de  Varotma, 
ils  se  détachent  (1)  des  trois  mondes.  3,817. 

» Là,  est  la  demeure  du  monarque  étemel  des  serpeDts: 
là,  est  le  palais  incomparable  de  Vishnou,  qui  n’a  pas  eu 
de  commencement  et  qui  n’aura  pas  de  fin.  3,818. 

» Là,  est  l’habitation  du  vent,  ami  du  feu  : là,  est 
l'hermitage  du  grand  saint  Kaçyapa  ; là,  est  celui  de  Mâ- 
rltcha.  3,819. 

» Cette  plage  occidentale,  que  je  viens  de  t'exposer, 
est  la  route,  par  laquelle  il  te  faut  aller.  Dis,  Gàlava! 
Dans  quelle  plage  irons-nous,  0 le  plus  excellent  des 
brahmes?  3,820. 

» Parce  qu'elle  est  sauvée  (2)  du  vice,  parce  quelle  est 
possédée  par  le  maître  du  bien-être,  et  que  supérieure  (3) 
est  sa  puissance,  cette  plage-ci,  brahme,  fut  appelée  sep- 
tentrionale (à).  3,821. 

» C’est  la  route  du  Lac-d’or  septentrional  : cette  plage 
est  dite  être  mitoyenne  entre  celles  de  l’orient  et  de  l’oc- 
cident. 3,822. 

» Dans  celte  vaste  plage  du  nord,  ô le  plus  excellent 
des  brahmes,  n’habitent,  ni  hommes  laids,  ni  gens,  de 
qui  l'âme  est  ingouvernable,  ni  esprits  vicieux.  3,823. 

» Là,  sont  Narâyana,  Krishna,  Djishnou  même,  le  plus 
grand  des  hommes,  et  l’éternel  Brahma,  dans  l’hermitage 
de  la  Badari.  3,824. 

» Là,  sur  le  flanc  de  l'Himâlaya,  siège  continuellement 
avec  Dourgâ , son  épouse,  Mahéçwara,  l'Homme,  envi- 


(!)  Apastishthanti,  composé  d'une  préposition,  qui,  comme  partie  inté- 
grante, manque  à tous  les  dictionnaires,  même  à Weatergaard. 

(2 — 3 — 4)  Outtdryatuif  outtdrana,  outtara. 


220 


LL  M AH  A-BH  AU  ATA. 


ronné  d'une  lumière  égale  au  feu  de  la  fin  du  inonde. 

» 11  est  invisible  aux  yeux  des  troupes  d’anachorètes 
ou  des  Siddhas,  des  Yakshas  et  des  Gandharvas,  ou  des 
Dieux  et  d’Indra  lui-même,  excepté  aux  regards  de  Nara 
et  de  Nâràvana.  3,825 — 3,820. 

» Là,  Vishnou  aux  mille  yeux,  aux  mille  pieds,  aux  mille 
têtes,  fortuné,  impérissable,  unique,  le  voit  avec  sa.Màyà. 

» G' est  là  que  Lunus  lut  consacré  comme  souverain 
des  brahmes  : c’est  là  que  Mahâdéva,  ô le  plus  savant 
des  régénérés,  ayant  reçu  la  chûte  du  Gange,  précipité 
des  deux,  l'a  donné  au  monde  des  hommes  : c'est  là  que 
Dévî  embrassa,  pour  obtenir  Mahéçvvara,  une  cruelle  pé- 
nitence. 3,827 — 3,8z8 — 3,829. 

» Là,  naquirent  ensemble,  et  l’Amour,  et  la  Colère,  et 
(laila,  et  Oumà  : là,  sur  le  Kailàsa,  fut  sacré  dans  l'em- 
pire sur  les  Rakshasas,  les  Yakshas  et  les  Gandharvas  le 
Dieu,  Gâlava,  qui  dispense  à son  gré  les  richesses.  Là,  est 
sou  délicieux  jardin  Tcbaitraratha  ; là,  est  l'hermitagc 
Vaîkhànasa.  3,830 — 3,831. 

» Là,  est  la  Gangâ  céleste  et  le  Mandara;  c'est  là,  ver- 
tueux brahme,  que  la  forêt  des  Saâugandikas  est  sous  la 
garde  des  Nairritas  eux-mêmes.  3,832. 

» Là,  sont  le  Radaliskandhu  aux  gazons  toujours  nou- 
veaux, et  las  arbres  immortels  Santànakas  ; là  sont,  Gâ- 
lava, des  richesses  assorties  à tous  les  désirs;  Ui  sont  les 
dignes  chars  des  Siddhas  aux  répressions  continuelles  et 
de  qui  rien  ne  gêne  la  marche.  Là,  habitent  les  sept 
grands  rishis  et  la  divine  Aroundhatî.  3,833 — 3,83â. 

« Là,  se  tient  l’Arcture  ; là,  on  vante  sa  splendeur  ; là, 
certainement  ! viendra  aussi  l'aïeul  suprême  des  créatures, 
si  on  l'invoque  en  des  sacrifices.  3,835. 


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OUDYOGA-PARVA. 


221 


» Là,  et  les  constellations,  et  le  soleil,  et  la  lune  exé- 
cutent continuellement  leur  révolution.  Là,  ô le  plus  ver- 
tueux des  brahmes,  les  magnanimes  anachorètes,  organes 
purifiés  de  la  vérité,  gardent  la  porte  de  la  Gâyantikà  : 
on  ne  connaît  d’eux,  ni  la  postérité,  ni  le  corps,  ni  l’accu- 
inulalion  des  pénitences.  3,830 — 3,837. 

» Là  sont  les  richesses  désirées,  Gàlava;  mais  elles 
ont  des  milliers  d’échappatoires.  A chaque  fois  qu’un 
homme  franchit  cette  limite  et  va  plus  avant,  à chaque 
fois  il  périt,  ô le  plus  excellent  des  brahmes.  Nul  autre  ne 
s'est  avancé  plus  loin,  si  ce  n’est  le  Dieu  Nârâyana,  ou 
Nara  et  Djishnou,  l'impérissable  I Là,  est  ce  qu’on  appelle 
le  Kallâsa  et  le  palais  d'Élavilide.  3,838 — 3,839 — 3,840. 

» Cest  là  que  vinrent  les  dix  Apsaras,  nommées  Vi- 
dyoutprabhâ  : c’est  là  qu'est  aussi  la  pierre  nommée  le 
Pas-de-Vishnou.  Elle  est  un  vestige,  qu’y  laissa  Vishnou 
dans  sa  marche,  lorsqu'il  passa  sur  la  plage  septentrionale 
pour  mesurer  les  trois  mondes.  Là  encore , éminent 
brahme,  est  le  Lac-d'or  au  lieu  où  le  roi  Maroutta  offrit 
un  sacrifice  avec  des  semences d'oushlra  (1).  Il  s’approcha 
respectueusement  du  magnanime  et  saint  brahme  Djï- 
mouta.  3,8âl — 3,842 — 3,843. 

» 11  fit  paraître  aux  yeux,  du  sein  de  l’Himàlaya,  une 
mine  d’or  éclatante  et  pure  : il  répandit  lui-même  entière- 
ment cette  immense  richesse  entre  les  deux  fois  nés. 

» Le  brahmarshi  opta  pour  les  trésors,  qui  depuis  ce  mo- 
ment furent  appelés  de  son  nom  Djaîmoûta.  Là,  Gàlava, 
soir  et  matin,  les  plus  vertueux  des  brahmes,  gardiens 
des  plages,  crient  : « Est-il  une  affaire?  Et  pour  qui  de- 


(!)  etndropogon  muricatum. 


222 


LE  M A H A-  B H A U A T A . 


vons-nous  l'accomplir?»  Telles  sont  les  qualités  et  d’autres, 
6 le  plus  excellent  des  brahmes,  qui  rendent  cette  plage 
supérieure.  3,844 — 3,845 — 3,846. 

» On  l’appelle  Outtara  (1),  et  elle  est,  en  effet,  supé- 
rieure en  toutes  les  choses.  Je  t’ai  raconté,  mon  ami,  ces 
quatre  plages,  successivement,  avec  étendue.  Vers  quelle 
région  désires-tu  aller?  Je  suis  prêt  à te  montrer  les 
plages  et  la  terre  entièrement.  Monte  sur  moi,  ô le  plus 
excellent  des  brahmes.  » 3,847—3.848 — 3,849. 

« Târkshya,  fils  de  Vinatâ,  lui  répondit  Gâlava,  Ga- 
rouda  aux  charmantes  ailes,  ennemi  du  monarque  des 
serpents,  conduis-moi  d'abord  là  où  sont  les  deux  yeux 
du  Devoir.  3,850. 

»'  Va  dans  cet  orient,  que  tu  m’as  décrit  en  premier 
lieu,  et  qui  jouit,  m’as-tu  dit,  du  voisinage  des  Immor- 
tels. 3,851. 

» Là,  tu  m’as  dit  convenablement  qu’étaient  la  vérité 
et  le  devoir  : je  désirerais  aller  vers  tous  les  plus  grands 
Dieux.  3,852. 

» J’aurais  en  outre  le  désir,  frère  puîné  d’Arouna,  de 
voir  aussi  les  Souras.  » 3,853. 

» Monte!  » dit  au  brahme  le  fils  de  Vinatà ; et  l’ana- 
chorète Gâlava  de  monter  sur  Garouda.  3,854. 

« Dans  ton  vol,  dévorateur  des  serpents,  fit  Gâlava, 
je  vois  ton  corps  ressembler  à celui  du  soleil  aux  mille 
rayons,  revêtu,  au  matin,  d’un  manteau  de  lumière. 

» Je  vois,  brisé  par  le  vent  de  tes  ailes,  les  arbres,  qui 


(1)  Les  Indiens,  chez  lesquels  il  faut  chercher  l'origine  de  plusieurs 
choses,  nomment  le  septentrion  le  Haut,  Outlara,  comme  nos  paysans 
disent  le  vent  du  haut  pour  l'aquilon,  le  vent  du  nord. 


OUDYOG  A-l'ARV  A. 


223 


semblent  eux-mêmes  s'avancer,  oiseau,  et  me  suivre  dans 
ma  course.  3,855 — 3,856. 

# Tu  semblés,  habitant  des  airs,  arracher,  pour  ainsi 
dire,  avec  la  fougue  de  tes  ailes,  la  terre  jointe  h ses  eaux 
et  ses  mers,  unie  à ses  bois,  ses  forêts  et  ses  mon- 
tagnes. 3,857. 

» L'eau  monte,  avec  la  multitude  des  serpents  et  des 
poissons,  jusqu’au  ciel  même,  par  le  vent  continuel  de  tes 
ailes,  qui  parait  comme  une  violente  tempête!  3,858. 

» Je  vois  des  poissons  aux  visages  de  formes  pareilles, 
des  timis,  des  timingilas,  des  serpents,  des  faces-hu- 
rnaines,  saisis,  en  quelque  sorte,  de  terreur.  3,859. 

» Les  bruits,  qui  viennent  de  la  grande  mer,  assour- 
dissent mes  oreilles;  je  n’entends  pas,  je  ne  vois  pas,  je 
ne  distingue  plus  les  organes  de  mon  âme.  3,860. 

» Que  ton  excellence  s’avance  avec  lenteur,  sans  ou- 
blier quelles  peines  sont  infligées  au  meurtre  d’un  brahine; 
je  ne  vois  plus  le  soleil,  cher  volatile,  ni  les  points  cardi- 
naux, ni  même  le  ciel.  3,861. 

» Je  ne  vois  plus  que  ténèbres  ; je  ne  distingue  plus 
ton  corps;  tes  yeux,  être  veuu  d’un  œuf,  me  semblent 
deux  nobles  perles.  3,862. 

» Mais  je  ne  discerne  ni  ton  corps,  ni  le  mien  ; à 
chaque  pas,  que  tu  fais,  il  me  semble  que  le  feu  s’échappe 
de  mes  membres.  3,863. 

o Donne-moi  promptement  des  yeux  ; éteints  ensuite 
les  tiens  ! Retiens  cette  grande  impétuosité  dans  ta  marche, 
fds  de  Vinatâ.  3,864. 

» Je  n'ai,  dévorateur  des  serpents,  aucune  raison  de 
faire  ce  voyage.  Retourne,  vertueux  oiseau,  je  ne  puis 
supporter  ta  vitesse.  3,865. 


224 


LE  MAHA-BHARATA. 


» J’ai  promis  de  donner,  à mon  instituteur  spirituel, 
huit  cents  chevaux  d’une  blancheur  éclatante  comme  la 
lune,  avec  une  oreille  noire.  3,866. 

» Mais  je  ne  vois  aucun  moyen  d'accomplir  ce  présent; 
j’arrête  donc  mes  yeux  sur  la  pensée  d’abandonner  ma 
vie.  3,867. 

» Je  ne  possède  aucune  richesse;  je  n’ai  pas  un  ami, 
qui  soit  doué  de  fortune;  et  l’on  ne  peut  d’aucune  ma- 
nière, quelque  grand  que  soit  le  moyen,  ravir  ces  ma- 
gnifiques chevaux.  » 3,868. 

» Alors,  le  fils  de  Vinatâ,  sans  interrompre  son  vol, 
répondit  en  riant  au  malheureux  Gàlava,  qui  jetait  ces 
nombreuses  plaintes  : 3,869. 

« Tu  n’es  pas  très-savant,  brahmarshi,  toi,  qui  veux 
renoncer  à la  vie;  le  temps  n’est  pas  fait  de  nos  mains  ; 
le  temps  est,  assurément,  un  souverain  maître  et  sei- 
gneur. 3,870. 

» N’est-ce  pas  ta  sainteté,  qui  m’a  poussé  ici,  dans 
cette  plage  orientale?  Mais  il  est  un  grand  moyen,  par 
lequel  on  peut  arriver  à réaliser  ton  désir.  3,871. 

» Voici  le  mont  Rishabha,  qui  est  voisin  delà  mer.... 
Là,  après  que  nous  nous  serons  délassés  et  que  nous 
aurons  mangé,  Gàlava,  nous  retournerons  sur  nos  pas.  » 

» Les  deux  compagnons,  le  brahme  et  l'oiseau,  des- 
cendirent sur  la  cime  du  Rishabha,  où  ils  virent  une 
brahmani,  issue  de  Çandila,  qui  s’adonnait  à la  péni- 
tence. 3,872 — 3,873. 

» Garouda  s’inclina  devant  elle;  Gàlava  lui  rendit  ses 
hommages;  elle  accueillit  les  deux  voyageurs  par  un  : 
« La  bien-venue  soit  à vous  ! » et  ils  s’assirent  sur  un  lit 
dekouças.  3,874. 


OUDYOGA-PARVA. 


225 


» Elle  présenta  à ses  hôtes  une  nourriture  exquise, 
offrande  enrichie  de  prières;  et,  quand  ils  eurent  mangé, 
ils  s’endormirent,  bien  repus,  sur  la  terre,  où  leur  âme 
s'oublia  dans  le  délire.  3,875. 

a Après  un  instant  de  repos,  le  désir  de  continuer 
son  voyage  réveilla  l’oiseau  Souparna,  qui  vit  ses  plumes 
entièrement  tombées  de  son  corps.  3,878. 

» Le  volatile  n'était  plus  qu'une  masse  de  chair,  à 
laquelle  seraient  attachés  un  bec  et  des  pattes.  Consterné 
à cet  aspect,  Gàlava  de  l'interroger  : 3,877. 

« Quel  est,  causé  par  notre  voyage  ici,  ce  malheur  où 
ta  grandeur  est  tombée?  Aurons-nous  long-temps  à faire 
séjour  en  ces  lieux?  3,878. 

» Aurais-je  conçu  quelque  pensée  criminelle,  une  chose, 
d'où  serait  vicié  le  devoir?  Cette  faute  ne  doit  pas  être 
d'une  très-faible  importance  pour  ta  grandeur!  » 3,879. 

<«  Voici,  répondit  au  brahmarshi  l’oiseau  Garouda,  une 
pensée,  qui  m’est  venue,  brahrne  : j’ai  songé  à tuer,  je 
veux  dire  à faire  passer  d'ici  cette  pieuse  dame  anacho- 
rète aux  lieux,  où  réside  l’auteur  des  créatures.  3,8S0. 

o Qu’elle  habite,  me  suis-je  dit,  là  où  est  le  Dieu  Mahù- 
déva,  où  est  l'éternel  Vishnou,  où  sont  le  devoir  et  le 
sacrifice.  » 3,881. 

» J'en  demande  pardon  à la  révérende,  mais  c’était  par 
le  désir  de  son  bien.  Voilà  quelle  pensée  j’ai  roulé  dans 
mon  âme,  certainement!  affligée.  3,882. 

» Ainsi  j’aurais  ici  même,  par  une  grande  estime, 
accompli  cette  action,  que  tu  ne  désirais  pas.  Bonne  ou 
mauvaise,  daigne  me  la  pardonner  dans  ta  magnanimité.» 

« Ne  crains  pas,  répondit  alors  la  pénitente  satisfaite 
à l’éminent  brahrne  et  au  roi  des  oiseaux  ; tu  es  Sou- 

15 


VI 


22(5 


LE  M \H  V-BHAIIATA. 


parna  : abandonne  la  crainte,  Garouda  ! 3,883—3,884. 

» Tu  m’as  méprisée  ; et  pourtant,  mon  ami,  c’est  le 
mépris , que  je  ne  pardonne  pas  ! Puisse  tomber  des 
mondes  le  pervers,  qui  aura  du  mépris  pour  moi  ! 

» J’ai  obtenu  d’arriver  à cette  éminente  perfection 
parce  que  je  fus  méprisée  ainsi,  quoique  dépourvue  de 
tous  les  signes  malheureux,  et  que  j’aie  donné  dans 
mou  cœur  l’hospitalité  à la  probité  des  mœurs. 

3,885—3886. 

» Le  fruit  des  bonnes  mœurs,  c’est  le  devoir  ; le  fruit 
des  bonnes  mœurs,  c'est  la  richesse  ; on  arrive  par  les 
bonnes  mœurs  it  la  prospérité  ; les  bonnes  mœurs  tuent 
l’infortune.  3,887. 

a Va  d’ici,  roi  des  oiseaux,  va  où  te  conduisent  tes  dé- 
sirs : je  ne  dois  pas  être  méprisée  de  toi  : où  sont  d'ail- 
leurs les  femmes,  que  tu  puisses  mépriser?  3,888. 

a Tu  seras  doué , comme  ci-devant , et  de  force  et 
d'énergie.  » Elle  dit;  et  à ce  volatile  renaquirent  des 
ailes  plus  vigoureuses.  3,889. 

» Ayant  reçu  congé  de  la  Çandilide,  il  s’en  alla  comme 
il  était  venu,  et  ne  trouva  pas  les  chevaux  de  la  forme 
exigée.  3,890. 

» Viçvâmilra,  se  rencontrant  sur  sa  route,  vit  Gâlava 
ainsi  porti ; et  le  plus  éloquent  des  hommes  lui  dit  ces 
mots  en  présence  du  Vinatide.  3,891. 

« Voici  le  moment,  brahme,  de  me  faire  le  don  de  cette 
richesse,  que  tu  m’as  promise  ; ou  c’est  ce  que  pense  ta 
sainteté.  3,892. 

» J'attendrai  un  autre  instant,  brahme,  aussi  long-temps 
qu’il  te  faut  pour  achever  heureusement  ce  voyage  : tu 
m'entends?  » 3,893. 


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OUDYÔGA-PARVA. 


227 


» Souparna  tint  ce  langage  à son  ami  consterné , 
plongé  dans  une  profonde  douleur  : « Viens  donc,  Gà- 
lava  ! Nous  délibérerons  plus  tard , 0 le  meilleur  des 
brahmes,  sur  les  paroles,  qu’a  prononcées  Vlçvàmitra  en 
ma  présence.  Tu  ne  peux  l’asseoir  avant  que  tu  n'aies 
donné  complètement  à ton  gourou  la  richesse  demandée.  » 

3,894 — 3,895. 

» Le  plus  excellent  des  oiseaux,  Souparna  dit  alors  à 
Gàlava  contristé  : « Parce  que  hiranya,  l'or,  créé  dans  la 
terre  par  le  feu  et  augmenté  par  le  vent,  soutient  et  sup- 
porte tout,  on  appelle  cette  richesse  hiranmaya , faite  d’or. 

3,890—3,897. 

» La  richesse,  continuellement  sous  l’influence  des 
ProshihapadiU , reste  immortelle  dans  les  trois  mondes  en 
Çoukra  et  Kouvéra.  3,898. 

» (’.oukra  reçut  des  enfants  de  Manou  cette  richesse 
acquise  par  sa  pensée  ; elle  est  conservée  par  les  Roudras, 
His,  Brahma  et  le  Donateur  des  richesses.  3,899. 

» Ainsi,  il  est  impossible  de  l’obtenir  ; et,  sans  cette 
richesse,  qui  ne  doit  pas  être  obtenue,  tu  n'as  aucun 
moyen  d’acquérir  les  chevaux.  3,900. 

» J'ai  pour  ami  un  certain  roi,  né  dans  la  race  de  Lu- 
nus  : demande  là  quelque  chose  à ce  monarque,  issu  de 
la  famille  des  ràdjarshis  et  qui  n’est  pas  le  tourment  de 
ses  sujets  ; c’est  lui,  qui  nous  mettra  au  comble  de  nos 
vœux.  Nous  allons  chez  lui,  son  autorité  s'étend  sur  toute 
la  terre.  3,901—3,902. 

» 11  se  nomme  Yavâti,  le  saint  roi , il  descend  de 
Nahousha,  son  courage  est  une  vérité.  Je  lui  ai  déjà  parlé, 
et,  sollicité  par  ta  sainteté,  il  te  donnera  volontiers. 

» Son  opulence  est  bien  vaste  comme  celle  du  Dieu  des 


228 


LE  MABA-BBARATA. 


richesses.  Sachant  que  telle  est  son  immense  fortune , 
fais-le  se  purifier  par  l’aumône.  » 3,903 — 3,904. 

» Tout  en  causant  ainsi  et  pensant,  comme  ils  pou- 
vaient, ils  arrivèrent  dans  Pratishthâna  chez  Yayâti,  le 
souverain  des  hommes.  3,905. 

» Quand  il  eut  reçu  les  honneurs  de  l'hospitalité,  un 
arghya,  de  l’eau  pour  se  laver  les  pieds,  une  eau  plus 
saine  pour  se  rincer  la  bouche,  le  fils  de  Vinatâ,  inter- 
rogé sur  la  cause  de  sa  venue,  tint  alors  ce  langage. 

« Gàlava,  que  tu  vois,  rejeton  de  Nahousha,  est  mon 
ami  ; c’est  un  trésor  de  pénitences  ; il  fut  le  disciple  de 
Viçvâmitra,  sire,  pendant  des  myriades  d’années. 

3,906—3,907. 

» Congédié  par  son  maître , ce  révérend  lui  dit  : 
« Brahme,  il  est  temps  que  je  donne  un  présent  à mon 
instituteur  spirituel  pour  obtenir  sa  protection.  3,908. 

» 11  en  parla  mainte  fois,  le  gourou  enfin,  connaissant 
la  faiblesse  de  ses  moyens , lui  répondit  avec  un  petit 
mouvement  de  colère  : « Donne-moi  donc  ! 3,909. 

u Donne-moi  huit  cents  chevaux  blancs,  de  noble  race, 
éclatants  comme  la  lune,  avec  une  seule  oreille  noire. 

» Fais  ce  présent  à ton  gourou,  Gàlava,  si  tu  veux 
m’en  faire  un  ! » Viçvâmitra,  l'homme  riche  en  péni- 
tence, parla  ainsi  avec  colère.  3,910 — 3,911. 

» Ne  pouvant  lui  payer  ce  prix  de  ses  leçons,  l'éminent 
brahme  vient,  affligé  d’une  profonde  douleur,  implorer 
l’assistance  de  ta  majesté.  3,912. 

» Quand  il  aura  de  toi,  tigre  des  hommes,  reçu  cette 
aumône,  l’anachorète  aux  grandes  pénitences  s’en  ira, 
libre  d’alarmes,  sûr  de  faire  le  présent  à son  gourou. 

» 11  transportera  sur  ta  majesté  une  partie  de  ses 


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OL'DVOG  \-l’.VllV  A. 


229  * 


mortifications  : déjà  rempli  par  la  pénitence  des  rà- 
djarshis,  tes  aïeux,  il  te  remplira  encore  de  la  sienne. 

3,913 — 3,914. 

» Autant  il  y a de  poils  ici-bas  sur  le  corps  d’un  che- 
val, souverain  des  hommes,  autant  de  mondes  seront 
donnés,  maître  de  la  terre,  à ce  présent  de  chevaux. 

n 11  est  digne  de  recevoir  ce  don,  et  ta  majesté  est  un 
ami  digne  de  le  donner.  Que  ces  deux  choses  soient  ainsi 
l'une  à l’autre  pareilles,  comme  l’eau,  qui  reste  attachée 
au  fond  d’une  coquille.  » 3,915—3,916. 

» A ce  langage  vrai,  supérieur,  qu’avait  tenu  Souparna, 
l’auguste  monarque  Yayâti,  le  souverain  de  tout  Kâçi,  le 
répartiteur  généreux  des  aumônes,  le  sacrifiant  de  mille 
sacrifices,  réfléchit  mainte  et  mainte  fois,  arrêta  sa  réso- 
lution et  prononça  le  discours  suivant  : 3,917 — 3,918. 

a Maintenant  que  je  vois  mon  cher  ami  Garouda,  et 
l'éminent  brahrne  Gàlava,  et  ce  modèle  des  pénitences,  et 
cette  mendicité  glorieuse,  que  tu  m’as  racontée  ; 3,919. 

» Maintenant  que  j’ai  dépassé  tous  les  rois,  nés  dans 
la  race  du  soleil  et  que  je  connais  la  pensée,  qui  vous  a 
conduits  en  ma  présence  ; 3,920. 

» Ma  naissance  porte  aujourd'hui  son  fruit;  je  m’élève 
aujourd'hui  par-dessus  cette  famille  humaine  ; tu  me  fais 
aujourd'hui,  Tàrkshya,  volatile  sans  péché,  franchir  toute 
celte  contrée.  3,921. 

» J’ai  envie  de  raconter,  mon  ami,  comment  tu  ni' as 
connu  jadis,  vje  n’avais  pas  la  richesse,  que  je  possède 
maintenant  ; et  mon  opulence,  mon  ami,  s’était  évanouie. 

» Je  suis  incapable  de  faire  ton  voyage  sans  résultat, 
volatile  ; et  je  ne  puis  rendre  vaine  l’espérance  de  de 
brahrne.  3,922 — 3,923. 


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280 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Je  loi  donnerai  un  présent,  et  il  accomplira  son 
affaire;  le  renvoyer  frustré  de  l'espérance,  qui  l’a  conduit 
ici,  consumerait  ma  famille.  8,024. 

» Il  n'est  rien  au-dessus  de  cette  chose,  fds  de  Vinatâ; 
c’est  appelé  un  grand  crime,  et  rien  n’est  plus  vrai  que 
cette  parole  : >■  11  n'est  rien,  qui  surpasse  ru  monde  la 
perte,  qu'a  faite  l'homme,  de  son  espérance.  3.025. 

» S'il  n’a  point  accompli  son  affaire,  l'homme,  de  qui 
l’espérance  est  étouffée,  ressemble  à nn  mort.  En  ne  fai- 
sant pas  le  bien,  il  tue  ses  fils  et  ses  petits-fils.  3,926. 

» Il  est  né  de  moi  une  vierge,  qui  est  comme  la  fonda- 
trice des  quatre  classes  : elle  ressemble  à une  fille  des 
Dieux  et  elle  est  douée  de  toutes  les  vertus.  3,927. 

» Reçois  de  moi,  Gàlava,  cette  jeune  enfant,  de  qui  la 
beauté  alluma  toujours  les  désirs  des  Asouras,  des  hommes 
et  des  Dieux.  3,928. 

» Les  rois  à cause  d’elle  donneraient,  c’est  assuré,  leur 
monarchie  même  en  dot  ; à plus  forte  raison  donneraient- 
ils  ces  deux  fois  quatre  centaines  de  chevaux  avec  une 
oreille  noire!  3,929. 

* » Que  ta  sainteté  reçoive  de  moi  celle  fille  enivrante  ; 

que  j’aie  des  petiis-fils  nés  de  ma  fille  Voilà,  seigneur, 
quel  est  mon  présent.  3.930. 

a Quand  vous  l’aurez,  le  volatile  et  toi,  reçue  de  ma 
main,  vous  verrez  ensuite!  » Il  dit,  et  Gàlava  s'en  alla 
avec  la  jeune  fille.  3,931. 

» Il  nous  a donné  la  clé  (1)  de  l’écurie,  « fit  l'oiseau. 
A ces  mots,  il  dit  ■ dieu  à l' lier  mi  te,  et  s’en  retourna  dans 
son  palais.  > 3,932. 

(1}  Littéralement:  la  porte  des  chevaux. 


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OCDYOGA-PARVA. 


251 


» Après  le  départ  du  roi  des  oiseaux,  l'anachorète, 
resté  avec  la  jeune  fille,  pensant  A la  puissance  de  l’au- 
mône cher,  les  rois,  vint  les  trouver  pour  tirer  d’eux  une 
dot.  3,033. 

» 11  se  transporta  par  un  acte  de  sa  pensée  dans 
Ayodhyà  cher  lkshwàkou-Haravaçwa,  le  plus  vertueux 
des  rois,  doué  d'une  graude  vigueur  et  maître  d’une 
armée  en  quatre  corps.  3,034. 

» Il  avait  des  troupes,  des  grains  et  des  trésors;  il  était 
aimé  des  habitants  de  ses  villes,  il  était  l'ami  des 
brahines  et  l’amour  de  ses  sujets  ; placide,  il  exerçait  une 
pénitence  supérieure.  3,035. 

» Le  brahrne  Gàlava  de  s’avancer,  et  : « Cette  vierge 
me  fut  donnée,  Indra  des  rois,  dit-il  A Haryaçwa,  pour 
augmenter  de  ses  fils  ta  famille.  3,936. 

» Accepte-la  en  qualité  de  ton  épouse  pour  une  récom- 
pense; je  te  dirai,  Haryaçwa,  quelle  est  cette  récompense; 
et,  quand  tu  le  sauras,  penses-y  bien  1 » 3,937. 

» Le  roi  Haryaçwa,  le  plus  grand  des  monarques,  réflé- 
chit long-temps,  poussa  de  longs  et  brûlants  soupirs,  que 
lui  inspirait  son  désir  d’avoir  des  fils,  et  répondit  à Gà— 
lava  : 3,938. 

o Cette  vierge,  qui  est  grande  dans  les  six  choses 
grandes,  mince  dans  les  sept  minces,  profonde  dans  les 
trois  qualités  profondes,  et  rouge  dans  les  cinq  jolis  objets 
rouges  (1),  3,039. 


(i)  Ces  vers  rappellent  à mon  souvenir  les  neuf  distiques  de  Krauciscus 
Corriger  De  Mulieribut  : je  n’eu  citerai  ici,  pour  cause,  que  les  trois  pre- 
miers : 

Triginta  hæc  babeat,  qute  vult  formosa  vocari, 

Fœmina,  sic  Helenam  f&ma  fuisse  refert. 


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232 


LE  M AH  A-BH  AR  ATA. 


» A laquelle  sont  donnés  beaucoup  de  inondes  des 
Asouras  et  des  Dieux,  qui  réjouit  la  vue  de  plusieurs 
Gandharvas,  qui  est  douée  de  plusieurs  perfections  et  qui 
porte  beaucoup  de  fils  à naître  -,  3,940. 

» Elle  est  capable  de  mettre  au  jour  un  empereur  uni- 
versel, mou  fils!  Promène  tes  yeux  sur  ma  richesse,  et 
dis-moi,  ô le  plus  vertueux  des  brahmes,  quel  est  ce  prix, 
dont  il  faut  te  l'acheter.  » 3,941. 

« Donne-moi,  reprit  Gâlava,  huit  cents  chevaux  blancs, 
éclatants  comme  la  lune,  beaux,  de  noble  race,  et  qui 
aient,  d’un  seul  et  même  côté,  une  oreille  noire.  3,942. 

» Ensuite,  cette  femme  charmante  aux  grands  yeux, 
sera  la  mère  de  tes  fils,  comme  le  bois  sec  de  l'acacia  porte 
les  feux  dans  son  sein,  u 3,943. 

» A ces  mots,  le  roi  Haryaçwa,  le  saint  monarque,  fou 
d’amour,  adressa  ces  paroles  avec  tristesse  à Gâlava,  le 
rishi  des  brahmes  : 3,944. 

u Je  n'ai  pour  le  moment  que  deux  cents  chevaux  de 
l’espèce,  que  tu  me  désignes  ; mais  d'autres  coursiers, 
objets  d'envie,  se  promènent  dans  mes  parcs.  3,945. 

• » Je  veux  engendrer  un  seul  fils  dans  son  sein,  Gà- 

lava  : que  ta  sainteté  ve  ille  bien  m’accorder  cette  faveur 
éminente.  » 3,940. 

» A ces  mots,  la  jeune  vierge  adressa  ces  paroles  à Gâ- 
lava : « Certaine  grâce  me  fut  accordée  |>ar  un  certain 
murmurateurdes  Védas.  3,947. 


Alha  tria,  et  totidem  nigra,  cl  tria  rubra  puella  : 
Tre*  haheat  longag  re»,  totidemque  brèves f 
Très  crassas,  totidem  gracile*  : tria  utricta,  tôt  ainpla, 
Sint  itidem  huic  forma*,  tint  quoque  par  va  tria.. 


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OUDYAGA-PARVA. 


233 


« A chaque  enfant,  que  tu  mettras  au  monde,  tu  resteras 
vierge  ! » m’a-t-il  dit.  Donne-moi  donc  au  roi,  et  reçois 
ses  magnifiques  chevaux.  3,948. 

» Ces  huit  centaines  de  coursiers  seront  par  moi  com- 
plétées avec  quatre  monarques,  et  quatre  fils  me  seront 
ainsi  donnés.  3,949. 

» Arrange  bien  vite  l'affaire  de  ton  instituteur  spirituel, 
ô le  plus  vertueux  des  brahmes  : voilà  quelle  est  mainte- 
nant ma  science  ; ou  c'est,  brahme,  comme  tu  penses.  » 

» A ces  paroles  de  la  vierge,  l’anachorète  Gâlava  tint 
alors  ce  langage  au  maître  de  la  terre,  Haryaçwa  : 

3,950—3,951. 

« Reçois,  Haryaçwa,  celte  jeune  fille  (.engendre  en  son 
sein,  ô le  plus  excellent  des  hommes,  un  seul  fils  pour  un 
quart  de  la  dot.  » 3,952. 

» Celui-ci  reçut  la  vierge,  il  salua  Gàlava,  et,  suivant 
la  convention,  dans  le  temps  et  le  lien,  il  acquit  ce  fils, 
qu’il  desirait  obtenir.  3,953. 

» Le  plus  riche  de  tous  ceux,  qui  possèdent  la  richesse, 
ce  souverain  était  alors  surnommé  Vasoumanas;  il  avait 
l’éclat  de  l’opulence,  et  distribuait  la  fortune  d'une  main 
généreuse.  3,954. 

» Le  sage  Gâlava  s'avança  vers  le  roi  dans  le  moment 
des  couches;  et,  quand  il  fut  auprès  de  lui,  il  dit  à Ha- 
ryaçwa, qui  avait  l’ âme  joyeuse  : 3,955. 

i.  Sire,  il  vient  de  te  naître  un  fils,  jeune  enfant,  sem- 
blable au  soleil  : il  est  temps  que  nous  allions,  ô le  plus 
grand  des  hommes,  solliciter  une  aumône  auprès  des 
autres  monarques.  » 3,950. 

•i  Haryaçwa  se  tint  debout  à cette  parole  de  vérité,  et, 
rappelant  à lui  son  courage,  il  rendit  à l’anachorète  Mà- 


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234 


LE  MAHA-UHUUTA. 


dhavt,  pour  la  difficulté  d’obtenir  ces  chevaux.  3,957. 

» Rentrée  volontairement  dans  sa  virginité  nouvelle, 
Màdhavî,  abandonnant  la  prospérité  flamboyante  du  roi, 
suivit  par-derrière  les  pas  de  Gâlava.  3,958. 

« Las  chevaux,  fit  l’anachorète,  vont  maintenant  dépen- 
dre de  toi  ! » et  il  avança,  accompagné  de  la  jeune  prin- 
cesse,  vers  Divodàsa,  le  souverain  des  créatures.  3,959. 

« Divodàsa,  surnommé  Rhatuaaséna, 'est  un  auguste 
monarque  des  hommes  ; il  possède  une  grande  vigueur; 
il  commande  aux  habitants  de  K&çi,  il  est  le  roi  de  la 
terre.  3,960. 

u Nous  allons  chez  lui  ; avance  lentement  , vierge  émi- 
nente ; ne  t’afflige  pas;  c’est  un  roi  vertueux,  il  est  doué 
de  la  vérité  et  de  la  répression  des  sens.  » 3,961. 

» S’étant  approché  de  lui,  il  en  reçut  les  honneurs  de 
l'hospitalité  suivant  l’étiquette,  et  raconta  au  monarque 
ce  qui  avait  rapport  à la  naissance  d’un  jeune  prince. 

« Je  l’ai  déjà  ouï  dire,  lui  répondit  Divodàsa;  qu'avais- 
tu  besoin  de  parler  avec  ces  détails?  Le  seul  récit,  ô le 
plus  excellent  des  br&hmes,  me  donne  l’envie  de  cette 
affaire,  3,962—3,963. 

» Qui  est  très-estimée  de  moi  ! Car  tu  as  dédaigné  beau- 
coup de  rois  pour  venir  me  trouver Cette  chose  aura 

lieu  bientôt,  sans  doute  ? 3,964. 

n Nous  possédons  cette  richesse  de  chevaux,  Gâlava; 
et  nous  devons  engendrer  au  sein  de  cette  vierge  un  seul 
fils  uniquement.  » 3,965. 

» Quand  il  eut  parlé  ainsi , le  plus  éminent  des 
brahnies  donna  la  jeune  fille  au  monarque  : et  celui-ci 
reçut  la  vierge  de  la  manière  précédente.  3,966. 

» Et  le  saint  roi  jouit  d’elle  comme  le  soleil  de  Pra- 


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OllDYOGA-PARV  A. 


235 


bhâvati,  comme  Agni  de  Swâhâ,  comme  Indra  même  de 
Çatchl  ; 3,967. 

» De  même  que  Limus  de  Rohinl,  de  même  qu’Yama 
d’Oûrmilà,  de  même  que  Varouna  de  Gaàurl,  de  même 
que  Kouvéra  de  Riclhi  ; 3,968. 

' » Comme  Nàrâvana  de  Lakshmi,  comme  l’Océan  de  la 

Gangà,  comme  Roudra  de  Roudraml,  comme  le  Pitàmaha 
de  Dévî  ; 3,969. 

» De  même  que  le  Vaçishthide  jouit  d’Adriçyanthl,  de 
même  que  Vaçishtha  d'Akshamàlâ,  de  même  que  Tchya- 
vana  des  jeunes  Soukanyas,  de  même  que  Poulastva  de 
Sandhyâ;  3,970. 

» Comme  Agastya  de  Vaîdarbhl,  comme  Satyâval  de 
Sâvitri,  comme  Bhrigou  de  Poulomà,  comme  Kaçyapa 
d’Aditl  ; 3,971. 

» Comme  Ritchika  de  Rénoukà,  comme  le  Kouçikide 
d’Hairnavatî,  comme  Vrihaspati  de  Tàrà,  comme  Çoukra 
de  Çataparvâ;  3,972. 

» De  même  que  Bhoùmipati  de  Bhoilmi,  de  même  que 
Pouroûravas  d'Onrvaçl,  de  même  que  Ritchîka  de  Satya- 
vatî,  de  même  que  Manou  de  Saraswail;  3,973. 

» De  même  que  Dousshwanta  de  Çakountalâ,  de  même 
que  l’immortel  Devoir  jouit  de  Dhriti,  de  même  que  Nala 
de  Damayantl,  de  même  que  Nàrada  de  Satyavati  ; 3,97â. 

Comme  Djaratkàrou  de  Djaratkàrou,  comme  Poulastya 
de  Pratitcbyà,  comme  Ournàyou  de  Ménakà,  comme 
Toumbourou  de  Ramblià;  3,975. 

De  même  que  Vâsouki  de  Çatashlrsha,  de  même  que 
Dlianaudjaya  de  Koumarl,  de  même  que  Ràma  de  Sltâ  la 
Vidéhaine,  de  même  que  Djanârddjaya  de  Roukmint  (1). 


(1)  Il  e»l  inutile  d’avertir  que,  depuis  le  trois  mille  neuf  cent  soixante- 


•286 


LE  M iVHA-BHARATA. 


» Màdhavl  mit  au  inonde  un  fils  unique,  Pratarddana, 
pour  le  monarque,  qui  s'ébattait  ainsi  avec  elle. 

» Ensuite  le  vénérable  Gàlava,  quand  le  temps  de  la 
convention  fut  expiré,  vint  trouver  Divodâsa  et  lui  tint  ce 
langage  : 3,976 — 3,977 — 3,978. 

« Que  ta  majesté  me  rende  la  jeune  fille  et  mette  les 
chevaux  à ma  disposition,  afin  que  j'aille  ailleurs,  souve- 
rain de  la  terre,  quêter  une  autre  dot!  i 3,979. 

» Et,  fidèle  à la  vérité  de  la  convention  faite  avec  l'ana- 
chorète, le  vertueux  roi  Divodâsa  lui  remit  la  jeune  prin- 
cesse. 3,980. 

» L’illustre  Mâdbavl  redevint  une  vierge  et,  descendant 
du  trône,  elle  suivit  le  brahrne  Gàlava,  sans  s’écarter  de 
la  vérité  des  conditions  promises.  3,981 . 

» L’hermite,  réfléchissant  et  l’âme  pénétrée  de  son  de- 
voir, s’en  alla  dans  la  ville  de  Bliodja  voir  le  monarque  ( J) 
Ouçtnara.  3,982. 

» 11  s’avance  et  dit  au  roi,  de  qui  le  courage  était  une 
vérité  : « Cette  jeune  vierge  mettra  au  monde  deux  jeunes 
princes,  qui  seront  tes  fils.  3,983. 

» Quand  ta  majesté  aura  engendré  en  son  sein  deux 
fils,  semblables  au  soleil  et  à la  lune,  elle  aura  accompli  - 
toute  sa  destinée,  et  dans  ce  monde,  et  dans  l’autre. 

» 11  faut  me  donner  pour  dot,  ô toi,  qui  connais  tous  les 
devoirs,  quatre  cents  chevaux  d'une  blancheur  éclatante 
comme  la  lune,  ayant  d’un  seul  côté  une  oreille  noire. 

3,984—3,985. 

» Celte  entreprise  est  afin  de  récompenser  mon  itisti- 


neuvième  çloka  inclusivement,  nous  u’avons  plus  ici  que  le  badinage,  d’uu 
copiste,  qui  jouo  av  c sa  mémoire. 

(i)  Littéralement  : fils  (f Ouçinara ; mais,  dans  tout  le  reste  de  la 
narration,  il  est  appelé  Ouf  inara  même,  qui  fut  le  père  de  Çivi. 


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OUDYOG.V-PAKVA. 


237 


tuteur  spirituel  : moi,  qu’ai-je  besoin  de  chevaux?  Si  la 
chose  est  possible,  grand  roi,  qu'elle  soit  faite  sans  ba- 
lancer. 3,986. 

“ Tu  es  sans  postérité,  roi  saint,  engendre,  sire,  deux 
fils  ; sauve  du  fleuve  infernal  et  tes  aïeux  et  ton  Aine  sur 
la  barque  de  ces  fils  ! 3,987. 

» Le  père,  qui  mange  le  fruit  d'un  fils,  n’est  pas  jeté  à 
bas  du  ciel;  il  ne  descend  pas  dans  l'épouvantable  Na- 
raka,  comme  y tombent  ceux,  qui  n’ont  pas  de  fils.  » 

» Dès  qu’il  eut  entendu  ce  langage  et  d'autres  divers, 
qne  lui  tint  Gàlava,  le  roi  Ouçlnara  lui  rendit  cette  ré- 
ponse : 3,988 — 3,989. 

« J’ai  entendu  le  discours,  que  tu  viens  de  prononcer, 
Gàlava  : le  Destin  est  puissant,  et  ma  vie  est  à son  dé- 
clin. 3,990. 

» Mais  je  n’ai  que  deux  cents  chevaux  tels  que  tu  les 
demandes.  Des  milliers  d'autres,  en  bien  grand  nombre, 
se  promènent  dans  mes  para.  3,991. 

» Je  vais  donc  engendrer  en  son  sein  un  fils  seulement, 
Gàlava,  et  j'irai  dans  la  route,  brahme,  où  m’ont  précédé 
mes  devanciers.  3,992. 

, » Que  je  fasse  une  chose  égale  à la  moitié  de  la  dot, 
que  tu  demande *,  <i  le  plus  excellent  des  brahmes  ; ma 
politique  est  de  combler  les  vœux  des  habitants  de  uia 
cité,  non  de  satisfaire  à mon  désir  de  volupté.  3,993. 

» Un  roi,  qui  donne  aisément  les  richesses  d’autrui, 
n’est  rangé,  comme  une  personne  vertueuse,  ni  dans  la 
vertu,  ni  dans  la  renommée.  3,994. 

» Je  recevrai,  comme  ta  sainteté  me  la  donne,  cette 
jeune  fille  vierge,  enfant  des  Dieux,  pour  la  naissance 
d’un  seul  fils.  » 3,995. 


238 


LE  MAHA-BHARATA. 


u Le  plus  excellent  des  brahmes,  Gâlava  rendit,  en 
échange  des  siens,  les  honneurs  au  roi  Ouçinara , qui 
avait  parlé  ainsi  de  la  jeune  fille  ; 3,996. 

» Et,  quand  il  eut  embrassé  les  pieds  du  monarque,  il 
partit  pour  la  forêt.  Le  souveiain,  s’étant  abouché  avec 
la  vierge,  s’ébattit  dans  sa  compagnie  : tel,  dans  les  cieux, 
un  homui  aux  œuvres  saintes  jouit  de  la  félicité. 

» II  s'enivra  de  plaisir  dans  les  grottes  des  montagnes, 
dans  les  cataractes  des  rivières,  dans  ses  pavillons,  dans 
ses  palais  et  dans  les  chambres  d'intérieur,  3,997-3,998. 

» Dans  ses  jardins  admirables,  dans  les  forêts,  dans  ses 
bocages,  dans  ses  délicieux  hôtels  et  sur  les  plaie-formes 
de  ses  châteaux.  3,999. 

» Ensuite,  au  temps  exigé  par  la  nature , lui  naquit 
un  üls,  semblable  au  soleil  enfant  ; il  fut  appelé  du  nom 
de  Çivi  et  fut  un  des  plus  vertueux  rois.  4,090. 

o Le  brahme  Gâlava  revint  auprès  de  lui,  il  reprit  sa 
jeune  princesse;  il  s’était  remis  en  route,  quand  il  vit, 
sire,  l oiseau,  fds  de  Vinatâ.  A, 001. 

» Le  volatile  en  riant  tint  ce  langage  au  solitaire  : 
o Quel  bonheur  de  revoir  ici  ta  sainteté,  brahme,  par- 
venue au  comble  de  ses  vœux  ! » 4,002. 

» Ayant  ouï  ces  mois  prononcés  par  le  Vinatide,  Gâ- 
lava se  mit  à lui  raconter  son  histoire,  entrée  dans  la 
quatrième  partie.  4,003. 

» Souparna , le  plus  excellent  des  êtres  doués  de  la 
parole , répondit  alors  à ce  Gâlava  ; « Epargne-toi  cet 
effort,  car  il  ne  te  réussira  point.  4,004. 

# En  effet,  Gàdi,  le  roi  du  kauyakoubdja  répondi 
ainsi  à Ritchlka,  qui  avait  choisi  pour  épouse  la  jeune 
Satyavati,  sa  fille  : 4,005. 


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OLDVOG  A-PARVA. 


239 


o Révérend,  il  te  faut  me  donner  mille  chevaux  blancs 
comme  la  lune,  mais  ayant  d'un  côté  une  oreille  noire  ! o 
Ce  lurent  là  ses  termes,  Gàlava.  A, 000. 

Soit  ! » répondit  Ritchlkà,  qui  s'en  alla  au  séjour  de 
Varouna  ; puis,  ayant  reçu  des  chevaux  dans  Açwattrtha, 
il  les  donna  au  prince.  4,007. 

» De  ces  coursiers,  les  uns  furent  distribués  aux 
brahuies  par  le  roi  Poundarika  dans  un  sacrifice  ; deux  et 
deux  centaines  vendues  tombèrent  daus  les  mains  des 
princes.  4,00S. 

» Les  quatre  cents  autres,  éminent  brahme,  furent  en- 
levés dans  la  route  (1),  pendant  qu’on  les  amenait. 

» Ainsi,  il  est  impossible,  Gàlava,  d'arriver  jamais  à 
ce  qui  ne  peut  être  atteint.  Donne  à Viçvâmitra  cette 
princesse  comme  une  valeur  égale  à deux  cents  chevaux  ; 
et,  sage,  présente-toi  devant  lui  avec  tes  six  cents  cour- 
siers. Ainsi,  tu  ne  seras  point  accusé  de  folie,  ô le  plus 
excellent  des  brahmes,  et  tu  auras  atteint  ton  but.  » 
u Soit!  » répondit  Gàlava,  qui,  ayant  pris  les.chevaux 
et  la  jeune  fille,  s’en  alla,  accompagné  de  Souparna  à 
l’hermitage  de  Viçvâmitra.  4,009 — 4,0 10 — 4,011 — 4,012. 

« Voilà,  dit-il,  six  cents  chevaux,  qui  sont  dans  les 
conditions  désirées.  Que  la  sainteté  reçoive  cette  jeune 
fille  pour  deux  centaines.  4,013. 

» Les  rois  saints  ont  déjà  engendré  en  son  sein  trois 
vertueux  fils!  Que  ta  sainteté  fasse  naître  dans  elle  un 
seul  fils,  qui  sera  le  quatrième  et  le  plus  grand  des 
hommes.  4,014. 

(t)  Santdra,  q'ii  manque  à loua  les  millionnaire,;  je  le  traduis  par  route, 
traversée,  voyage. 


240 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Que  ta  révérence  accepte  comme  complètes  les  huit 
centaines  de  chevaux;  et  que,  libre  de  ma  dette  à ton 
égard,  je  puisse  à mon  gré  cultiver  la  pénitence.  » 4,015. 

» Dès  que  Viçvâmitra  vit  la  jeune  vierge  et  Gâlava, 
accompagné  du  volatile,  il  tint  alors  ce  langage  : 4,016. 

« Pourquoi  cette  jeune  fille,  Gâlava,  ne  m’a-t-elle  pas 
été  donnée  ici  avant  ce  jour?  J’aurais  d'elle  maintenant 
: quatre  fils,  les  supports  de  ma  famille  ! 4,017. 

» J’accepte  ta  jeune  vierge  pour  me  créer  seulement 
un  fils;  et  que  tes  chevaux,  entrés  dans  mon  hermitage, 
s'y  promènent  de  tous  les  côtés!  » 4,018.  - 

» Viçvâmitra  à la  grande  splendeur  s’ébattit  donc  avec 
elle,  et  son  fils  Ashtaka  fut  engendré  au  sein  de  Mâ- 
dhavl.  4,019. 

» A peine  ce  fils  lui  fut-il  né,  le  grand  anachorète  le 
dota  des  chevaux,  des  biens  et  des  vertus,  dont  un  homme 
puisse  être  doué.  4,020. 

u Ashtaka  grandi  se  dirigea  vers  la  ville,  éclatante 
comme  te  cité  de  Lunus;  et  le  Kouçikide,  ayant  rendu  la 
jeune  fille  à son  disciple , se  relira  dans  les  forêts. 

» Ensuite  Gâlava,  quand  il  eut  gratifié  d'un  présent, 
avec  Souparna,  sa  quadruple  vierge,  lui  dit  avec  l'âme 
satisfaite  : 4,021 — 4,022. 

« 11  est  ué  de  toi  quatre  fils  : l’un,  qui  aime  l'aumône, 
* l’autre,  qui  est  un  héros,  il  le  troisième,  qui  se  complaît 
dans  le  devoir  de  la  vérité  ; et  le  dernier,  qui  se  fait  un 
plaisir  des  sacrifices.  4,023. 

» Va-l-en  maintenant,  fille  à la  taille  charmante  1 
Ton  père  est  sauvé  par  tes  fils;  les  quatre  rois  et  moi, 
vierge  mignonne,  nous  le  sommes  également.  4,024. 

» line  fois  qu'il  eut  congédié  l’oiseau,  dévorateur  des 


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OUDYOGA-PARVA. 


241 

serpents,  et  rendu  la  jeune  fille  à son  père,  Gâlava  de 
s’enfoncer  dans  les  forêts.  A, 025. 

» Ensuite,  conduit  par  le  désir  de  célébrer  le  Stvayam- 
vara  de  sa  fille,  le  roi  s’.'ivançajusqii’àl'hennitage  situé  au 
confluent  du  Gange  et  de  l’Yamounâ.  4,020. 

» 11  fit  monter  dans  un  char  Màdhavt,  qui  portait  des 
guirlandes  de  fleurs  : Pourou  et  Yadhou  couraient  dans 
l’ henni tage  autour  de  leur  charmante  sœur.  4,027. 

» Là , était  une  affluence  considérable  d’hommes 
accourus  de  contrées  diverses,  d’habitants  des  forêts,  des 
arbres,  des  montagnes,  de  volatiles,  de  quadrupèdes  et  de 
Gandharvas,  d’enfants  de  Manou,  d’Yakshas  et  de  ser- 
pents à figure  humaine.  Le  bois  était  rempli  de  souverains 
et  couvert  de  rishis,  semblables  à Brahma.  4,028 — 4,029. 

» Au  milieu  de  ces  prétendants  choisis,  la  noble  vierge, 
dédaignant  tous  les  hommages,  fit  du  bois  son  fiancé. 

» Descendue  de  son  char,  la  fraîche  fille  d’Yayâti  se 
prosterna  aux  pieds  de  ses  parents,  s’élança  dans  la  forêt 
et  s’y  livra  à la  pénitence.  4,030 — 4,031. 

» Par  des  jeûnes,  par  différents  sacrifices,  par  des  pé- 
nitences volontaires,  elle  diminua  le  poids  de  sa  personne, 
et  marcha  avec  le  pas  d’une  gazelle.  4,032. 

» Elle  errait  au  milieu  des  prairies  douces,  amères, 
tendres,  grêles,  vertes  et  semblables  à des  fragments  de 
lapis-lazuli.  4,033. 

» Elle  buvait  l’onde  exquise,  limpide,  savoureuse, 
fraîche  et  pure  des  rivières  saintes.  4,034. 

» Elle  égarait  ses  pas  dans  ces  bois  privés  de  tigres  et 
de  lions,  dans  ces  leurrés  solitaires,  exempts  du  feu,  qui 
dévorait  les  taillis.  4,035. 

» Elle  parcourait  les  forêts  avec  les  antilopes  comme 
vi  10 


LE  MAHA-BHARATA. 


242 

une  gazelle  ; elle  pratiquait  ensevelie  sous  la  continence, 
le  devoir  d’une  grande  macération.  4,036. 

» Après  qu’il  eut  suivi  la  conduite  des  rois  ses  devan- 
ciers, Yayàti,  âgé  de  plusieurs  milliers  d’années,  obéit  à 
la  loi  d’Yama.  4,037. 

» Il  eut,  pour  accroissement  de  sa  race,  Pourou  et 
Yadou , le  plus  grand  des  hommes  ; c’est  sur  eus  que 
s'appuyèrent  le  monde  ici-bas  et  le  iils  de  Nahouaha 
dans  l’autre  vie.  4,038. 

a L'auguste  monarque  Yay&ti  s'éleva  au  ciel,  maître  de 
la  terre  ; et  ce  roi,  semblable  à un  maharshi,  savoura  le 
plus  beau  fruit  du  Swarga.  4,030. 

» 11  s’écoula  un  temps  richement  doué  de  qualités  et 
supputable  par  beaucoup  de  milliers  d'années,  lin  jour  que 
les  saints  rois  étaient  assis  avec  les  plus  grands  des  Ma- 
harshis,  Yayàti,  de  qui  l’âme  était  pénétrée  d'orgueil  et  le 
discernement  offusqué,  se  mit  à mépriser  les  hommes, 
tous  les  chœurs  des  saints  et  les  Dieux  eux-mêmes. 

4,040—4,041. 

» Le  Dieu,  qui  détruit  les  armées,  Çakra  l’aperçut  : 
« Fi  ! fi  donc  1 » lui  disaient  tous  les  râdjarsliis.  4,042. 

a A l’aspect  du  fils  de  Nahousha,  ces  pensées  leur  nais- 
saient dans  l’esprit  : a Quel  est  cet  homme  ? De  quel  roi 
descend-il  ? Comment  est-il  venu  lui-mêmeici  ? 4,043. 

n Par  quelle  œuvre  a-t-il  obtenu  la  perfection  ? Où 
s’est-il  amassé  un  trésor  de  pénitences?  Comment  est-il 
connu  dans  le  Swarga?  ou  par  qui  môme  y est-il  connu?  » 
n Tout  en  roulant  ces  pensées,  les  habitants  du  ciel,  à 
la  vue  du  monarque,  ^interrogeaient  mutuellement  sur 
le  roi  Yayàti.  4,044 — 4,045. 

» Les  gardes  des  palais,  les  préposés  aux  portes  du 


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OUDYOGA-PARVA. 


243 


Swyga  et  les  gardiens  dès]  trônes  par  centaines  l'inter- 
rogent et  lui  disent  : « Nous  ne  te  connaissons  pas.  » 

» Tous,  ils  avaient  dans  ce  moment  le  discernement 
obscurci,  et  ne  reconnaissaient  pas  le  monarque  : en  un 
instant  ce  roi  avait  perdu  sa  vigueur.  4,046 — 4,047. 

» Chassé  de  son  rang  et  de  son  trône,  il  tomba,  vaincu 
par  son  âme  tremblante  et  par  le  feu  du  chagrin,  sa  con- 
naissance égarée,  ses  guirlandes  flétries,  ses  bracelets  et 
ses  pendeloques  rompus,  tons  ses  membres  disloqués,  se 
roulant  de  désespoir,  sa  robe  et  ses  parures  enlevées. 

4,048-4,049. 

» Invisible,  voyant  les  habitants  du  ciel  et  ne  les  voyant 
pas,  les  revoyant  après,  et  ne  les  revoyant  plus,  vide  en 
son  âme  vide,  il  jetait  des  regards  répétés  sur  la  face  de 
la  terre.  4,050. 

« Quelle  mauvaise  pensée,  soulevée  dans  mon  cœur, 
y put  corrompre  la  vertu,  songeait  le  roi,  pour  qué  j’aie 
mérité  d’être  chassé  de  mon  rang?  » 4,051. 

» Les  rois,  et  les  Siddhas,  et  les  Apsaras  virent  alors 
tomber  Yayâti  sans  appui.  4,052. 

» Un  certain  homme,  chargé  du  péché  de  sa  pureté  dé- 
chue, étant  survenu  là,  dit  ces  mots  à Yayâti,  en  pré- 
sence du  souverain  des  Dieux  : 4,053. 

<■  Excessivement  enivré  d'orgueil,  il  n’était  rien  que  tu 
ne  méprisàsses  : tombé  de  ton  arrogance,  fils  d’un  roi, 
tu  n’es  plus  digne  du  Svvarga.  4,054. 

» On  ne  te  connaît  plus  ! Va!  tombe  ! » lui  dit-il  ; et  le 
fils  de  Nahousha  lui  répondit  par  trois  fois  : « Puissé-je 
tomber  au  milieu  des  gens  de  bien  ! » 4,055. 

» Le  plus  fortuné  des  hommes,  qui  possèdent  une  voie, 
au  moment  de  tomber,  peosa  à sa  voie,  et,  dans  un  temps. 


LE  MAHA-BHARVTA. 


244 

qui  eut  la  durée  d’un  clin-d’œil,  il  vit  quatre  rois,  les  plus 
éminents  des  souverains;  c’étaient  Putarddana,  Vasou- 
mânas,  Çivi,  fils  d’Ouçlnara,  et  Ashtaka.  4,056 — 4,057. 

» Ils  rassasièrent  le  monarque  des  Dieux  par  un  sacri- 
fice Vâdjapéya,  et  la  fumée,  sortie  de  leur  holocauste,  s’é- 
leva jusqu’à  la  porte  du  Swarga.  4,058. 

» Yayàti  les  baisa  et  tomba  sur  la  terre.  On  aurait  dit 
un  fleuve  ondoyant  de  fumée , par  lequel  ce  globe  est 
uni  au  Swarga.  4,059. 

» C’est  ainsi  que,  dans  la  chûte  du  Gange  à la  terre, 
le  souverain  du  monde  se  mêle  à ses  flots.  Le  roi  tomba 
au  milieu  de  ses  quatre  fortunés  collègues  au  sommet  des 
honneurs  et  semblables  aux  gardiens  du  monde.  Le  mo- 
narque Yayâti  descendit,  une  fois  arrivée  la  destruction 
de  sa  pureté,  au  milieu  de  ces  quatre  grands  feux  des 
principaux  rois,  semblables  aux  feux  du  sacrifice  ; et  tous 
ces  princes  de  lui  dire,  le  voyant  comme  enflammé  de 
prospérité:  4,060 — 4,061 — 4,062. 

« Qui  est  ta  majesté?  De  qui  es-tu  le  parent  ? De  quel 
pays?  De  quelle  ville  es-tu?  Es-tu  un  Yaksha,  ou  un 
Rakshaka,  ou  un  Gandharva,  ou  un  Dieu?  4,063. 

» Tu  n’as,  certes!  pas  la  forme  d’un  homme I Quelle 

chose  désires-tu  faire  ? » 4,064. 

« Je  suis,  répondit-il,  Yayâti,  le  saint  roi  ! Le  mérite 
de  ma  vertu  évanoui,  je  suis  tombé  du  ciel  : « Puisse  ma 
chûte  se  faire  au  milieu  des  gens  de  bien  ! » ai-je  pensé, 
et  je  suis  tombé  entre  vos  majestés.  » 4,065. 

« Puisse  la  chose  désirée  par  toi,  ô le  plus  éminent  des 
hommes,  lui  dirent  ces  princes,  devenir  une  vérité  pour 
toi  ! Reçois  de  nous  tous  le  mérite  de  notre  devoir  accom- 
pli et  le  fruit  de  nos  sacrifices.  » 4,066. 


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OUDYOGA-PARVA. 


2A5 


« Je  ne  suis  pas  un  brahmc,  à qui  l'on  donne  la  ri* 
chesse  en  présent,  reprit  Yay&ti  ; je  suis  un  kshatrya: 
mon  esprit  n’a  pas  su  garder  la  modestie  dans  la  perte  de 
la  vertu  d'autrui.  » A, 067. 

» En  ce  moment,  ces  rois  virent  Mâdhavl  qui  revenait 
de  suivre  les  usages  des  gazelles;  ils  s’inclinèrent  devant 
elle  et  lui  dirent  : A, 068. 

« Quelle  est  la  cause  de  ta  venue  ? Quel  ordre  de  toi 
nous  faut-il  exécuter  ? Commande-nous,  femme  riche  en 
pénitences  ; nous  sommes  tes  Qls  ! » A, 069. 

» Dès  quelle  eut  entendn  leurs  paroles,  Mâdhavl  fut 
remplie  d’une  joie  suprême  ; elle  s'approcha  de  son  père 
et  se  prosterna  à ses  pieds,  A, 070. 

u Les  toucha  de  son  front,  et  la  femme  ascète  adressa 
la  parole  à ses  fils  : « Ce  sont,  Indra  des  rois,  les  fils  de 
ta  fille,  mes  fils,  qui  ne  te  sont  pas  étrangers.  A, 071. 

» Us  te  sauveront  : cela  fut  aperçu  dès  les  anciens 
temps  : moi,  je  suis  ta  fille,  sire,  Mâdhavl,  laquelle  suit 
la  vie  des  gazelles.  A, 072. 

» J'ai  amassé  le  mérite  de  la  pénitence  ; reçois-en  donc 
la  moitié.  Tous  les  hommes  désirent,  comme  toi,  monarque 
de  la  terre,  obtenir  des  fils  de  leur  fille,  afin  de  participer 
au  mérite  d'un  fils,  a Ensuite,  ayant  incliné  leur  tète 
devant  leur  mère,  tous  ces  princes  rendirent  l'hommage  à 
leur  grand-père  maternel,  et  lui  adressèrent  la  parole. 
Uemplissant  la  terre  de  voix  hautes,  douces,  incompa- 
rables, les  monarques  sauvèrent  leur  aïeul  maternel, 
tombé  du  ciel.  Gàlava,  de  son  côté,  s’étant  approché  du 
souverain,  lui  dit  : A, 073 — A,07A — A, 075 — A, 076. 

« Que  ta  majesté  remonte  au  ciel,  grâce  à la  huitième 
partie  de  ma  pénitence  ! » A, 077. 


ua 


LE  MAHA-BHARATA. 


» A peine  eût-il  reçu  le  congé  de  ces  princes  vertueux, 
le  monarque,  élevé  au-dessus  des  hommes,  monta  vers  le 
ciel,  sans  toucher  la  terre.  4,078. 

» Yayâti  reprit  son  rang  dans  les  cieux;  ses  soucis 
furent  dissipés;  il  revêtit  sa  robe  et  ses  divines  guir- 
landes; il  se  para  de  ses  célestes  atours.  4,079. 

» Doué  d’un  parfum  céleste,  il  ne  loucha  pas  même  la 
terre  de  son  pied.  Ensuite,  Vasoumânas,  appelé  dans  le 
monde  le  Roi-de-l’aumône,  s'adressant  au  roi,  qui  s éle- 
vait dans  les  airs,  prononça  le  premier  ces  paroles  : « Les 
choses  irréprochables  dans  toutes  les  castes,  que  j’ai 
acquises  dans  le  monde,  je  t’en  fais  présent;  que  ta  ma- 
jesté soit  donc  environnée  de  ce  don  I Puisse  le  fruit  mérité 
par  l'aumône  et  le  fruit  mérité  par  la  patience,  puissent 
ces  fruits,  que  j’ai  reçus,  se  reverser  sur  la  tête  de  ta 
majesté  ! » Après  lui,  Pratarddana,  le  plus  excellent  des 
kshatriyas,  articula  ces  paroles  : 

4,080—4,081—4,082—4,083. 

« Comme  il  est  vrai  que  je  me  suis  toujours  complu 
dans  la  pratique  de  mon  devoir  ; comme  il  est  vrai  que  je 
fus  toujours  adonné  à la  guerre,  puisse  la  renommée,  que 
j’ai  acquise  dans  le  monde  et  qui  couronne  la  famille  du 
kshalrya,  4,084. 

o Attacher  à ta  majesté  le  fruit  de  ce  qu’on  appelle 
l’héroïsme  ' » Le  sage  Çivi,  lils  d’Ouçinara,  fit  entendre 
ces  douces  paroles  : 4,085. 

o Comme  il  est  vrai  que  je  n’ai  jamais  prononcé  une 
parole  fausse,  ni  avec  les  enfants,  ni  avec  les  femmes,  ni 
dans  mes  promenades,  ni  dans  les  promesses,  ni  dans  la 
colère,  ni  dans  le  bonheur  ou  dans  l'infortune,  marche 
dans  les  cieux  avec  la  vérité  ! Comme  je  renoncerais  aux 


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OL’DYOGA-PARVA. 


247 


plaisirs,  à mes  oeuvres,  à mon  royaume,  à l’existence, 
mais  & la  vérité  jamais,  marche,  sire,  au  sein  des  airs 
avec  la  vérité  ! Comme  je  pratique  le  devoir  avec  vérité, 
comme  j'honore  le  feu  avec  vérité,  comme  j’ai  satisfait 
Çatakratou,  monte  dans  les  cieux  sur  les  ailes  de  la  vé- 
rité I » Le  roi  saint,  fils  du  Kouçikide  et  de  Màdhavi, 
4,086 — 4,087 — 4,088 — 4,081». 

» Qui  connaissait  le  devoir,  s’approcha  du  fils  de  Na- 
housha,  qui  avait  célébré  plusieurs  centaines  de  sacrifices, 
et  dit  : « Seigneur,  j'ai  des  ombrelles  par  centaines  et 
j’ai  offert  maintes  fois  le  sacrifice  de  la  vache,  4,090. 

» Et  des  sacrifices  Vàdjapéyas  ; que  la  récompense  t’en 
soit  accordée  ! Comme  il  est  vrai  qu’il  n’est  rien,  qui  ne 
doive  être  employé  dans  mes  sacrifices,  ni  richesses,  ni 
joyaux  et  tout  autre  accessoire,  monte  avec  cette  vérité  au 
sein  du  ciel  ! « A chaque  fois  que  ses  petits-fils  adres- 
saient la  parole  au  monarque  des  hommes,  à chaque  fois 
le  roi  abandonnait  la  terre  et  s’élevait  dans  les  cieux. 
Ainsi  tous  ces  princes  s'empressèrent  de  sauver  ensemble 
par  leurs  bonnes  actions  Yay&ti,  précipité  du  Swarga.  Les 
petits-fils,  nés  dans  les  quatres  dynasties  royales  pour 
l’accroissement  de  la  famille,  firent  monter  au  ciel  leur 
aïeul  à la  grande  science  par  leurs  vertus,  leurs  exploits, 
leur  aumône  et  leurs  sacrifices.  [De  laitance  4,091  à la 
ttance  4,096.  • 

u Nous  sommes  les  fils  de  ta  filée,  lui  dirent  ces  rois; 
nous  sommes  doués  de  toutes  les  vertus  et  de  toutes  les 
qualités  royales  ; nous  possédons  tous  les  devoirs  en  nous- 
mêmes;  monte  au  ciel,  sire I » 4,096. 

» Élevé  dans  les  cieux  par  ces  verlueux  princes  aux 
nombreux  présents  honorifiques,  Yayâti,  ayant  pris 


248 


LE  MAHA-BHARATA. 


congé  de  ses  petits-fils,  rentra  dans  le  Swarga.  4,097. 

» Arrosé  d'une  pluie  imprégnée  du  parfum  de  fleurs 
diverses,  embrassé  d'un  vent  pur  aux  senteurs  immacu- 
lées, arrivé  au  lieu  inébranlable,  conquis  par  les  mérites 
de  scs  fils , et  comblé  de  leurs  œuvres,  il  flamboya  d’une 
félicité  suprême.  4,098 — 4,099. 

» Il  fut  accueilli  dans  le  Swarga  avec  joie,  au  son  des 
tambours,  aux  chants  et  aux  danses  des  chœurs  d’Apsa- 
ras  et  de  Gandharvas.  4,100. 

» Célébré  par  les  divers  Tchâranas,  les  rois  saints  et 
les  Dieux,  honoré  d’un  arghya  sublime  et  félicité  par  les 
Divinités,  4,101.  • 

» Quand  il  eut  obtenu  la  jouissance  du  Swarga,  faïeul 
suprême  des  créatures  lui  dit,  portant  avec  ces  paroles  la 
joie  dans  son  âme  placide  et  contente  : 4,102. 

« Augmenté  par  des  œuvres  humaines,  tu  as  rendu  ses 
quatre  pieds  à la  vertu.  Ce  monde  est  impérissable  pour 
toi,  et  ta  renommée  est  indestructible  dans  le  ciel  même  ! 

» Mais  tu  as  empêché  tous  les  habitans  du  Swarga 
dans  le  cours  de  leurs  bonnes  actions,  roi  saint,  et  leur 
âme  fut  enveloppée  d’obscurité.  4,103—4,104. 

» Aussi  ne  te  reconnaissaient-ils  pas,  et,  méconnu 
d’eux,  tu  fus  précipité  du  ciel ; mais  tes  petits-fils  ont  eu 
du  plaisir  à te  sauver;  tu  es  revenu  ici.  4,106. 

» Tu  as  reconquis  par  tes  œuvres  et  tu  as  obtenu  un 
rang  inébranlable,  éterpel,  pur,  sublime,  permanent,  im- 
périssable. » 4,106. 

« Adorable,  il  est  un  doute  pour  moi,  reprit  Yayàti; 
daigne  éclairer  mon  àme.  11  ne  me  sied  pas  que  jet’  adresse 
une  autre  question,  aïeul  suprême  des  mondes.  4,107. 

» J’ai  acquis,  durant  plusieurs  milliers  d’années,  une 


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OUDYOGA-PARVA. 


249 


vaste  récompense  par  la  multitude  de  mes  aumônes  et  de 
mes  nombreux  sacrifices,  accrue  même  par  la  défense  des 
créatures.  4,108. 

» Comment  un  espace  de  temps  si  court  a-t-il  pu  la 
détruire  et  me  faire  tomber  ? Tu  sais,  Adorable,  que  les 
mondes  éternels  furent  créés  pour  moi  I 4,109. 

» Comment  ai-je  pu  voir  tout  cela  s’évanouir,  Dieu  à 
la  grande  lumière  ? » 4,110. 

Brahma  lui  fit  cette  réponse  : 

« Ce  fruit,  que  tu  as  acquis  durant  plusieurs  milliers 
d’années,  par  la  multitude  de  tes  aumônes  et  de  tes  nom- 
breux sacrifices,  accru  même  par  la  défense  des  créa- 
tures; 4,111. 

n 11  fut  détruit  par  cette  faute,  et  c'est  elle,  qui  entraîna 
ta  chûte  : c’est  pour  ton  orgueil,  Indra  des  rois,  que  tu 
fus  méprisé  par  tous  les  hôtes  duSwarga.  4,112. 

i Ce  monde  n’est  pas  immortel  pour  l'orgueil,  roi  saint, 
ni  pour  l'action  de  nuire,  ni  pour  l'abus  de  la  force,  ni 
pour  la  déloyauté,  ni  pour  les  supercheries.  4,113. 

» 11  ne  te  faut  mépriser,  ni  les  plus  grands,  sire,  ni  les 
plus  petits,  ni  les  moyens  : il  n’existe  nulle  part  aucun 
mortel  égal  à ceux,  qui  sont  consumés  d’orgueil.  4,114. 

» Les  hommes,  qui  raconteront  comment  cet  Yaydti 
est  tombé  dans  le  péché  et  s’en  est  relevé,  sauveront,  il 
n’y  a point  à en  douter,  ceux,  qui  sont  engagés  en  de 
mauvaises  routes.  » 4,115. 

» Telles  furent  donc,  maître  de  la  terre,  cette  faute  d’or- 
gueil, où  tomba  jadis  Yayàti,  et  cette  opiniâtre  constance 
dans  la  poursuite  de  sou  but,  que  fit  paraître  Gàlava. 

» lin  homme,  qui  désire  le  bien  doit  écouter  ses  amis, 
qui  ont  le  même  désir.  11  ne  faut  pas  mettre  d'opiniâtreté, 


250 


LE  MAHA-BHARATA. 


car  l’opiniâtreté  fait  se  lever  l'infortune.  4,116 — A, 117. 

» 11  te  faut  donc,  fils  de  Gândhàrl,  abandonner  l’or- 
gueil et  la  colère  ; réconcilie-toi  avec  les  Pândouides , 
héroïque  prince,  et  mets  dejîôté  le  ressentiment.  4,118. 

» Quelque  chose,  qu’il  donne  ou  qu’il  fasse,  quelque 
pénitence,  qu’il  pratique,  ou  sacrifice,  qu’il  offre,  l’au- 
teur n’en  subit  ni  diminution  ni  perte,  et  ne  mange  pas 
un  autre  fruit  que  celui-là.  4,119. 

» L’homme  des  plus  instruits  entre  ceux,  qui  sont 
libres  des  affections  de  la  colère  ; l’homme,  qui,  dans  le 
monde,  les  yeux  fixés  sur  les  trois  qualités  de  la  nature 
morale  ou  les  trois  objets  de  la  recherche  humaine,  ré- 
fléchit mainte  fois  et  tient  ses  regards  sur  cette  grande 
narration  bonne  et  sublime,  possède  entièrement  la  terre.  » 

« Adorable  Nàrada,  cela  est  ainsi  que  tu  le  dis,  répon- 
dit Dhritaràshtra,  et  tels  même  sont  mes  désirs  ; mais,  sei- 
gneur, je  ne  suis  pas  le  maître  ici  ! » 4,120 — 4,121. 

Quand  il  eut  parlé  ainsi,  le  Kourouide  ensuite  adressa 
la  parole  à Krishna  : a Ce  que  tu  m’as  dit,  Kéçava,  est 
conforme  à la  raison,  à la  vertu,  digne  de  ce  monde  et  du 
Svvarga.  4,122 

» Mais  je  ne  dépends  pas  de  moi  ; on  ne  fait  pas,  mon 
fils,  ce  qui  m’est  agréable.  Efforce-toi,  Krishna,  le  plus 
grand  des  hommes,  d’appaiser  l’ignorant  Douryodhana, 
ce  stupide,  le  transgresseur  de  mes  ordres.  11  refuse  d’é- 
couter, guerrier  aux  longs  bras,  une  parole  vertueuse,  qui 
lui  est  dite.  4,123 — 4,124. 

» //  repousse,  Hrishîkéça,  les  paroles  de  Gândhârl,  du 
sage  Vidoura,  de  Bhlshma  et  des  autres,  ses  amis,  qui 
veulent  son  bien.  4,125. 

» Instruis  toi-mèmc  ce  roi  Douryodhana  à l’âme  nié- 


OUDYOGA-PARVA. 


251 


chante,  ou  plutôt  qui  n’a  point  d’âme,  ce  barbare,  à l’in- 
telligence criminelle,  â la  pensée  vicieuse.  4,126. 

« Tu  auras  fait  une  chose  bien  grande,  Djanàrddana, 
et  rendu  un  service  d’ami.  « 4,127. 

Ensuite  le  Vrishnide,  qui  connaissait  la  vraie  natnre  de 
toutes  les  choses  du  devoir,  s’approcha  de  l’irascible 
Douryodhana  et  lui  fit  entendre  ces  douces  paroles  : 

« Douryodhana,  le  plus  grand  des  Kourouides , écoute 
ce  mien  langage,  dirigé  surtout  vers  la  paix  de  ta  majesté 
et  celle  des  personnes,  qui  sont  attachées  à toi,  fils  de 
Bharata.  4,128—4,129. 

» Tu  es  né  dans  une  famille  de  grande  science,  veuille 
ne  pas  rendre  cet  avantage  inutile.  Tu  es  doué  de  l’ins- 
truclion,  tu  es  élevé  par  toutes  les  qualités.  4,130. 

» Tu  n'as  qu'à  parler , mon  fils,  et  ces  hommes  sans 
pudeur,  méchants,  rejetons  de  mauvaises  familles,  ac- 
compliront ce  que  tu  désires.  4,131. 

» On  voit  dans  ce  monde  la  conduite  des  gens  de  bien 
associée  avec  la  vertu  ; on  voit  celle  des  gens  vicieux, 
éminent  Bharatide,  dans  un  sens  tout  opposé.  4,132. 

» Une  vie  toujours  contraire  à la  vertu  se  fit  souvent 
remarquer  en  loi  ; le  vice  est  ici  un  terrible  compagnon  ; 
c’est  un  grand  destructeur  de  la  vie.  4,138. 

b Ayant  évité  cette  infortune,  non  désirée,  sans  cause, 
impossible,  Bharatide,  vas-tu  chercher,  puissant  guerrier, 
à procurer  ton  salut,  celui  de  tes  frères,  de  tes  officiers, 
de  tes  amis  ? T affranchi  ras-tu  de  cette  affaire  inglorieuse 
et  criminelle  ? 4,134  — 4,135. 

b Réconcilie-toi,  tigre  des  hommes,  avec  les  Prithides  ! 
Ce  sont  des  héros  doués  de  science  et  d’instruction,  d’une 
grande  énergie  et  maîtres  d'eux-uiémes.  .4,136. 


252  LE  MAHA-BHARATA. 

a Cela  est  cher  et  agréable  au  sage  Dhritarâshtra,  à 
ton  grand-oncle,  à Drona,  à Vidoura  dans  sa  grande  sa- 
gesse, 5,187. 

» A Kripa,  à Somadatta,  au  prudent  Vàhlîka,  à Açwa- 
thâman,  à Vikarna,  à Sandjaya,  à Vivinçati.  A, 138. 

» Mets  ta  joie  dans  la  paix  de  tes  parents  surtout,  de 
tes  amis  et  de  ce  monde  entier,  fléau  des  ennemis!  5,139. 

» Tu  as  de  la  pudeur,  tu  es  né  dans  une.  noble  race, 
mon  fils,  tu  as  de  l’humanité  et  de  l’instruction  ; montre- 
toi  docile,  éminent  Bharatide,  aux  ordres  de  ton  père  et 
de  ta  mère.  A,1A0. 

» Ce  que  ton  père  t’ordonne  est  ce  que  l’on  regarde 
comme  ton  salut  : tout  être,  une  fois  tombé  au  fond  du 
malheur,  se  rappelle  en  ce  moment  les  ordres  de  son 
père.  5,151. 

n Ta  réconciliation  avec  les  fils  de  Pàndou  sourit  à ton 
père;  qu'elle  le  plaise  aussi,  mon  fils,  le  plus  grand  des 
Kourouides,  à toi  et  à tes  ministres.  5,152. 

» Un  mortel,  qui  repousse  le  conseil,  que  lui  ont  donné 
ses  amis,  a l estomac  brûlé,  comme  s'il  avait  mangé  un 
fruit  encore  vert,  à la  fin  de  la  maturité  des  fruits.  5,153. 

» Quiconque  dans  sa  folie  rejette  un  avis,  auquel  tient 
son  bonheur,  cet  homme  aux  pas  tardifs,  quand  il  a vu  lui 
échapper  la  fortune,  s’attèle  au  char  du  repentir.  1,555. 

» Mais  quiconque,  à peine  entendu  cet  avis  fortuné, 
abandonne  le  sien  aussitôt  et  s'empresse  de  l’exécuter, 
voit  s’augmenter  sa  prospérité  dans  le  monde.  5,155. 

» L’homme,  s’il  supporte  avec  impatience  d'être  con- 
trarié par  le  langage  de  sesamis,  qui  désirent  ce  qui  est  de 
son  intérêt,  apprend  des  nouvelles  malheureuses  et  passe 
au  pouvoir  de  ses  ennemis.  5,156. 


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OUDYOGA-PARVA. 


253 


» Celai,  qui,  sautant  par-dessus  l’avis  des  hommes  de 
bien,  demeure  attaché  au  sentiment  des  gens  vicieux,  ses 
amis  gémissent  un  moment  sur  son  infortune.  A,1A7. 

» L’homme,  qui,  négligeant  ses  ministres  les  plus 
sages,  ne  consulte  que  des  gens  vils,  trouve  sur  ta  roule 
un  malheur  épouvantable  et  n’arrive  point  à le  revomir. 

» L’homme  à la  conduite  légère,  qui  fréquente  le 
vicieux  et  ferme  son  oreille  aux  paroles  des  sages,  ses 
amis,  choisit  les  ennemis  de  sou  compagnon  pour  les 
siens,  fils  de  Bharata  ; la  terre  le  hait  et  l'abandonne, 

» Tu  désires  que  ces  héros,  devant  lesquels  tu  as  semé 
les  obstacles,  6 le  plus  grand  des  enfants  de  Bharata, 
sauvent  ces  autres  guerriers  mal  élevés,  stupides,  inca- 
pables ! A, là8 — A,1A9 — à, 150. 

i>  Quel  autre  homme  sur  la  terre,  ayant  rejeté  des 
héros,  ses  parents,  égaux  à Çakra,  attendrait  d'autres 
gens  son  salut  ? A,  161. 

» Tu  as  sans  cesse  depuis  l’enfance  trompé  les  fils  de 
Kounil  ; et  jamais  les  Pàndouides  à l’âme  vertueuse  n’en 
ont  conçu  de  colère.  A,  152. 

t Dès  leur  enfance,  tu  as  faussement  servi  tes  parents  ; 
mais  ces  princes  renommés,  guerrier  aux  longs  bras,  ont 
répondu  à tes  services  hypocrites  par  de  vrais  services. 

n C’est  ainsi  qu'il  te  faut  aussi  leur  rendre  la  pareille, 
éminent  Bharatide  ; qu’ils  ne  suivent  pas  l’impulsion  de 
la  colère  à l’égard  de  leurs  principaux  parents  I 

A, 153— A.15A. 

» L’association  aux  trois  qualités  de  la  nature  est  le 
commencement  des  sciences,  ô le  plus  grand  des  fils  de 
Bharata  ; les  hommes,  qui  sont  unis  à ces  qualités,  aiment 
le  juste  et  l’utile.  A,  155. 


254 


LE  MAHA-BH  VRATA. 


» Si  l‘on  considère  à part  les  hommes  entrés  dans 
ces  qualités,  le  sage  aime  le  devoir  ; celui,  qui  est  entre 
les  deux,  se  complaît  dans  l’or  et  les  combats  ; le  dernier 
est  attaché  à l’amour  lui-même.  4,156. 

» Le  mortel,  à qui,  vulgaire  pour  les  organes  des  sens, 
la  cupidité  fait  abandonner  le  devoir,  désire,  n'en  possé- 
dant pas  les  moyens,  obtenir  l’utile  et  l'agréable;  mais  il 
périt.  4,157. 

» Quiconque  veut  arriver  à l’or  et  à l'amour,  qu’il 
commence  à tendre  d’abord  au  devoir  : en  effet,  ni  l'or, 
ni  l’amour  ne  s’écartent  jamais  du  devoir.  4,158. 

» On  dit  que  le  devoir  est  lui-même  un  moyen  pour  les 
trois  qualités  de  la  nature.  Quiconque  veut  obtenir,  en 
s’appuyant  sur  lui,  monarque  des  hommes,  ne  tarde  pas 
à s' accroître,  comme  le  feu  dans  un  pré  d’herbes  sèches. 

» Tu  veux  obtenir,  dépourvu  des  moyens,  mon  fds, 
éminent  Bharatide,  l’empire  universel,  environné  de  splen- 
deur, célèbre  au-dessus  de  tous  les  rois.  4,159 — 4,160. 

» Celui,  qui  traîne  une  mauvaise  conduite  parmi  ceux, 
qui  mènent  une  bonne  vie,  se  retranche  lui-même,  sire, 
comme  une  forêt,  que  la  hache  a sapée.  4,161. 

» Ne  désirez  pas  la  destruction  de  l’homme,  que  vous  ne 
pouvez  séparer  de  son  intelligence  ; car  l’intelligence  est 
portée  comme  une  chose  fortunée  en  celui,  de  qui  la  sa- 
gesse est  entière.  4,162. 

» Maître  de  vous-même,  ne  méprisez  rien  autre  chose 
que  le  vil  dans  les  trois  mondes,  fils  de  Bharata  ; à plus 
forte  raison,  ne  méprisez  pas  les  éminents  Pàndouides. 

» Tombé  sous  le  pouvoir  de  la  colère,  l’homme  ne  voit 
plus  rien.  Tout  ce  qui  est  étendu  est  retranché  : vois-en 
la  preuve,  fils  de  Bharata.  4,163 — 4,164. 


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OUDYOGA-PAllVA. 


255 


» Des  gens  pervers  te  peignent  un  combat  avec  les  Pàn- 
douides,  comme  ce  qui  peut  exister  de  plus  heureux  pour 
toi  : mais,  conduit  par  eux  au  bonheur,  tu  atteindras  au 
comble  de  tous  tes  désirs,  4,165. 

» Et  tu  jouiras  de  la  terre,  ô le  plus  grand  des  rois,  con- 
quise par  ces  fds  de  Pândou  ! Ou,  mettant  ces  Pândouides 
derrière  toi,  est-ce  d'un  autre  côté  que  tu  espères 
venir  ta  conservation?  4,166. 

» Tu  as  déposé  le  souverain  pouvoir  en  Douççâsana, 
impossible  à soutenir,  en  Karna  et  dans  le  (ils  de  Soubala  ; 
et  tu  désires  la  prospérité,  Bharatide  ! 4,167.  • 

» Ils  ne  te  siéent,  ni  pour  l’utile,  ui  pour  le  juste,  ni 
pour  la  science  ; encore  moins  sont- ils  les  égaux  des  Pân- 
douides en  courage.  4,168. 

» Tous  ces  rois  ensemble  ne  sont  pas  capables  de  fixer 
dans  un  combat  les  yeux  sur  la  face  irritée  de  Bhima- 
séna.  4,169. 

» Cette  armée  entière  de  princes,  que  voici  près  d’ici, 
ce  Bhishma,  ce  Drona,  ce  Karna,  ce  Kripa,  et  Bhôuri- 
çravas,  le  fils  de  Somadatta,  Açvatthâman  et  Djayadratha, 
tous  ensemble  ne  sont  pas  capables  de  soutenir  une 
bataille  contre  Dhanandjaya.  4,170 — 4171. 

i>  Certes  ! Arjouna  est  invincible  dans  un  combat,  aux 
hommes,  aux  Gandharvas,  aux  Asouras  et  aux  Dieux 
mêmes  ! Si  (1)  tu  es  sage , ne  lui  donne  pas  satisfaction  (2) 
dans  un  combat.  4,172. 

» Que  l’on  montre  dans  l’armée  entière  des  princes  un 


(1—2)  Ce*  deux  mots  tchét  ddhilhâs  m’ont  embarrassé  un  instant  d’au- 
tant plus  que  le  commentateur,  la  grammaire  et  les  dictionnaires,  mémo 
celui  de  BOLblingk  et  Roth,  s'accordent  ici  dans  un  mémo  silence. 


256 


LE  MARA-BHARATA. 


homme  quelconque,  qui  s’en  retourne  heureux  dans  sa 
maison,  après  qu’il  aura  affronté  Arjouna  dans  une  ba- 
taille ! 4,178. 

» Que  l’on  montre  un  seul  homme , qui , Arjouna 
vaincu,  t’ assure  la  victoire,  éminent  Bharalide,  après  la 
destruction  faite  de  son  armée  ! 4,174. 

» Qui  oserait  engager  un  combat  avec  ce  fils  de  Pândou, 
victorieux  dans  le  Khândavaprastha  des  Dieux  réunis  aux 
Gandharvas,  aux  Yakshas, aux  Asouras  et  aux  serpents? 

» On  raconte  de  lui  une  grande  merveille  dans  la.cité 
de  Virâta  : cette  prouesse  ne  suffit-elle  pas  à prouver  un 
seul  fait  et  même  un  grand  nombre  ? 4,175—4,176. 

» N'a-t-il  pas  causé  du  plaisir  dans  un  combat  à Çiva 
lui-mème,  le  grand  Dieu  en  personne  ? Espères-tu  vaincre 
ici  dans  une  bataille  ce  héros  vigoureux,  l'inaflrontable 
Arjouna,  l’invincible,  l'impérissable  Djishnou  ? Mais  qui 
pourrait  espérer,  fût-il  Indra  même  en  personne,  une 
victoire  dans  un  combat  sur  le  fils  de  Prithâ,  secondé  par 
moi  ? L’être,  qui  vaincrait  Arjouna  en  bataille,  peut  lever 
la  terre  à la  force  des  bras,  consumer  dans  sa  colère  ces 
créatures  existantes,  et  précipiter  les  Dieux  mêmes  du 
Tridiva  ! Jette  un  regard  de  pitié  sur  tes  fils,  sur  tes 
frères,  sur  tes  parents,  sur  tous  ceux,  qui  te  sont  unis 
par  un  lien  quelconque.  4,177 — 4,178 — 4,179 — 4,180. 

» Que  cette  élite  des  Bharatides  ne  périsse  pas  à cause 
de  toi  ! Qu’il  reste  quelque  chose  des  Kourouides  ! Que 
cette  famille  ne  s’éteigne  pas  ! 4,181. 

» Ne  sois  pas  appelé  de  ces  noms  : « La  destruction  de 
sa  famille  ! Un  homme,  de  qui  la  gloire  est  perdue  ! o 
Les  héros  te  feront  asseoir  sur  le  trône  du  roi  de  la  jeu- 
nesse, 4,182. 


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OUDYOGA-PARVA. 


257 


» Et  Dhritarâshtra,  ton  père,  le  monarque  des  hommes, 
dans  celui  d’un  grand  empire.  Ne  méprise  pas,  mon  (ils, 
cette  fortune,  qui  s’élève  sur  ton  horizon  et  s'avance  vers 
toi.  A, 183. 

» Rends  aux  Pândouides  la  moi  lié  du  royaume,  et  jouis 
d’une  éminente  félicité.  Quand  tu  auras  opéré  ta  récon- 
ciliation avec  les  fils  de  Pàndou,  et  accompli  la  parole  de 
tes  amis,  goûte  long-temps  une  éclatante  prospérité  dans 
la  joie,  que  te  verseront  tes  amis.  » 4,184—4,185. 

Aussitôt  qu’il  eut  entendu  le  discours  de  Kéçava , 
Bhishma,  le  fils  de  Çântanou,  adressa,  noble  Bharatidé,. 
ces  paroles  à l’impatient  Douryodhana  : 4,186. 

« Tu  as  entendu  ce  langage,  qui  te  fut  dit  par  Krishua  ; 
ne  suis  pas  ta  pensée,  mon  lils,  ne  t’abandonne  pas  au 
pouvoir  de  la  colère.  4,187. 

» Si  tu  n'obéis  pas  5 la  parole  du  magnanime  Kéçava, 
jamais  tu  n'obtiendras,  mon  fils,  ni  le  salut,  ni  le  plaisir, 
ni  le  bonheur.  4,188. 

» Kéçava  t’a  dit,  mon  ami,  une  chose  utile  et  ver- 
tueuse ; accepte-la  dans  son  sens  : ne  détruis  pas  les  créa- 
tures. 4,189. 

» Tu  renverserais  par  ta  méchanceté,  du  vivant  môme 
de  Dbritar&shtra,  cette  prospérité  lumineuse  de  la  famille 
des  Bharalides,  au  milieu  de  tous  les  rois.  4,190. 

« Moi  I » dis-tu  ; mais  tu  rejeterais  de  la  vie  par  cette 
pensée,  et  tes  ministres,  et  tes  parents,  et  tes  frères,  et 
tes  fils,  et  toi-même  I 4,191. 

» Par  ton  mépris  pour  le  discours  de  Kéçava,  plein  de 
sens  et  de  vérité,  pour  les  paroles  de  ton  père  et  celles 
du  sage  Vidoura,  ne  sois  pas,  éminent  Bharatidé,  le  des- 
tructeur de  ta  famille,  un  méchant  homme  un  insensé, 

17 


VI 


268 


LE  MAHA-BHARATA. 


un  être,  qui  marche  en  de  fatales  voies  ; ne  plonge  pas 
dans  un  océan  de  chagrins  ton  père  et  ta  mère  ! » 

Après  lui,  Drona  dit  ces  mots  à Douryodhana,  tombé 
sous  le  pouvoir  de  la  colère  et  poussant  maint  et  maint 
soupir  : à,  192 — 4,193 — 4,194. 

« Kéçava  t’a  adressé  un  discours  joint  au  juste  et  à 
l’utile  : ainsi  l’a  parlé  Bhishma,  fils  de  Çàntanou  ; 
aies  ces  paroles  pour  agréables,  monarque  des  hommes. 

» Tous  deux  instruits,  illustres,  domptés,  pleins  d'in- 
telligence, inspirés  par  l’amour  de  ton  bien,  ils  t’ont  pré- 
senté une  parole  utile  ; liens-la  pour  agréable,  souverain 
des  hommes.  4,195 — 4,196. 

» Observe,  homme  à la  grande  science,  les  choses,  qui 
te  furent  dites  par  Bhishma  et  Drona  ; ne  méprise  pas, 
fléau  des  ennemis,  le  meurtrier  de  Madhou  dans  le  délire 
de  ton  intelligence.  4,197. 

■ Ceux,  qui  t’excitent  à l’action,  ne  pourront  jamais 
dénouer  dans  le  combat,  l'inimitié  des  ennemis  passée 
autour  de  ton  cou.  4,198. 

» Ne  détruis  pas  tes  frères,  tes  fils  et  tes  sujets  entière- 
ment ; sache  que  là  où  sont  Arjouna  et  le  Vasoudévide,  là 
est  aussi  la  force.  4,199. 

b Cette  vérité  est  même  le  sentiment  de  Karna  (1)  et  de 
Bhishma,  tes  amis.  Si  tu  ne  rends  pas  le  royaume,  Bhara- 
tide,  mon  ami,  tu  en  seras  dans  la  suite,  consumé  de 
douleur.  4,200. 

» Cet  Arjouna,  comme  Parasourâma  te  l’a  dit,  est  un 
homme  de  la  plus  grande  puissance  ; et  Krishna,  le  fils 
de  Dévakt,  est  insoutenable  aux  Dieux  mêmes.  4,201. 


(!)  Krishna,  dit  le  texte;  mai»  ce  doit  être  une  faute. 


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Ol'DYOGA-PARVA. 


25» 


» As-tu  rien  dit,  qui  ait  jamais  apporté  ici,  ou  le  plaisir, 
ou  la  joie  ? Fais  tout  ce  qui  t’est  dit  comme  tu  le  désires  ; 
je  ne  puis  t’en  exprimer  davantage,  ô le  plus  grand  des 
fils  de  Bharata.  » 5,202— A, 203. 

Vidoura,  le  fils  de  la  femme  esclave,  fixant  les  yeux  sur 
l’irascible  Douryodhana,  dit  ces  mots  au  fils  de  Dhrita- 
râshtra  au  milieu  de  ces  discours  : 5,205. 

« Je  ne  déplore  pas  ton  destin,  Douryodhana,  taureau 
des  Bharatides  ; niais  je  pleure  sur  ces  deux  vieillards, 
Gândh&rt  et  ton  père,  â,205. 

» De  qui  tu  étais  le  protecteur,  ime  sans  pitié,  et  qui 
vont  marcher  maintenant  sur  la  terre  sans  protection, 
leurs  ministres  immolés,  leurs  amis  tués,  comme  deux 
oiseaux,  à qui  l’on  a coupé  les  ailes  (1).  5,206. 

» Im  main  tendue  pour  demander  l’aumône,  ils  par- 
coureront  tout  ce  globe  en  pleurant  d’avoir  donné  le  jour 
à un  méchant  homme,  un  vicieux,  un  destructeur  aussi 
grand  de  sa  famille.  » 5,207. 

Ensuite  le  roi  Dhritaràshtra  dit  à Douryodhana  assis 
au  milieu  de  ses  frères  et  environné  des  rois  : 5,208. 

« Douryodhana,  écoute  ce  qui  fut  dit  parle  magnanime 
Çaâuri  ; rends  ce  trône  fortuné,  impérissable,  et  qui  n’aura 
pas  (le  fin.  5,200. 

u Grâce  à l’amitié  de  ce  Krishna  aux  travaux  infatiga- 
bles, nous  obtiendrons  au  milieu  de  tous  les  rois  le  cou- 
ronnement de  tous  nos  désirs.  5,210. 

(I)  J’écris  ces  deux  vers  à l’abri  sous  le  dernier  pont  du  collège,  au 

crayon,  sur  mon  calepin Un  violent  orage  de  pluie  et  de  tonnerre;... 

le  ruisseau  m’apporte  tout  le  déluge  tombé  sur  le  village  ; l'eau  bat  lea 
deux  murs  latéraux  de  mon  asile  . ..  je  m’enfuis;  je  glisse  sur  la  torre 

détrempée  ; mes  deux  jambes  sont  dans  le  ruisseau un  demi-jour  de 

perdu!  Fiea-vous  donc  & l’abri  des  ponts  ! (16  juillet.) 


200 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Va,  mon  fils,  va,  accompagné  de  Kéçava,  chez  You- 
dhishthira  : que  ce  voyage  soit  heureux  complètement  et 
rcude  une  parfaite  santé  àtous  les  Bbaratides.  A, 211. 

» Conclus  cette  paix,  mon  fils,  par  l'entremise  du  Va- 
soudévide  : voici  le  temps  venu,  je  pense,  Douryodhana  ; 
ne  méprise  pas  mes  vœux  ! 4,212. 

» Tu  ne  repousseras  point  Kéçava,  sollicitant  cette 
paix,  quand  il  en  dictera  les  conditions  pour  toi.  La  vic- 
toire des  autres  sera  la  tienne,  » 4,213. 

Dès  qu’ils  eurent  entendu  ce  langage  de  Dhritarâshtra, 
Bhlshmn  et  Drona,  également  dans  les  alarmes , d’a- 
dresser à Douryodhana,  qui  résistait  à l'ordre,  ces  pa- 
roles : 4,214. 

h Que  ta  haine  s'éteigne  pendant  que  les  deux  Krishnas 
n'ont  pas  encore  endossé  leurs  armures,  pendant  que  le 
Gândîva  sommeille  en  repos,  pendant  que  Dhaàumya  n’a 
pas  encore  sanctifié  ici  l’armée  ennemie  dans  le  feu  d'un 
sacrifice,  pendant  que  le  héros  Youdhishthira,  l'ami  de  la 
pudeur,  ne  jette  pas  sur  ton  armée  un  regard  de  colère  ! 

» 11  faut  appaiser  ta  haine  avant  que  le  héros,  fils  de 
Kountl,  Bhhnaséna  ne  se  montre  debout  au  milieu  de  ses 
armées.  4,215 — 4,210 — 4,217. 

» 11  faut  appaiser  ta  haine  avant  que  Bhimaséna  victo- 
rieux ne  se  fraye  des  routes  sanglantes  au  milieu  de  ton 
armée,  sa  massue  à la  main!  4,218. 

» 11  faut  appaiser  ta  haine  avant  qu’il  n’abatte  avec  sa 
massue,  homicide  des  héros,  les  têtes  des  guerriers,  mon- 
tés sur  des  éléphants,  tels  qu’on  fait  dans  la  saison  tomber 
les  fruits  mûrs  d'un  arbre!  11  faut  appaiser  ta  haine 
avant  que  Nakoula,  Sahadéva  et  Dhristadyoumna  le 
Prishatide,  Viràta,  Çikhandl  et  le  fils  de  Çiçoupaia,  revêtu 


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OUDYOGA-PARVA. 


261 


de  sa  cuirasse,  avant  que  tous  ces  guerriers  consommés 
aux  rapides  flèches,  n'entrent  dans  nos  armées  comme 
des  crocodiles  dans  le  vaste  Océan  ! 11  faut  appaiser  ta 
haine  avant  que  les  terribles  dards  ne  tombent  dans  les 
corps  délicats  des  maîtres  de  la  terre  ! 11  faut  appaiser  ta 
haine  avant  que  les  flèches  de  fer  lancées  rapidement  par 
des  héros  illustres,  consommés  dans  les  armes,  qui  attei- 
gnent de  loin,  ne  pleuvent  et  ne  s'enfoncent  dans  les 
poitrines  des  guerriers,  oints  d'aloës  et  de  sandal,  ornés 
de  nishkas  d’or  et  de  colliers.  Que  Dliarmarâdja-You- 
dhishthira,  le  plus  grand  des  monarques,  t’accueille,  la 
tète  inclinée  devant  lui  ; et  que  ce  roi  poli  accepte  de  ses 
mains  ton  présent,  enrichi  d’étendards,  de  drapeaux  et 
d’aiguillons  à conduire  les  éléphants  ! (De  la  stance 
4,219  à la  s lance  4,226.) 

» Qu’il  jette  son  bras  sur  ton  épaule  en  signe  de  paix, 
éminent  Bharatidc  ! Et  que  Bhtmaséna,  son  frère,  aux 
longs  bras,  aux  épaules  de  chêne,  te  caresse  tranquille- 
ment assis  sur  un  siège,  et  te  purifie  le  dos  avec  sa  main 
aux  doigts  ornés  de  pierreries,  accompagnées  de  simples 
mêlés  4 des  joyaux?  4,227 — 4,228. 

» Qu’Arjounaet  les  deux  jumeaux,  que  ces  trois,  6 le 
plus  grand  des  Bharatides,  répondent  avec  des  flatteries  à 
tes  paroles  caressantes  pour  la  paix  ! 4,229. 

» Dépose  un  baiser  sur  leur  tète  ! Parle,  seigneur,  à ces 
princes  avec  amour  ! Quand  ils  te  verront  uni  avec  tes 
frères  à ces  héros,  fils  de  Pàndou,  les  souverains  des 
hommes  verseront  des  larmes  de  plaisir.  Que  toute  celte 
félicité  soit  proclamée  dans  les  villes  capitales  des  rois! 
Jouissez  de  la  terre  avec  un  sentiment  fraternel;  et  vis, 
libre  de  soucis.  » 4,230 — 4,231 — 4,232. 


262 


LE  MAHA-BHARATA. 


Dès  qu’il  eut  entendu  ce  langage  dans  l’assemblée  des 
Kourouides,  Douryodhana  répondit  à l’illustre  Vasoudévide 
aux  longs  bras  : à, 233. 

« Quand  ta  majesté  aura  bien  pesé  toutes  ces  choses,  il 
lui  siéra  de  parler,  Kéçava  : en  effet,  si  tu  parles,  c'est 
toujours  moi  que  lu  blâmes.  4,234. 

» Pourquoi  ta  majesté,  quand  elle  a considéré  le  fort  et 
le  faible,  me  blâme-t-elle  toujours  sans  raison,  meur- 
trier de  Madhou,  par  un  langage  dévoué  aux  fils  de  Pri- 
thà?  4,235. 

% 

» Ta  majesté,  Kshattn,  le  roi  même,  l’Atchârya  ou 
mon  grand-oncle,  c'est  moi  seul,  que  vous  blâmez  ; et 
jamais  quelque  prince  autre  que  moi.  4,236. 

b Cependant,  je  ne  vois  nulle  part  ici  aucune  faute  de 
ma  personne  ! Mais  c’est  que  vous  me  haïssez,  vous  tous, 
majestés,  avec  les  rois.  4,237. 

b J’ai  beau  y penser  outre  mesure,  je  ne  vois  pas  une 
offense  si  minime  soit-elle,  que  j’aie  pu  commettre,  Ké- 
çava. 4,238. 

b Dans  un  jeu  survenu  entre  amis,  Çakouni  a gagné  le 
royaume  des  Pândouides  : est-ce  une  mauvaise  action , 
meurtrier  de  Madhou,  dont  il  faille  m’accuser  ? 4,239. 

b Mais  cette  richesse,  que  les  fils  de  Pàndouont  perdue 
à ce  jeu,  ne  leur  fut-elle  pas  rendue  aussitôt  à eux- 
mêmes.  4,240. 

b Si  le  sort  ne  les  a point  favorisés  au  jeu  des  dés,  il  n’y 
a rien  là  qui  soit  notre  faute.  Ensuite  ces  invincibles  l’àn- 
douides,  les  plus  grands  des  victorieux,  sont  allés  en  exil 
au  milieu  des  bois.  4,241. 

b Par  quelle  contradiction  ces  impuissants  Pândouides, 
ardents  comme  des  ennemis,  Krishna,  se  joignent -ils 


OUDYOGA-PARVA. 


203 


à nos  ennemis  pour  nous  opposer  des  empêchements  ? 

n Quelle  faute  avons-nous  commise?  Ou  contre  qui 
d'eux  avons-nous  commis  une  faute  pour  que  les  fils  de 
Pàndou,  secondés  par  les  Srindjayas,  veuillent  immoler 
tes  enfants  de  Dhritarâshtra ? 4,242—  4,243. 

» Abattus,  soit  par  des  actions  cruel  les,  soit  par  de 
terribles  paroles,  la  crainte  ae  pourrait  nous  forcer  A 
nous  courber  ici  devant  Çatakralou  lui-même  ! 4,244. 

» Je  ne  vois  pas,  Krishna,  que  ce  meurtrier  des 
ennemis,  qui  aurait  la  puissance  de  nous  vaincre  dans 
une  bataille,  ait  bien  observé  le  devoir  du  kshatrya. 

» Certes  1 Bhtshma,  et  Kripa.'et  Drona,  elKarnamême 
avec  eux,  ô toi,  qui  as  immolé  Madhou,  ne  peuvent  être 
vaincus  dans  un  combat  par  les  Dieux  ; A plus  forte  raison 
par  les  fils  de  Pândou.  4,245 — 4,24(5. 

» Jetons-nous  un  regard  derrière  nous  sur  nos  devoirs 
dans  la  guerre,  Mâdhava,  la  mort  par  les  armes  nous 
fait  obtenir  le  Swarga  dans  le  trépas  lui-même.  4,247. 

» Voilà  notre  devoir  éternel  de  kshatrya.  Puissions- 
nous,  Djanârddana,  parvenir  dans  une  bataille  à l'honneur 
de  reposer  dans  un  lit  de  flèches  ! 4,248. 

' » Si  nous  méritons  dans  un  combat  la  couche  des 

héros,  on  ne  sera  point  affligé,  Mâdhava,  que  nous  ayons 
refusé  de  nous  incliner  devant  nos  ennemis  ! 4,249. 

» Quel  homme,  né  un  jour  dans  une  noble  famille , et 
qui  vit  avec  le  devoir  du  kshatry  a,  s’il  a considéré  ce  que 
sa  condition  lui  impose,  pourrait  jamais  s’incliner  par  la 
crainte?  4,260. 

v Que  l’action  élève  le  courage,  mais  ne  le  courbe 
jamais  : que  t'hmnmc  rompe  avant  les  articulations  plutêt 
que  de  jamais  s'incliner.  » 4,251. 


264 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Voilà  ce  qu'à  dit  Màtanga,  et  ceux,  qui  désirent  le 
bien,  veulent  conserver  sa  parole.  Un  homme  tel  que 
moi  s’inclinera  devant  les  brahmes  et  le  devoir  ! 4,252. 

» C’est  ce  qu’il  fera  toute  sa  vie  sans  penser  à rien  autre 
chose  : voilà  ce  que  j’estimerai  toujours  le  devoir  des 
kshatryas  ! 4,253. 

» C’ast  mon  père,  qui  jadis  m’a  lui-même  accordé  cette 
portion  du  royaume  ; mais  on  ne  la  reprendra  jamais,  Ké- 
çava,  moi  vivant!  4,254. 

» Tant  que  vivra  le  roi  Dhrilarâshtra,  nous  lui  obéi- 
rons, Djanârddana,  nous,  Mâdhava,  ayant  mis  bas  nos 
armes.  4,265. 

» Ce  royaume,  qu’il  m’a  donné  jadis  à moi,  son  sujet, 
je  ne  le  rendrai  pas  sans  son  ordre  ou  par  crainte,  quand 
je  suis  dans  la  force  de  l’âge.  4,256. 

» I.es  lilsde  Pàndou  ne  parviendront  pointà  me  l’arracher 
dans  ce  moment  que  je  vis,  rejeton  de  Vrishni,  et  que  j’ai 
la  force  des  bras.  4,257. 

» Dût-on  me  tourmenter  avec  la  pointe  d'une  aiguille 
acérée,  Kéçava,  je  ne  rendrai  jamais  la  terre  aux  Pàn- 
douides.  b 4,258. 

Alors  le  Dûçârhain  se  mit  à rire,  et,  les  yeux  troublés  * 
par  la  colère,  il  adressa  ce  langage  à Douryodhana  dans 
l'assemblée  des  enfants  de  Kourou  : 4,259. 

« Tu  obtiendras  la  couche  des  héros  : ce  vten  sera 
exaucé  ! Sois  tranquille  avec  tes  ministres  : un  grand  car- 
nage aura  lieu!  4,260. 

» Voilà  ce  que  tu  penses,  insensé:  <t  Les  Pândouidcs 
ne  contrarieront  pas  mes  désirs  ! » Ecoutez  tout  ce  que  je 
vais  dire  ici,  monarques  des  hommes.  4,201.  • 

» Ton  chagrin  à lu  vue  de  la  fortune  éclatante  des 


OUDYOGA-PARVA. 


265 


magnanimes  fils  de  Pândou,  t’a  fait  malheureusement, 
Bharatide,  délibérer  ce  jeu  avec  le  fils  de  Soubala. 

» Comment  des  parents  vertueux,  bien  estimés,  qui 
marchent  droit,  pouvaient -ils  s’approcher  de  moyens 
déshonnêtes  avec  un  homme  aux  routes  obliques  ! 

A,  262 — 4,268. 

» Le  jeu  des  dés  est  la  perte  de  la  sagesse  pour  les 
gens  de  bien  ; il  ne  manque  pas  d’engendrer  pour  les  gens 
vicieux,  prince  à la  grande  science,  la  division  et  les  mal- 
heurs. A,  264. 

» Voilà  une  épouvantable  infortune,  qui,  grâce  à toi, 
prend  sa  source  dans  le  jeu  des  dés,  parce  que  tu  n’crv  as 
pas  considéré  les  suites  avec  les  hommes  vertueux,  mais 
avec  des  gens  attachés  aux  vices.  4,265. 

» Quel  autre  peut  tourmenter  l’épouse  de  tes  frères  à 
l’égal  de  toi,  qui  fis  amener  dans  l’assemblée  Draâupadl, 
exposée  à tous  les  yeux.  4,266. 

» Cette  épouse  royale  des  (ils  de  Pândou,  elle,  d’une 
noble  naissance,  douée  d’un  caractère  élevé,  plus  chère 
que  l’existence  A tous  ces  princes , elle  fut  ainsi  vexée  par 
toi!  4,267. 

n Tous  les  Kourouides  savent  comment  Douçrâsana 
dans  l’assemblée  des  enfants  de  Kourou  a parlé  aux  héros 
fils  de  Kountî,  quand  ils  partaient  pour  l’exil.  4,26S. 

» Quel  homme  de  bien  pourrait  se  comporter  d’une 
manière  aussi  inconvenante  à l’égard  de  ses  parents,  qui 
ont  toujours  marché  dans  le  sentier  de  la  vertu,  qui  sont 
libres  de  désirs  et  de  qui  la  conduite  est  sans  reproche. 

» Vous  avez  souvent  agi,  toi,  Douçrâsana  et  Karna, 
suivant  la  parole  d’hommes  cruels,  indignes  de  res- 
pect. A,20i) — 4,270. 


'im 


LE  MAHA-BH.ARATA. 


» Tu  as  tenté  les  plus  grands  efforts,  lorsqu'ils  étaient 
adolescents,  pour  les  brûler  avec  leur  mère  dans  Vâranâ- 
vata,  mais  cela  ne  t'a  point  réussi.  A, 271. 

» Les  Pàndouides  alors  ont  habité  un  bien  long  espace 
de  temps  avec  leur  mère , dans  Éltatchakrà,  chez  un 
brabme,  où  ils  vivaient  inconnus.  A, 272. 

» Tu  t’étudias  ensuite  à détruire  les  Pàndouides  par 
tous  les  moyens,  soit  avec  le  poison,  soit  en  les  enchaî- 
nant avec  des  serpents  ; mais  cela  ne  te  réussit  pas 
encore.  A, 273. 

» Après  que  ta  majesté  fut  animée  d’un  tel  esprit, 
agissant  avec  une  conduite  si  fausse  à l'égard  des  fils  de 
Pândou  , comment  ? il  n’y  a pas  eu  une  seule  oüènse  de 
toi  envers  ces  magnanimes  Pàndouides.  A, 27 A. 

» Abattu,  ta  puissance  renversée,  tu  rendras  à ces  (ils 
de  Pândou  la  part  de  l’héritage  paternel,  que  tu  refuses 
aujourd'hui,  pervers,  à leurs  justes  sollicitations  ! A, 275. 

b Auteur  de  plusieurs  crimes  envers  eux,  comme  un 
scélérat,  tu  es  troublé  maintenant  que  tu  te  reconnais  un 
homme  sans  noblesse  à la  conduite  trompeuse.  A, 276. 

« Calme-toi  ! ><  te  disent  mainte  et  mainte  fois  ta  mère 
et  ton  père,  Bhisbma,  Drona  et  Vidoura....  Et  tu  ne  te 
calmes  pas,  seigneur  ! A, 277. 

» La  paix  doit  être  un  immense  avantage  pour  toi  et  le 
(ils  de  Prithà,  pour  tous  les  deux  ensemble;  et  cela  ne  te 
sourit  pas,  sire  ; quelle  autre  chose  prouve  mieux  la  légè- 
reté de  ton  esprit?  A, 278. 

» Tu  n’obtiendras  point  la  joie,  en  mettant  sur  le 
trône  la  parole  de  tes  amis  : tu  fais,  seigneur,  une  chose 
ignomineuse  et  criminelle!  » A, 279. 

Quand  le  Dàçàrhain  eut  achevé  de  parler  ainsi,  Doiç- 


Ditjüîzed  t 


OUDYOGA-PA1W  A. 


267 


çàsana  d’adresser,  au  millieu  de  l’assemblée  des  Kon- 
rouides,  ces  paroles  à l’impatient  Douryodhana  : 4,280. 

« Certes!  si  l’on  ne  se  réconcilie  pas,  sire,  avec  les 
Pândouides,  au  gré  de  leurs  désirs,  les  Kouraviens  te 
livreront,  pieds  et  mains  liés,  au  fils  de  Kountl.  4,281. 

o Bhtshma,  Drona  et  ton  père  nous  abandonneront, 
nous  trois,  moi,  toi-même  et  le  fils  du  Soleil,  aux  enfants 
de  Pândou.  » 4,282. 

A peine  eût-il  entendu  la  parole  de  son  frère,  Sonvo- 
dhana,  le  fils  de  Dhritarâshtra,  se  leva  avec  colère  et, 
poussant  des  soupire  , comme  un  grand  serpent  , il 
sortit.  4,283. 

Le  prince  sans  pudeur,  à la  folle  intelligence,  ne  fit 
nul  cas  de  Vidoura,  du  puissant  monarque  Dhritarâshtra, 
de  Vàhlika,  de  Kripa,  de  Somadatta,  de  Bhishma,  ni  de 
Drona,  ni  de  Djanârddana,  ni  de  ceux-ci  et  de  tous  tes 
autres  réunis  dans  le  conseil  : c’était  l’orgueilleux,  le 
mépris  lui-même  des  personnes  vénérables,  l’homme  sans 
frein  et  mal  élevé!  4,284 — 4,28b. 

Quand  ses  frères  virent  ce  monarque  partir,  ils  sui- 
virent ses  pas;  et  les  rois,  de  tous  les  côtés,  imitèrent  cet 
exemple,  suivis  de  leurs  ministres.  4,286. 

Aussitôt  que  Bhishma,  le  fils  de  Çàutanou,  vit  Dou- 
ryodhana se  lever  en  colère  et  sortir  de  l'assemblée  avec 
ses  frères,  il  articula  ces  paroles  : 4,287. 

« L'ennemi,  bientôt,  rira  dans  le  malheur  de  celui,  qui 
approuve  la  colère  de  cet  homme,  déserteur  du  juste  et 
deTutile.  4,288. 

» Ce  fils  du  roi  Dhritarâshtra  à l’ànie  cruelle,  il  ignore 
les  moyens;  il  est  épris  d’un  vain  orgueil  du  royaume; 
il  suit  le  pouvoir  de  l’avarice  et  de  la  colère.  4,289. 


208 


LIi  MAHA-BHARATA. 


» Toute  cette  classe  de  kshatryas , elle  a mûri  je 
pense,  Djanârddana,  spontanément  pour  la  mort ; car 
tous  ces  princes  l'ont  suivi,  entraînés  par  le  délire,  avec 
leurs  ministres  ! » 4,290. 

Dès  qu'il  eut  ouï  ce  langage  de  Bhtshma,  le  Dàçàrhain 
aux  yeux  de  lotus  bleu  dit  à tous  les  héros,  dont  Drona 
et  Bhtshma  étaient  les  chefs  : 4,291. 

« Tous  les  optiinates  de  Kourou  ont  commis  une  grande 
faute,  en  n'usant  pas  de  la  force  pour  comprimer  ce  prince 
dans  un  sot  orgueil  de  l'empire.  4,292. 

» Je  pense  que  l’affaire,  dompteur  des  ennemis,  est 
parvenue  au  moment  de  son  exécution  : qu’elle  soit  faite 
pour  le  mieux  ! Ecoutez,  princes  sans  péché,  tout  ce 
discours  utile,  que  je  vais  tenir  aux  oreilles  de  vos  excel- 
lences, s’il  plaît  à vos  grandeurs,  Bharatides,  de  m’en 
accorder  la  faveur.  4,293 — -4,294. 

» Kansa,  le  fils  d'Ougraséna,  était  un  prince  aux  mau- 
vaises mœurs,  non  maître  de  lui-mème,  abandonné  de 
ses  parents,  et  qui,  tombé  sous  le  pouvoir  de  la  mort, 
ravit  l’empire  à son  père  vivant,  le  vieux  roi  de  Bhodja. 
Il  fut  tué.  par  moi  dans  un  grand  combat,  à cause  de 
l’amour,  que  j'avais  pour  le  bien  de  ses  parents  ! 

» Ahouka  fut  ensuite  honoré  par  nous,  sa  famille,  et 
Ougraséna,  l'incrément  du  roi  de  Bhodja,  fut  élevé  sur 
le  trône.  4,295—4,296—4,297. 

» Tous  les  Yadouides  abandonnent  alors  Kansa,  livré 
seul  à soi-même;  et  les  Vrishnides,  les  Andhakas  et  les 
fils  de  Bharata,  réunis  ensemble,  augmentent  le  plai- 
sir. 4,298. 

v Le  Pradjâpati,  assis  au  plus  haut  des  cieux,  fit  en- 
tendre sa  parole  sur  ce  grand  combat.  Quand  les  mondes 


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OU  DY  OGA-PARV  A. 


209 


séparés  en  deux  partis  étaient  près  de  succomber  au  mi- 
lieu des  armes  levées,  rejeton  de  Bharata,  le  Dieu  créa- 
teur, l’adorable  auteur  des  mondes,  dit  alors  : 

4,299—4,300. 

« Les  Asouras , enfants  de  Diti , périront  avec  les 
Dànavas;  les  habitants  du  ciel,  les  Adityas,  les  Vasous, 
les  Roudras  vivront.  4,301. 

» Les  llakshasas,  les  Ouragas,  les  Gandbarvas,  les 
hommes,  les  Asouras  et  les  Dieux,  livrés  au  transport  de 
la  colère,  se  donneront  mutuellement  la  mort  dans  cette 
terrible  guerre.  » 4,302. 

» 11  dit  ; et  le  Pradjàpati,  assis  au  plus  haut  des  cieux, 
ayant  réfléchi,  donna  cet  ordre  à Yama  : « Enchaîne  les 
Daltyas  et  les  Danavas;  puis,  donne-les  à Vnrouna!  » 

>.  A ces  mots,  Yama,  sur  l’ordre  du  Très-Haut,  livra  à 
Yarouna  tous  les  Daîtyas  et  les  Dànavas  enchaînés. 

4,303—4,304. 

» Attachés  des  liens  de  la  mort  et  de  ses  propres  liens, 
le  souverain  des  eaux  veille  dans  la  mer,  avec  une  pro- 
fonde attention,  sur  les  Dànavas.  4,305. 

n De  même,  il  faut  enchaîner  Douryodhana,  Douççâ 
sana,  Karna  et  Çakouni,  le  fils  de  Soubala;  qu’ils  soient 
livrés  aux  fils  de  Pàndou!  4,308. 

o On  doit  sacrifier  un  homme  au  salut  d’une  famille, 
une  famille  au  salut  d'un  village,  un  village  au  salut 
d’une  campagne,  et  la  terre  au  salut  de  son  âme  ! 4,307. 

» Si  tu  étouffes  ta  colère  à l’égard  des  Pàndouides, 
sire,  et  si  tu  jettes  Douryodhana  dans  les  fers,  ces  deux 
actions,  ù le  plus  grand  des  guerriers,  sauveront  de  la 
mort  les  kshatryas.  u 4,308. 

» A ce  langage  de  Krishna,  Dhritaràshtra,  le  roi  des 


270 


LE  MAHA-BHARATA. 


hommes,  dit  à la  hâte  ces  paroles  à Vidoara,  qui  savait 
tous  les  devoirs  : 4,309. 

« Rends-toi,  mon  fils,  vers  Gândhàrt,  celle  princesse  à 
la  grande  science,  à la  vue  longue,  conduis-la  ici  ; aidé  par 
elle,  j’appaiserai  l’insensé.  4,310. 

» Si  elle  réussit  à calmer  ce  méchant  à l'âme  dépravée, 
nous  pourrons  nous-mêmes  rester  dans  les  paroles  de 
Krishna,  notre  ami.  4,311. 

» Puisse-t-elle  faire  entendre  un  langage  puissant  et 
montrer  sa  route  à ce  prince  d’une  grande  violence  et 
d’un  esprit  vicieux,  â cet  esclave  de  la  cupidité  ! 4,312. 

» Puisse-t-elle  étouffer  pour  long-temps  cette  grande, 
cet'c  épouvantable  infortune,  que  Douryodhana  fait  peser 
sur  nous,  de  qui  l'empire  semble  indestructible!  » 4,313. 

A peine  eut-il  entendu  ces  mots  du  roi,  Vidoura  de 
lui  amener,  suivant  son  ordre,  Gândhârl  à la  vue  pro- 
fonde. 4,314. 

Dbritaràshtra  lui  dit  alors  : 

« Gândhârl,  l’ambition  fera  perdre  l’empire  et  la  vie 
même  à ton  cruel  fils,  transgresseur  de  mes  ordres.  4,315. 

» Cet  insensé,  tel  qu'un  homme  mal  élevé,  à l’âme 
méchante,  est  sorti  de  l'assemblée  avec  des  gens  vicieux, 
foulant  à ses  pieds  des  paroles  amies.  » 4,316. 

Aussitôt  qu'elle  eut  ouï  ces  paroles  de  son  époux,  Gân- 
dhâri,  l’illustre  princesse,  qui  aspirait  à la  plut  haute 
vertu,  lui  répondit  en  ces  termes  : 4,317. 

« Impose  promptement  tes  ordres  à ce  fils,  qui  a soif  du 
royaume  et  qui  est  malade  d ambition  ; car  le  royaume 
est  impossible  entre  les  mains  d’un  prince  mal-appris, 
qui  détruit  le  juste  et  l’utile.  4,318. 

» Un  homme,  que  l’orgueil  ronge  de  toutes  les  rna- 


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OUDYOGA-PARVA. 


271 


nières,  se  montre-t-il  propre  à l'acquérir?  Dhritarâshtra 
mérite  ici  les  plus  violents  reproches  à cause  de  sa 
tendresse  excessive  pour  son  fils  ! 4,319. 

» 11  t'est  impossible,  sire,  de  le  détourner  par  la  force 
même,  lui,  qui,  versé  dans  la  science  du  crime  et  du  vice, 
en  suit  les  inspirations,  et,  jouet  de  l'orgueil  et  de  l’amour, 
est  à cheval  sur  la  cupidité.  Dhritarâshtra  goûte  le  fruit 
d’un  fils  avide,  méchant,  grossier,  d’une  extrême  violence, 
et  qui  commet  la  folie  de  ne  pas  rendre  le  royaume  à ses 
maîtres  ! Est-ce  qu'un  roi  pourrait  supporter  la  division 
chez  ses  parents?  4,320 — 4,321 — 4,322. 

» Certes  ! les  ennemis  riront  de  te  voir  séparé  d'avec 
ta  famille!  Hait  j'ai  le  pouvoir,  grand  roi,  de  traverser 
ce  déluge  <f  infortunes  par  des  cadeaux  ou  des  flatteries. 
Qui  ferait  ici  tomber  sur  les  siens  le  bâton  du  châtiment?  » 

4,323—4,324. 

D'après  l'ordre  de  Dhritarâshtra  et  la  parole  de  sa 
mère,  Kshattri  fit  rentrer  dans  la  salle  du  conseil  l'iras- 
cible  Douryodhana.  4,323. 

Désireux  d'eutendre  la  voix  de  sa  mère,  les  yeux  tout 
rouges  de  colère,  poussant  des  soupirs  comme  un  serpent 
boa,  il  franchit  de  nouveau  le  seuil  do  la  salle.  4,326. 

Quand  elle  vit  rentré  son  fils,  placé  dans  la  voie  de  l'é- 
garement, Gândhàrt,  le  blâmant,  loi  parla  en  ces  termes 
pour  la  paix  : 4,327. 

« Douryodhana,  écoute  cette  mienne  parole.  Mon  fils, 
ce  qui  te  fut  dit  par  ton  père,  le  plus  grand  des  Bha- 
ratides,  par  Bhtshma,  par  Drona,  par  Kripa  et  Kshattri, 
est  ce  qu'il  y a de  mieux  pour  toi  et  tes  adhérents.  Exécute 
cette  parole  de  tes  amis,  qui  fait  naître  le  plaisir  dans 
toute  son  étendue.  4,328 — 4,329. 


272 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Montre,  en  éteignant  ta  colère,  le  respect,  que  lu 
portes  à Bhishma,  à ton  père,  à inoi-même,  à tes  amis,  de 
qui  le  principal  est  Drona!  4,330. 

n Certes!  il  est  impossible,  prince  à la  grande  science, 
que  tu  obtiennes,  suivant  tes  désirs,  que  tu  protèges  ce 
royaume,  que  tu  en  jouisses,  ô le  plus  excellent  des 
Bharatides.  4,331. 

» Un  roi  aux  sens  indomptables  ne  jouira  pas  de  l’em- 
pire un  long  espace  de  temps  ; c’est  au  monarque  intelli  - 
gent  et  d'une  âme  subjuguée  à défendre  long-temps  un 
empire.  4,332. 

» La  colère  et  l’amour  entraînent  un  homme  loin  des 
affaires  ; mais  un  roi  victorieux  de  ces  deux  ennemis, 
triomphe  aussi  de  la  terre.  4,333. 

» Cette  souveraineté  d’empereur  du  monde  est  grande. 
Les  princes  aux  âmes  méchantes  désirent,  il  est  vrai, 
acquérir  un  royaume,  mais  il  est  impossible  qu’ils  conser- 
vent le  rang  obtenu.  4,334. 

» Quiconque  désire  la  grandeur,  comprimera  ses 
organes  dans  le  juste  et  l’utile  : l’intelligence  augmente 
par  les  sens  comprimés,  comme  le  feu  avec  le  bois. 

» Il  suffit  pour  vous  tuer  de  ces  organes  ingouvernables  ; 
comme  des  chevaux  fougueux,  indomptés,  détruisent  dans 
sa  route  un  mauvais  conducteur  de  chars.  4,335 — 4,336. 

» Quiconque,  ne  s’étant  pas  vaincu  soi-même,  désire 
vaincre,  ou  ses  ministres,  ou  les  ennemis,  voit  ses  forces 
malgré  lui  s’évanouir,  sans  qu’il  ait  vaincu  ses  minis- 
tres. 4,337. 

» Le  prince,  qui  commence  par  employer  contre  soi- 
même  les  formes  de  la  haine,  n’a  point  ensuite  un  vain 
désir  de  triompher  sur  les  ministres  ou  ses  ennemis. 


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OUDÏOGA-PARVA. 


273 


» Quand  elle  a observé  outre  mesure  un  prince  actif, 
aux  9ens  dociles,  qui  a vaincu  ses  ministres  et  qui  tient  le 
châtiment  levé  sur  les  hommes,  qui  se  dépravent,  la  for- 
tune habite  long-temps  chez  lui.  4,338 — A, 339. 

» L’amour  et  la  colère  sont  deux  poissons,  cachés  l’un 
et  l’autre  comme  dans  un  filet  à petites  mailles  : placés 
dans  le  corps,  ils  détruisent  la  science  de  l’homme. 

» Les  Dieux  ferment  l’entrée  du  Swarga  môme  à 
l'homme,  qui  s’élève  au  ciel  avec  ces  deux  sentiments. 
Mais  est-il  d'ailleurs  sans  reproche,  la  colère  et  l’amour 
tremblent,  tout  augmentés  qu'ils  soient  (1). 

4,340 — 4,341. 

» Un  souverain  qui  sait  vaincre  l’amour,  la  colère,  l’a- 
varice, l’hypocrisie  et  l’orgueil,  gouverne  justement  la 
terre,  A, 34 2. 

» Le  monarque,  s’il  désire  le  juste,  l’utile  et  la  perte  de 
ses  ennemis,  doit  veiller  avec  attention  sur  la  guerre  dé- 
clarée à ses  organes  des  sens.  4,343. 

» L’homme,  qui  s’agite  en  vain,  surmonté  par  l'amour 
ou  la  colère,  ne  trouve  de  compagnons,  ni  parmi  les  siens, 
ni  parmi  les  autres.  4,344. 

» Tu  jouiras  heureux  de  la  terre,  mon  fds,  associé  aux 
Pàndouides,  ces  héros  étroitement  unisâ  la  grande  science 
et  qui  moissonnent  les  ennemis.  4,345. 

» Krishna  et  le  fds  de  Pândou,  Arjouna,  sont  invin- 
cibles ; c’est  une  vérité,  mon  fils,  que  t’ont  dite  Bhishma, 
le  fds  de  Çântanou,  et  Drona  au  grand  char.  4,340. 

» Incline-toi  sous  le  grand  bras  de  Krishna  aux  travaux 


(1)  Le  comraenUtcur  ne  semble  pas  avoir  ici  nno  idée  bien  nette  du 
sens  de  ces  mots. 

vi  18 


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274 


LE  MAHA-BH/WRATA. 


infatigables  : Kéçava  en  effet  sera  favorable  au  bonheur 
de  l’un  et  de  l'autre  parti.  4,347. 

» L'homme,  qui  n’est  pas  docile  aux  conseils  de  ses 
amis  instruits,  consommés  dans  la  science  et  qui  ont  l’a- 
mour de  son  bien,  ravit  de  joie  ses  ennemis.  4,343. 

» La  félicité,  mon  fils,  n'est  pas  dans  la  guerre,  ni  le 
juste  et  l’utile  ; encore  moins,  le  plaisir.  On  n'obtient 
pas  toujours  1%  victoire  : n’attache  pas  ton  esprit  4 la 
guerre.  4,340. 

b Dans  la  crainte  d’une  division,  héros  à la  grande 
science,  Bhishma,  et  ton  père,  et  Vâhlika  ont  donné  aux 
fils  de  Pàndou  une  partie  du  royaume.  4,350. 

o Tu  regardes  aux  conséquences  de  ce  don,  parce  que 
tu  jouis  avec  tes  héros,  entièrement  de  la  terre,  dégagée 
de  ses  épines.  4,351. 

n Rends,  comme  il  convient,  dompteur  des  ennemis, 
leur  part  aux  fils  de  Pàndou,  si  tu  veux  posséder  avec  tes 
ministres  la  moitié  de  cette  terre.  4,352. 

» Cette  moitié  de  la  terre,  elle  te  suffit  pour  vivre 
avec  tes  ministres  ! Si  tu  ne  sors  pas  de  ces  paroles  de 
tes  amis,  rejeton  de  Bharata,  tu  obtiendras  la  gloire. 

b Un  combat  avec  ces  Pàndouides  fortunés,  sages  , 
remplis  d'intelligence,  victorieux  des  sens,  te  précipi- 
terait, mon  fils,  du  haut  de  la  félicité.  4,353 — 4,354. 

» Comprime  la  colère  de  tes  amis  et  calme  la  tienne, 
comme  il  convient;  rends  aux  fils  de  Pàndou,  ô le  plus 
grard  des  Bliaralides,  leur  part  du  royaume.  4,350. 

» Qu’il  te  suffise,  hélas!  d’avoir  nourri  cette  haine 
treize  années  : éteins-la , prince  à la  grande  science, 
éleins-la,  augmentée  par  l’amour  et  la  colère.  4,350. 

b Tu  n’auras  pas  la  force  d’enlever  aux  Pàndouides 


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OUDYOGA-PARVA. 


275 


cette  richesse,  où  tu  aspires,  ni  le  fils  du  cocher  au 
ressentiment  inébranlable,  ni  Douççâsana,  ton  frère. 

» Les  créatures  cesseront  d'exister,  pour  sûr,  dans  la 
colère  de  Bhishma,  de  Drona,  de  Kripa,  de  Bhimaséna, 
d’Arjouna  et  de  Dhrishtadyoumna  ! A, 357 — A, 358. 

» Tombé  sous  le  pouvoir  de  la  colère,  n’immole  pas  les 
Kourouides,  mon  fils;  que  pour  toi  cette  terre  n’aille  pas 
entièrement  à la  mort  1 A,  359. 

» Tu  penses,  insensé  : « Bhishma,  Drona,  Kripa  et  les 
autres  combattront  de  toutes  leurs  forces  I » Oui  /mais 
cette  lutte  ne  convient  pas.  A, 360. 

» Égalité  dans  le  royaume  et  dans  la  satisfaction,  c'est 
le  poste,  que  désirent  les  hommes  à l’àme  éclairée.  Entre 
vous  et  les  fils  de  Pàndou,  ce  qu’il  y a de  supérieur,  c’est 
le  Devoir.  A, 361. 

» Si  la  crainte  de  ton  pouvoir,  sire,  force  les  tiens  d’a- 
bonner leur  vie,  ils  ne  pourront,  certes!  fixer  leurs  yeux 
sur  le  visage  d’Youdhishthira.  A, 362. 

*»  On  voit  ordinairement  ici-bas,  dans  les  affaires  des 
hommes,  l'infortune  arriver  par  la  cupidité  : on  a donné 
suffisamment  ici  à cette  cupidité;  calme-toi,  ô le  plus 
grand  des  Bharatides!  » A, 363. 

Mais,  sans  faire  cas  du  discours  sensé,  que  lui  avait  tenu 
sa  mère,  il  sortit  de  nouveau  avec  impatience,  pour  aller 
dans  la  compagnie  des  méchants.  A,36A. 

Hors  de  la  salle,  le  Kourouide  délibéra  avec  le  roi 
Çakouni,  fils  de  Soubala  et  savant  au  jeu  des  dés.  A, 365. 

Voici  le  conseil,  qui  fut  agité  entre  ces  quatre  : Dou- 
ryodhana,  Karna,  Çakouni,  le  Soubalide,  et  Douççà- 
sana  : A, 366. 

« Avant  que  Djanârddàna  aux  rapides  exploits  ne 


276 


LE  MAHA-BHARATA. 


s’empare  de  nous,  avec  l’aide  du  roi  Dhritarâshtra  et  du 
fils  de  Çântanou,  A, 367. 

» Si  nous  pouvions,  de  force,' violemment,  nous  rendre 
maîtres  de  Hrishîkéça  môme,  ce  tigre  des  hommes , 
comme  jadis  Indra  s’est  emparé  du  Virotchanide  ! A, 368. 

» A la  nouvelle  que  le  Vrishnide  est  prisonnier,  les 
fils  de  Pàndou,  l'âme  consternée,  verraient  toute  leur 
force  s’évanouir,  comme  des  serpents,  à,  qui  l’on  a brisé 
les  dents.  A, 369. 

» Ce  prince  aux  longs  bras  est  pour  tous  la  voie,  qu’ils 
suivent,  et  la  joie,  qui  les  enivre.  Ce  héros  magnifique 
de  tous  les  Sàttwatides  tombé  dans  les  fers,  les  enfants 
de  Pàndou,  avec  les  Somakas,  perdront  toute  vigueur. 
Il  faut  donc  enchaîner  ici  ce  Kéçava  aux  rapides  exploits, 
malgré  les  plaintes  de  Dhritarâshtra;  et  nous  combattrons 
ensuite  les  ennemis.  » Le  poète  Sâtyaki,  qui  devinait  la 
pensée  de  l'âme  par  les  gestes  du  corps , ne  tarda  point  à 
connaître  le  dessein  criminel  de  ces  méchants  aux  idées 
scélérates.  Il  sortit  donc,  ayant  à ses  côtés  Hàrddikya,* 
A, 370— A,  371 — A, 372 — A, 373. 

Et  tint  ce  langage  à Kritavarman  : o Rassemble  au 
plus  vite  une  armée,  et,  revêtu  de  ta  cuirasse,  avance-toi 
vers  la  porte  de  l’assemblée,  avec  de  nombreux  esca- 
drons. A.37A. 

» En  attendant,  je  vais  faire  le  rapport  de  cette  chose 
à Krishna  aux  efforts  infatigables.  » Il  dit;  et  le  héros 
entra  dans  la  salle,  comme  un  lion  dans  la  caverne  d'une 
montagne.  A, 375. 

Il  raconta  au  magnanime  Kéçava  le  dessein,  qui  se 
tramait  au  dehors;  il  le  rapporta  ensuite  à Dhritarâshtra 
et  au  sage  Vidoura.  A, 376. 


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C 


OUDYOGA-PARVA. 


277 


Il  leur  répéta,  en  souriant,  le  projet  de  ces  hommes, 
œuvre  blâmée  des  gens  de  bien,  en  dehors  de  l'utile,  de 
l’agréable  et  du  juste  : A, 377. 

u Les  stupides,  ils  veulent  accomplir  une  chose,  qu’ils 
ne  peuvent  jamais  obtenir.  Jadis,  ils  ont  pu  nuire,  ces 
insensés,  ces  âmes  criminelles,  réunis  dans  une  mime 
pensée.  â,378. 

» Mais,  surmontés  par  l’amour  et  la  haine,  suivant 
le  pouvoir  de  l’avarice  et  de  la  colère,  ils  veulent  tuer, 
ces  hommes  à l’intelligence  étroite,  le  prince  aux  yeux  de 
lotus  bleu  ! A, 379. 

» N’esl-ce  pas  " attacher , comme  des  enfants,  comme 
des  idiots,  le  feu  enflammé  dans  un  pan  de  leur  vête- 
ment? » A ces  paroles  de  Sàtyaki,  Vidoura  à la  vue 
longue  dit  au  vigoureux  Dhrilarâshtra,  dans  le  sein  de 
l’assemblée  : « Sire,  tes  fils  sont  tous  environnés  par  le 
mort,  fléau  des  ennemis.  A, 380 — A, 381. 

» Ils  s’efforcent  de  faire  une  œuvre  impossible,  igno- 
minieuse! Ayant  vaincu,  par  la  force,  ce  Poudarikâ- 
ksha,  A, 382. 

» Ne  désirent-ils  pas,  de  compagnie,  jeter  dans  les 
fers  ce  frère  puîné  du  Vasavide  ! Mais,  à peine  auront-ils 
fait  un  pas  vers  ce  tigre  des  hommes,  inaffrontable,  inac- 
cessible, ils  auront  cessé  d’être,  comme  des  sauterelles, 
qui  se  jettent  dans  un  brasier  ! Ce  Pjanàrddana,  qui  a la 
désir  de  les  voir  tous  combattre,  va  les  précipiter  dans 
les  demeures  d’Yama,  tel  que  la  colère  d’un  lion  sur  des 
éléphants!  Que  ton  fils,  l’impérissable,  le  plus  grand  des 
hommes,  ne  commette  jamais  cette  action  blâmable,  cri- 
minelle, et  ne  s'écarte  pas  du  devoir!  » Quand  Vidoura 
eut  achevé  de  parler,  Kéçava  tint  ce  langage. 


278 


LE  MAHA-BHARATA. 


Les  yeux  fixés  sur  Dhritarâshtra,  dans  la  mutuelle 
attention  de  ses  amis  : « Sire,  fussent-ils  même  irrités, 
la  force  de  ces  hommes  serait  impuissante  pour  me  jeter 
dans  les  fers!  4,383 — à, SSA — 4,385 — à, 380  - 4,387. 

» Laisse  ces  hommes  s’emparer  de  moi,  ou  laisse-moi, 
seigneur,  m’emparer  d’eux  ! J’ai  la  force  de  les  comprimer 
tous,  en  dépit  de  leur  colère.  4,388. 

» Puissè-je  ne  jamais  commettre  une  action  blâmable 
et  criminelle!  Oui!  Tes  (ils,  de  qui  la  richesse  des  Pàn- 
douides  enflamment  les  désirs,  seront  forcés  d’abandonner 
leurs  biens  mêmes  ! 4,389. 

» Si  tel  est  leur  désir,  Youdhishthinl  est  au  comble  de 
ses  vœux  ! En  effet,  je  vais  maintenant  les  enchaîner  et 
ceux,  qui  vieunent  après  eux,  Bharatide,  et  les  donner 
aux  enfants  de  Prtthâ!  Est-ce  un  crime?  Mais  c’est  une 
action  blâmable,  née  de  la  colère  et  fille  d'une  pensée 
criminelle,  que  je  ne  dois  pas  commencer  en  ta  présence, 
grand  roi!  Que  ce  Douryodhana  soit  donc  ce  qu’il  veut 
ètrel  4,390—4,391—4,392. 

» Je  t’accorde  la  grâce,  sire , de  tous  ces  malheu- 
reux. » A ces  mots  entendus,  Dhritarâshtra  dit  à Yi- 
doura  : 4,393. 

« Amène  promptement  ici,  Souyodhana,  ce  criminel, 
de  qui  un  royaume  a causé  l'ambition  ; amène-lt  avec  ses 
amis,  avec  ses  ministres,  avec  ses  frères  de  tout  sang, 
■avec  ses  frères  puînés.  4,394. 

* Si  je  pouvais  le  détourner  de  sa  route  I » Kshattri 
fit  ensuite  rentrer,  malgré  lui  dans  la  §alic,  Douryodhana, 
accompagné  de  ses  frères,  environné  des  rois.  Le  mo- 
narque lui  dit  au  milieu  des  souverains,  qui  l’entouraient, 
de  Karna  et  de  Douççàsana  : o Cruel,  tout  plein  de  vices, 


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oudyoga-parva.  . 


270 


qui  n’a  pour  compagnons  que  des  hommes  aux  actions 
basses,  4,395 — 4,396—4,397. 

« Tu  veux  commettre,  associé  4 desamis  scélérats,  une 
œuvre  coupable,  impossible,  infâme,  blâmée  de  tous  les 
gens  de  bien!  4,398. 

» Il  n'y  a qu’un  insensé  pareil  à toi,  l’opprobre  de  sa 
famille,  qui  ait  pu  la  résoudre!  Tu  veux,  aidé  par  des 
compagnons  scélérats,  jeter  dans  les  fers  ce  Poundarika 
inaccessible,  inalfrontable;  mais  c'est  une  action,  que  ne 
pourrait  exécuter,  avec  toute  sa  force,  Indra  lui-même, 
appuyé  par  les  Dieux.  4,399 — 4,400. 

» Tu  désires  le  prendre,  insensé,  comme  un  enfant 
veut  prendre  la  lune;  tu  ne  connais  donc  pas,  Kéçava, 
que  ne  sauraient  soutenir  dans  un  combat,  ni  les  Ou- 
ragas,  ni  les  Asouras,  les  Gandharvas,  les  hommes  et  les 
Dieux!  La  main  ne  peut  saisir  le  vent,  la  main  ne  peut 
toucher  le  soleil  ; 4,401 — 4,402. 

» On  ne  peut  porter  la  terre  sur  la  tête;  aussi  difficile 
est-il  d'arrêter  de  force  Kéçava  ! » Quand  Dhritarâshtraeut 
fini  de  parler,  Vidoura  dit,  fixant  les  yeux  sur  Douryo- 
dhana,  l'irascible  fils  de  Dhritarâshtra  : 4,403 — 4,404. 

« Douryodhana , écoute  maintenant  cette  parole  de 
moi.  A la  porte  de  Saâubha,  un  roi  des  singes,  qui  avait 
nom  Dwivida,  4,405. 

» Désirant  s'emparer  de  Kéçava  et  déployant  contre 
lui  ses  plus  grands  efforts,  ensevelit  ce  meurtrier  de 
Madhou  sous  une  averse  de  pierres.  4,406. 

» Il  ne  put  le  prendre,  et  tu  veux  t'emparer  de  lui  par 
la  force!  Dans  Nirmotcbana,  six  mille  grands  Asouras, 
l’ayant  garotté  avec  des  cordes,  n’ont  pu  le  prendre,  et 
tu  veux  t’emparer  de  lui  par  la  force  ! Un  jour  que 


280 


LE  MAHA-BHARATA. 


Çaàuri  était  venu  au  milieu  des  étoiles  de  l'orient,  Naraka 
avec  les  Dânavas  ne  put  le  prendre,  et  tu  veux  t’emparer 
de  lui  parla  force!  C'est  lui,  qui,  dans  son  enfance,  im- 
mola Çakount  et  Poûtanà.  4,407  — 4,408 — 4.409. 

» C'est  lui,  qui  porta  le  Govardhana  po  r mettre  ses 
vaches  à l'abri  ; c’est  par  lui  que  furent  tués  l'invulné- 
rable Dhénouka  et  le  robuste  Anoûras.  4,410. 

» Ce  fut  lui,  qui  plongea  dans  l’infortune  Açvarâdja  et 
Kança,  Djaràsandha,  Vakra  et  le  robuste  Çiçoûpàla. 

» Il  immola  Vâna;  il  détruisit  les  souverainseu  bataille; 
il  vainquit  le  roi  Varouna  et  le  Feu  à la  vigueur  immense. 

4,411-4,412. 

» 11  défit  l’époux  de  Catch!  en  personne , ce  jour 
qu’il  enleva  des  deux  l’arbre  l’âridjâta.  Il  fait  tout,  sans 
être  fait  lui-même,  il  est  la  cause  dans  son  humanité  (1). 

» Çaàurl  fera,  sans  aucun  effort,  tout  ce  qu’il  désire 
faire.  C’est  lui,  qui,  pendant  son  sommeil  dans  la  grande 
mer,  immola  Madhou  et  Raitabha.  4,413 — 4,414. 

» C'est  lui,  qui  terrassa  Hayagrîva,  venu  une  seconde 
fois  à la  naissance.  Ne  sais-tu  pas  qu’il  est  Govinda, 
l’impérissable,  à l'épouvantable  valeur,  4,415. 

» L'Être  sans  reproche,  de  qui  la  colère  est  semblable 
à celle  du  serpent  et  qui  est  une  masse  de  splendeur  ? 
Si  tu  affrontes  Krishna  aux  longs  bras,  aux  efforts  infati- 
gables, tu  cesseras  d’être  aujourd’hui,  toi  et  tes  ministres, 
comme  une  sauterelle,  qui  s’est  jetée  dans  le  feu  ! » 

4,410-4,417. 

Après  qu’il  eut  ainsi  parlé,  le  vigoureux  Kéçavn,  l'im- 


(I)  Ce  sein  nom  e«t  pertonncl  ; «loi  do  courage,  qui  e»t  la  «ignifl- 
cation  ordinairodu  mot,  padtnvushon,  serait  ici  un  non-sens. 


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OUDYOGA-PARVA. 


281 


molatcur  des  héros  ennemis,  adressa  ces  mots  à Douryo- 
dhana,  le  fils  de  Dhritarâshtra  : A, A1S. 

« Je  suis  seuil  » penses-tu,  Souyodhana,  et  c'est  pour 
cela  que  tu  me  méprises,  homme  à l’intelligence  bien 
étroite,  et  que  tu  veux  t'emparer  de  moi.  A,  A 19. 

» Ici,  sont  tous  les  fils  de  Pândou  avec  les  Vrishnides 
et  les  Andhakas;  ici,  sont  les  Adityas,  les  Roudras,  les 
Vasous,  accompagnés  des  sept  grands  rishis  ! » A, A 20. 

A ces  mots,  Kéçava  de  pousser  un  bruyant  éclat  de 
rire  ; et  treize  flammes  de  feu  ayant  la  grandeur  du  pouce 
et  semblables  aux  éclairs,  sortirent  de  la  bouche  riante  du 
magnanime  Çaàuri.  Brahma  se  tint  sur  son  front , 
Roudra  sur  sa  poitrine.  A, 421 — 4,422. 

Les  gardiens  du  monde  étaient  sur  ses  bras  ; Agni  s’al- 
luma dans  sa  bouche;  là,  étaient  les  Adityas,  lesSadhyas, 
les  Vasous  et  les  deux  Açwins,  les  Maroutes  avec  Indra, 
les  Viçvadévas  et  les  formes-unes  de  Rakshasas,  des  Gan- 
dharvas  et  des  Yakshas.  4,423 — 4,424. 

Sankarshanaet  Dhanandjaya  se  manifestèrent  sur  ses 
deux  avant-bras  : Arjouna  à droité,  avec  son  arc,  et  Bala- 
râma  à gauche,  tenant  le  soc  de  charrue,  son  arme. 

Par  derrière  était  Bhlmaséna,  Youdhishthira  et  les 
deux  fils  de  Madrl,  les  Andhakas  et  les  Vrishnides,  ayant 
à leur  tête  Pradyoumna.  4,425 — 4,426. 

» Au-dessus  de  lui  se  tenaient  les  grandes  armes  levées  : 
la  conque,  le  tchakra,  la  massue,  la  lance  de  fer,  t arc 
Çàrnga,  le  soc  de  charrue  et  son  sabre  Nandaka.  4,427. 

On  voyait,  partout  flamboyantes,  toutes  ses  armes 
levées  dans  les  mille  bras  de  Krishna.  4,428. 

De  ses  yeux,  de  sou  nez,  de  ses  oreilles,  de  tous  les 


282 


LE  MAHA-BHARATA. 


côtés,  s’échappaient,  avec  la  plus  sinistre  épouvante,  des 
flammes  de  feu,  mêlé  avec  la  (umée  ; 4,429. 

Et  des  pores  de  sa  peau  jaillissaient  des  rayons  comme 
la  lumière  du  soleil.  A peine  eurent-ils  vu  cette  personna- 
lité effrayante  du  magnanime  Kéçava,  tous  les  rois, 
l’âme  tremblante,  de  fermer  soudain  les  yeux,  excepté 
Drona,  Bhlshma,  Vidoura  à la  haute  sagesse,  le  vertueux 
Sand  aya  et  les  saints  aux  riches  pénitences,  à qui  l'ado- 
rable Djanârddana , pour  le  contempler , donna  un 
regard  d’une  vision  céleste.  4,480 — 4,431 — 4,432. 

A l’aspect  de  cette  grande  merveille,  accomplie  sur  Mâ- 
dhava  dans  la  salle  de  l’assemblée,  les  tambours  des 
Dieux  battirent  des  roulements  et  une  pluie  de  fleurs 
tomba  du  ciel  sur  la  terre.  4,433. 

« Ta  majesté  est  bonne  pour  tout  le  monde,  prince  aux 
yeux  de  lotus  bleu,  lui  dit  Dbritaràshtra  ; ainsi  daigne,' 
ô le  plus  excellent  des  Yadouides,  m’accorder  ta  faveur. 

» La  lumière  est  dérobée  à mes  yeux,  Adorable  : je  te 
supplie  de  les  éclairer.  Je  désire  contempler  ta  divinité  ; 
je  n’ai  pas  envie  de  voir  ici  une  autre  personne.  » 

4,434-4,435. 

Alors  Djanârddana  aux  longs  bras  tint  ce  langage  à 
Dbritaràshtra  : s Que  deux  autres  yeux  te  soient  donnés, 
rejeton  de  Kourou.  4,436. 

» On  verra  donc  ce  nouveau  prodige  : Dhritarâshtra  avec 
des  yeux  clairvoyants,  qu’il  a obtenus  du  Yasoudévide  par 
le  désir  de  contempler  sa  forme  céleste  ! » 4,437. 

Saisis  d’étonnement,  les  rois  virent  Dhritarâshtra  assis, 
ayant  recouvré  la  vue,  et  célébrèrent,  avec  les  rishis,  le 
meurtrier  de  Madhuu.  4,438. 


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OUDYOGA-PARVA. 


283 


Toute  la  terre  trembla,  la  mer  fut  agitée  et  les  princes, 
éminent  Bharatide,  furent  jetés  au  comble  de  l’admira- 
tioTi.  A, 439. 

Ensuite,  ce  tigre  des  hommes  diminua  son  corps  ; et 
telle  fut  l'illusion  merveilleuse,  divine,  dont  s’était  accru 
jusqu’au  prodige  ce  dompteur  des  ennemis.  4,44 0. 

11  prit  de  sa  main  Sâtyaki,  le  fils  de  Hrïddikya  ; puis, 
ayant  reçu  congé  des  rishis,  le  meurtrier  de  Madhou  sortit 
de  la  salle.  4,441. 

Nârada  et  les  autres  saints  disparurent  et  s’en  allèrent. 
Ce  fut  comme  une  grande  merveille,  qui  était  née  au  milieu 
de  ce  tumulte.  4,442. 

Aussitôt  que  les  enfants  de  Kourou  l’eurent  vu  partir, 
ils  suivirent  avec  les  rois  ce  tigre  des  hommes,  comme  les 
Dieux  suivent  les  pas  de  (jatakratou.  4,443. 

Sans  penser  à toute  cette  couronne  de  rois,  Çaâuri  à 
l'âme  infinie  était  sorti  comme  un  feu  enveloppé  de  sa 
fumée.  4,444. 

Puis,  apparut  Dàrouka  sur  son  grand  char,  attelé  de 
Çaîvya  et  de  Sougrîva,  enveloppé  d’un  filet  d’or,  environné 
de  clochettes  retentissantes,  bruyant  comme  le  nuage, 
couvert  de  la  dépouille  d’un  tigi-e,  éclatant,  léger,  riche- 
ment orné  et  muni  d'un  rebord  pour  empêcher  les  chocs. 

4,445 — 4,44(5. 

Le  héros  Kritavarman  monta  sur  le  char,  et  le  guerrier, 
estimé  des  Vrishnides,  Hârddikya,  fut  exposé  à tous  les 
yeux.  4,447. 

Le  puissant  Dhritarâshtra  adressa  de  nouveau  ce 
langage  au  victorieux  Çaàuri,  assis  sur  son  char  et  sur  le 
point  de  son  départ  : 4,448. 

«Tu  m’as  vu  employer,  Djanârddana,  tout  ce  que  j’ni 


284 


LE  MAHA-BHARATA. 


de  force  sur  mes  fils  : tout  fut  exposé  devant  toi  ; il  n'y 
eut  rien  de  caché  à tes  yeux,  héros  formidable.  4,440. 

» Voyant  que  tels  sont  mes  sentiments,  que  je  désir? la 
. paix  des  Kourouides,  et  que  j'y  consacre  mes  efforts,  ne 
veuille  donc  pas  me  soupçonner  injustement.  4,450. 

» Ce  projet  criminel  à l'égard  des  Pândouides,  Kéçava, 
ce  n'est  pas  moi,  qui  l’ai  inspùé.  Tu  connais  aussi  le  lan- 
gage, que  j'ai  tenu  à Souvodhana.  4,451. 

» Tous  les  Kourouides  et  tons  les  rois,  maîtres  de  ia 
terre,  savent,  Mâdhava,  que  j’ai  employé  tous  mes  efforts 
pour  la  paix.  » 4,452. 

Le  héros  aux  longs  bras  répondit  à Dhritarâshtra,  le 
roi  des  hommes,  à Drona,  à Bhtshma,  l'aïeul  des  Kou- 
rouides, 4 Kshattri,  à Vâhllka  et  à Kripa  : 4,453. 

u L’insensé  Douryodhana  s'est  élevé  avec  colère  , 
comme  un  homme  mal  appris , dans  l'assemblée  des 
enfants  de  Kourou  ; et  ce  fait  s’est  passé  en  présence  de 
vos  grandeurs.  4,454. 

» Dhritarâshtra,  le  maître  de  la  terre,  a parlé  lui- même 
à cette  âme  sans  frein  : je  dis  adieu  à toutes  vos  excel- 
lences, je  retourne  vers  Youdhishthira.  » 4,455. 

Leurs  adieux  faits  à Krishna,  partant,  monté  sur  son 
char,  il  fut  suivi  par  ces  héros  aux  grands  arcs,  les  plus 
excellents  des  Bharatides,  Bhtshma,  Drona,  Kripa,  Kshat- 
tri, Dhritarâshtra,  le  Vàhlika,  Açwatthâman,  Vikarna  et 
Youyoutsou  au  grand  char.  4,456—  4,457. 

Alors,  monté  sur  son  char  vaste,  éclatant,  enuronnéde 
clochettes,  Krishna,  sous  les  yeux  des  Kourouides,  s'en 
alla  visiter  la  sœur  de  son  père.  4,458. 

Entré  dans  son  palais,  il  se  prosterna  à ses  pieds  ; et, 
quand  il  se  fut  assis,  elle  de  lui  demander  ce  qui  s'était 


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OUDYOGA-PARVA. 


285 


passé  dans  l'assemblée  des  enfants  de  Kourou.  A, 459. 

« Les  rishis  et  moi,  répondit  le  Vasoudévide,  nous 
avons  tenu  des  discours  de  différentes  sortes,  pleins  de 
sens,  très-acceptables;  mais  l'insensé  ne  voulut  pas  les 
recevoir.  4,400. 

» Tout  ce  qui  suit  le  pouvoir  de  Douryodhana  est  mûri 
spontanément  pour  la  mort;  je  te  fais  mes  adieux,  noble 
dame!  je  vais  retourner  promptement  vers  les  (ils  de 
Pàndou.  4,401. 

» Que  dirai-je,  de  la  part  de  leur  illustre  mère,  à ces 
fils  de  Pândou?  Conte-moi  cela,  dame  à la  grande  science; 
je  prête  l’oreille  à tes  paroles!  » 4,402. 

«Répète,  Kéçava,  au  vertueux  roi  Youdhishthira  : « Le 
plus  graud  des  devoirs  est  abandonné  de  toi  ! n’agis  pas 
en  vain,  mon  fils.  4,403. 

n Ton  intelligence,  ignorante  et  vide  de  la  connais- 
sance des  choses,  succombe,  sire,  faute  du  support  des 
Védas,  comme  celle  de  l’homme  instruit.  L’intelligence 
ne  voit  que  le  devoir  seul.  4,404. 

» Eh  bien  I considère  le  devoir,  toi,  puisque  tu  es  une 
création  de  l'Être-existant-par-lui-même;  il  créa  de  ses 
bras  le  kshatrya,  parce  qu’il  vit  de  la  force  des  bras. 

« Toujours  dans  la  défense  des  créatures,  il  est  fait 
pour  des  exploits  cruels.  Écoute  ici  un  exemple,  que 
m'ont  raconté  les  anciens.  4,405 — 4,400. 

» Kouvéra,  satisfait  de  sa  conduite,  donna  jadis  cette 
terre  au  saint  roi  Moutchoukounda  ; mais  celui-ci  ne 
voulut  point  la  recevoir.  4,407. 

« Puissé-je  posséder  un  royaume,  conquis  par  la  force 
de  mes  bras  : tel  est  mon  désir  ! » Le  Viçravanide,  joyeux, 
sourit  et  agréa  cette  demande.  4,408. 


280 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Le  roi  Moutchoukounda  ensuite  de  gouverner  sage- 
ment, adonné  au  devoir  du  kshatrya,  la  terre,  qu’il  devait 
à la  force  de  ses  bras.  4,469. 

» Car,  si  les  sujets  marchent  ici-bas  dans  le  sentier  du 
devoir,  les  rois  savent  bien  les  défendre.  Le  roi,  fils  de  * 
Bharata,  doit  obtenir  la  quatrième  partie  de  ce  devoir. 

» Si  un  roi  suit  la  vertu,  sire,  il  est  semblable  à toi; 
s’il  marche  sur  les  pas  du  vice,  il  tombe  dans  le  Naraka 
même.  4,4 70 — 4,471. 

» Une  sévère  politique  force  les  quatre  classes  à rester 
dans  leurs  devoirs;  appliquée  sagement  par  le  maître,  elle 
donne  ces  castes  aux  vertus.  4,472. 

» Quand  un  roi  s’adonne  entièrement  à une  saine  poli- 
tique, alors  ici-bas  règne  le  temps,  qui  est  le  meilleur  des 
âges  et  qu’on  appelle  Krita.  4,473. 

» Le  siècle  est  la  cause  du  roi  ou  le  roi  est  la  cause  du 
siècle,  dit-on  ; mais  qu’il  n’y  ait  pas  ici  pour  toi  sujet  à 
un  seul  doute  : le  roi  est  la  cause  de  l’âge.  4,474. 

» Un  roi  est  le  créateur  de  l’âge  Krita,  de  la  Trétà  et 
du  Dwâpara;  un  roi  est  aussi  la  cause  du  quatrième 
âge.  4,475. 

n Un  roi,  s'il  est  auteur  de  l’âge  Krita,  jouit  sans  bornes 
du  Swarga;  est-il  auteur  de  l’âge  Trétâ,  sa  jouissance  du 
Swarga  est  limitée.  4,476. 

» S’il  a commencé  le  Dwâpara,  il  n’a  qu’une  part  du 
ciel  ; comme  il  mange  sans  borne  le  fruit  du  vice,  quand 
il  a donné  naissance  à l’âge  Kali.  4,477. 

» Le  pervers  habite  des  annéesinfinies  dans  le  Naraka; 
le  monde  est  infecté  par  la  contagion  du  roi,  et  le  roi  par 
la  contagion  du  monde.  4,478. 

» Considère  les  vertus  royales,  accoutumées  de  ton 


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OUDYOGA-PARVA. 


287 


père  et  de  tes  aïeux  : la  route,  où  tu  désires  entrer,  n’est 
pas  celle,  que  suivirent  les  rois  saints.  4,479. 

u L’homme,  qui  reste  fidèle  aux  sentiments  d’huma- 
nité, n’est  pas  mêlé  aux  troubles  de  l’âme;  on  goûte  un 
certain  (1)  fruit,  qui  naît  de  la  défense  des  peuples. 

» Ni  Pândou,  nimoi,  ni  ton  aïeul  ne  les  avons  gouvernés 
ainsi  : ils  étaient  pourvus  de  l’intelligence,  que  jadis  tu 
possédais  toi-même.  4,480 — 4,481. 

» J’ai  toujours  estimé  le  sacrifice,  l’aumône,  la  péni- 
tence, le  courage,  la  science  et  des  enfants,  la  grandeur 
d’âme,  la  force  et  l’énergie.  4,482. 

» Toujours  fortunées  Swâhà  et  Swadhâ,  toujours  les 
hommes  et  les  Dieux,  que  je  me  suis  rendus  pieusement 
favorables,  m’ont  accordé  une  vie  longue,  la  richesse  et 
des  fils.  4,483. 

» Le  culte  des  Dieux,  l'aumône,  la  lecture,  le  sacrifice, 
la  défense  de  leurs  sujets  : voilà  ce  que  toujours  un  père 
et  une  mère  recommandent  à leurs  fils.  4,484. 

» Tu  sais  par  ta  naissance,  Krishna,  si  le  discours,  que 
je  prononce,  est  mauvais  ou  bon  ; mais  la  faim,  mon  fils, 
a tourmenté  les  savants  Pàndouides  nés  dans  ma  fa- 
mille. 4,485. 

» Oui  ! parcourant  la  terre  et  souffrant  de  la  famine,  ils 
arrivèrent  chez  le  héros  Dànapati,  et,  rassasiés  de  nourri- 
ture, ils  continuèrent  leur  voyage.  Est-il  une  vertu  supé- 
rieure à celle-là?  4,480. 

» Un  homme  vertueux,  qui  a obtenu  un  royaume  ici- 
bas,  recevra  de  tous  les  côtés  une  chose  par  l’aumône, 

(!)  Au  lieu  de  kintchinna,  Nllâkanta  écrit  kintchana,  offaçant  avec 
raison  celte  négation,  qui  fait,  dans  le  texte  de  Calcutta,  un  malheureux 
contre-sens. 


288 


LE  MAHA-BHARATA. 


une  autre  par  la  force,  une  autre  par  la  vérité.  4,487. 

» Que  le  brahme  cultive  l'aumône,  que  le  kshatrya 
veille  à la  sûreté  des  sujets,  que,  le  valçya  travaille  pour 
l’acquisition  des  richesses,  que  le  ç.oûdra  les  serve  tous  ! 

» 11  t’est  refusé  de  mendier,  l’agriculture  même  ne  te 
sied  pas  ; tu  es  kshatrya,  tu  sauves  par  tes  blessures  ; la 
vigueur  de  tes  bras  compose  tes  moyens  d’existence. 

4,488—4,480. 

« Soulève  ce  timon  et  porte-le,  mais  souviens-toi  qu’il 
est  fait  pour  des  chevaux  de  noble  sang.  Déploie  ta 
vigueur,  montre  ta  fierté,  sache  que  le  courage  est  ton 
lot.  4,490. 

» Retire  par  les  caresses,  la  division,  les  cadeaux, 
l’emploi  de  la  force  et  la  politique,  guerrier  aux  longs 
bras,  l’héritage  paternel  de  cette  mer,  où  il  est  plongé. 

» Après  que  je  t’ai  donné  la  vie,  à toi,  le  plaisir  de  mes 
amis,  être  forcée  de  jeter  mes  yeux  sur  la  nourriture  venue 
d'une  autre  main,  est-il  pour  moi  rien  de  plus  douloureux  ? 

4,491—4,492. 

» Combats  avec  le  devoir  des  rois,  ne  te  plonge  pas  au 
milieu  des  ancêtres  ; et,  ta  vertu  détruite,  n’entre  pas  avec 
tes  puînés,  dans  la  route  des  criminels.  4,493. 

» Ici,  l’on  raconte,  fléau  des  ennemis,  cet  antique 
itihâsa  : l’objurgation  de  Vidoulà  à son  fils  (1).  » 

(1)  Nous  entrons  dans  un  épisode,  marqué  des  signes  * au  commencement 
et  à la  fin,  dan*  un  morceau  difficile,  ardu,  obscur,  hérissé  d'obstacles  et 
d'épines,  où  les  dictionnaires  et  les  grammaires  deviennent  inutiles,  où  l'on 
ne  marche  plus  que  d'un  pas  chancelant,  embarrassé,  circonspect,  et  d'un 
pied  craintif,  faiblement  éclairé  par  la  douteuse  lumière  du  commentateur. 
Le  style,  tant  s'en  faut  ! n'est  plus  celui  des  autres  parties  du  poème.  A 
quel  siècle  appartient  ce  langage  souvent  énigmatique?  Dans  quelle  province 
s’est  faite  cette  grave  interpolation!  grandes  questions,  qui  seront  long- 
temps débattues  après  nous  ! 


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OÜDYOGA-PARW. 


289 


u (*)  Cette  daine  illustre,  née  dans  une  noble  famille, 
mais  irritée,  voulut  bien  me  raconter  dans  toute  son  éten- 
due ce  qu’il  y avait  de  plus  vertueux  dans  celte  histoire. 

» Cette  Vidoulâ  était  domptée  ; elle  avait  une  vue 
longue  ; elle  se  complaisait  dans  les  devoirs  du  kshatrya; 
elle  était  estimée,  instruite,  ayant  écouté  maint  discours 
dans  l'assemblée  des  rois.  4,494 — 4,495 — à, MHS. 

» Elle  se  nommait,  dis-je,  Vidoulâ  : c'était  une  princesse 
qui  avait  reçu  la  consécration  sur  son  front  ; elle  adressa 
des  reproches  à son  propre  lils,  qui  dormait,  l’âme  abattue, 
vaincu  par  le  roi  desSindhiens  : 4,497. 

« Toi,  qui  n’es  pas  mon  fils,  qui  n’es  pas  né  de  mon 
sein,  qui  augmente  la  joie  de  tes  ennemis;  toi,  à qui,  ni 
ton  [>ère,  ni  moi  n'avons  donné  le  jour,  où  es-tu  mainte 
nant  allé  ? 4,498. 

» Homme  sans  nul  ressentiment,  qui  ne  mérites  pas 
d'être  compté , eunuque  stérile , qui  es  sans  aucune 
espérance,  porte  aussi  long-temps  que  durera  ta  vie,  le 
joug  d’un  heureux  vainqueur.  4,499. 

» Ne  te  méprise  pas,  ne  conçois  pas  de  cet  homme  la 
moindre  peur  ; et,  quand  tu  te  seras  fait  une  âme  forte, 
ne  tremble  pas  et  réprime  ton  effroi.  4,500. 

» Lève-toi,  homme  vil,  ne  dors  pas,  quand  tu  as  été 
vaincu  ; ne  verse  pas  la  joie  à tous  tes  ennemis  et,  sans 
orgueil,  ne  fais  pas  du  chagrin  le  partage  de  ta  famille. 

» Mauvaise  rivière  bien  remplie,  ca\  ité  toute  pleine  de 
rats,  homme  bas  à l’âme  contente,  tu  es  satisfait  de  bien 
peu  de  chose  1 4,501 — 4,502. 

» Ne  vas  point  à la  mort,  comme  un  coursier,  qui  a brisé 
les  dents  d’un  serpent  : tombé  dans  le  péril  de  ta  vie, 
exerce  là  même  ton  courage.  4,503. 
vi 


19 


290 


LK  MAHA-BHARATA. 


» Que  tes  rivaux  chantent  victoire  ou  se  taisent  (1), 
imite  le  faucon,  qui,  sans  crainte  clans  les  cieux,  où  il 
tournoie,  épie  le  côté  faible  de  ses  ennemis,  4,504. 

» Pourquoi  es-tu  couché  là,  comme  un  mort,  comme 
une  personne,  que  la  foudre  a frappée?  Lève-toi,  homme 
lâche , et  ne  dors  pas  , quand  ton  ennemi  est  victo- 
rieux ! 4,505. 

» Infortuné,  qui  es  allé  à ton  couchant,  puissent  tes 
oreilles  n’être  pas  frappées  du  bruit  de  ses  exploits!  Ne 
sois,  ni  parmi  les  moyens,  ni  parmi  les  derniers,  ni  au 
plus  bas  rang.  Vaincu,  relève-toi  ! 4,506. 

» Resplendis,  ne  (ût-ce  qu’un  instant,  comme  une  tor- 
che d’ébénier;  et,  semblable  au  feu  sous  des  cosses  de  riz, 
que  le  désir  de  la  vie  ne  te  fasse  pas  jeter  une  fumée  sans 
flamme.  4,507. 

» 11  vaut  mieux  flamboyer  un  instant  que  jeter  long- 
temps une  raine  fumée.  Dans  le  palais  d'un  roi  quel- 
conque, n'engendrez  pas  un  mortel  violent,  mais  un  esprit 
doux.  4,508. 

» 11  crée  un  champ  de  bataille,  il  exécute  un  exploit 
digne  d’un  homme,  et  il  obtient  alors  un  suprême  acquit- 
tement de  sa  dette  au  devoir  ; il  n’encourt  pas  de  repro- 
ches mérités  par  lui-même.  4,509. 

» Qu’il  ait  acquis  ou  non,  éclairé  par  la  science,  il  n’en 
ressent  pas  de  chagrin  : il  commence  à porter  le  poids  des 
affaires  en  ne  se  séparant  pas  des  choses,  qui  font  arriver 


(1)  C’eut  le  sens  du  commentateur;  mai*  je  pense  qu’il  a tort  j car  ces 
mots  au  uomin&tif  peuvent  très-bien  sc  rapporter  au  sujet  du  verbe,  et 
l’on  peut  dire  non  moins  sénat  ment  : soit  que  tu  partes,  soit  que  tu  gardes 
le  silence , imite.... 


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OUDYOGA-PAftVA. 


204 


les  existences  à la  perfection  ; il  ne  désire  pas  les  riches- 
ses. A, 510. 

» Aie  recours  à l'énergie,  mon  fils  ; ou,  mettant  le 
devoir  devant  toi,  marche  à la  mort  qui  est  la  route 
éternelle  des  hommes.  Pour  quelle  raison  as-tu  reçu  la 
vie?  A, 511.  # 

» Les  sacrifices,  les  actes  méritoires,  la  renommée 
entière,  tout  est  mort  pour  toi;  tues  retranché  de  la 
racine  des  jouissances.  Pour  quelle  raison  as-tu  reçu  la 
vie?  A, 512. 

» Ln  homme,  plongé  dans  les  eaux  où  il  va  s’engloutir, 
doit  saisir  l'ennemi  par  la  jauibe  : la  racine  coupée  entiè- 
rement ne  sera  jamais  pleurée  (1).  A, 5 1 3. 

» Soulève  ce  timon  et  porie-le  ; mais  souviens-toi  qu’il 
est  fait  pour  des  chevaux  de  noble  sang.  Déploie  ta 
vigueur,  montre  ta  fierté  : sache  que  le  courage  est  ton 
lot  (2).  A, 51  A. 

» Retire  de  la  mer  ta  famille,  qui  est  à cause  de  toi- 
même  submergée  dans  les  eaux  : n’est-il  pas  très-éton- 
nant  que  les  hommes  ne  racontent  point  ta  vie  ? A, 515. 

» Ni  un  homme,  ni  même  une  femme,  qui  n’atteignent 
pas  seulement  à remplir  la  mesure  de  la  vertu,  ne  disent 
ta  gloire,  ni  dans  la  charité,  ni  dans  la  pénitence,  ni  dans 
la  vérité!  A, 516. 

o Excrément  de  ta  mère,  ou  dans  la  science,  ou  dans 
l'acquisition  des  richesses!  Sait-il  qu’il  est  au-dessus  des 


(1)  C'est  le  sens  de  Ntl&kantha;  mais  ne  pourrait-on  donner  à la  phrase 
celui-ci  : la  ‘racine,  qui  n'est  pas  entièrement  coupée , ne  périiv  pas  encore, 
par  la  force  négative  et  séparative  de  la  préposition  ci  ajoutée  à pari- 
tchhinnanl 

(2)  C'est  mot  pour  mot  le  distique  déjà  vu  et  numéroté  4,490. 


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292 


I.K  MAHA-BHARATA. 


autres  en  instruction,  en  pénitence,  en  fortune,  en  cou- 
rage, l’homme  doit  aussi  les  surpasser  par  ses  actions. 
Mais  tu  n’es  pas  digne  demener  la  vie  austère  du  religieux 
mendiant!  4,517 — 4,518. 

» Puissent  tes  ennemis  te  reconnaître  dans  cet  homme 
maigre,  qui  traîne  une  existence  pénible,  méchante,  igno- 
minieuse, condition  accoutumée  du  misérable  ! 4,51 9. 

» Oh  ! quelle  abjecte  vie  nécessiteuse,  ambition  d’un 
être  vil  au  siège,  aux  vêtements  ignobles,  objet  des  mé  - 
pris  du  monde  entier  ! 4,520. 

» La  vue  d'un  parent,  qu’ils  rencontrent  dans  un  tel 
état,  ii'accrolt  pas  le  plaisir  des  autres  parents.  Exilés  du 
royaume,  il  nous  faudra  périr,  faute  de  nourriture! 

» Tombés  de  notre  rang,  privés  de  satisfaire  4 nos  goûts 
dans  toutes  les  choses  désirées,  nous  ne  serons  plus  rien  ! 
Honte  5 l'artisan  d’actions  blâmées,  qui  détruit  sa  race  et 
sa  famille!  4,521 — 4,522. 

» Honte  ù Kali,  quand  il  voulut  te  donner  la  vie,  pour 
le  déshonneur  des  lils,  à toi,  sans  colère,  sans  énergie, 
sans  vigueur,  qui  fais  la  joie  de  tes  ennemis.  4,523. 

» Puisse  une  femme  quelconque  ne  mettre  jamais  au 
monde  un  tel  lils  1. . . . Ne  produis  pas  de  fumée,  jette  des 
flammes  sans  mesure,  marche  d'un  pied  hardi  et  frappe 
de  mort  tes  ennemis!  4,524. 

» Brille  une  heure,  ou  même  un  instant,  sur  la  tête  de 
tes  rivaux!  Celui,  qui  a de  la  colère,  qui  a de  l’impa- 
tience, est  vraiment  un  homme.  4,525. 

» Est-il  patient,  est-il  sans  fureur,  ce  n’est  pas  une 
femme,  combien  moins  un  homme  ! La  satisfaction  et  la 
pitié  sont  les  poisons  de  la  prospérité  ! 4,526. 

» L'homme  insoucieux  dans  le  danger,  ou  qui  néglige 


OliDYOGA-PARVA. 


293 


de  se  relever,  n’arrive  pas,  dans  l’un  et  l’autre  cas,  à la 
domination.  Délivre-toi  par  toi-méme  de  ces  défauts  et  de 
ces  vilenies.  A, 527. 

» Fais-toi  un  cœur  de  fer;  efforce-toi  de  reprendre  ce 
qui  t’appartient.  On  appelle  un  homme  pourousha,  parce 
qu’il  porte  sur  lui  toute  sa  ville  (I).  4,528. 

» Mais  quiconque  vit  dans  ce  monde  comme  une  femme, 
on  le  flétrit  du  nom  d'homme  insignifiant!  Celui,  qui 
répand  dans  son  royaume  le  bonheur  sur  ses  sujets,  ira 
partager  la  destinée  du  héros  au  cœur  puissant,  qui 
marche,  hardi  comme  un  liou.  Le  prince,  qui,  ayant 
renoncé  au  plaisir  et  aux  choses  agréables,  recherche  la 
prospérité,  arrive  bientôt  à saisir  la  joie  pour  lui-même 
et  pour  ses  ministres.  » 4,529 — 4,530  — 4,531, 

« Que  t’importe  la  terre,  lui  répondit  son  fils,  fût-ce 
même  tout  ce  globe  entier,  qui  ne  me  regarde  pas?  Qu’as- 
tu  besoin  de  parures?  Qu'as-tu  à faire  de  jouissances  et 
de  la  vie  même?  » 4,532. 

« Nos  ennemis,  reprit  sa  mère,  ont  obtenu  les  mondes 
des  gens,  qui  négligent  la  lecture  ; puissent  nos  amis 
obtenir  les  mondes  des  hommes,  à qui  la  lecture  des  Védas 
est  chère  ! 4,533. 

» Ne  suis  point  la  conduite  de  ces  misérables  sansâme, 
qui  attendent  leurs  aliments  d'une  main  étrangère  et  qui 
sont  privés  de  serviteurs.  4,534. 

» Que  les  brahmes  et  tes  amis  vivent  de  ta  munificence, 
comme  les  créatures  vivent  des  pluies  du  nuage  et  comme 
les  Dieux  vivent  des  largesses  de  Çatakraiou.  4,535. 

» Riche  est  la  vie  de  cet  homme,  qui  fait  vivre  toutes  les 


(i)  Pouran 


294 


LE  MAHA-BHARATA. 


créatures,  Sandjava,  comme  si  elles  avaient  trouvé  un 
arbre  aux  fruits  uiûrs.  4,536. 

» Ses  parents  augmentent  ici-bas  leur  plaisir  par  les 
fortes  œuvres  de  ce  héros,  comme  les  Tridaças  accrois- 
sent les  douceurs  de  leur  vie  par  celles  de  Çakra.  4,537. 

» L’homme,  qui  vit  en  s'appuyant  sur  la  force  de  son 
bras,  obtient  dans  ce  monde  la  renommée  et,  dans  l’autre 
vie,  la  voie  resplendissante.  4,538. 

» Les  choses  étant  ainsi,  tu  veux  déserter  le  courage  ; 
et,  avant  qu’un  long-temps  ne  s'écoule,  tu  iras  dans  la 
route  fréquentée  des  lâches.  4,539. 

» Le  kshatrya,  qui  ne  fait  pas  voir  de  toutes  ses 
forces  son  héroïsme  par  ses  exploits,  on  le  caractérise 
dans  cette  locution  : a C’est  un  brigand,  qui  désire  la 
vie  1 » 4,540. 

» Tu  rejettes  ces  paroles  vertueuses,  pleines  de  sens, 
propres  à la  conjoncture,  comme  un  remède  est  repoussé 
par  l’homme  résolu  à mourir.  4,541. 

» Les  gens  du  roi  de  Sindhou  ne  sont  pas  de  cette  ma- 
nière satisfaits:  les  insensés,  au  contraire,  ils  restent  assis 
dans  leur  faiblesse,  attendant  une  multitude  d'inlortunes. 

a Prenant  la  fortune  pour  alliée  et  voyant  ton  manque 
de  courage,  les  autres  passeront  çà  et  là  au  parti  de  l'en- 
nemi, suivant  leur  détermination.  4,542 — 4,543. 

» Réunis-toi  avec  les  bons  et  va  demeurer  dans  les 
endroits  inaccessibles  de  la  montagne,  attendant  les 
malheurs,  qu'amène  le  temps  : ton  ennemi  n’est  pas  im- 
mortel et  impérissable.  4,544. 

a Tu  es  nommé  Sandjaya  (i) , et  je  ne  vois  pas  la  vérité 


’\)  La  victoire. 


OUDÏOGA-PARVA. 


205 


de  ce  nom  en  toi  : porte  un  nom,  que  l’on  comprenne,  mon 
fils,  et  ne  sois  pas  revêtu  d'un  nom,  qui  est  vide  de  signi- 
fication. â,  555. 

» Un  brahuie  a prédit  sur  toi  en  ton  enfance  : « Ce 
sera  un  homme  de  grande  science,  il  aura  le  coup  d’œil 
juste  ! Plongé  dans  un  grand  revers,  il  remontera  à la 
prospérité  1 » 5,556. 

» Ses  paroles,  que  je  me  rappelle,  me  font  espérer 
ta  victoire  : aussi,  je  te  les  redis,  mon  fils,  et  je  ne  ces- 
serai de  le  les  répéter  mainte  et  mainte  fois.  5,557. 

# Un  homme,  de  qui  le  succès  dans  les  choses  est  bien 
lié,  voit-il  du  progrès  en  ses  affaires,  les  autres  en  éprou- 
vent du  contentement  ; conduis-les  à ta  suite  dans  les 
routes  de  la  politique.  5,55S. 

» Qu’il  y ait  abondance  ou  disette  dans  les  paroles  des 
ancêtres  et  de  moi,  Sandjaya,  ces  choses  considérées,  aie 
ton  cœur  au  combat,  et  n’y  mets  pas  de  brièveté.  5,55S>. 

o 11  n’y  a point,  a dit  Çambara,  de  condition  pire  que 
celle  où  l’on  ne  voit  de  nourriture,  ni  pour  aujourd’hui,  ni 
pour  demain.  » 5, 560. 

» La  pauvreté,  c'est  une  de  ses  paroles,  est  une  afflic- 
tion plus  grande  que  la  mort  d’un  fils  ou  d’un  époux  : 
c’est  même,  a-t-il  ajouté,  une  espèce  de  mort.  5,551. 

u Je  suis  née  dans  une  illustre  famille,  telle  qu’un  lotus 
implanté  d’un  lac  dans  un  autre  ; je  suis  une  souveraine, 
comblée  de  toutes  les  choses  heureuses,  honorée  au  plus 
haut  point  de  mon  époux,  à, 552. 

» Jadis,  chargée  de  bouquets  et  de  précieux  atours, 
éclatante  de  fortune,  revêtue  des  plus  riches  habits,  joyeuse 
dans  la  troupe  de  mes  amies,  tu  ne  me  vis  point  arriver 
au  milieu  de  mes  compagnes.  5,553. 


298 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Mais  tu  me  verras,  moi  et  ton  épouse,  Sandjaya,  acca- 
blée d'une  grande  faiblesse;  tu  n’auras  plus  alors  aucun 
souci  de  ta  vie.  4,554. 

» Quand  tu  nous  auras  vus,  tes  esclaves,  tes  domes- 
tiques, tes  officiers,  l'Atchàrya,  les  ritouidjs,  les  archi- 
brahmes,  nous  tous  enfin,  abandonner  l'existence,  faute 
de  nourriture,  quel  souci  auras-tu  alors  de  ta  vie?  4,556. 

» Quand  je  ne  vois  plus  aujourd'hui,  ce  que  je  voyais 
autrefois,  une  seule  affaire  glorieuse,  dont  tu  puisses 
t'enorgueillir,  quelle  tranquillité  saurait-elle  exister  pour 
mon  cœur?  4,556. 

n 11  n'en  est  point  ! » s’il  nie  faut  dire  une  parole  de 
vérité.  Que  mon  cœur  soit  déchiré  ! Ni  moi,  ni  mon  époux, 
n’a  tenu  jamaii  ce  langage  véridique  : « 11  n’en  est  point  ! » 

» Nous  devons  être  des  protecteurs,  nous  ne  devons  pas 
recevoir  les  ordres  d’un  ennemi.  Si,  durant  ma  vie,  je  ne 
trouve  pas  en  toi  de  changement,  j’abandonnerai  l’exis- 
tence. 4,557 — 4,558. 

» Sois  notre  rivage  ultérieur  dans  cette  mer  sans 
rivage,  sois  notre  barque  au  milieu  de  ce  déluge  ; faisque 
nous  nous  tenions  fermes  sur  ce  terrain  glissant;  ressuscite- 
nous  descendus  au  tombeau.  4,559. 

» Si  tu  ne  peux  soutenir  les  ennemis,  ne  veuille  plus 
vivre,  plutôt  que  de  tomber  dans  une  conduite  à telle 
point  impuissante.  4,580. 

» Homme  à l’âme  dégradée,  à la  pensée  détruite,  aban- 
donne cette  vie  abjecte  : la  mort,  donnée  à un  seul  en- 
nemi, conduit  un  héros  à la  gloire.  4,501. 

b Indra  devint  seulement  Mahéndra  (1),  quand  il  eut 


fl)  Le  gratul  l tuf  ta. 


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OliDYOGA-PARVA. 


297 


tué  Vritra.  Il  obtint  alors  de  réunir  entre  ses  mains  tout 
ce  qui  fait  l’apanage  du  Mahéndra  et  fut  le  maître  des 
mondes.  4,502. 

» C’est  en  proclamant  haut  son  nom  sur  un  champ  de 
bataille,  en  provoquant  des  ennemis  sous  les  armes,  en 
dispersant  une  avant-garde,  en  immolant  un  guerrier 
distingué,  que  le  héros  gagne  par  ses  combats  une  écla- 
tante renommée  : c’est  par  cela  seulement  que  les  en- 
nemis sont  frappés  de  terreur  et  courbent  la  tète. 

4,563 — 4,504. 

» Les  lâches,  les  hommes  vils  comblent,  malgré  eux, 
de  l’abondance  des  choses  désirées  le  héros  habile,  qui, 
dans  les  combats,  dédaigne  l'existence.  4,565. 

» Un  roi  est-il  précipité  d’une  chûte  épouvantable,  est- 
il  en  péril  de  sa  vie  : les  sages  politiques  ne  laissent  rien 
à l’ennemi  tme  fois  qu’il  est  vaincu.  4,566. 

» Pense  qu’un  royaume  est  semblable  à la  porte  du 
Swarga,  qu'il  ressemble  même  à l’ambroisie,  qu'une  seule 
route  y conduit  ; et  marche  comme  une  torche  au  milieu 
des  ennemis.  4,567. 

» Immole  les  ennemis  dans  le  combat  ; accomplis  ton 
devoir,  sire  ; ne  frappe  point  mes  yeux  du  spectacle  de 
ton  abjection  ; augmente  la  terreur  des  ennemis!.  4,568. 

o Entouré  des  nôtres  gémissants,  environné  des  ennemis 
poussant  des  cris  de  victoire,  puissé-je,  malheureuse,  ne 
pas  te  voir  tombé  au  fond  du  malheur  I 4,509. 

» Jouis  du  bonheur  avec  tes  épouses,  les  filles  des  Saâu- 
viras,  toi,  qu’on  dut  vanter  jadis  pour  tes  richesses  : la 
mort  dans  l’âme,  ne  marche  pas,  soumis  aux  caprices  des 
jeunes  princesses  du  Sindhou.  4,570. 


208 


LE  MAHA-BHARATA. 


» 11  me  faut  comme  un  taureau  indompté,  soutient  un 
furdeau,  te  supporter  ! 4,571. 

» Jeune,  doué  de  beauté,  de  science  et  d’une  noble 
famille,  un  homme  (1),  tel  que  toi,  illustre  et  renommé 
dans  le  monde,  a pu  se  dégrader  ainsi,  et  c'est  la  mort 
pour  moi  ! Si  je  te  voyais  suivre  les  pas  de  ton  ennemi,  ou 
lui  adresser  des  paroles  agréables,  quelle  paix  y aurait-il 
pour  mon  cœur  1 11  n’est  jamais  né  dans  cette  famille  un 
homme,  qui  en  ait  suivi  un  autre  ! 4,572 — 4,573. 

» Ne  veuille  pas  vivre,  mon  fils,  si  tu  es  réduit  à suivre 
les  pas  d'un  ennemi  ; car  je  sais  que  tout  ce  qui  a le 
coeur  d'un  kshatrya  est  emporté  dans  une  révolution 
éternelle.  4,574. 

» Il  fut  dit  en  eiïet  à nos  devanciers  par  de  plus  anciens 
devanciers,  à ceux,  qui  étaient  avant  nous,  par  d'autres, 
qui  étaient  avant  eux,  que  Brahma  avait  cçéé  les  êtres 
éternels  et  impérissables.  4,575. 

» Que  le  kshatrya  bien  né,  instruit  des  choses  du 
kshatrya,  considère  cette  marche  du  monde  et  que  la 
crainte  ne  le  force  jamais  à s’incliner  devant  le  premier 
venu.  4,571*. 

» Qu'il  se  redresse  même  et  ne  se  courbe  pas  : se  rele- 
ver, c’est  du  courage  ! Qu'il  soit  honoré  même  d’une  ma- 
nière inattendue,  mais  qu’il  ne  s'humilie  jamais  ici  devant 
personne.  4,577. 

» Que  l'homme  au  grand  cœur  erre  comme  un  éléphant 
en  rut  ; qu’il  s'incline  toujours,  Sandjaya,  devant  les 
bruhmes  et  devant  le  devoir.  4,578. 

(1)  Yat,  écrit  le  commentateur,  au  lieu  que  porte  l'édition  de 

Calcutta. 


OUDYOG  V-PAHVA. 


299 


«Qu’il  ait  ou  non  des  compagnons,  il  doitsavoir,  durant 
sa  vie,  comprimer  les  autres  classes,  et  mettre  à mort  tous 
les  criminels.  » A, 579. 

n Ma  mère,  lui  répondit  son  fils,  femme  irascible,  ins- 
truite dans  l’héroïsme,  insensible  h la  pitié,  tu  as  fermé 
ton  cœur,  qui  est,  pour  ainsi  dire,  fait  tout  entier  de 
fer.  A, 680. 

« Hélas!  la  vertu  du  kshatrya  m’excite  également  à ce 
combat,  où  tu  m’engages,  comme  si  j’étais  un  autre,  et 
comme  si  tu  étais  la  mère  de  mon  ennemi.  A, 581. 

» Trouverait-on  sur  le  globe  entier  une  noble  dame, 
qui  pût  tenir  un  langage  pareil  au  tien,  sans  considérer 
que  je  suis  ton  fils  unique.  A, 582. 

» A quoi  bon  des  parures?  Qu’as-tu  besoin  d'une  vie 
entourée  de  jouissances,  toi,  qui  as  trouvé  la  mort  (t)  dans 
cette  bataillé  avec  moi  et  qui  aimes  ton  fils?  » A, 583. 

« Toutes  les  entreprises  des  sages,  mon  fils,  reprit  sa 
mère,  ont  pour  causes  le  juste  et  l’utile;  c’est  après  avoir 
considéré  ces  deux  points  de  déport , que  je  t’ai  excité, 
Sandjava.  A,5SA. 

» Armé  de  courage,  observe  que  le  moment  suprême 
est  arrivé.  Si  lu  n’accomplis  pas  au  temps  juste  ce  qui 
doit  être  fait,  A, 585. 

» Tu  fléchiras  sa  colère,  Sandjaya,  dans  l’attitude  d’un 
vaincu,  pour  ne  pas  dire  que  tu  seras  atteint  par  le  dés- 
honneur. A, 586. 

« I.a  douceur,  dit-on,  est  amère,  impuissante  et  sans 
cause  ; abandonne  nue  route  blâmée  des  gens  de  bien  et 
fréquentée  par  les  insensés.  A, 587. 


(!)  Uoyt  sangarahaté,  dit  le  texte  du  commentaire. 


800 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Grande  est  l’ignorance  des  êtres,  qui  s’engagent  dans 
cette  route.  Si  tu  embrasses  la  conduite  des  gens  de  bien, 
tu  seras  agréable  à mes  yeux.  A, 688. 

u Élève  ton  fils  et  ton  petit-fils  aux  qualités  de  l’utile 
et  du  juste,  non  jamais  dans  une  autre;  qu'ils  aient  la 
conduite  des  bons,  digne  des  hommes  et  des  Dieux.  En 
vain  se  r£jouit-on  d'un  fils  mal  élevé,  sans  énergie,  à l’in- 
telligence dépravée  : on  a fait  en  lui  avorter  le  fruit  d’une 
postérité.  Les  hommes  vils,  qui»ne  s’adonnent  pas  à des 
œuvres  saintes  et  qui  font  des  actions  blâmées,  n'ob- 
tiennent le  bonheur,  ni  dans  ce  monde,  ni  dans  l'autre 
vie.  Celui,  qui  est  né  kshatrya, .pour  la  guerre,  Sandjaya, 
et  pour  la  victoire  ici-bas, 

A , 589—4 , 590—4 , 59 1 —4 , 592. 

» Acquiert,  ou  vainqueur,  ou  vaincu,  de  partager  le 
monde  d'Indra.  Le  bonheur  existe  dans  le  ciel  pur,  non 
dans  le  palais  d'un  ennemi.  4,593. 

» Le  kshatrya,  qui  a réduit  ses  ennemis  (1)  sous  sa 
puissance,  augmente  son  bonheur.  Il  faut  agir  en  homme 
intelligent,  de  qui  la  colère  consume  et  qui  accable  de 
mille  dommages  par  l’envie  d'exceller  sur  les  ennemis. 
Abandonne  l’existence,  ou  renverse  mort  ton  rival  à tes 
pieds!  4,594-4,595. 

» D’ou  la  paix  te  pourrait-elle  venir,  si  ce  n’est  de 
cette  manière?  L’homme  sage  désire,  ici-bas,  une  très- 
minime  portion  de  malheur.  A,59fi. 

» Celui,  qui  a peu  de  plaisir  dans  le  monde,  il  est 
certain  qu’il  y a aussi  peu  de  chagrin;  La  perte  des  choses 


il)  Yculi  mitrtn  loçni  krittvâ,  dit  l'édition  de  Calcutta;  c'e»t  une 
faute  : Yadamitrân , dit  plu*  correctement  l'édition  de  Bombay. 


Oli  D YOG  A - PAR  V A . 


301 


aimables  ne  donne  pas  le  bonheur  à l’homme;  mais  il  est 
sûr  qu'il  marche  au  tombeau,  comme  le  Gange  se  dirige 
vers  la  mer  (1).  » 4,597 — 4,598. 

« Tu  ne  dois  pas  exprimer  une  semblable  opinion,  ma 
mère,  lui  répondit  Sandjaya,  surtout  quand  il  s’agit  de 
ton  fils.  Je  considère  ici  la  tendresse,  que  je  dois  à mon 
corps,  et  c’est  là  ce  qui  me  fait  rester,  comme  un  idiot 
privé  de  la  parole.  >i  4,599. 

n Ma  joie  est  extrême,  quand  je  te  vois  faire  cette  ré- 
flexion, reprit  sa  mère.  Tues  surpris  de  me  voir  redoubler 
mes  excitations  sur  ton  cœur.  4,600. 

» Je  t’honorerai,  quand  tu  auras  immolé  tous  les  Sin- 
dhiens;  car  je  vois  ta  victoire  entièrement  assurée.  » 

« Sans  trésor,  sans  allié,  me  dis-je,  d’où  me  viendrait 
le  succès  de  ma  victoire?  lui  répondit  son  fils.  Je  consi- 
dère moi-même  au  fond  de  ma  pensée  cette  épouvantable 
condition  : 4,602. 

» Ma  situation  de  roi  déchu  de  son  'trône,  comme  un 
méchant,  qui  est  tombé  du  ciel.  Regarde  un  peu,  noble 
dame,  les  chances  de  cette  position.  4,603. 

» Réponds  avec  convenance  à mes  questions,  ô toi,  de 
qui  la  science  est  mûre;  j’accomplirai  exactement  tout  ce 
que  tu  me  commanderas.  » 4,604. 

« On  ne  doit  pas,  mon  fils,  reprit  sa  mère,  te  mépriser 
en  toi-même.  On  te  fait  la  guerre,  parce  que  tu  n'as  plus 
tes  anciennes  richesses  : quand  les  biens  diminuent,  ils 
périssent.  4,605. 

» Il  faut  de  la  colère  même  pour  commencer  la  gran- 


(1)  Voilà  le  se u s littéral;  nous  n’avons  point  adopté  celui  du  commen- 
taire : c'est  uu  peu  trop  faire  entrer  de  m propre  pensée  dans  les  paroles 


302 


LE  MAHA-MIARATA. 


deur;  des  esprits  stupides  n'en  peuvent  jeter  les  (onde- 
ments.  11  y a toujours,  mon  lils,  dans  le  fruit  de  toutes 
les  choses,  une  condition  transitoire.  4,006. 

» Sachant  qu’elles  sont  instables,  qu’elles  sont  et  ne 
sont  plus,  ceux,  qui  n'accomplissent  rien,  sont  toujours 
hors  de  l’existence.  4,607. 

• 11  n’y  a qu’une  seule  qualité  dans  l'inaction  : c’est 
le  non-être  ; mais  il  y a deux  qualités  dans  l'action  et  son 
fruit;  celui-ci  est  ou  n’est  pas.  4,608. 

» Celui,  qui  a reconnu  de  bonne  heure  l’instabilité  de 
toutes  les  choses,  doit  rejeter  loin  de  lui,  fils  d’un  roi, 
deux  causes  d’infortune  : la  richesse  et  le  pouvoir. 

» Dans  les  actes,  qui  regardent  le  salut,  il  faut  être 
toujours  debout,  veiller,  penser  et  se  dire  : « Ce  sera  ! » 
tenant  son  âme  toujours  libre  de  la  douleur. 

» La  prospérité  d’un  roi,  qui  donne  le  premier  rang 
aux  Dieux,  aux  brahmes,  aux  prières,  ne  tardera  point 
à venir  mon  fils.  ‘4,609 — 4,610 — 4,611. 

» La  Déesse  de  la  fortune  habite  sa  demeure,  comme 
le  soleil  habite  la  plage  orientale  : les  exemples,  les  res- 
sources, les  excitations  se  multiplient  dans  ses  mains. 

» Tes  formes,  je  le  vois,  sont  admirables;  déploie  ta 
valeur,  veuille  amener  ici  la  richesse  désirée  d’un 
homme.  4,612 — 4,613. 

» Considère  avec  attention  ceux  des  ministres  de  l’en- 
nemi, qui  sont  enclins  â la  colère,  à l'avarice,  les  âmes 
perdues,  orgueilleuses,  déshonorées,  et  ceux  mêmes,  qui 
sont  portés  à l’envie.  4,614. 

» De  cette  manière,  tu  mettras  en  fuite  de  puissantes 
armées,  comme  le  vent,  dont  la  rapide  vitesse  s’est  accrue, 
disperse  les  nuages.  4,615. 


OUDYOGA-PARVA. 


SOS 


» Fais  à ces  hommes  les  plus  beaux  présents  ; fais  se 
lever  sur  l’horizon  le  soleil  de  leurs  affaires,  adresse-leur 
des  paroles  aimables;  ils  exécuteront,  pour  sûr,  ce  qui 
t’est  agréable,  et  te  donneront  la  prééminence  sur  leur 
maître.  4,016. 

» Que  ton  rival  sache  que  tu  es  un  ennemi,  qui  ne  fait 
nul  cas  de  la  vie:  il  tremblera  d’eflroi,  comme  si  tu 
étais  un  serpent,  qui  s’est  glissé  dans  sa  maison.  4,617. 

» Si  une  fois  reconnu  qu’un  ennemi  est  doué  de 
force,  tu  ne  tâches  de  le  réduire  en  ta  puissance,  r'est  une 
faute  : évente  ses  desseins  par  des  espions  habiles  ; la 
conséquence  doit  être  la  soumission  de  ce  rival.  4,618. 

» Quand  des  rapports  t'auront  appris  les  affaires  de 
l’ennemi,  il  résultera  de  ce  renseignement  une  augmen- 
tation de  tes  richesses  ; et  le  monarque  opulent  voit  les 
amis  venir  â lui  et  se  réfugier  à ses  côtés.  4,619. 

» Sa  prospérité  est-elle  ébranlée,  ses  amis  et  ses  pa- 
rents mêmes  l’abandonnent  de  nouveau  ; ils  ne  respirent 
plus  en  lui,  et  ne  veillent  plus  à la  défense  d’un  tel  prince. 

» Un  roi  a fait  d’un  ennemi  son  compagnon  et  uiarche 
avec  confiance  : qu’en  doit-il  résulter  ? Crois-tu  qu’il 
puisse  conserver  son  royaume  ? 4,620 — 4,621. 

» Un  roi  dans  l’infortune  ne  doit  paraître  jamais  crain- 
dre même  qui  que  ce  soit  : est-il  brisé,  qu’il  vive  comme 
s'il  ne  l’était  pas.  4,622. 

» L’aspect  d’un  monarque  brisé  entraîne  sa  rupture 
complète  : mais  les  ministres,  chacun  en  particulier, 
rangent  la  terre  sous  l’empire  du  fort.  4,623. 

» Les  uns  marchent  à l’ennemi,  les  autres  négligent 
de  l'attaquer,  ceux-là  sans  honneur  n’ont  que  le  désir 
d’emporter  ce  qui  est  devant  eux.  4,624- 


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LE  MAHA-llHAItm. 


:m 

h De  même,  les  amis,  qui  vous  environnent  de  leurs 
nombreux  hommages,  désirent  bien  votre  bonheur  ; niais 
ils  n’ont  aucune  puissance,  comme  une  vache,  liée  à son 
veau,  ne  peut  marcher.  4,625. 

» Ceux,  qui,  comblés  précédemment  de  tes  bienfaits, 
se  plaignent,  quand  tu  te  plains,  ainsi  qu'à  la  mort  des 
parents,  sont  regardés  comme  tes  amis.  4,626. 

» Ceux,  qui  pensent  : a Ce  royaume  est  à nous  ! » ten- 
dent à l’infortune  du  roi  ; ne  romps  pas  avec  tes  amis, 
pour  qu'il  ne  t’abandonnent  pas  rompu.  4,627. 

» L’énergie,  dis-je,  moi,  qui  veux  éprouver  ton  intel- 
ligence, ton  courage  et  ta  force,  moi,  qui  t'inspire  la 
fermeté,  est  nécessaire  à ton  accroissement  : 4,628. 

» Si  tu  comprends  ces  idées,  si  mes  paroles  sont  conve- 
nables, fais-toi  une  âme  selon  mon  plaisir,  et,  Saudjaya, 
relève-toi  pour  la  victoire.  4,629. 

» Tu  n’as  point,  que  nous  sachions,  un  grand  amas  de 
richesses,  mais  je  te  connais  du  moins  celle-ci,  et  je  te  la 
donne  comme  je  l’ai  reçue.  4,630. 

» Il  te  reste  encore,  Sandjaya,  des  amis  par  centaines, 
qui  supportent  la  peine  et  le  plaisir,  héros,  et  qui  jamais 
ne  reculent  dans  un  combat  (1).  4,631. 

» Des  hommes  tels  veulent  être  les  compagnons  d’un 
héros.  Des  ministres  à l’intelligence  bien  étroite,  puissant 
guerrier,  quientendent  une  telle  parole  de  moi,  ont  nn  peu 
l’envie  de  ravir  ce  qu’ils  désirent,  car  l’obscurité  est  des- 
cendue sur  les  lettres  et  les  mots  au  sens  bien  admirable 
de  mon  langage.  » 4,632 — 4,633. 


(!)  J 'admet  a le  texte  de  NilAkantha,  qui  porte  : Ssmgrânuiri-anivart' 
fit MU. 


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oudyoga-parYa. 


305 


« 11  me  faut  retirer  des  eaux,  répondit  son  fils,  ce 
royaume  submergé  de  mes  pères,  ou  il  me  faut  mourir 
dans  ma  ruine,  moi,  à qui  cependant  tu  auras  été  donnée, 
comme  un  guide , pour  signaler  à mes  yeux  la  prospé- 
rité. 4,634. 

» Je  désirais  entendre  ta  parole,  et  je  ne  fis  4 rien  aucune 
réponse  : je  gardai  à différentes  fois  le  silence  pour  ne  rien 
dire  de  contraire.  4,635. 

» Sans  être  rassasié  d’une  ambroisie  conquise  avec 
peine,  je  vais  soulever  mes  parents  pour  la  compression 
des  ennemis  et  pour  la  victoire.  ».  4,636. 

« Te  voici  lancé  comme  un  cheval  ardent,  reprit  sa 
mère,  tu  voles  sur  les  flèches  de  ma  parole  ; et  c’est  véri- 
tablement ma  pensée,  qui  a produit  cette  merveille. 

d Laisse  ta  conseillère  (1)  t’exprimer  cette  idée,  lin 
roi  sublime,  qui  accroît  la  splendeur,  est  épouvantable  ; il 
opprime  l'ennemi,  qui  périt  : le  poil  devant  lui  se  hérisse 
de  terreur.  4,637 — 4,638. 

» La  victoire  est  son  nom  ; un  héros,  s’il  désire  vaincre, 
doit  écouter  son  histoire.  11  est  le  conquérant  de  la  terre  : 
entend-il  parler  d’un  ennemi,  il  marche  Jt  lui  aussitôt. 

» 11  dogne  le  jour  4 des  fils,  il  donne  naissance  4 des 
héros  ; une  femme  enceinte,  de  qui  les  oreilles  sont  frap- 
pées souvent  par  son  nom,  met  pour  sûr  au  monde  un 
homme  de  cœur,  4,639 — 4,640. 

» Un  ascète,  un  héros  par  la  science,  un  héros  par  la 
pénitence,  un  héros  par  la  charité,  flamboyant  d’une 
splendeur  brahmique,  loué  dans  les  entretiens  des  hom- 
mes vertueux,  4,641. 


(1)  Le  mot  wt  au  m&sculiu  ; montré. 
VI 


20 


306 


LE  IfiAH  A- BHARATA. 


» Rayonnant,  doué  de  force,  pur,  conduisant  un  grand 
char,  ferme,  inaffrontable  et  vainqueur  invincible, 

» Le  justicier  des  méchants,  le  protecteur  des  bons  : 
tel  est  ce  héros  infaillible  dans  son  courage,  à qui  une 
épouse  de  caste  militaire  donne  le  jour(*).  4,642 — 4,643. 

» Kéçava,  ajouta  Kountî,  tu  diras  à Arjouna  : « Le 
jour  de  ta  naissance,  environnée  de  femmes,  assises  au- 
dessous  de  moi,  dans  mes  couches,  4,644. 

» Une  voix  de  forme  célesto,  ravissante,  semblable  à 
celle  du  Dieu  aux  mille  regards,  éclata  dans  les  deux  : 
« Kountl,  disait  elle,  vbilà  ton  fils  ! 4,645. 

» 11  triomphera  de  tous  lesKourouides,  qui  se  présente- 
ront 4 lui  dans  la  bataille.  Secondé  par  Bhimaséna,  il  sou- 
mettra le  monde.  4,646. 

a Ton  fils  sera  le  vainqueur  de  la  terre;  sa  renommée 
montera  jusqu’au  ciel.  Quand  il  immolera  les  enfants  de 
Kourou  dans  un  combat,  il  aura  pour  compagnon  le  Va- 
soudévidc.  4,64". 

« 11  arrachera  avec  ses  frères,  aux  mains  de  l’ennemi, 
l'héritage  enlevé  de  ses  aïeux  ; et,  favorisé  de  la  fortune, 
il  doit  célébrer  trois  grands  sacrifices.  » 4,648. 

n 11  est  ditl’Homme-qui-est-uni-à-la -vérité,  Bibhatsou, 
l'Ambidextre  et  l'impérissable.  Tu  sais  qu’il  est  vigoureux, 
inaffrontable.  4.649. 

» Qu’il  en  soit  ainsi,  DAçârhain,  comme  cette  voix  a 
dit!  Si  le  devoir  existe,  Vrishnide,  ce  sera  la  vérité. 

» Tout  cela  sera  fait  par  toi,  Krishna;  je  ne  porte  pas 
haine  à ces  choses,  puisque  la  voix  les  a prédites. 

4,650—4,651. 

u Adoration  soit  rendue  au  sublime  devoir  : c’est  le 
devoir,  qui  soutient  les  créatures.  C’est  pour  cela  que 


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OUDYOGA-PARVA. 


307 


Dhanandjaya  doit  être  célébré,  c’est  pour  cela  que  Vri- 
kaudara  est  toujours  prêt,  A, 6 52. 

» Voici  le  moment  arrivé  de9  exploits,  pour  lesquels 
une  femme  kshatrya  leur  a donné  le  jour.  Certes  ! quand 
ils  entrent  dans  une  guerre,  les  hommes  de  cœur  ne 
perdent  pas  le  courage.  A, 653. 

» Tu  connais  l’âme  de  Blilma  ; elle  n’arrive  pas  au 
calme,  puissant  vainqueur,  qu’il  n’ait  accompli  le  mas- 
sacre des  ennemis.  A, 65A. 

» Dis  aussi,  Màdhava,  à la  juste  et  fortunée  Krishnâ, 
la  bru  du  magnanime  Pândou,  la  femme,  qui  sait  la  dis- 
tinction entre  tous  les  devoirs  : A, 655. 

« 11  sied,  dame  vertueuse,  née  dans  une  famille  re- 
nommée, que  ta  conduite  soit  régulière  à l’égard  de  tous 
mes  ftls.  » A, 656. 

n 11  faut  lui  parler  de  l’un  et  l’autre  Ois  de  Màdrl,  qui 
se  complaisent  dans  les  devoirs  du  kshatrya,  et  qui  pré- 
fèrent à leur  vie  même  des  jouissances  conquises  par  leur 
courage.  A, 657. 

» Ouil  c’est  par  la  vaillance  qu’ils  sont  arrivés  aux 
richesses.  Ils  ne  cessent  d’aimer,  6 le  plus  grand  des 
hommes,  l’âme  du  mortel,  qui  vit  d’une  manière  conforme 
aux  devoirs  du  kshatrya.  A, 658. 

» Qui  de  vous,  accrus  de  toutes  les  vertus,  oserait  par- 
donner qu'on  ait  adressé  à Draâupadl  S0U3  vos  yeux  des 
paroles  injurieuses?  5,669. 

» La  perle  du  royaume  ne  fut  pas  une  douleur  pour 
moi  : la  défaite  au  jeu  ou  l’exil  même  de  mes  01s  ne  me 
fut  pas  une  cause  d'ailliction.  A, 660. 

» Mais  que  cette  femme  grande,  azurée,  baignée  de 
pleurs,  se  soit  vue  dans  une  assemblée,  où  elle  entendit 


308 


LE  MAHA-BHARATA. 


des  paroles  blessantes;  c’est  une  vive  peine,  beaucoup 
plus  affligeante  pour  moi  ! 4,601. 

» Celte  dame  à la  taille  charmante,  qui  réunit  toutes 
les  vertus  de  la  femme  et  qui  met  continuellement  son 
plaisir  dans  les  devoirs  du  kshatrya,  elle  ne  parvint  pas  à 
trouver  alors  un  protecteur,  elle,  qui,  cependant,  ne  man- 
quait pas  de  protecteurs.  4,602. 

» Parle  aussi,  guerrier  aux  longs  bras,  à Arjouna,  le 
plus  éminent  des  mortels,  le  plus  excellent  de  tous  ceux, 
qui  portent  les  armes,  l’homme,  qui  marche  dans  le  sen- 
tier de  Draâupadî.  4,663. 

•i  Car  tu  sais  que  Bhimaséna  et  Arjouna,  semblables, 
dans  l’excès  de  leur  colère,  à deux  Yamas  destructeurs,  ' 
conduiraient  les  Dieux  mêmes  dans  la  voie  supérieure. 

» Ce  fut  contre  eux  un  acte  de  mépris  qu’on  ait  traîné 
Krishna  dans  une  assemblée,  et  que  Douççâsana  ait  pro- 
noncé des  paroles  amères  pour  Bhimaséna  sous  les  yeux 
des  Kouronides.  Fais  que  celui-ci  en  rappelle  à soi  le 
souvenir.  Informe-toi  auprès  des  fils  de  Pàndou,  sans 
oublier  Krishnâ,  sur  leur  santé  et  sur  la  santé  de  leurs 
fils.  4,665—4,666. 

» Dis-leur  encore,  Djanârddana,  que  je  suis  bien 
portante.  Va  dans  une  route  sans  danger  et  prête  ta  dé- 
fense à mes  fils.  » 4,667. 

S’étant  incliné  devant  elle  et  réunissant  ses  mains  en 
coupe  à son  front,  Krishna  aux  longs  bras  sortit  avec  la 
marche  dandinante  du  lion.  4,668. 

Ensuite,  il  congédia  Bhtshma  et  les  autres  héros  des 
Kourouides  ; il  fil  monter  Karna  dans  son  char , et  s’a- 
vança avec  Sâtyaki.  4,669.* 

Quand  Kéçava  le  Dâçârhain  fut  parti,  les  enfants  de 


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OUDYOGA-PAUVA. 


809 


Konrou  dans  leurs  mutuelles  réunions  parlaient  avec  une 
merveilleuse  liberté  dans  une  douleur  suprême  : 4,670. 

« Ce  globe  entier  jusque  dans  les  parties  les  plus  ca- 
chées est  tombé  sous  le  lacet  de  la  mort,  et  c’est  par  la 
folie  de  Douryodhana!  » disaient-ils.  A, 071. 

Le  plus  grand  des  hommes,  étant  sorti  de  la  ville, 
tint  alors  conseil  un  bien  long-temps  avec  Kan  a.  4,672. 

Puis,  ce  héros,  la  joie  de  tous  les  Yadouides,  congédia 
le  fils  adopif  de  Râdhà,  et,  poussant  rapidement  ses  che- 
vaux, il  poursuivit  sa  route  avec  une  grande  vitesse. 

Stimulés  par  Dârouka,  les  coursiers  infiniment  agiles, 
légers  comme  le  vent  ou  la  pensée,  volaient,  buvant,  pour 
ainsi  dire,  l’atmosphère.  4,073 — 4,074. 

Après  qu’ils  eurent  traversé  une  longue  route,  rapides, 
comme  s’ils  avaient  les  ailes  du  faucon,  ils  arrivèrent 
bientôt  par  la  voie  des  airs  à Oupaplavya,  glorieux  de 
porter  le  Dieu,  qui  tient  l’arc  Çàrnga.  4,075. 

Dès  qu’ils  eurent  entendu  ce  langage  de  Kounti,  les 
deux  héros  Bhishma  et  Drona  adressèrent  ce  discours  à 
Douroyodhana,  transgresseur  de  l’ordre  paternel  : 4,670. 

o Tu  as  entendu,  tigre  des  hommes,  ce  discours  sensé, 
vertueux,  sublime,  que  Kounti  vient  de  prononcer  en 
présence  de  Krishna.  4,677. 

» Les  fils  de  Prithà  feront  ce  qui  est  dans  l’opinion  du 
Vasoudévide  : en  effet,  jamais  les  Pândouides  né  se  cal- 
meront, à moins  qu’on  ne  leur  rende  un  royaume.  4,678. 

» Tu  les  as  tourmentés,  liés  qu'ils  étaient  par  les 
chaînes  du  devoir,  et  Draâupadl  elle-même  fut  traînée 
dans  l’assemblée;...  et  tu  as  souffert  cette  action!  4,679. 

b Quand  tu  te  verras  en  face  de  lihltna  à la  résolu- 
tion bien  arrêtée,  d’Arjouna,  consommé  dans  les  armes, 


810 


LE  MAHA-BHARATA. 


du  Gandiva,  de  ses  deux  carquois  inépuisables,  de  son 
char  et  de  son  drapeau,  4,680. 

» De  Nakoula  et  de  Sahadéva,  doués  d’énergie  et  de 
courage,  du  Vasoudévide,  son  allié,  Youdhishthira  ne  te 
fera  pas  grâce  ! 4,681. 

» Tu  sais  comme  nous  avons  été  vaincus  en  bataille 
sous  tes  yeux,  guerrier  aux  longs  bras,  dans  le  royaume 
de  Viràta  par  le  sage  fils  de  Prithà.  4,682. 

» Tu  sais  comment  les  Nivâtakavatchas,  Démons  aux 
œuvres  épouvantables,  furent  consumés  dans  la  guerre, 
quand  ils  voulurent  s’approcher  des  flèches  terribles  du 
guerrier,  qui  porte  un  singe  pour  son  drapeau.  4,683. 

b Toi-même,  revêtu  de  ta  cuirasse,  monté  sur  ton 
char,  et  ces  héros,  dont  Karna  est  le  chef,  ne  fûtes-vous 
pas  délivrés  par  lui  dans  la  Ghoshayâtrà  : cet  exemple 
doit  ici  vous  suffire!  4,784. 

b Appaise  ta  colère  avec  tes  frères  à l’égard  des  Pân- 
douides,  ô le  plus  grand  des  rejetons  de  Bharata;  et 
gouverne  ce  globe  entier  tombé  entre  les  dents  de  la 
mort!  4,685. 

» Toi,  l’atné  de  tes  frères,  doué  de  vertus,  bon  ami, 
poète,  à la  voix  douce,  aborde  ce  tigre  des  hommes  et 
repousse  d'ici  le  péché.  4,686. 

b Qu’on  te  voie,  environné  de  la  fortune,  désarmé  de 
ton  arc  par  le  fils  do  Pàndou,  ayant  calmé  ce  froncement 
de  tes  sourcil^et  rendu  la  paix  à notre  famille.  4,687. 

b Avance  avec  tes  ministres  vers  ce  fils  de  roi,  erabras- 
se-le  et,  comme  tu  faisais  jadis,  incline-toi,  dompteur  des 
ennemis,  en  présence  de  ce  monarque.  4,688. 

b Que  le  fils  deKounti,  Youdhishthira,  né  avant  Blâma, 
te  relève  affectueusement  de  sa  main,  incliné  devant  lui. 


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OUDY  OG  A-PARV  A. 


SU 


■>  Que  Bbtma,  le  plus  brave  des  combattants,  aux  grands 
bras,  aux  épaules  de  lion,  t’étreigne  dans  ses  bras  longs, 
vigoureux  et  ronds  ! 4,68$) — 4,690. 

»Que  Dhanandjaya,  le  fils  de  Kountl,  qu'on  a turnommi 
le  Prithide,  s'incline  devant  toi  avec  ses  yeux  de  lotus 
bleu,  son  cou  arrondi  comme  la  conque,  ses  cheveux 
pareils  au  feuillage  de  l’euphorbe.  4,691. 

» Que  ces  deux  héros  incomparables  en  beauté  sur  la 
terre,  ces  deux  tigres  des  hommes,  les  Açtvius  incarnés, 
te  décernent  comme  à leur  gourou  les  hommages  de  l’a- 
mitié et  du  respect.  4,692. 

» Que  ces  rois,  à la  tête  de  qui  marche  le  Dâçàrhain, 
versent  des  pleurs  nés  de  la  joie  : avance-toi  avec  tes 
frères  et  dépose,  seigneur,  ton  orgueil.  4,693. 

» Règne  ensuite  avec  tes  frères  sur  ce  globe  entier  ; et 
que  ces  rois,  s’étant  embrassés  avec  effusion,  s’en  retour- 
nent chacun  chez  soi.  4,694. 

» C’est  assez  de  combats,-  Indra  des  rois  1 écoute  les 
répugnances  de  tes  amis.  Pour  sûr,  on  verra  dans  cette 
guerre  la  perte  de  tous  les  kshatrvas.  4,695. 

» Les  astres  ont  des  clartés  sinistres , les  volatiles  ot 
les  quadrupèdes  inspirent  l’épouvante.  Divers  présages 
annoncent,  héros,  la  mort  des  kshalry;ts.,4,696. 

» Ces  augures  régnent  surtout  ici  dans  nos  palais.  Ton 
armée  est  tourmentée  par  des  météores  ignés  flam- 
boyants. 4,697. 

» Les  chevaux,  dans  la  tristesse,  semblent  verser  des 
larmes  ; les  chacals,  souverain  des  hommes,  assiègent  de 
tous  les  côtés  tes  armées.  4,698. 

» La  cité  n’est  plus,  comme  avant,  l'habitation  du  roi  ; 


812 


LE  MAHA-BHÀRATA. 


des  chacals  aux  sinistres  glapissements  habitent  dans  la 
plage  méridionale  (1).  4,699. 

» Exécute  la  parole  de  ton  père,  de  ta  mère  et  de  nous 
tous,  qui  désirons  ton  bien  : déploie  tes  efforts,  guerrier 
aux  longs  bras,  pour  cette  difficile  affaire  et  pour  la  paix 
elle-même.  4,700. 

» Si  tu  n’accomplis  pas  la  parole  de  tes  amis,  ô toi, 
qui  traînes  les  cadavres  de  tes  ennemis,  tu  en  auras  du 
repentir,  quand  tu  verras  ton  armée  en  proie  aux  flèches 
des  enfants  de  Prithâ.  4,701. 

» Quand  tu  entendras  sur  le  champ  de  bataille  le  bruit 
du  (lândîva  et  les  hautes  clameurs,  proférées  par  le 
vigoureux  Bhlma,  alors  tu  te  souviendras  de  mon  dis- 
cours, si  ma  parole  est  contraire  à tes  sentiments.  » 

A ces  mots,  l'esprit  dans  le  doute,  le  regard  oblique, 
le  visage  baissé,  rétrécissant  l’intervalle,  qui  séparait  ses 
sourcils,  le  prince,  qui  les  entendit,  resta  sans  prononcer 
une  seule  parole.  4,702 — 4,703 — 4,704. 

Dès  qu’ils  eurent  vu  son  âme  dans  la  perplexité,  ces 
éminents  personnages,  des  lieux  opposés  où  ils  étaient, 
jetant  des  regards  l’un  sur  l'autre,  de  prononcer  ces  mots 
supérieurs  : 4,705. 

r Nous  combattrons  le  fils  de  Prithâ,  pieux,  véridique, 
non  envieux,  docile  à son  gourou,  s’écrie  Bhlshma  : est -il 
rien  de  plus  douloureux?  » 4,706. 

« Dp  même  que  mes  sentiments  les  plus  vifs  reposent 
en  mon  fils  Açwattliàman.j  lit  Drona;  ainsi,  j’ai  le  plus 
profond  respect  et  le  culte  le  plus  dévoué  pour  ce 


(i)  Littéralement  : enflammée,  brûlante. 


OUDYOGA-PARVA. 


313 


Dhanandjaya,  de  qui  un  siage  est  le  drapeau.  4,707. 

» Obéissant  au  devoir  du  kshatrya,  je  combattrai  ce 
Dhanandjaya,  qui  m’est  plus  cher  qu’un  fils  : malheur 
soit  donc  à la  vie  du  kshatrya!  4,708. 

» Nul  autre  archer  n’est  égal  à.  celui-ci  dans  le  monde  : 
ce  Btbhatsou  est,  grâce  à moi,  le  plus  habile  de  tous  les 
autres  archers.  4,709. 

» L’homme  au  mauvais  cœur,  qui  offense  ses  amis, 
est  un  athée,  un  pervers,  de  qui  les  voies  ne  sont  pas 
droites  : il  ne  reçoit  pas  l'hommage  au  milieu  des  gens  de 
bien  ; il  vient  au  sacrifice  comme  un  insensé.  4,710. 

» Empêché  même  des  vices,  l’homme  â l'âme  vicieuse 
n'en  désire  pas  moins  se  souiller  avec  le  vice;  le  mortel  à 
l’àme  vertueuse,  est-il  excité  par  un  méchant,  continue  à 
désirer  la  vertu.  4,711. 

» Ces  Pàndouides,  que  tu  as  honorés  mensongèrement, 
vivront  ensuite  dans  le  bonheur  : tes  fautes,  éminent 
Bharatide,  amèneront  des  choses  funestes.  4,712. 

» Malgré  les  discours  du  vieux  Kourouide,  les  miens, 
ceux  de  Vidoura  et  du  Vasoudévide,  tu  n’inclines  pas 
encore  vers  le  meilleur  des  partis.  4,713. 

« J’ai  de  la  force!  » dis- tu,  voulant  échapper  à ces 
dangers  par  ta  vigueur  : telle  l’impétuosité  du  Gange  se 
porte  vers  la  mer,  habitée  par  les  makaras,  les  requins  et 
les  crocodiles.  4,714. 

» Tu  prends  dans  ta  cupidité  la  fortune  éclatante 
d’Youdhishthira , comme  un  bouquet  abandonné  ou 
comme  un  habit  délaissé,  dont  tu  veux  maintenant  te 
couvrir.  4,715. 

» Qui,  fût-il  placé  sur  un  trône  et  le  Pàndouide  confiné 
dans  un  bois,  pourrait  vaincre  ce  fils  de  Kountl,  accom- 


314 


LE  MAHA-BHARATA. 


pagné  de  Draâupadi  et  environné  de  ses  frères,  les  armes 
à la  main?  A, 716. 

» Lui,  de  qui  tous  les  rois  attendent  les  ordres,  prêts 
à obéir,  comme  des  serviteurs,  & sa  voix;  ce  Dharma- 
râdja,  il  brilla,  quand  il  osa  affronter  Élavilide.  A, 71 7. 

» Arrivés  au  palais  de  Kouvéra,  les  Pàndouides  ont 
obtenu  de  ce  Dieu  maintes  pierreries;  et,  venus  dans  ton 
opulent  royaume,  ils  désirent  maintenant  leur  part  du 
trône.  A, 718. 

» On  fit  des  largesses,  on  sacrifia,  on  récita  la  prière  ! 
les  brahmes  furent  rassasiés  de  richesses,  et  une  longue 
vie  nous  fut  donnée  à tous  les  deux;  sache  que  nous 
sommes  parvenus  au  comble  de  nos  vœux  (1).  A.719. 

» Si,  ayant  abandonné  tes  plaisirs,  ton  royaume,  tes 
amis  et  tes  richesses,  tu  déclares  la  guerre  aux  fils 
de  Pàndou,  tu  vas  tomber  dans  une  immense  infor- 
tune. A, 720. 

» Comment  pourras-tu  vaincre  ce  Pândouide,  pour  qui 
la  reine  Draâupadi,  adonnée  à une  si  cruelle  pénitence  et 
de  qui  la  parole  est  une  vérité,  demande  avec  des  vœux  la 
victoire?  A, 721. 

b Comment  pourras-tu  vaincre  ce  Pândouide,  qui  a 
pour  conseiller  Djanârddana  et  pour  frère  Dhanandjaya, 
le  plus  excellent  de  tous  ceux,  qui  portent  les  armes? 

a Comment  pourras-tu  vaincre  le  Pândouide,  ce  héros 
à la  terrible  pénitence,  qui  a pour  ses  alliés  des  brahmes 
aux  vœux  constants  et  qui  ont  submergé  les  organes  des 
sens?  A, 722— A, 723. 

b Je  te  dirai  ce  qui  est  à faire,  ce  qui  fa  déjà  été  dit 

(i)  Ceci  noos  semble  un  peu  décousu  ou  n'êlro  pes  bien  à sa  place. 


OUDOYGA-PARVA: 


315 


au  milieu  d'amis  plongés  dans  un  océan  d'infortunes  par 
un  ami,  qui  désire  ta  prospérité,  à, 724. 

» C'est  assez  de  guerre,  réconcilie-toi  avec  ces  héros 
pour  la  félicité  de  Kourou  : ne  te  précipite  pas  à ta  perte 
avec  ton  armée,  tes  ministres  et  tes  fils  1 » 4,725. 

Dhritarâshtra  dit  alors  : 

« Environné  des  fils  du  roi  et  des  ministres,  Sandjaya, 
quand  le  meurtrier  de  Madhou  fut  sorti  et  qu’il  fut  re- 
monté sur  son  char,  4,726. 

» Qu’est-ce  qui  fut  dit  à Karna,  ce  fils  adoptif  de 
Râdhà  par  cet  homicide  des  héros  ennemis,  duquel  il 
est  impossible  de  mesurer  l’àrae?  Quelles  paroles  de 
conciliation  Govinda  employa-t-il  auprès  de  ce  fils  du  co- 
cher? 4,727. 

» Krishna  élève  la  voix  et  possède  à propos  le  bruit  des 
nuages  : dis-moi,  Sandjaya,  la  parole,  soit  douce,  soit 
amère,  qu’il  adressa  à Karna.  » 4,728. 

« Écoute  de  ma  bouche  successivement,  rejeton  de 
Bharata,  ces  paroles  amères  et  douces,  agréables,  asso- 
ciées au  devoir,  utiles,  vraies,  acceptables  au  cœur,  que 
le  meurtrier  de  Madhou  à l’àme  infinie  adressa  au  fils 
adoptif  de  Râdhà.  4,729 — 4,730. 

« Des  brahmes  parvenus  à la  rive  ultérieure  des  Védas, 
siègent  autour  de  toi,  fils  de  Râdhà,  lui  dit  le  Vasoudé- 
vide;  tu  les  a interrogés,  sans  envie,  avec  soumission, 
touchant  la  vérité.  4,731. 

» Tu  n'ignorés  point,  Karna,  ces  étemelles  contro- 
verses des  Védas,  toi,  qui  es  .très-versé  dans  ces  Traités 
subtiles  sur  les  devoirs.  4,732. 

» L’enfant  né  d’une  jeune  fille  non  mariée  ou  d’une 
jeune  fille  enceinte  avant  son  mariage,  est  censé  le  fils  de 


310 


LE  MAHA-BHARATA. 


l’homme,  qu’elle  prit  ensuite  pour  son  époux  (1),  ont  dit 
les  personnes  instruites  dans  les  ÇAstras.  4,733. 

» Telle  est  ta  naissance,  Kama  ; tu  es  donc  légalement 
le  fils  de  Pàndou  : va  ! tu  porteras  la  couronne  suivant 
l’autorité  des  Traités  sur  le  devoir.  4,734. 

» Du  côté  de  ton  père,  tu  es  un  Pândouide  ; du  côté  de 
ta  mère,  tu  es  un  Vrishnide  : sache,  éminent  homme,  que 
ce  sont  là  tes  deux  ailes.  4,735. 

« Qu’accompagnés  par  moi,  les  Pandouides  se  rendent 
auprès  de  toi,  et  qu’ils  te  reconnaissent  pour  le  fils  de 
Kounti,  de  qui  la  naissance  a précédé  celle  d’Youdhish- 
thira.  4,736. 

» Que  tes  pieds  soient  embrassés  par  les  cinq  fils  de 
Pàndou,  tes  frères,  et  par  les  enfants  de  Draâupadl,  et 
par  l'invincible  fils  de  Soubhadrà.  4,737. 

» Que  les  Andhakas  et  les  Vrishnides,  que  les  rois  et 
les  fils  de  rois , rassemblés  pour  la  cause  des  Pandouides, 
embrassent  tous  les  pieds  de  ta  grandeur  ! 4,738. 

» Que  des  kshatryas  et  des  filles  de  rois  apportent  ici 
pour  ton  sacre  des  vases  d’argile,  d’argent  et  d’or,  des 
simples,  toutes  les  sortes  de  semence,  des  pierreries  en 
toutes  les  espèces  et  des  plantes  grimpantes.  Draâupadl 
s’unira  avec  toi  dans  le  sixième  jour  de  la  lune. 

» Que  Daâumya  à l’âme  parfaite,  le  plus  grand  des 
régénérés , offre  un  sacrifice  au  divin  Agni  ; que  les 
brahmes,  versés  dans  les  quatre  Védas,  te  sacrent  au- 
jourd’hui même  1 4,?39 — 4,740 — 4,741. 

>•  Que  le  Pourohita  des  Pàndouides  surveille  les  fonc- 


(1)  C’est  à peu  près  l'axiome  actuel  de  notre  droit  : ïs  )talcr  est,  quem 
nuptiœ  demonsli'ant. 


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OUDYOGA-PARVA. 


317 


lions  des  brahmes.  Alors,  les  cinq  frères,  nés  de  Pândou, 
ces  hommes  éminents,  les  cinq  fils  de  Draâupadl,  les 
Pàutchâlas , les  Tchédiens  et  moi , nous  te  sacrerons 
comme  un  roi,  qui  doit  régner  sur  la  terre,  4,742-4,743. 

» Et  son  altesse  Youdhishthira,  le  fils  d'Yama,  sera 
proclamé  le  roi  de  la  jeunesse.  Que  ce  fils  de  Kountl,  le 
vertueux  Youdhishthira  aux  vœux  parfaits,  ayant  pris  en 
main  l’éventail  blanc,  monte  sur  ton  char.  Le  vigoureux 
Bhlmaséna,  l'autre  fil»  de  Kountl,  agitera  sur  ton  front 
consacré  le  chasse-mouche  d'une  blancheur  éclatante. 
Couvert  d’une  peau  de  tigre,  muni  d’un  rebord  et  ga- 
zouillant avec  une  centaine  de  clochettes,  ton  char,  attelé 
de  chevaux  blancs,  sera  conduit  par  Arjouna.  Tu  auras 
continuellement  Abhimanyou  à tes  côtés. 

4,744-4,745-  4,746—4,747. 

» Nakoula,  Sahadéva,  et  les  cinq  fils  de  Draâupadl, 
et  les  Pàntchâlains,  et  le  héros  Çikhandt  formeront  ta 
suite.  4,748. 

» Et  moi-même  je  suivrai  tes  pas,  maître  de  la  terre, 
avec  tous  les  Andhakas,  les  Vrishnides  et  les  Dâç&rhains, 
ton  cortège.  4,749. 

* » Jouis  de  la  terre  avec  les  fils  de  Pândou,  tes  frères, 
héros  aux  longs  bras,  consacré  par  les  prières,  l'offrande 
de  beurre  clarifié  et  toutes  les  espèces  de  paroles  fortu- 
nées. 4,750. 

» Que,  devant  toi,  marchent  les  Dravidas,  accompa- 
gnés des  Kountalas,  les  Andras,  les  Tàlatchakaras,  les 
Tchoukhoupas  et  les  Rénoupas  (1).  4,751. 

o Que  les  bardes  et  les  ménestrels  t’exaltent  par  de 


(1)  Le  commentateur  écrit  ce*  deux  mots  ; Tchoûtchoupas  et  Vénoupas. 


318 


LE  MAHA-BHARATA. 


nombreuses  louanges  , et  que  les  fils  de  Pândou  pro- 
clament les  victoires  de  Vasouséna  ! A, 752. 

» Environné  des  fils  de  Pândou,  comme  Lunus  siège 
au  milieu  des  constellations,  règne  sur  la  terre,  fils  de 
Kountl,  et  verse  la  joie  au  cœur  de  ta  mère.  A, 753. 

n Que  tes  amis  se  réjouissent,  que  tes  ennemis  soient 
émus  d'épouvante,  et  que  la  fraternité  s’asseoie  entre  ta 
majesté  et  les  Pândouides,  tes  frères.  » A.75A. 

» Ma  sûreté,  as-tu  dit  (1),  Kéçava,  est  dans  l’affection 
et  l’amitié,  répondit  Karna  : mon  salut  vient  de  la  ten- 
dresse et  même  de  l'amour.  A, 755. 

» Je  sais  toute  cette  histoire  : je  suis  légalement  le 
fils  de  Pândou,  comme  tu  penses,  Krishna,  suivant  l'au- 
torité des  Traités  sur  le  devoir.  A, 756. 

» Une  vierge  m’a  conçu,  Djanârddana,  faible  enfant  du 
Dieu  de  la  lumière  : elle  m’a  donné  le  jour,  né  d’une  pa- 
role du  Soleil.  A, 757. 

» Voilà  comme  je  suis  né,  Krishna,  et  je  suis  léga- 
lement le  fils  de  Pândou.  Je  fus  abandonné  par  Kountl, 
qui  ne  lit  point  en  cela  une  action  vertueuse.  A, 768. 

» Adhiratha,  le  cocher,  me  vit;  il  me  recueillit  et 
m’emporta  dans  sa  maison.  Il  me  donna  affectueuse- 
ment, meurtrier  de  Madhou,  à Râdhâ,  son  épouse.  A, 759. 

» Par  tendresse  pour  moi,  il  descendit  à l’instant  de 
l’eau  à Râdhâ,  qui  me  lava,  Màdhava,  et  me  purifia  des 
souillures  de  l’urine  et  des  excréments.  A, 700. 

» Comment  un  homme  tel  que  moi,  qui  se  plaît  tou- 
jours à entendre  les  personnes  instruites  sur  la  vertu 
discuter  touchant  les  Traités  du  devoir,  pourrait-il  se 

(I)  Atlhn,  mot  du  texte  de  Ntlikantba. 


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OUDYOGA-PARVA. 


319 


.retirer  des  gâteaux  funèbres  dûs  aux  mânes  de  cette 
dame?  A, 761. 

» Par  affection,  toujours  le  cocher  Adhiratha  me  re- 
connaît pour  son  fils,  et  moi,  je  le  reconnais  pour  mon 
père.  A, 762. 

» 11  fit  accomplir  sur  moi,  Djanârddana,  avec  une 
tendresse  de  père,  les  cérémonies  de  la  naissance  et  les 
autres,  suivant  les  rites  prescrits  par  les  Çàstras.  A, 763. 

» Il  me  fit  imposer  par  les  brahmes  le  nom  de  Vasou- 
séna  ; et,  quand  fut  arrivé  le  temps  de  la  jeunesse,  je 
choisis  des  épouses  avec  son  assentiment.  A.76A. 

» D’elles  me  sont  nés  des  fils  et  des  petits-fils,  Dja- 
nârddana; en  elles  est  attaché  mon  cœur,  Krishna,  avec 
les  chaînes  de  l’amour.  A, 765. 

» Ni  par  l’offre  de  toute  la  terre  ou  celle  de  monceaux 
d’or,  ni  par  la  joie  ou  par  la  crainte,  Govinda,  tu  ne  peux 
faire  que  j’abjure  ces  sentiments.  A, 766. 

» Étant  venu  chercher  un  asile  auprès  de  Douryo- 
dhana,  dans  la  famille  de  Dhritarâshtra,  j’ai  savouré 
trdze  années  un  royaume  débarrassé  de  ses  ennemis. 

» Plus  d’une  fois  j'ai  offert,  avec  les  cochers,  mainte 
espèce  de  sacrifices;  j’ai  célébré  des  mariages  avec  les 
cochers  et  j’ai  rempli  avec  eux  des  devoirs  de  famille. 

A, 767— A, 768. 

» Douryodhana  vint  me  trouver,  Krishna,  rejeton  de 
Vrishni  ; il  entreprit  un  grand  ouvrage  par  les  armes,  et 
sa  guerre  elle-même  avec  les  fils  de  Pândou.  A, 769. 

» 11  fit  donc  que  je  promis  de  m’élever,  Atchyouta, 
dans  un  duel  en  char  contre  l’Ambidextre.  La  plus 
grande  hostilité,  Krishna,  nous 'sépare,  Savyasâtchi  et 
moi.  A, 770. 


320 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Je  ne  puis  rendre  fausse  ni  par  cupidité , ni  par 
crainte,  ni  à cause  de  la  parenté,  ni  par  la  mort,  Djanârd  - 
dans,  la  parole,  que  j'ai  donnée  au  sage  fils  de  Dhrita- 
ràshtra.  4,771. 

» Si  je  n'aborde  pas  maintenant  ce  duel  en  chars  avec 
l’Ambidextre,  il  y aura  déshonneur,  Hrishlkéça , pour 
l’un  et  l’autre,  le  fils  de  Prithà  et  moi.  4,772. 

» Que  l’amour  du  bien  inspire  tes  paroles,  meurtrier 
de  Madhou,  c’est  une  chose  indubitable  ; et  que  les  Pân- 
douides  fassent  tout  à ta  voix,  parce  qu’ils  te  sont  soumis, 
on  ne  peut  en  douter.  4,773. 

» Que  tu  tiennes  ici  le  voile  baissé  sur  ma  naissance, 
rejeton  d’Yadou,  je  pense  que  tout  cela  est  bien.  4,774. 

» Si  le  vertueux  roi  aux  sens  comprimés,  Y oudhisthira, 
savait  que  je  suis  le  fils  premier  né  de  Kountl,  il  ne  vou- 
drait pas  ceindre  la  couronne.  4,775. 

» Et  moi,  quand  j’aurais  obtenu  ce  grand  et  riche  em- 
pire; je  le  donnerais  incontinent,  dompteur  des  ennemis, 
à Douryodhana  lui-môme.  4,770. 

» Que  le  vertueux  Youdhishthira,  qui  a Hrishlfaéça 
pour  guide  et  Dhanandjaya  pour  combattant,  régne  à 
jamais.  4,777. 

» Son  royaume,  c’est  la  terre  ; ses  guerriers,  ce  sont  le 
héros  Bhima,  Nakoula,  Sahadéva  et  les  fils  de  Draâu- 
padi,  4,778. 

» Dhrishtadyoumna  le  Pàntchàlain,  le  vaillant  Sâtyaki, 
Youdhâmanyou  à la  vigueur  sublime,  le  Somakide,  fidèle 
au  devoir  de  la  vérité,  4,779. 

» Et  le.  Tchédien,  et  Tchékitâna,  et  l’invincible 
Çikhandl,  et  les  frères lUikéyains  avec  les  couleurs  de  la 
cochenille,  4,780. 


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OUDY  OGA-PARV  A . 


321 


» Avec  les  couleurs  de  l’arc-en-ciel,  et  le  magnanime 
Kountibhodja,  oncle  maternel  de  Bhlmaséna,  et  le  héros 
Çyénadjit,  A, 781. 

» Et  Çankha,  le  fils  de  Viràta,  et  toi,  Djanârddana,  ce 
trésor  inépuisable,  qui  fait  se  lever  sur  l’horizon  l’astre 
du  kshalrya.  A, 782. 

» Ce  royaume  éclatant,  fameux  entre  tous  les  rois,  est 
échu  au  lils  de  Dhritaràshtra.  Il  va  célébrer,  rejeton  de 
Vrishni,  le  sacrifice  des  armes.  A, 783. 

» Tu  seras  le  surveillant  de  cette  cérémonie,  et  c’est  à 
toi,  Djanârddana,  qu’appartiendront,  dans  ce  sacrifice, 
les  fonctions  de  l'Adhwaryou.  A,78A. 

» Blbhatsou,  revêtu  de  sacuirasse,  ombragé  du  singe, 
son  drapeau,  en  sera  le  Hotri  ; la  cuiller  sacrée  sera  le 
Gântliva,  et  la  valeur  des  guerriers  y tiendra  lieu  de 
beurre  clarifié.  A, 785. 

» L’astra  d'Indra,  le  Pâçoupala,  le  Brahmique,  le 
Sthaumâkarna  y serviront  de  prières  employées  par  l’Am- 
bidextre. A, 786. 

» Le  fils  de  Soubhadrâ,  qui  marche  sur  les  pas  de  son 
père,  ou  qui  le  surpasse  en  courage,  y sera  l'Oudgdtri, 
qui  entonne  les  hymnes  de  l'éloge.  A, 787. 

» Bhiuia,  ce  tigre  des  hommes,  à la  vigueur  immense, 
aux  cris  terribles,  qui  met  à mort,  dans  un  combat,  les 
armées  d’éléphants,  sera  un  deuxième  Oudgâtri  pour 
chanter  les  louanges  ; A, 788. 

» Et  le  vertueux  Youdhishthira,  le  monarque  éternel, 
environné  des  prières  et  des  oblations,  fera  célébrer  la  cé- 
rémonie de  l'identification  en  Brahma.  A,78i). 

» Le  bruit  des  conques,  marié  au  son  des  tambours  et 
des  tambourins,  les  défis  de  guerre  poussés,  tout  sera 

21 


VI 


322 


LE  MAHA-BHARATA. 


bien  digne  d’un  fidèle  adorateur  de  Brahma.  A, 790. 

» Nakoula  et  Sahadéva,  les  deux  illustres  lils  de  Afâdrt, 
à la  grande  vigueur,  accompliront,  comme  il  convient,  les 
actes  du  sacrifice.  4,791. 

» Les  étendards  aux  différentes  couleurs  immaculées, 
les  Oies  de  chars,  Govinda,  joueront  dans  ce  sacrifice  le 
rôle  des  colonnes  victimaires.  4,792. 

» Les  traits  barbelés,  les  flèches  de  fer  et  les  dards, 
munis  d’une  armure,  qui  imite  la  dent  de  veau,  rempla- 
ceront ici  les  adhwarious  ; les  leviers  en  fer  seront  mis  à 
la  place  des  urnes  de  soma,  et  les  arcs  figureront  les  eaux. 

» Le  beurre  clarifié  dans  ce  sacrifice  deviendra  les 
épées,  les  crânes  et  les  têtes  ; et  le  sang  coulera  en  guise 
de  havis.  4,793 — 4,794. 

» Les  lances  et  les  massues,  voilà  quelles  seront  les 
bois  placés  autour  du  feu  ; les  disciples  de  Drona  et  de 
Kripa,  le  Çaradvatide,  seront  les  prêtres  assistants. 

» Les  dards,  jetés  par  l’archer  du  Gândiva,  envoyés  de 
son  grand  char,  lancés  par  Drona  et  son  fils,  joueront  les 
vaisseaux  de  soma  et  les  autres  ustensiles  du  sacrifice. 

» Sâtyaki  remplira  l’office  du  Pratiprasthâtri  : là,  sera 
initié  Douryodhaiia  avec  la  grande  armée,  son  épouse. 

» Là,  Ghatotkatcha  aux  longs  bras,  à la  grande  vigueur, 
célébrera  le  sacrifice  dans  cette  cérémonie,  qui  se  prolon- 
gera jusque  passé  la  nuit.  4,795 — 4,796 — 4,797 — 4,798. 

» L’auguste  Dhrishladyoumna,  qui  est  né  du  feu, 
Krishna,  dans  l’œuvre  principale  de  cet  acte  religeux, 
sera  les  honoraires  dus  pour  ce  sacrifice  (2).  4,799. 


(1*— 2)  Depuis  cette  stance  4,786*  jusqu'au  4,799*  distique,  nous  regar- 
dons tout  ce  qui  suit  comme  une  fastidieuse  intrusion,  une  vaine  redon- 
danccrcl  un  badinage  des  calligraphes. 


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OUDYOGA-PARVA. 


323 


» Tout  ce  que  j’ai  dit  aux  l’ândouides  afin  d'être 
agréable  au  fils  de  Dhritaràshtra,  était  blessant  pour 
eux,  Krishna,  et  j'éprouve  de  cette  offense  un  amer 
regret.  4,800. 

» Quand  tu  me  verras  étendu  mort  sous  les  coups  de 
l’Ambidextre,  alors,  Krishna,  le  feu  de  ce  sacrifice  bril- 
lera, allumé  une  seconde  fois.  4,801. 

» Quand  le  Pàndouide,  jetant  les  plus  hauts  cris  de 
victoire,  boira  le  sang  de  Douççâsana,  alors  ce  sera  le 
moment  du  sacrifice,  où  l’on  boit  le  suc  de  l'asclépiade 
acide.  4,802. 

n Quand  deux  Pàntchâlains  abattront  et  Drona,  et 
Bhlshma,  alors,  Djanârddana,  commencera  la  fin  de  ce 
sacrifice.  4,803. 

» Quand  le  vigoureux  Bhlmaséna  étendra  Douryodhana 
sur  la  terre,  alors  Mâdhava,  le  sacrifice  du  fils  de  Dhrita- 
ràshtra  sera  conduit  à sa  fin,  4,804. 

» Les  brus  du  vieux  monarque  et  les  brus  de  ses  brus, 
pleureront  avec  lui,  accompagnées  de  Gândhàrl,  au  milieu 
des  aigles,  des  vautours,  des  chiens,  leurs  époux  immolés, 
leurs  fils  perdus,  leurs  soutiens  renversés;  et  ces  larmes 
seront,  Djanârddana,  la  lustration  de  l’avabhritha  dans  ce 
sacrifice.  4,805 — 4,800. 

» Que  les  kshatryas  avancés  en  âge,  avancés  en 
science,  ne  fassent  point  à cause  de  toi,  0 le  plus  éminent 
des  kshatryas,  que  la  mort  soit  un  vain  mot.  4,807. 

» Que  le  cercle  entier  des  kshatryas  succombe  à la 
mort  sous  la  force  des  armes,  Kéçava,  dans  ce  Kou- 
roukshétra  même,  la  plus  vertueuse  contrée  des  trois 
mondes.  4,808. 

» Dispose  , Vrishnide  aux  yeux  de  lotus  bleu , les 


324 


LE  MAHA-BHARATA. 


choses  suivant  les  désirs,  de  manière  que  tous  les  ksha- 
tryas  obtiennent  de  posséder  le  Swarga.  4,809. 

» Aussi  long-temps  que  dureront  les  fleuves  et  les  mon- 
tagnes, Djanàrddana , aussi  long-temps  subsistera  ce 
bruit  éternel,  qui  a son  origine  dans  la  gloire.  4,810. 

» Les  brahmes  raconteront  dans  les  réunions  ces 
grands  combats  des  Bharatides,  trésor  de  renommée  pour 
les  kshatryas.  4,811. 

» Amène  le  Prithide  Arjouna  au  combat  avec  moi, 
fléau  des  ennemis,  sans  cesser  de  lui  cacher  le  secret,  Ké- 
çava,  que  je  suis  le  fils  de  Kounti.  » 4,812. 

» A ces  mots  de  Karna,  Alàdhava,  l’immolateur  des 
héros  ennemis,  lui  répondit  en  riant  ces  paroles,  qu'avait 
précédées  un  sourire  : 4,813. 

« Quoi  ! Tu  es  insensible  au  moyen  d'obtenir  le 
royaume  (1)  ! Je  le  donne  la  terre,  et  tu  ne  veux  pas  la 
gouverner!  4,814. 

» La  victoire  des  Pàndouides  est  certaine,  c’est  indu- 
bitable : c'est  une  vérité,  que  tout  le  monde  connaît  ici. 
Quand  on  voit  le  fils  de  Pàudou  arborer  son  drapeau 
terrible  du  singe,  on  dit  que  c’est  l'étendard  de  lavic  - 
toire.  4,815. 

» Viçvakarma  a disposé  sur  cette  enseigne  une  magie 
céleste,  élevée,  éclatante  comme  le  drapeau  d’Indra  : on 
y voit  tous  les  êtres  divins,  formidables,  qui  apportent  la 
victoire.  4,816. 

» Arboré  par  Dhanandjaya,  ce  drapeau  fortuné  s’élève 
en  haut  à la  distance  d'un  vodjana;  il  ne  s’embarrasse  pas 

(1)  Nous  donnons  le  sens  du  commentateur;  ces  mots  bhôpQftddanan  ne 
se  trouvant  daus  aucun  dictionu&ire,  môme  dans  celui  de  Bôhüingk  et 
Roth. 


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OUDYOGA-PARVA. 


325 


dans  les  arbres  de  la  montagne  et  sa  beauté  est  semblable 
au  feu.  â,817. 

» Quand  tu  verras  dans  la  bataille  le  cocher  de 
Krishna  avec  ses  chevaux  blancs  déployer  l’astra  d’Indra 
et  ces  deux  en  même  temps  : l’astra  d’Agni  et  celui  du 
vent;  à, 81 8. 

» Quand  tu  entendras  le  bruit  du  Gândlva  au  fracas 
de  tonnerre,  il  n’y  aura  alors,  ni  Trétà,  ni  Dwâpara,  ni 
Krita  même  pour  le  défendre'.  4,819. 

n Quand  tu  verras  dans  la  bataille  Youdhishthira,  le 
fds  de  Kountî,  environné  des  prières  et  des  oblations,  brû- 
lant de  ses  feux,  comme  le  soleil,  les  bataillons  des  enne- 
mis, il  n’y  aura  alors,  ni  Trétà,  ni  Dwâpara,  ni  Krita 
même  pour  te  défendre  ! 4,820—4,821. 

» Quand  tu  verras  dans  ce  combat  le  vigoureux  Bhi- 
maséna  boire  le  sang  de  Douççâsana  et  danser  de  joie 
sur  le  champ  de  bataille,  tel  qu'un  éléphant,  dans  la 
fièvre  du  rut,  vainqueur  d’un  autre  éléphant,  son  rival, 
il  n’y  aura  alors  ni  Trétà,  ni  Dwâpara,  ni  Krita  même 
pourte  défendre.  4,822 — 4,823. 

» Quand  tu  verras  dans  ce  combat  l’Ambidextre  ar- 
rêter au  milieu  de  leur  élan  rapide  à la  bataille  Drona,  le 
Çàntanouide,  Kripa,  le  roi  Douryodhana  et  Iljayadratha, 
qui  règne  sur  les  champs  du  Sindhou,  il  n’y  aura  alors, 
ni  Tré.à,  ni  Dwâpara,  ni  Krita  même  pour  te  défendre. 

4,824—4,825. 

» Quand  tu  verras  dans  ce  combat  les  deux  (ils  de 
Mâdii  à la  grande  vigueur  jeter,  semblables  à deux  élé- 
phants, l’épouvante  dans  l’armée  des  Dhritarâshtrides,  et, 
sous  l’immense  averse  de  leurs  (lèches,  disperser  la  mort 
dans  les  chars  des  héros  ennemis,  il  n’y  aura  alors,  ni 


326 


LE  MAHA-BHARATA. 


Trétâ  ni  Dwàpara,  ni  Krila  môme  pour  te  défendre  ! 

A, 826— A, 827. 

n Parti  de  ces  lieux,  Karna,  dis  à Drona,  au  Çànta- 
nouide  et  il  K.  ripa  : « Voiçi  un  joli  mois,  qui  s’écoule,  paré 
de  gazon  et  de  prairies  humides.  A, 828. 

» 11  abonde  en  tous  les  simples;  ses  forêts  sont  feuillues; 
il  est  riche  en  fruits;  ni  les  mouches,  ni  la  poussière  n’y 
sont  incommodes;  il  est  plein  de  saveurs,  les  ondes  n’y 
sont  pas  chaudes,  il  est  frais,  il  est  accompagné  du  plai- 
sir, A,  829. 

» La  conjonction  de  la  lune  s’v  fera  le  septième  jour  : 
on  le  dit  consacré  au  Dieu  Çakra.  Nous  ouvrirons  ce  jour 
le  champ  de  bataille.  » A, 830. 

» Dis  à tous  les  rois,  qui  sont  venus  combattre: 
« J’accomplirai  entièrement  ce  qui  est  dans  votre  pen- 
sée. A, 831. 

» Après  que  les  rois  et  les  fils  des  rois,  qui  suivent  la 
volonté  de  Douryodhana,  auront  trouvé  la  mon  sous  les 
armes,  ils  entreront  dans  la  plus  fortunée  des  voies,  n 

» A ce  discours  utile  et  brillant,  Karna  rendit  ses 
hommages  A Kéçava,  le  meurtrier  de  Madhou,  et  lui  ré- 
pondit en  ces  termes  : A, 832 — A, 833. 

u Toi,  qui  me  connais,  héros  aux  longs  bras,  qui  es 
venu  pour  être  la  perte  complète  de  la  terre,  pourquoi 
veux-tu  jeter  le  trouble  dans  mon  cœur?  A,83A. 

» Les  causes  de  cette  guerre  furent  Çakouni,  Douççâ- 
sana  et  moi;  Douryodhana  ne  fut  ici  qu'un  roi,  (ils  de 
Dhritar&shtra.  A, 835. 

» Sans  doute,  Krishna,  voici  le  temps  arrivé  de  ces 
grands  combats,  qui  doivent  arroser  la  terre  des  flots 
épouvantables  du  sang  de  Pàmlou  et  de  Kourou.  A, 836. 


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OUDYOGA-PARVa. 


327 


» Consumés  dans  la  bataille  par  le  feu  des  armes,  les 
rois  et  les  fils  de  rois,  qui  suivent  la  volonté  de  Douryo- 
dhana,  tomberont  dans  les  demeures  d'Yama.  à, 837. 

# L’àme  est  effrayée,  la  nuit,  par  un  graud  nombre  de 
songes;  les  augures  soDt  tous  sinistres  et  les  prodiges 
jettent  la  plus  profonde  épouvante.  4,838. 

» Divers  présages,  qui  font  se  hérisser  le  poil  de  ter- 
reur, annoncent  la  défaite  pour  Douryodhana  et  la  victoire 
4 Youdhishthira.  4,830. 

» Le  cruel  Ràhou  à la  vaste  lumière  oppresse  l’asté- 
risme Prâdjàpatya,  et  Ç&nalçtchara  pèse  d’un  poids  acca- 
blant sur  les  êtres  animés.  4,840. 

» Angâraka  fait  une  courbe,  meurtrier  de  Madhou,  sur 
la  constellation  Djyéshtbà;  et,  comme  s’il  portait  4 se 
réunir  un  couple  d’amis,  il  recherche  Anourâdda  (1). 

» Pour  sûr,  Krishna,  un  grand  danger  menace  les 
enfants  de  Kourou  ; Graha  surtout,  rejeton  de  Vrishni, 
opprime  l’astérisme  Tchitrâ.  4,841 — 4,842. 

» Râhou  s'approche  du  soleil,  où  le  caractère  de  Lunus 
est  effacé  : des  météores  ignés  tombent  du  ciel,  accom- 
pagnés de  vents  impétueux,  associés  4 des  tremblements 
de  terre.  4,843. 

» Les  éléphants  soupirent,  les  coursiers  versent  des 
larmes;  ni  l’eau,  ni  le  fourrage,  Màdhava,  ne  leur  font 
maintenant  de  plaisir.  4,844. 

» On  dit  que  l’apparition  de  ces  phénomènes,  guerrier 
aux  longs  bras,  annoncent  le  danger  et  une  destruction 
épouvantable  des  êtres  animés.  4,844. 


(1)  Ce  sens,  qui  nous  est  personnel,  s’éloigne  beaucoup  moins  de  la 
lettre  que  celui  du  coramcutateur  : celui-ci  n’y  eutre  même  pas  du 
tout. 


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328 


LE  MAHA-BHARATA. 


» On  voit  ici  sous  les  chevaux,  sous  les  éléphants, 
sous  les  hommes,  Kéçava,  beaucoup  d'excréments  suivre 
peu  de  nourriture.  4,848. 

» Les  gens  à la  vue  intelligente  disent,  meurtrier  de 
Madhou,  que  c’est  le  signe  de  la  défaite  dans  toutes  les 
armées  des  fils  de  Dhritaràshtra.  4,847. 

» On  raconte  que  les  coursiers  des  Pàndouides  sont 
joyeux,  Krishna,  et  que  les  gazelles  marchent  à leur 
droite  : ce  qui  est  pour  eux  un  signe  delà  victoire.  4,848. 

» Toutes  les  gazelles  suivent  une  direction  contraire 
4 l’égard  des  Dhritaràshtridcs  ; ils  entendent  des  voix  non 
articulées  par  des  corps  : ce  qui  est  la  marque  d'une  dé- 
faite. 4,849. 

» Les  paons,  oiseaux  purs,  les  cygnes,  les  grues  in- 
diennes, les  tchâtakas  et  les  troupes  des  faisans  vont  sur 
les  pas  des  fils  de  Pàndou.  4,850. 

» Les  vautours,  les  hérons,  les  ardées,  les  faucons,  les 
esprits  malfaisants,  les  loups  et  des  multitudes  de  mouches 
suivent  les  enfants  de  Kourou.  4,851. 

» Dans  les  armées  du  Dhritaràshtride,  on  n'entend 
pas  le  son  des  tambours:  mais,  chez  les  Pàndouides,  les 
patahas  résonnent  sans  être  même  frappés.  4,852. 

» Les  puits  mugissent,  semblables  à des  taureaux,  et 
c’est  un  signe  de  défaite  pour  les  armées  du  Dhritarâsh- 
tride.  4,853. 

» Le  Dieu  Çntakratou  fit  tomber  du  ciel  une  pluie  de 
chair  et  de  sang;  et  la  brillante  cité  des  Gandharvas  s'est 
approchée,  4,854. 

» Avec  ses  remparts,  ses  fossés,  ses  retranchements, 
ses  magnifiques  portes  arcadées.  line  noire  massue  y tient 
masquée  la  lumière  du  Soleil.  4,855. 


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OUDYOGA-PARVA. 


329 


» Les  levers  et  les  couchers  du  soleil,  l’aube  et  le  cré- 
puscule prédisent  un  grand  danger.  Des  êtres  avec  une 
seule  aile,  un  seul  œil,  un  seul  pied,  spectacle  effroyable, 
jettent  haut  des  cris.  4,856. 

» Des  volatiles  ont  pondu  des  choses  effrayantes  : c'est 
un  signe  de  défaite.  Des  chacals  glapissent  d’une,  voix 
terrible  : c'est  l’augure  d’un  désastre.  4,857. 

» Des  vautours  au  cou  blanc,  aux  pieds  rouges,  oiseaux 
effroyables,  viennent  se  présenter  à nous  dans  les  prières 
du  matin  et  du  soir  : c’est  le  présage  d'uuedéfaite.  4,858. 

» On  hait  de  prime  abord  les  bralimes,  ses  gourous, 
ses  domestiques  et  les  dévolieuses  personnes,  meurtrier 
de  Madhou  : n’est-c  point  là  un  signe  de  défaite?  4,859. 

» La  plage  orientale  a les  formes  du  sang,  la  plage 
méridionale  porte  les  couleurs  des  armes , la  plage  de 
l'occident  ressemble  à un  bassin  de  fruits  avant  la  maturité. 

» Toutes  les  plages  enflammées  annoncent  dans  le  dé- 
ploiement de  ces  prodiges  un  grand  danger,  Màdhava, 
pour  le  (ils  de  Dhritarâshthra.  4,880 — 4,801. 

n J’ai  vu,  Impérissable,  à la  fin  d'un  songe,  Youdhish- 
thira,  accompagné  de  ses  frères,  monter  vers  un  palais  aux 
mille  colonnes.  4,862. 

» Ils  m’apparurent  tous  coiffés  de  turbans  blancs  et  re- 
vêtus de  riches  habits;  je  vis  les  sièges  resplendissants  de 
tous  ces  héros.  4,863. 

» J’ai  vu,  à la  lin  d’un  songe,  la  terre  soumise  à toi, 
Krishna-Djanârddana,  souillée  de  sang,  environnée  d’en- 
trailles. 4,864. 

» Youdhishthira  joyeux,  à la  force  sans  mesure,  était 
monté  sur  un  amas  d’ossements  et  buvait  dans  une  coupe 
d'or  le  lait  et  le  beurre  clarifié.  4,865. 


530 


LE  MAHA-BHARATA. 


» J’ai  vu  Youdhishthira  dévorer  celte  terre  : c’est  évi- 
dent (1),  il  mangera  tout  ce  globe,  que  tu  lui  donneras. 

» Le  tigre  entre  les  hommes,  Vrikaudara,  sa  massue  à 
la  main,  ayant  escaladé  une  montagne  élevée,  semblait 
aussi  dévorer  cette  terre.  4,806 — 4,807. 

» 11  nous  détruira  tous  dans  cette  grande  bataille; 
c'est  très-manifeste.  Je  le  sais,  la  victoire  se  tiendra, 
Hrishikéça,  du  côté  où  est  la  vertu.  4,868. 

» Monté  sur  un  éléphant  blanc,  l'archer  du  Gàndtva, 
Dhanandjaya  doit  nécessairement  avec  toi  resplendir, 
Hrishikéça,  de  la  plus  haute  fortune.  4.809. 

» Vous  nous  immolerez  tous  ici  dans  ce  combat , je 
n’en  doute  pas,  Krishna,  nous,  les  princes  de  la  terre, 
qui  marchons  devant  les  pas  de  Douryodhana.  4,870. 

» J’ai  vu  encore  ces  trois  éminents  hommes,  montés 
sur  un  char  sublime,  Nakoula,  Sahadéva  et  le  héros  Sà- 
tyaki,  portant  de  vastes  colliers, appelés  Kanthatrâs  (2), et 
des  bracelets  blancs,  revêtus  de  robes  et  parés  de  bou- 
quets blancs,  qui  abritaient  leurs  blancs  habits  sous  de 
blanches  ombrelles.  4,871 — 4,872. 

» Je  vis  ces  trois  guerrieis  coiffés  tous  de  turbans 
blancs  : sache  qu’ils  m'apparurent,  Kéçava,  au  milieu 
des  armées  Dhritarâshtrides.  4,873. 

» Açvatthâman , Kripa  et  Kritavarman  le  Sâttwatide, 
ces  princes  se  montrèrent  tous  à moi,  Màdhava,  coiffés  de 
turbans  rouges.  4,874. 

» Je  vis  les  deux  héros,  Bhtshma  et  Drona,  montés 


(1)  Vyaktan,  adverbe,  porte  l'édition  de  Bombay. 

(2)  Le  dictionnaire  même  de  Bôlblingk  et  de  Roth  n'a  point  ce  root  : 
kanthatrâs. 


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OUDYOGA-PARVA. 


331 


avec  moi  et  Douryodhana  sur  un  char  attelé  d'un  cha- 
jneau,  s'avancer  vers  la  plage,  où  préside  Agastya,  et 
bientôt  après  nous  arrivâmes  au  séjour  d'Yama. 

4,875—4,870. 

» Moi  et  ces  autres  rois , qui  forment  le  cercle  des 
kshatryas,  nous  serons  tous  consumés  dans  le  feu  du 
Gàndiva;  il  n’y  a pas  doute  ici  pour  moi.  » 4,877. 

b Voici  le  moment  arrivé  sans  doute  pour  la  ruine  de 
cette  terre,  lui  répondit  Krishna,  puisque  mes  paroles, 
Karna,  ne  vont  pas  à ton  cœur.  4,878. 

a Dans  ce  temps,  où  la  ruine  menace  tous  les  êtres,  ce 
manque  de  raison,  mon  fils,  qui  ressemble  à la  raison, 
ne  sort  pas  de  ton  cœur.  » 4,879. 

a Puissions-nous,  pleins  de  vie,  te  revoir  encore,  guer- 
rier aux  longs  bras,  au  sortir  de  cette  grande  bataille,  re- 
prit Karna,  où  les  kshatryas  ennemis  perdront  la  vie  ! 

» Quoi  qu'il  en  soit , nous  ferons , il  est  certain , 
Krishna,  le  voyage  du  Svvarga  : là,  nousnousretrouverons 
bientôt  avec  toi,  homme  sans  péché,  a 4,880 — 4,881. 

a 11  dit  : et,  quand  il  eut  parlé  ainsi  à Mùdhava,  Karna 
de  l’embrasser  étroitement.  Ensuite,  congédié  par  Ké- 
çava,  il  descendit  et  quitta  le  siège  du  char.  4,882. 

» Puis,  étant  remonté  dans  sa  voiture  décorée  d’or,  le 
fils  adoptif  de  Râdhà,  l’âme  en  proie  à la  douleur,  s'en  re- 
vint avec  nous.  4,883. 

» Kéçava,  s’en  retourna  d’une  course  accélérée  avec 
Sâtyaki,  et  répétant  ce  mot  à son  cocher  mainte  et  mainte 
fois  : « Marche!  marche!  » 4,884. 

Quand  Krishna  fut  revenu  vers  les  Pândouides,  sans 
qu'il  eût  réussi  dans  sa  mission,  Kshattri  s'approcha  de 
Priihà  et  lui  dit  lentement,  d'une  voix  plaintive  : 4,885. 


332 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Tu  sais,  fille  de  Djtva , que  mes  sentiments  furent 
toujours  opposés  à la  guerre  ; mais  Souyodhana  refuse» 
d’entendre  ma  voix,  que  je  ne  cesse  de  lui  crier.  A, 886. 

» Le  roi  Youdliisluhira  est  dans  Oupaplavva,  réuni 
avec  les  Tchédiens , les  Pàntchâlains,  les  Kaikéyains, 
Bhima,  Arjouna,  les  jumeaux,  Krishna  et  Youyoudhâna  ; 
il  est  entré  dans  le  devoir.  Fort,  il  désire,  comme  s’il 
était  un  homme  faible,  n’avoir  que  des  amis  dans  ses  pa- 
rents. A,  887 — A,  888. 

» Ce  roi  Dhritarâshlra,  tout  vieilli  qu'il  soit  par  les 
années,  n’arrive  point  à se  calmer.  Enivré  de  l’orgueil, 
que  lui  inspire  son  fils,  il  s’est  engagé  dans  une  voie  sé- 
parée de  la  vertu.  A, 889. 

» Le  mauvaisesprit  de  Djayadratha,  Karna.Douççâsana 
et  du  Soubalide  va  engendrer  ici  une  mutuelle  division. 

» Un  homme  vicieux  produit  une  telle  plai»  du  cœur 
dans  le  plus  juste  des  hommes  I Qui  ne  s'affligerait  de 
voir  les  Kourouides  enlever  le  devoir  par  la  force  à ces 
héros,  de  qui  le  devoir,  avec  tout  ce  qui  l’accompagne, 
sera  un  jour  le  partage  ? Kéçava  étant  revenu,  sans  leur 
apporter  d’agréables  paroles,  les  Pândouides  feront  la 
guerre.  A, 890 — A, 891 — A, 892. 

» Ensuite,  se  lèvera  le  mauvais  Destin  des  Kourouides 
et  la  perte  des  héros.  Tourmenté  de  ces  pensées,  je  ne 
puis  trouver  le  sommeil,  ni  le  jour  ni  la  nuit.  » A, 893. 

# Dès  qu'elle  eut  ouï  ce  langage,  prononcé  par  le 
prince,  qui  avait  l’amour  de  l’utile,  Kounti,  soupirant  et 
tourmentée  par  le  chagrin,  l’agita  dans  sa  pensée  : A.S9A. 

« Malheur  soit,  s'écria-t-elle,  à la  fortune  de  l’homme, 
par  qui  arrive  ce  grand  carnage  de  parents.  Cette  guerre 
va  entraîner  la  ruine  de  tout  ce  qui  m’est  cher.  A, 895. 


OUDYOGA-PAIIVA. 


333 


» Les  Tchédiens,  les  Pântchâlains,  les  fils  de  Pàndou 
et  les  Y'adouides  réunis  combattront  avec  les  enfants  de 
Bharata!  Est-il  un  chagrin  plus  grand  que  cette  dou- 
leur. 4,896. 

» Je  vois  un  crime  certain  dans  la  guerre,  mais  il  y a 
défaite  également  à ne  point  la  faire.  Mieux  vaut  la  mort 
dans  l’indigence  qu’un  triomphe  acheté  par  la  vie  de 
mes  parents!  4897. 

» Quand  je  roule  ces  pensées  dans  mon  esprit,  le  cha- 
grin natt  dans  mon  cœur.  Le  (ils  de  Çàntanou,  mon 
grand-oncle,  et  l’Atchârya,  le  seigneur  des  batailles,  et 
Karna  ajoutent  à ma  crainte  par  leur  attachement  au  fils 
de  Dhritaràshtra.  L’amour  empêchera  toujours  Drona,  le 
guide  spirituel,  de  combattre  ses  disciples.  4,898 — 4,899. 

» Comment  notre  grand-oncle  ne  montrerait-il  pas 
d’affection  à l’égard  des  fils  de  Pàndou?  11  n’y  a que  le 
stupide  Dhritaràshtride,  qui  voit  toutes  ces  choses  de 
travers.  4,900. 

» Fidèle  acolytbe  du  délire,  ce  pervers,  il  hait  les 
Pândouides,  et  le  vigoureux  Karna  surtout  ne  cesse  d’u- 
ser sa  force  à la  recherche  opiniâtre  de  la  grande  infor- 
tune des  Pândouides.  Maintenant  il  brûle  mon  cœur;  mais 
j’espère  fléchir  les  dispositions  de  Karna  à l’égard  des  fils 
de  Pàndou,  en  allant  auprès  de  ce  héros  lui  montrer,  sui- 
vant la  vérité,  ce  jour,  où  le  bienheureux  Dourvàsas,  sa- 
tisfait de  mes  services,  daigna  m’accorder  une  grâce, 

# Une  évocation,  accompagnée  de  formules  mystiques, 
tandis  que  j’habitais  dans  le  palais  de  mon  père.  Au  mi- 
lieu du  gynœcée  royal,  Kounti-Bhodja  m’avait  donné  le 
premier  rang.  4,901—4,902 — 4,903 — 4,904. 

» Je  pensai  de  mainte  façon  dans  mon  cœur,  agité  avec 
la  légèreté  d’un  enfant,  avec  la  légèreté  d’une  femme,  sur 


334 


LE  M AHA-BHARATA. 


le  fort  et  le  faible  des  invocations  et  sur  la  puissance, 
qu'il  y avait,  dans  la  parole  de  ce  brahme.  Environnée  de 
jeunes  personnes,  mes  amies,  et  gardée  par  la  confiance, 
qu’avait  inspirée  ma  nourrice,  cachant  ma  faute  -et  con- 
servant l’honneur  de  mon  père,  je  songeai  mainte  et 
mainte  fois  : « Comment  retiendrai- je  ici  ma  vertu? 
Comment  n’aurai -je  pas  commis  d’offense?  » Ayant 
roulé  ces  pensées,  je  m’inclinai  devant  le  brahme  ; j’ac- 
ceptai sa  grâce  par  curiosité,  et  j’en  fis  l’expérience  par 
enfantillage.  4,905 — 4,906 — 4,907 — 4,908. 

» J’étais  vierge,  quand  je  m’approchai  du  Dieu  Soleil, 
et  je  gardai  comme  mon  fils  ce  fruit  d'une  jeune  fille  non 
mariée.  4,909. 

» Pourquoi  n’accomplirait-il  point  une  parole,  qui  est 
convenable  et  utile  à ses  frères  ? » Tout  en  formant  ces 
pensées,  Kountt  d’arrêter  pour  scs  affaires  une  résolution 
sublime.  4,910. 

» Déterminée  sur  la  chose,  quelle  devait  faire,  elle  se 
rendit  vers  la  Bhàgtrathi.  Là,  sur  la  rive  de  la  Gangâ,  elle 
entendit  la  voix  de  son  fils  compàtissant , fidèle  à la  vé- 
rité, qui  récitait  le  Véda.  La  femme  dévote,  attendant 
pour  exécuter  son  désir  la  fin  de  cette  prière,  se  tint  der- 
rière le  héros,  qui,  les  bras  levés,  avait  la  face  tournée  à 
l'orient.  La  Vrishnide,  épouse  d’un  rejeton  de  Kourou, 
accablée  par  la  chaleur  du  soleil,  comme  une  guirlande 
fanée  de  lotus,  était  abritée  par  le  vêtement  supérieur  de 
Karna.  Quand  il  eut  murmuré  sa  prière,  arrivé  l’après 
midi  (1),  l’homme  ferme  dans  son  vœu  se  retourna. 

4,911— 4,912— 4,913— A, 914. 

(1)  Bôthlingk  et  Roth  ne  donnent  pas  ce  composé  : dprishthatâpât  ; 
notre  explication  appartient  au  commentaire  ; mot  à mot  : jusqu'au  temps 
oit  le  soleil , qu’elle  avait  par  devant , fut  l'end  l’échauffer  par  derrière. 


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OUDYOGA-PARVA. 


335 


» Il  vit  Kountt,  et,  joignant  le»  mains  à son  front,  il 
s’inclina  devant  elle  ; puis,  souriant,  courbé  suivant  l’éti- 
quette, le  lier  Vrisbna  à la  grande  force,  le  fils  du  Soleil, 
le  plus  excellent  des  mortels,  qui  soutiennent  la  vertu, 
adressa  ces  mots  à Kountl  : 4,915 — 4,916. 

« Je  suis  Karna,  le  fils  de  Ràdhâ  et  d'Adhiratha,  je  te 
rends  mes  hommages.  Pourquoi  es-tu  venue  ici,  noble 
dame?  Dis  ! Que  dois-je  faire  pour  toi?  » 4,917. 

n Tu  es  le  fils  de  Kountl,  lui  répondit-elle;  tu  n’es 
pas  le  fils  de  Ràdhâ,  et  ton  père  n’est  point  Adhiratha.  Tu 
n’es  pas  né  dans  la  famille  d'un  cocher  ; sache,  Karna, 
cette  parole  de  moi.  4,918. 

» Tu  es  né  de  mes  entrailles  avant  que  je  lusse  devenue 
une  épouse;  et,  le  premier  né  de  mes  enfants,  tu  fus  porté 
dans  mon  sein  : tu  as  reçu  le  jour,  mon  fils,  dans  le  palais 
du  roi  de  Kounti.  4,919. 

» Le  Soleil,  ce  Dieu  splendide,  de  qui  les  œuvres  sont 
évidentes,  t’a  engendré  dans  mon  sein,  toi,  Karna,  le 
plus  brave  de  ceux,  qui  portent  les  armes.  4,920. 

*i!»  Enfant  d’un  Dieu,  tu  étais  orné  de  pendeloques,  re- 
vêtu d’une  cuirasse,  environné  de  la  prospérité.  Inaffron- 
table,  tu  es  né  de  moi,  mon  fils,  dans  le  palais  de  mon 
père.  4,021. 

» Ne  connaissant  pas  tes  frères,  tu  as  embrassé,  dans 
ton  égarement,  le  parti  du  Dhritaràshtride  : cela  ne  te 
sied  pas,  mon  fils,  à toi  surtout!  4,922. 

» Voilà  quel  est  le  fruit  du  dev  oir,  dans  la  décision  du 
devoir,  suivant  les  hommes  : c'est  de  faire  la  joie  de  ses 
aïeux  et  de  sa  mère,  qui  a une  seule  vue  avec  eux.  4,923. 

» Romps  d’abord  avec  les  Dhritarâsbtrides  et  savoure 
la  fortune  d'Youdhishlhira,  qu'Arjouna  lui  a conquise  et 


336 


LE  MAHA-BHARATA. 


qui  jadis  lui  fut  enlevée  par  la  cupidité  des  méchants  ! 

» Que  les  vicieux  rejetons  de  Rourou  voient  aujour- 
d’hui la  réunion  de  Rarna  et  d’Arjouna,  après  qu’ils 
auront  vu  le  sentiment  fraternel  les  incliner  l’un  devant 
l’autre,  à, 924 — 4,925. 

» Puissent  Rarna  et  Arjouna  devenir  ce  que  sont  Bala- 
râma  et  Djanârddana!  Y aura-t-il  dans  le  monde  rien 
d’impossible  à ces  deux  jeunes  héros,  quand  leurs  âmes 
seront  unies?  4,926. 

» Assurément,  tu  resplendiras,  environné  de  tes  cinq 
frères,  Rarna,  tel  que  Brahma,  entouré  des  Dieux,  auprès 
de  l'autel,  dans  un  grand  sacrifice.  4,927. 

» Doué  de  toutes  les  qualités,  tu  seras  l’aîné  à la  tête 
des  frères  les  plus  vertueux.  Qu’on  ne  te  dise  plus  : a Fils 
décocher!  » car  tu  es  un  vigoureux  fils  dePrithâ.  » 4,928. 

Rarna  entendit  alors  une  voix  incomparable,  affectueuse 
comme  la  voix  d'un  père,  qui  sortait  du  soleil,  articulée 
par  l'auteur  même  de  la  lumière  : 4,929. 

« La  parole,  que  Prithâ  vient  de  prononcer,  est  vraie, 
Rarna;  exécute  cette  parole  de  ta  uière.  Si  tu  l’accomplis, 
il  doit  en  sortir  entièrement  ton  salut.  » 4,930. 

» A ce  langage  de  sa  mère  et  du  soleil,  son  père,  l’âme 
de  Rarna,  fidèle  au  sentiment  de  la  vérité,  ne  fut  pas 
même  ébranlée  de  sa  voie.  4,931. 

« Le  kshatrya  ne  croit  pas,  répondit-il,  à cette  parole, 
que  tu  lui  adresses  : accomplir  tes  ordres,  voilà  quelle  est 
pour  moi  la  porte  du  devoir.  4,932. 

» Je  suis  pur  de  cette  faute,  noble  dame,  que  tu  m’as 
présentée  comme  bien  grande,  dépassant  les  bornes,  dé- 
truisant, ma  mère,  la  renommée  et  la  gloire.  4,933. 

» Je  suis  né  kshatrya;  mais  si  je  n'ai  pas  atteint  à la 


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OUDYOGA  PARVA. 


337 


vertu  du  kshntrya,  n'est- en  pas  à cause  de  toi?  Le  plus 
cruel  ennemi  aurait-il  pu  me  faire  autant  de  mal?  4,1*34. 

» Tu  m'as  rejeté  dès  le  commencement,  sans  avoir  de 
pitié  pour  moi,  cet  enfant,  le  tien,  privé  des  cérémonies 
de  la  naissance  ! 4,93â. 

» Jamais  tu  ne  m’as  fait  de  bien  avec  la  tendresse 
d'une  mère;  c'est  maintenant,  pour  la  pieutière  fois  seu- 
lement, que  le  désir  de  mon  salut  t'engage  à me  donner 
cet  avis.  4,936. 

» Qui  ue  serait  saisi  de  terreur  devant  Arjouna,  accom- 
pagné de  Krishna?  Saura-t-on  que  dans  cet  instant  même, 
où  je  marche  combattre  les  Pàndouides,  je  u’éprouve  au- 
cune crainte?  4,937. 

» On  sait  que  je  n'ai  pas  de  frères;  je  me  suis  révélé, 
jadis,  à l'heure  des  combats.  Si  je  m'avance  contre  les  fils 
de  Pàndou,  qui  ne  dira  pas  alors  que  je  suis  un  Itshalrya? 

» Ayant  toutes  les  choses  désirées  en  partage,  honoré 
à mon  plaisir,  comment  répondrais-je  par  l'ingratitude  à 
ces  bienfaits  des  Dhritaràshtrides ? 4,93S — 4,939. 

u Eux,  qui,  déjà  armés  pour  cette  guerre,  me  font 
continuellement  la  cour  et  m’adressent  toujours  leurs 
hommages,  comme  les  Dieux  à Indra?  4,940. 

» Comment  briserais-je  le  désir  de  ces  hommes,  qui 
s'imaginent  être  capables,  si  mon  souille  les  anime,  de 
vaincre  leurs  ennemis?  4,941. 

>i  Comment  abandonnerais-je  ces  autres  héros,  qui, 
épris  du  rivage  ultérieur,  désirent  traverser  dans  ma 
barque  cet  infranchissable  combat?  4,942. 

a Voici  le  moment  arrivé  pour  ceux,  de  qui  l’existence 
dépend  des  Dhritaràshtrides  : il  me  faut  combattre  ici  en 
guerrier,  qui  ne  ménage  point  sa  viel  4,943. 
tri 


22 


» Il  y a «les  pervers,  qui,  satisfaits,  bien  nourris,  le 
moment  de  la  reconnaissance  arrivé,  ne  considèrent  pas 
les  services,  et,  instables  dans  leurs  sentiments,  détruisent 
le  bienfaiteur.  4,944. 

» Il  n'existe  rien,  ni  dans  ce  monde,  ni  dans  l’autre 
vie,  pour  ces  hommes  «aux  œuvres  coupables,  qui  enlè- 
vent le  pain  de  leur  mattre  et  partagent  les  fautes  des 
rois.  4,945. 

» Armé  de  force  et  d'énergie,  je  combattrai  contre  tes 
fils  pour  les  enfants  de  Dhritarâslitra,  non  que  j’accuse 
tes  paroles  de  fausseté  ! A, 946. 

» J’observe  une  conduite  sage,  habituelle  aux  hommes 
de  bien,  et,  par  conséquent,  je  n’exécute  point  ta  parole, 
toute  avantageuse,  qu’elle  me  soit.  A, 947. 

» Je  ne  rendrai  pas  vaine  l'entreprise  des  Dhr  tarâsh- 
trides;  et,  bien  qu'ils  méritent  la  mort  et  qu’on  puisse 
les  vaincre,  je  ne  tuerai  pas  tes  iils  : Youdhishthira,  Bhl- 
rnaséna,  les  jumeaux,  excepté  Arjouna  ! Un  combat  égal 
entre  Arjouna  et  moi  sera  livré  dans  l’armée  d’Youdhish- 
thira.  4,948 — 4,949. 

» Si  j’immole  Arjouna  sur  le  champ  de  bataille,  j’aurai 
conquis  maintenant  le  fruit  de  cette  guerre;  mais,  si  je 
tombe  sous  les  coups  de  l’Ambidextre,  la  renommée  fera 
vivre  ma  gloire!  4,950. 

» Jamais,  illustre  dame,  je  ne  tuerai  tes  fils  ; ou  vis 
avec  Karna  sans  Arjouna,  ou  respire  avec  Arjouna,  moi 
privé  de  l’existence.  » 4,951. 

Il  dit  : et,  quand  elle  eut  entendu  ce  discours,  Kounti, 
agitée  de  sa  douleur , embrassa  son  fils,  tremblant  de  fer- 
meté, et  tint  ce  langage  à Karna  : 4,952. 

u Les  enfants  de  Kourou  iront  à la  mort,  qu’ils  devront 


OUDYOGA-PARVA. 


339 

4 Ion  bras.  Gomme  tu  l’as  dit,  Karna  : le  destin  est  plus 
fort  que  l'homme.  4,953. 

» Tu  me  garantis,  héros,  qui  traînes  les  cadavres  de 
les  ennemis,  la  vie  de  mes  quatre  fils,  jure-moi  l’exécution 
de  ta  promesse.  4,954. 

» Bonne  santé  et  bonne  fortune  ! » dit  Prithâ  à son 
(ils.  « Qu’il  en  soit  ainsi  I » répondit  Karna;  et  ils  s’en 
allèrent  chacun  de  son  côté.  4,955. 

Quand  Kéçava,  le  dompteur  des  ennemis,  fut  revenu 
d’Hàstinapoura  dans  Oupaplavya,  il  narra  tout,  suivant 
les  circonstances,  aux  fds  de  Pândou.  4,950. 

Après  qu'ils  eurent  causé  bien  long-temps  et  délibéré  4 
plusieurs  fois,  Çaàuri  contraint  par  la  fatigue,  retourna 
dans  son  palais.  4,957. 

Dès  qu’ils  ont  congédié  tous  les  rois , 4 la  tête  desquels 
est  Virâta,  les  cinq  Pàndouides,  le  soleil  arrivé  4 son  cou- 
cher, adorent  le  crépuscule  naissant.  Ils  songent  au  Dâçà- 
rhain  et,  leur  pensée  revenant  4 lui,  ils  le  font  appeler  et 
tiennent  de  nouveau  conseil  avec  Krishna.  4,958  - 4,959. 

« Quand  tu  es  allé  dans  Hâstinapoura  4 l’assemblée  des 
Kourouides,  lui  demanda  Youdhishthira,  quel  langage, 
Poundarlkâksha,  fut  celui  du  fds  de  Dhritarâshtra?  Veuille 
bien  me  conter  cela.  » 4,960. 

« Une  fois  arrivé  dans  Hâstinapoura  4 leur  assemblée, 
répondit  le  Vasoudévide,  l’insensé  lils  de  Dhritarâshtra 
ne  voulut  pas  recevoir  la  parole  vraie,  convenable,  utile, 
que  je  lui  adressai.  » 4,961. 

« Lorsqu'il  se  fut  engagé  dans  cette  méchante  voie,  re-, 
prit  Youdhishthira,  quel  langage,  Hrishlkéça , tint  4 
l'irascible  Üouryodhana  mon  grand-oncle,  le  vieux  Kou- 
rouide  ? 4,962. 


340 


LL  MAHA-BH ARATA. 


» Que  lui  dit  le  vertueux  instituteur  spirituel,  le  Rha- 
radwàdjide?  Que  lui  dit  son  père  Dhritarâshlra  et  Y au- 
guste Gândhùrl ? 4,963. 

» Que  dit  au  fils  de  Dhritarâshtra  notre  plus  jeune 
père,  Kshattri,  tourmenté  de  chagrin  pour  ses  fils  et  le 
plus  excellent  des  hommes,  qui  savent  le  devoir?  4,964. 

» Que  dirent  tous  ces  princes  réunis  de  compagnie 
dans  l’assemblée  ? Conte-moi  cela,  Djanârddana,  suivant 
la  vérité.  4,965. 

» Dis-moi  entièrement  le  discours  , que  Bhagavat 
adressa  4 Dhritarâshtra  et  son  fils,  ces  deux  chefs  des 
enfants  de  Kourou.  Dis-moi  le  discours  de  ccs  personnes 
dans  l'assemblée  des  Kourouides  au  fils  de  Dhritarâshtra, 
insensé,  orgueilleux  parmi  les  savants,  surmonté  par  l’a- 
varice et  l’amour.  L’amertume  et  la  haine,  Kéçava,  ne 
trouvent  point  à se  loger  dans  mon  coeur. 

4,966—4,967. 

» Je  désire  écouter  le  discours  de  ces  princes.  Agis 
de  sorte,  noble  Govinda,  que  ce  temps  ne  s’écoule  pas 
en  vain.  4,968. 

» Ton  excellence  est  notre  voie,  Krishna,  ton  excel- 
lence est  notre  protecteur,  ton  excellence  est  notre  père 
spirituel.  » 4,969. 

o Écoute,  sire,  répartit  le  Vasoudévide,  quels  discours 
furent  adressés  au  roi  Douryodhana  dans  l'assemblée,  au 
milieu  des  Kourouides  ; écoute-les  de  ma  bouche,  Indra 
des  rois.  4,970. 

» Quand  j’eus  terminé  mon  discours,  le  fils  de  Dhrita- 
râshtra partit  d'un  éclat  de  rire,  et  Bhishma,  dans  la  plus 
vive  colère,  lui  tint  ce  langage  ; 4,971.  • 

« Douryodhana,  écoute  ce  que  je  vais  dire  dans  un  in- 


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OUDYOGA-PARVA. 


341 

térêt  de  race  ; et,  quand  tu  l’auras  entendu,  travaille  au 
bien  de  ta  famille.  4,972. 

» Mon  père,  bien-aimé  sire,  futÇântanou,  célèbre  dans 
le  monde  ; j'étais  même,  son  fils  unique,  Ô le  plus  heureux 
des  pères.  4,973. 

» Cette  pensée  lui  vint  : « Comment  aural-je  un  se- 
cond fils?  Les  sages  disent  que  n’avoir  qu'un  seul  fils, 
c'est  n'en  point  avoir.  4,974. 

» Que  ma  famille  n’aille  point  à sa  ruine  ! Comment 
pourra-t-elle  étendre  sa  renommée?  » Aussitôt  que  je 
connus  son  désir,  je  lui  amenai  Kâli,  ma  mère.  4,975. 

» Je  me  suis  engagé,  à cause  de  mon  père  et  de  ma 
famille,  dans  une  promesse  bien  difficile  à garder.  J'ai 
vécu  sans  royaume,  vous  le  savez,  dans  une  étroite  con- 
tinence. 4,976. 

o Fidèle  à mon  vœu,  j’habite  parmi  vous,  observant 
ma  promesse.  Le  juste  aux  longs  bras , le  fortuné  Vitchi- 
travlrya,  plus  jeune  que  moi,  prince,  naquit  au  sein  de 
cette  dame  pour  l’accroissement  de  la  famille  des  Kou- 
rouides  ; et,  quand  mon  père  s’en  lut  allé  au  Swarga,  je 
le  lis  asseoir  sur  le  trône  vacant.  4,977 — 4,978. 

» Je  devins  le  serviteur  du  roi  Vitchitravlrya,  je  mar- 
chai son  inférieur  ; et  ce  fut  moi,  Indra  des  rois,  qui  lui 
amenai  des  épouses,  ses  égales.  4,979. 

» Tu  as  ouï  dire  nombre  de  fois  que  j’ai  vaincu  la 
foule  des  rois.  Ensuite,  je  livrai  bataille  à Ràma  dans  un 
duel  aux  chars.  4,980. 

» Je  fus  envoyé  en  exil  par  les  habitants  de  cette  ville 
dans  la  crainte  de  Ràma  ; et  son  excessif  attachement  à 
ses  époases  lit  tomber  le  monarque  en  phthisie.  4,981. 

» Alors  que  le  royaume  se  trouva  sans  roi,  le  maître 


LK  MAHA-HHARATA. 


342 

des  Dieux  s’abstint  de  verser  la  pluie,  et  les  sujets,  en 
proie  à la  famine,  accoururent  à moi.  4,082. 

n Tous  les  sujets  périssent!  disaient-ils;  sois  notre  roi 
pour  nous  sauver  la  vie  : éloigne  de  nous  cette  sécheresse, 
s'il  te  plaît,  incrément  de  la  famille  de  Çftntanou.  4,083. 

» Toutes  les  créatures  sont  en  proie  4 des  maladies 
très-épouvantables.  Daigne  nous  sauver,  fils  de  la  Gangà, 
nous,  ce  faible  nombre,  que  la  mort  a laissés  vivre. 

u Dissipe  nos  soucis,  gouverne  les  sujets  avec  justice  ; 
que  ce  royaume  ne  s’incline  point  à sa  ruine,  quand  ton 
altesse  est  vivante.  » 4,084—4,985. 

« Dans  ce  moment  que  je  me  rappelle  une  conduite 
vertueuse  et  que  je  veux  observer  ma  promesse,  répon- 
dis-je, mon  cœur  n'est  point  ému  par  les  gémissements 
des  sujets.  » 4,980. 

» Les  citadins,  alors,  grand  roi,  Kâlî,  mon  illustre 
mère,  les  serviteurs,  l’archi-brahme,  l’instituteur  spi- 
rituel et  les  plus  savants  des  brahmes,  tous,  consumés 
par  la  douleur,  ils  me  dirent  : « Sois  notre  roi  ! Si  tu 
prends  ce  vaste  royaume,  défendu  contre  les  ennemis,  il 
ne  périra  point  (1).  4,087—4,088. 

» Règne  sur  nous  pour  notre  bien,  prince  à la  haute 
intelligence.  » A ces  mots,  joignant  les  mains  au  front, 
vivement  affligé  et  cruellement  malade,  je  leur  déclarai 
mainte  et  mainte  fois  ce  vœu  de  vivre  sans  royaume,  dans 
une  étroite  continence  , dont  je  m’étais  lié  |>our  ma  fa- 
mille et  la  gravité  de  mon  père.  4.089 — 4,000. 


(1)  Pans  le  silence  du  commentaire,  je  n'obtiens  ce  sens,  fpi'cn  don* 
liant  à la  préposition  séparative  ri  dans  vtnaçishyr/U  la  force  d'uue  né- 
gation. 


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OUDYOGA-PARVA. 


343 

o Peuple,  ne  m'impose  pas  cette  charge,  surtout  à cause 
de  toi  ! u Ensuite,  les  deux  mains  réunies  au  front,  je 
suppliai  ma  mère,  4,991. 

» Et  je  lui  dis  à plusieurs  fois  : « Je  suis  né  de  Çân- 
tanou,  ma  mère  ; veuille  qu'en  accroissant  la  race  de 
Kourou,  je  n’aie  pas  fait  une  promesse  mensongère. 

» Cest  4 cause  de  toi  surtout  que  j’ai  prononcé  un  tel 
vœu  ; je  suis  ton  serviteur  et  ton  esclave,  mère  pleine  d’af- 
fection pour  ton  fils  ! » 4,992 — 4,993. 

» Quand  j’eus  persuadé  ainsi  et  le  peuple  et  ma  mère, 
je  suppliai  le  grand  anachorète  Vyàsa  pour  les  épouses  de 
mon  frère.  4,994. 

» Assisté  de  ma  mère,  je  rendis  le  saint  propice  à ma 
demande  ; il  prit  l’engagement,  puissant  roi,  de  donner 
une  postérité  au  monarque  défunt.  4,995. 

» Il  engendra  alors  trois  fils,  ô le  plus  excellent  des 
Bharatides.  Ton  père,  qui  était  aveugle,  ne  fut  pas  roi, 
parce  qu’il  était  privé  de  la  vue.  4,990.  ■ 

» Le  magnanime  Pàndou,  célèbre  dans  le  monde,  fut 
élevé  sur  le  trône  : c’est  lui,  qui  fut  le  monarque  alors  et 
c’est  maintenant  ses  fils,  auxquels  fut  enlevé  l’héritage 
paternel.  4,997. 

» Ne  fais  pas  d’altercation,  mon  fils,  donne-leur  une 
moitié  du  royaume  : quel  homme  peut  ici  s'arroger  la  cou- 
ronne, quand  je  vis?  4,998. 

» Ne  méprise  point  ma  parole,  la  paix  fut  toujours  mon 
désir.  11  n’y  a aucune  différence  à mes  yeux,  mon  fils, 
entre  eux  et  loi.  4,999. 

■>  Ce  sentiment  est  celui  de  ton  père,  de  Gândhàrl  et  de 
Vidoura.  Il  faut,  assurément  ! écouter  les  vieillards  : ne 
mets  pas  en  doute  ma  parole.  5,009. 


m 


LE  M VHA-BHARATA. 


» N'entralne  pas  tout  â sa  perte,  toi -même  et  la 
terre  ! » 5,001. 

Après  ces  mots  de  nhishma,  Drona,  habile  à manier 
la  parole,  tint  ce  langage  (la  félicité  descende  sur  toi  !) 
à llouryodhana  au  milieu  des  rois  assemblés  : 5,00?. 

a Pàndou,  soumis  à la  vérité,  Pitndou  aux  organes  des 
sens  vaincus  fut  un  monarque  aussi  dévoué  aux  intérêts 
de  sa  famille  que  Çântanou,  le  fils  de  Pratlpa,  aussi 
dévoué  aux  intérêts  de  sa  famille  que  Bhtshma-Déva- 
vrata.  (le  roi  vertueux,  ferme  dans  son  vœu,  rempli  d’at- 
tention, accroissant  la  race  des  Kourouides,  donna  le 
royaume  au  sage  Dhritarâshlra  le  plus  âgé,  à Kshattri, 
le  plus  jeune  de  ses  deux  frères.  5,003 — 5.00A — 5,005. 

» Et,  quand  il  eut  fait  asseoir  l’impérissable  sur  le  trône, 
sire,  le  roi  Kourouide  se  relira  dans  la  forêt,  accompagné 
de  ses  épouses.  5,006. 

» Vidoura,  le  plus  éminent  des  hommes,  placé  dans  une 
condition  inférieure,  s’approchait  de  lui  modestement, 
comme  un  serviteur,  et  faisait  jouer  sur  sa  tête  le  chasse- 
mouche  et  l’ombrelle,  5,007. 

» Ensuite,  tous  les  sujets,  mon- fils,  observant  la  règle, 
suivirent  DhritarAshtra,  le  roi  des  hommes,  comme  ils 
avaient  suivi  le  roi  Pândou.  5,008. 

» Après  qu’il  eut  abandonné  son  royaume  à Dhrita- 
ràshtra  et  à Vidoura,  Pàndou,  le  conquérant  des  cités 
ennemies,  parcourut  toute  la  terre.  5,000. 

» Vidoura,  lidèle  à la  vérité,  était  chargé  de  recevoir 
ce  qui  était  dft  au  trésor,  de  faire  les  aumônes,  d’ins- 
pecter les  serviteurs  et  de  pourvoir  à la  subsistance  de 
. tout.  5,010. 

» Préposé  â la  paix  et  à la  gn<  rre,  Hhishuia  à l’itn- 


OUDYOG  A-PARVA. 


345 


mense  vigueur,  le  puissant  vainqueur  des  cités  enne- 
mies, veillait  aux  cérémonies  pour  le  transportement  du 
roi.  5,011. 

» Placé  dans  son  trône,  le  monarque  & la  grande  force, 
Dhrilar&shtra,  voyait  continuellement  assis  près  de  lui 
Vidoura  le  magnanime.  5,012. 

» Comment  pourrais-tu,  souverain  des  peuples,  désirer 
la  division  d’une  famille,  où  tu  es  né,  où  tu  as  vécu  avec 
tes  frères  et  dont  tu  as  savouré  les  jouissances  ? 5,01 3. 

» Mes  paroles,  ce  n'est  point  la  peur  de  la  guerre,  qui 
les  inspire,  et  je  ne  parlerai  jamais  par  l'envie  des  richesses. 
Je  désire,  0 le  meilleur  des  rois,  un  présent  de  Bhlshma, 
et  non  de  toi.  5,014. 

» Je  n'attends  pas  de  toi,  sire,  un  moyen  de  vivre; 
Drona  est  ce  qu'est  Bhlshma  : fais  co  que  Bhlshma  t’a 
dit.  5,015. 

h Donne  aux  fils  de  Pândou  , puissant  vainqueur , la 
moitié  du  royaume  : ma  qualité  d'instituteur  est  toujours 
égale  à mes  yeux  entre  eux  et  toi.  5,010. 

» Le  héros  aux  blancs  coursiers  est  pour  moi  ce  qu’est 
Açvatthâman  lui-méme.  A quoi  bon  tant  de  paroles?  La 
victoire  se  rangera  du  côté  où  est  le  devoir.  » 6,017. 

» Quand  Drona  à la  vigueur  infinie  eut  parlé  de  cette 
manière,  ajouta  le  Vasoudévide,  Vidoura,  soumis  à la  vé- 
rité, articula  ce  discours.  5,018. 

» L’homme,  qui  savait  le  devoir,  s’étant  retourné,  fixa 
les  yeux  sur  le  visage  de  Bhishma , son  oncle,  et  dit  : 

« Dévavrata,  écoute  cette  parole  de  ma  bouche.  La 
race  de  Kourou,  que  tu  avais  arrachée  de  la  tombe,  y des- 
cend de  nouveau.  5,019 — 5,020.  i 

» Est-ce  ma  parole,  que  tu  méprises  dans  ma  plainte  ? 


3 âfl 


LE  MAHA-BHARATA. 


Quel  est  ce  nommé  Douryodhana,  qui  est  dans  cette  famille 
l’opprobre  de  sa  race  ? 5,021 . 

» Quoi  ! tn  suis  le  sentiment  de  cet  homme  vil  sur- 
monté par  l’avarice,  de  cet  ignorant,  il  qui  la  cupidité  a 
ravi  l’âme,  5,022. 

» Qui  transgresse  l’ordre  émané  de  son  père,  dont  les 
yeux  sont  fixés  sur  le  juste  et  l'utile  ! Ces  Kourouides 
périront-ils  à cause  de  Douryodhana?  5,023. 

» Agis  de  telle  sorte,  grand  roi,  qu’ils  ne  soient  pas 
entraînés  à leur  perte.  Considère  la  destruction  de  ta 
famille,  héros  aux  grands  bras,  et  ne  méprise  pas,  maître 
de  la  terre,  ni  moi,  ni  Dhriiai-âshtra.  Tu  as  posé  tout 
comme  un  peintre,  qui  fait  un  tableau  ; ne  sois  pas  comme 
Brahma,  qui  crée  les  êtres  et  les  détruit.  Mais  ton  intelli- 
gence est  perdue  en  ce  moment  où  la  perte  de  tout  est 
imminente.  5,024 — 6,025 — 5,026. 

» Viens  te  réfugier  dans  un  bois  avec  moi  et  Dhrita- 
râshtra  lui -même,  ou  jette  dans  les  fers  ce  Dhritarâsh- 
tride,  si  insensé,  qui  a la  scieuce  du  mal.  6,027. 

» Hâte-toi  de  gouverner  ce  royaume,  défendu  par  le 
bras  des  Pândouides.  Pardon,  tigre  des  rois!  Une  grande 
destruction  menace  les  monarques  à la  vigueur  infinie, 
issus  de  Kourou  et  de  Pândou.  » Dès  qu’il  eut  prononcé 
ce  discours,  Vidoura  se  tut;  et,  l’âme  affligée,  il  demeura 
plongé  dans  ses  pensées  et  poussant  alors  maint  et  maint 
soupir.  5,028—5,029—5,030. 

» Tremblante  devant  la  perte  de  sa  maison,  la  fille  du 
roi  Soubala  adressa  avec  colère,  en  présence  des  rois,  ce 
langage,  rempli  de  choses  utiles  et  justes,  au  cruel  Dou- 
• rvodhana,  son  fils,  à l’intelligence  dépravée  : 5,031. 

« Quu  les  princes  entrés  dans  cette  assemblée  de  rois, 


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OUDYOGA-PARVA. 


347 


les  brahmes  saints  et  les  autres,  qui  sont  assistants  ici, 
m'écoutent!  Je  vais  dire  le  crime,  que  tu  as  commis, 
pervers,  avec  ton  cortège  de  ministres.  5,032. 

a C'est  4 l'aîné  qu'appartient  la  couronne  héréditaire 
des  kourouides  : c'est  la  loi  de  succession,  qui  régit  notre 
iamiile.  Tu  détruis,  par  ton  manque  de  politique,  le 
royaume  tics  kourouides,  homme  à l'âme  vicieuse,  aux 
œuvres  pleines  de  méchanceté.  5,033. 

» I,e  sage  Tthrilaràshtra  est  assis  sur  le  trône;  Vidoura 
à la  vue  pénétrante  est  son  plus  jeune  frère.  Comment, 
au  mépris  de  ces  deux  ascendants,  peux- tu  dans  ta  folie, 
Rouryodhana,  affecter  maintenant  le  royaume?  5,034. 

» Malgré  la  haute  dignité  du  roi  et  de  kshaltri,  il  faut 
qu'ils  restent  sujets  tant  que  Bhlshma  conservera  la  vie. 
Ce  magnanime  fiis  de  la  rivière,  le  plus  excellent  des 
hommes,  n'a  point  le  désir  d'un  royaume,  parce  qu’il  a la 
connaissance  du  devoir.  5,035. 

» Ce  royaume  invincible  appartenait  à Pândou  ; le  dtoit 
est  inhérent  aujourd'hui  à ses  fils,  et  non  à d’autres.  Ce 
royaume  entier  est  aux  Pàndouides  : du  grand-père,  il 
passe  successivement  au  lils  et  an  petit-fils.  5,030. 

» 11  nous  faut  accomplir,  si  nous  voulons  observer 
notre  devoir  et  sauver  le  royaume,  tout  ce  que  dit  le  ma- 
gnanime chef  des  kourouides,  le  sage  Révavrata,  soumis 
à la  vérité.  5,037. 

» Voici  le  prince  Vidoura,  qui  parlera  de  cette  manière 
avec  la  permission  de  Mahàvrata  (1);  il  faut  que  sa  parole 


(1)  Mol,  ?ur  lequel  se  luisent  les  dictionnaire*  et  les  commentaires, 
mais  qui  être  un  tyuouymo  de  Dcvavrata , uu  des  surnoms  «le  ' 

Bhlsliiu». 


348 


I.H  MAHA-BHARATA. 


soit  exécutée  par  ses  amis,  qui  ont  chargé  le  devoir  sur 
leurs  épaules  et  lui  ont  bien  long-temps  donné  le  premier 
rang.  5,038. 

» Qu’exalté  par  le  roi  Dhritarâshtra  et  mis  avant  tous 
par  le  fils  de  Çàntanou  lui-même,  Youdhishthira,  issu 
d'Yaina,  gouverne  ce  royaume  des  Kourouides,  que  la 
droite  raison  a fait  tomber  dans  ses  mains!  » 5,030. 

» Après  ces  paroles  de  Gàndhârl,  seigneur,  continua 
le  Vasoudévide,  Dhritarâshtra,  le  monarque  des  hommes, 
tint  ce  langage,  au  milieu  des  rois,  à Douryodhana  : 

« Douryodhhana,  écoule  cette  parole,  que  je  vais  te 
dire,  mon  fils  ; et  agis  de  cette  manière,  si  ton  père  a 
quelque  autorité  sur  toi.  5,040 — 5,041. 

» Le  Pradjàpati  Lunus  fut  jadis  le  propagateur  de  la 
race  des  Kourouides;  Yayâti,  fils  de  Nahousha,  naquit  au 
sixième  degré  de  Lunus.  5,042. 

» 11  eut  cinq  lils,  les  plus  excellents  des  rois  saints, 
desquels  l'auguste  Yadou  à la  grande  splendeur  naquit 
l’alné.  5,043. 

» Pourou,  le  fondateur  de  notre  race,  était  le  plus 
jeune  ; il  fut  par  Çarmishtlià,  sa  fille,  l'auteur  de  Vrisha- 
parvan.  5,044. 

» Yadou,  ô le  plus  grand  des  Bharatides,  était  né  de 
Dévayânl;  les  lils  à la  force  infinie  de  cette  fille  descen- 
daient de  Çoukra-Kàvi.  5,045. 

» Fort,  estimé  par  sa  vigueur,  mais  d’une  intelligence 
étroite,  et  rempli  d’orgueil,  l'auteur  de  la  race  des  Ya- 
douides  méprisa  l’ordre  des  kshatl  yas.  5,040. 

» Égaré  par  l’orgueil  de  sa  force,  il  ne  garda  point  les 
commandements  de  sou  père,  et  poussa  le  mépris  jusqu'à 
son  auteur  lui-même  et  ses  invincibles  frères.  5,047. 


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OllDYOGA-PAUVA. 


AA» 


» 4 adou  était  puissant  ; il  réduisit  en  son  pouvoir  les 
rois  des  quatre  parties  de  la  terre,  et  habita  la  ville,  qui 
tire  son  nom  des  éléphants.  5,048. 

» Le  fils  de  Nahousha,  Yayâti,  son  père,  maudit  ce  fils 
dans  un  mouvement  de  violente  colère,  fils  de  Gândhàri, 
et  le  priva  du  royaume.  5,049. 

» Yayâti,  irrité,  étendit  sa  malédiction  jusque  sur  ses 
fils,  parce  ÿn’ils  suivaient  ce  frère  enivré  de  sa  force. 

» Le  plus  excellent  des  monarques  fit  asseoir  sur  le 
trône  un  fils  obéissant,  le  plus  jeune  de  ses  frères,  et 
soumis  à sa  volonté.  6,050 — 5,051. 

» Ainsi  l'alné,  tout  sacré  qu'il  fût,  n'obtint  pas  la  Cou- 
ronne, qui  fut  transmise  au  plus  jeune  pour  son  obéis- 
sance à son  vieux  père.  5,052. 

» De  même  l'aïeul  de  mon  père,  Pratlpa,  versé  dans 
tous  les  devoirs  et  célèbre  dans  les  trois  mondes , fut 
d’une  égale  façon  appelé  à gouverner  la  terre.  5,053. 

» Trois  fils  renommés,  semblables  aux  Dieux,  na- 
quirent à ce  lion  des  rois  pendant  qu’il  régnait  sur  la 
terre  avec  justice.  5,054. 

» Dévâpi  était  l’aîné  ; sans  intervalle  après  lui,  mon 
fils , venait  Vàhllka  ; le  troisième  fut  Çânlanou , mon 
aïeul,  rempli  de  fermeté.  5,055. 

» Dévapi  â la  grande  splendeur  et  le  plus  vertueux  des 
rois  était  affligé  d’une  lèpre,  il  était  juste,  véridique;  il 
mettait  sa  joie  dans  l'obéissance  à son  père.  5,056. 

« Estimé  des  villageois  et  des  citadins , honoré  des 
gens  de  bien,  il  ravissait  tous  les  cœurs,  des  enfants  aux 
vieillards.  5,057. 

» Il  était  généreux  et  soumis  à la  vérité  ; il  avait 
l’amour  du  bien  pour  toutes  les  créatures,  il  ne  s'écartait 


360 


J.E  MAHA-BHAKATA. 


jamais  des  préceptes,  qu’il  recevait  de  son  père  et  des 
hralunes.  6,058. 

» Vâhllka  était  un  frère  aimé  du  magnanime  Çftnta- 
nou.  Il  n’était  rien  de  supérieur  à la  concorde,  qui  unis- 
sait entre  eux  ces  trois  nobles  frères.  5,059. 

» Dans  la  révolution  du  temps,  le  vieux  pire  et  le  plus 
excellent  des  rois  ordonna  de  faire,  suivant  les  Çàstras, 
les  préparatifs  du  sacre.  5,060. 

e Le  seigneur  fit  accomplir  toutes  les  choses,  auxquelles 
sont  attachés  d’heureux  auspices;  mais  les  brahmes  et  les 
vieillards,  avec  les  citadins  et  les  villageois  s’opposèrent 
tous  au  sacre  de  Dévâpi.  Aussitôt  qu’il  apprit  l’obstacle 
mis  à la  cérémonie,  le  monarque  arrosa  de  larmes  son 
cou  et  gémit  sur  le  sort  de  son  fils.  Quoiqu’il  fut  géné- 
reux, fidèle  & la  vérité,  vertueux,  ami  des  créatures,  il 
n’en  était  pas  moins  vicié  par  l'infirmité  d’une  lèpre  : 
« Et  les  Dieux  ne  donnent  pas  leur  approbation  au  choix 
d’un  monarque,  de  qui  les  membres  ont  un  défaut,  u 
5,061-5,002-0,003—5,064. 

» Ils  disent  ; et  les  plus  saints  des  brahmes  empêchant 
l’élection  du  meilleur  des  rois.  Voyant  arrêté  l’ascension 
de  son  fils  au  trône,  le  souverain,  tourmenté  par  le  cha- 
grin paternel,  eut  son  corps  agité  par  la  douleur,  et  Dé- 
vàpati  s'exila  dans  la  forêt.  Vâhllka,  abandonnant  le 
royaume  (1) , se  retira  dans  la  famille  de  son  oncle  (2). 

5,065—5,066. 

v Çântanou,  célèbre  dans  le  monde  et  regoi  géant  de 
richesses,  obtint  cette  couronne  de  la  jeunesse  avec  l’ngré- 


{1 — 2)  D'aptes  la  liaison  des  idées,  explique  le  commentaire  contraire* 
nient  au  texte. 


- DigitiztfT^CTtogle 


0UDY0GV-PA11VA. 


351 


ment  de  Vàhlîlca,  qui  avait  déserté  son  père  et  ses 
frères.  5,067. 

» Une  fois  que  Pratlpa  eut  cessé  de  vivre,  il  prit  en 
uiain  les  rênes  de  l'état  avec  k consentement  unanime.  11 
en  fut  même  ainsi  de  moi,  quand  le  sage  Pàndou  eut  ici 
tourné  sur  moi  sa  pensée.  5,06§. 

» J’étais  l'alné,  mais  je  fus  privé  de  la  couronne.  « 11 
manque  d’un  sens  ! » disait-on,  Bliaratide.  Pàndou  monta 
donc  sur  le  trône  et,  quoique  plus  jeune,  il  fut  roi.  5,069. 

» Après  sa  mort,  ce  royaume,  dompteur  des  ennemis, 
il  appartient  à ses  Qls.  Gomment  peux-tu  prétendre  à un 
royaume,  auquel  je  n'eus  aucune  part  ? 5,070. 

» Fils  d'un  pr  ince,  qui  n’est  pas  roi,  tu  n'es  pas  le  pro- 
priétaire, et  tu  veux  dérober  le  bien  d'autrui.  5,071. 

a Le  magnanime  Youdliishlhira  est  le  fils  du  roi,  il  est 
le  chef  de  cette  famille  des  Kourouides  ; rempli  d’une 
haute  majesté,  il  est  le  monarque  de  ce  royaume,  qui  lui 
est  échu  suivant  la  droite  raison.  5,072. 

» C’est  un  prince  fidèle  à la  vérité,  et  qui  est  placé 
sans  négligence  dans  la  morale  des  Traités,  bon  pour  ses 
parents,  ami  des  sujets,  tendre  avec  ceux  qui  l’aiment, 
vainqueur  des  sens  et  le  maître  des  gens  de  bien.  5,073. 

» La  patience,  la  tolérance,  la  répression  des  sens,  la 
droiture,  l’attachement  à la  vérité,  la  vue  claire  des  Vé- 
das,  la  miséricorde  pour  les  êtres,  le  don  du  commande- 
ment, en  un  mot , toutes  les  vertus  d’un  roi  se  trouvent 
dans  Youdhishthira.  5,074. 

« Comment,  homme  mal  élevé,  toi , à la  condition  sans 
noblesse,  à l’esprit  vicieux  avec  tes  parents,  toujours 
affligé  par  l'avarice  et  fils  d'un  prince,  qui  n'est  pas  roi, 
pourras -tu  ravir  à d'autres  ce  royaume,  que  l'ordre 


I.E  MAHA-BIURm. 


:?52 

de  surcession  a fait  tomber  dans  leurs  mains 7 5.075. 

» Dissipe  ton  égarement  ! Donne-leur , avec  des  che- 
vaux, avec  un  cortège,  une  moitié  dp  royaume.  A cette 
condition,  tu  conserveras,  toi  et  tes  frères  puînés,  Indra 
des  hommes,  ce  qui  te  reste  à vivre.  » 5,076. 

» A ces  paroles  de  BUlshuia,  de  Drona  et  de  Vidoura, 
continua  le  Vasoudévide , de  Gàndhàrl  et  de  Dhrita- 
ràshtra,  l’insensé  ne  se  réveilla  pas.  5,077. 

» Les  yeux  enflammés  de  colère,  le  stupide  se  lève, 
sort  de  leur  présence;  et  les  rois,  faisant  à ce  fou  le  sacri- 
fice de  leur  vie,  courent  sur  ses  pas.  5,078. 

» A différentes  fois,  il  répéta  aces  rois,  princes  à l'âme 
perdue , celte  injonction  : « Allez  au  Kouroukshétra  ! 
Voici  le  jour  de  X astérisme  Poushya.  » 5,079. 

» Alors,  c s rois , pleins  d’ardeur,  acclamant  Blilshma 
comme  leur  généralissime  et  poussés  par  la  mort,  se  sont 
avancés  avec  leurs  bataillons.  5,080. 

» Onze  armées  complètes  de  Kourouides  sont  rassem- 
blées. Le  chef,  qui  resplendit  à leur  tête,  c'est  Bhtshma, 
qui  a pour  son  drapeau  un  palmier  flabelliforme.  5,081. 

» Dispose  ici,  monarque  des  hommes,  ce  qui  est  con- 
venable et  opportun.  Je  t’ai  dit,  rejeton  de  Bharata,  les 
discours,  qui  furent  prononcés  en  ma  présence  par 
Bhtshma,  Drona , Vidoura,  Gàndhâri  et  Dhritaràshtra. 
Je  vais  te  raconter,  sire,  ce  que  je  fis  dans  l'assemblée  des 
Kourouides.  5,082 — 5,083. 

» J'employai  d’abord  l’égalité,  sire,  par  le  désir  de 
voir  la  fraternité  rétablie  pour  l'accroissement  des  sujets 
et  l'union  de  la  famille.  5,084. 

» Voyant  que  les  idées,  sur  lesquelles  je  parlais,  n’é- 
taient pas  de  telle  sorte  qu' elles  étaient  acceptées  avec 


Digi  . iW  Uy  Cflogle 


OCIDYOGA-PARVA. 


35» 


des  paroles  bienveillantes , je  commençai  à raconter  la  sé- 
rie de  vos  actes  humains  et  divins.  5,085. 

» Alors  que  Souyodhana  eut  méprisé  mon  discours, 
qui  débutait  par  un  langage  de  bienveillance,  je  semai  la 
division  parmi  tous  les  princes  assemblés.  5,086. 

» Je  montrai  à leurs  yeux,  auguste  rejeton  de  Bharata, 
une  suite  d'œuvres  terribles,  épouvantables,  merveil- 
leuses et  plus  qu’humaines.  5,087. 

» Je  menaçai  tous  les  rois,  je  traitai  Souyodhana 
comme  une  vite  poignée  d’herbe  ; j’inspirai  mainte  et 
mainte  fois  la  terreur  au  Soubalide  et  au  (ils  adoptif  de 
Râdbâ.  5,088. 

u Quand  j’eus  déversé  le  blâme  du  jeu  sur  les  enfants 
de  Dhritarâshtra,  je  tentai  plusieurs  fois,  par  mes  discours 
et  mes  négociations  secrètes,  de  séparer  d’eux  tous  les 
souverains.  5,089. 

» De  nouveau,  je  parlai  de  la  cession  fondée  sur  l’égalité, 
pour  éviter  la  division  de  la  famille  des  Kourouides  et 
pour  conserver  l’union.  5,090. 

« Que  les  héros  de  Vidoura,  de  Bhtshma  et  de  Dhri- 
tarâshtra demeurent  en  paix  ; tous  les  Pàndouides  ont 
rejeté  la  fierté,  et  marchent  d’un  pas  humble.  5,091. 

» Qu’on  leur  donne  un  état  indépendant  et  qu’ils 
n’aient  pas  de  maître,  comme  ont  dit  Vidoura  etle  prince, 
fils  de  la  Gangà,  ce  qui  était  votre  salut.  5,092. 

» Abandonne  - leur  ces  cinq  villes  , et  que  tout  le 
royaume  t’appartienne  ! car,  s’il  en  est  autrement,  ô le 
plus  excellent  des  rois  , ils  restent  les  sujets  de  ton 
père.  » 5,09». 

» Ace  langage,  le  prince  à l’âme  criminelle  ne  lâcha 
point  cette  part.  Je  ne  vois  avec  ces  pervers  d’autre 
vi  23 


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r»h 


LE  MAH  V-BH \H  \TA. 


moyen  que  le  quatrième,  le  châtiment  : il  n’y  en  a point 
d’autre  ! 5,004. 

» Les  monarques  sont  allés  chercher  leur  perte  dans  le 
Kouroukshétra  ! Je  t'ai  raconté  là,  sire,  tout  ce  qui  eut 
lieu  dans  l’assemblée  des  Kourouides.  5,095. 

» lis  ne  le  céderont  pas  le  royaume  sans  combat,  rejeton 
de  Pândou.  Ces  causes  de  ruine  renferment  toutes  des 
morts  imminentes,  u 5,096. 


— Digi  tey-Google 


LÀ  sortie  des  armes. 


Valçampâyana  dit  : 

Dès  qu'ils  eut  entendu  ce  discours  de  Djanârddana,  le 
vertueux  Youdhishthira-Dharinaràdja  dit  ces  paroles  àses 
frères  en  présence  de  Kéçava  : 5,007. 

« Vous  avez  entendu  tout  ce  qui  s’est  passé  en  pleine 
salle  du  Conseil,  dans  l’assemblée  des  Kourouides,  et 
vous  avez  compris  tout  ce  discours,  qu’a  prononcé  Ké- 
çava. 5,098. 

» Faites  donc,  vous,  les  plus  grands  des  hommes,  le 
partage  de  mon  armée.  Voilà  sept  armées  complètes,  ras- 
semblées  pour  la  victoire.  5,099. 

» Écoutez  les  noms  des  héros,  qui  sont  les  chefs  de  cha- 
cune d’elles  : Droupada  et  Viràta,  Dhrishtadyoumna  et 
Çikhandl,  Sâtvaki,  Tchékitâna  et  le  vigoureux  Bhlmaséna. 
Tous  ces  vaillants  guerriers,  prêts  à sacrifier  leur  vie, 
sont  les  généraux  des  armées.  5,100 — 5,101. 


356 


LE  MAÏIA-Bll  \KATA. 


» Tous  ccs  héros  connaissent  les  Védas,  ils  observent 
bien  leur  vœu  ; ils  ont  de  la  pudeur,  ils  ont  de  la  poli- 
tique ; tous,  ils  sont  habiles  dans  la  guerre.  5,102. 

» Ils  manient  adroitement  l’arc  et  la  flèche;  tous,  ils 
combattent  avec  toutes  les  armes.  Dis-moi  dans  ce  moment- 
ci,  Sahadéva,  rejeton  de  Kourou,  quel  guerrrier,  connais- 
sant la  division  des  années  et  flamboyant  par  la  splendeur 
des  flèches,  peut  supporter  dans  une  bataille,  Bhlshma, 
qui  est  semblable  au  feu,  et  commander  en  généralissime 
aux  sept  armées.  5,103 — 5,10A. 

» Qui,  suivant  ton  opinion,  est  capable  d’être  en  chef, 
le  prince  de  mon  armée?  » 5,105. 

« L’énergique,  souverain,  vertueux,  doué  de  toutes  les 
qualités,  qui  tient  pour  égaux  te  plaisir  et  la  peine, 
répondit  Sahadéva,  sous  le  bras  duquel  réfugiés,  nous 
unirons  chacun  la  part  de  nos  communs  eflbrts  ; 5,106. 

» C est  Virâta,  le  roi  vigoureux  des  Matsyas,  consom- 
més dans  les  armes.  Enivré  de  la  fureur  des  combats, 
il  peut  supporter  dans  un  combat,  et  Bhlshma  et  les 
héros  ! » 5,107. 

A ces  mots  de  son  frère,  Nakoula,  habile  à manier  la 
parole,  tint  immédiatement  après  lui  ce  langage  : 5,10$. 

« 11  est  un  prince  fortuné  par  sou  âge,  sa  constance 
dans  les  Çâstras,  sa  naissance  et  sa  famille  ; il  a de  la 
pudeur,  il  est  doué  de  force,  il  est  habile  à manier  toutes 
les  armes.  5,109. 

» Il  tient  la  science  de  Bharadw&dja  ; il  est  inaflron- 
table  et  soumis  à la  vérité;  sans  cesse,  il  rivalise  avec 
Drona  et  Bhlshma  à la  grande  vigueur.  5,110. 

» 11  peut  être  loué  à la  tête  de  la  famille  des  rois  comme 
le  général  d’une  armée.  Il  est  environné  de  fils  et  de 


-■Seigle 


OliDYOGA-PARVA. 


357 


petit-fils,  tel  qu’un  arbre  l’est  par  des  centaines  de  ra- 
meaux. 5,111. 

» Cet  héroïque  maître  de  la  terre,  qui  est  beau  par  les 
batailles  et  qui  a pratiqué  avec  son  épouse  une  épouvan- 
table pénitence  pourra  mort  de  Drona  ; ce  prince  éminent, 
qui  nous  porta  sans  cesse  comme  un  père  ses  enfants, 
c’est  Droupada  notre  beau-père.  Qu’il  conduise  en  chef 
nos  armées.  5,112 — 5,113. 

» Il  supportera,  c’est  mon  sentiment,  l’aggression  de 
Drona  et  de  Bhlshuia.  Ce  roi  connaît  les  astras  divins, 
c’est  un  monarque  ami  d'Angiras.  » 5,114. 

Dès  que  les  deux  fils  de  Màdrl  eurent  énoncé  leur  opi- 
nion, le  rejeton  de  Jiourou,  le  fils  d’Indra,  semblable  à 
Indra  lui-même,  l’Ambidextre  lit  entendre  cette  parole  : 

u Ce  prince  aux  longs  bras,  qui  a la  couleur  du  feu  et 
de  qui  la  naissance  est  divine,  grâce  à la  force  de  la  péni- 
tence et  à la  satisfaction  des  brahmes,  5,115 — 5,110. 

» Qui,  de  la  cavité,  où  brûle  le  feu  sacré,  s'élança, 
tenant  un  cimeterre,  muni  d’un  arc,  revêtu  de  la  cuirasse, 
tout  armé,  sur  un  char,  attelé  de  superbes  chevaux  cé- 
lestes ; 5,117. 

» Ce  héros  vigoureux  au  corps  de  lion,  semblable  à un 
lion  par  sa  bravoure,  qui  remplissait  tout  du  bruit  de  son 
char,  comme  un  grand  nuage  tonnant;  5,118. 

» Ce  guerrier  à la  vaste  force,  à l'immense  lumière,  à 
la  poitrine  de  lion,  aux  bras  de  lion,  au  cœur  de  lion,  au 
rugissement  de  lion,  aux  épaules  de  lion,  6,119. 

» Aux  beaux  sourcils,  aux  belles  dents,  à la  belle  mâ- 
choire, aux  charmants  bras,  au  beau  visage,  à la  belle 
clavicule,  aux  grands  cl  beaux  jeux,  non  maigre  et  soli- 
dement appuyé  sur  de  beaux  pieds  ; 5,1  JO. 


358 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Ce  prince  aux  sens  domptés,  aux  paroles  de  vérité, 
impénétrable  à tous  les  ennemis,  comme  un  éléphant  en 
rut,  lui,  qui  est  né  pour  la  mort  de  Drona,  5.121. 

» Dhrishtadyoumna  enfin  est  capable,  je  pense,  de 
supporter  les  (lèches  de  Bhtshma;  ce»  dards  au  toucher 
semblable  au  tonnerre  de  la  foudre  et  tels  que  des  ser- 
pents à la  gueule  enflammée  ; 6,122. 

» Pareils  en  rapidité  aux  messagers  d’Yaraa,  équi- 
pollents  au  feu  pour  donner  la  mort;  ce»  traits,  qui 
broient  comme  la  foudre,  épouvantables,  et  que  Rârna 
seul  peut  supporter  sur  le  champ  de  bataille.  5,123. 

» Je  ne  vois  pas  un  homme,  sire,  qui  puisse  soutenir 
Bhîshma-Mahâvrata,  si  ce  n’est  Dhrishtadyoumna  : tel  est 
mon  sentiment.  5,124. 

» J'estime  que  ce  héros  à la  main  prompte,  à la  cui- 
rasse imbrisable,  comme  un  éléphant,  chef  d’un  troupeau; 
que  ce  guerrier,  à qui  sourit  la  fortune,  mérite  d’étre  le 
généralissime  de  nos  armées.  » 5,125. 

Bhtmaséna  dit  à son  tour  : 

« Il  y a Çikhandl,  fils  de  Droupada,  qui  est  né  pour 
exercer  les  fonctions  de  la  mort,  affirment  de  concert, 
Indra  des  rois,  les  Siddhas  et  les  rishis.  5,120. 

» Les  hommes  magnanimes  lui  verront  une  forme 
semblable  à celle  de  Ràma,  quand  il  décochera,  au  milieu 
du  combat,  ses  astras  célestes.  5,127. 

» Je  ne  vois  pas  d’homme,  sire,  qui  puisse,  dans  la 
guerre,  blesser  Çikliandl,  quand,  armé  de  sa  cuirasse,  il 
sera  monté  dans  son  char  pour  affronter  la  bataille.  5,128. 

» Aucun  autre,  si  ce  n’est  le  héros  Çikhandt,  n’est 
capable  de  percer  de  sa  flèche  Bhishma  dans  un  combatà 
deux  chars.  Motaopinion  est  qu’il  mérite  le  généralissimat.» 


OUDYOGA-PARVA. 


359 


o Le  vertueux  Réçava  connaît  la  vigueur  et  l'atonie, 
le  fort  et  le  faible  du  monde  entier,  répondit  Youdhish- 
thira,  il  sait  également  quelle  opinion  on  doit  arrêter  sur 
chacun  de  ces  princes.  5,129—  5,130. 

» Que  l'homme  choisi  par  Kéçava  le  Dâçàrhain  com- 
mande en  chef  à mes  armées;  qu’il  soit  ou  non  consommé 
dans  l’étude  des  armes,  qu’il  soit  jeune  ou  vieux  ! 5,131, 

» Voilà  pour  nous  quelle  est,  mon  (ils,  la  racine  dans 
la  victoire  ou  la  défaite,  le  souffle  de  la  vie  et  le  royaume, 
l’être  et  le  non-être,  ce  qui  est  le  plaisir  ou  ne  l’est 
pas.  6,132. 

» 11  sera  pour  nous  Dhâtri  et  Vidhâtri;  en  lui  reposera 
la  perfection.  Que  l’homme  choisi  par  Kéçava  le  Dàçâ- 
rhain  commande  en  chef  à mes  armées.  6,133. 

» Que  le  plus  éloquent  des  êtres  doués  de  la  voix  parle 
donc!  Voici  la  nuit,  qui  s’écoule.  Ensuite,  quand,  soumis 
& la  parole  de  Krishna,  nous  aurons  élu  un  généralissime, 
ce  qui  reste  de  la  nuit  arrivé  à son  terme,  nous  marche- 
rons vers  le  champ  de  bataille,  les  armes  parfumées  des 
senteurs  du  sacrifice  et  toutes  les  chosts  de  bon  augure 
accomplies  avec  empressement.  » 5,134 — 6,136.  . 

Aussitôt  qu’il  eut  ouï  ces  paroles  du  sage  Dharmarâdja, 
le  Dieu  aux  yeux  de  lotus  bleu  répondit , fixant  ses 
regards  sur  Dhanandjaya  : 5,136. 

« J’ai  moi-même  de  l’estime,  guerrier  aux  longs  bras, 
pour  ces  héros  vaillants,  généraux  de  ton  armée,  qui 
viennent  d'être  nommés  par  vous.  5,187. 

» Qui  que  ce  soit  d’eux  est,  certes!  capable  de  battre 
ton  ennemi  . Ils  jèleraient,  dans  une  grande  bataille,  la 
terreur  au  sein  d'Indra  lui-même;  5,136. 

» Combien  plus  au  cœur  de  ces  cupides  enfants  de 


300 


LE  MAHA-BHARATA. 


Dhritarâshtra  â l’âme  dépravée!  Ce  qui  te  fait  du  plaisir 
dans  un  grand  combat,  guerrier  aux  longs  bras,  m'en  fait 
également  à moi-même.  6,139. 

» Qu’un  vaste  effort  soit  exécuté,  il  aura  la  paix  pour 
conséquence!  C'est  mon  sentiment,  fils  de  Bharata.  Voici 
le  moment  d’acquitter  la  dette  du  devoir  : ce  ne  sont  pas 
les  paroles  sans  poids  d'hommes,  que  pousse  un  vain 
désir  de  parler.  5,140. 

» L’insensé,  le  stupide  et  l'ignorant  Dbritarâshtride  se 
regarde  comme  accompli  dans  les  armes;  et,  malade 
d'orgueil,  il  se  croit  solidement  établi  dans  la  puis- 
sance. 5,141. 

« Rassemble  ton  armée,  vertueux  monarque  : let  en- 
nemis, je  les  estime,  certes!  mûrs  enfin  pour  la  mort.  Ces 
enfants  de  Dhritarâshtra  ne  pourront  tenir  pied  à la  vue 
du  terrible  Dhanandjaya,  de  Khima  irrité,  des  jumeaux, 
semblables  au  Dieu  Yatna,  du  fougueux  Dhrishladyomnna, 
secondé  par  Youyoudhâna,  d’Abhiinanyou,  des  Draâupa- 
dides,  de  Virâta,  de  Droupada  même,  et  des  autres  mo- 
narques, chefs  d’armées  complètes,  au  courage  épouvan- 
table. 5,142 — 5,143 — 5,144. 

» Notre  puissante  armée  inaffrontable,  invincible,  im- 
molera dans  la  bataille,  sans  aucun  doute,  l’armée  des 
Dhritaràshtrides.  5,145. 

» Mon  avis,  dompteur  des  ennemis,  est  qu’on  élise 
Dhrishtadyoumna  pour  généralissime.  » 5.140. 

A ce  langage  de  Krishna,  les  plus  grands  des  hommes 
se  réjouirent  ; et  leur  âme,  pleine  de  contentement,  fit 
éclater  une  immense  clameur.  5,147. 

« Rassemblons-nous  ! » s'écrient-ils.  Alors  il  se  fait 
partout  un  tumulte  de  guerriers,  qui  se  hâtent , qui 


OUDYOGA-PARVA.  Sel 

accourent,  un  bruit  de  chevaux  et  d’éléphants,  un  fracas 
de  roues.  5,148. 

De  tous  les  côtés  s’élève  un  mélange  confus  du  son  des 
conques  et  des  tambours.  Ce  concours  terrible , agité  des 
armées,  ressemblait  au  bruit  de,  l'océan.  5,14». 

C’était  un  fracas  violent  de  chars,  de  fantassins,  d’élé- 
phants, d'hommes,  qui  couraient,  qui  s'appelaient,  qui 
attachaient  leurs  cuirasses,  troublé  comme  celui  des 
grands  flots  dans  la  templle.  5,150. 

De  toutes  parts  on  voyait,  inaiïrontable,  pleine  comme 
la  Gangâ , l’armée  des  Pàndouides  prêts  à marcher  avec 
leurs  bataillons.  5,151. 

Les  généraux  étaient  Bhimaséna , les  deux  fils  de 
Màdrl,  la  cuirasse  endossée,  le  fds  de  Soubhadrà,  ceux  de 
Draàupadl  et  Dhrishtadyoumna  le  Prishatide.  5,152. 

Les  fortunés  Pàntchàlains  s’avançaient,  Bbltnaséna 
marchant  à leur  tête.  Ensuite,  il  s’éleva  un  bruit  sem- 
blable à celui  de  la  mer  dans  la  pleine  lune.  5,153. 

Dans  leurs  pas  en  avant,  les  clameurs  de  ces  guerriers 
ardents  allaient,  pour  ainsi  dire,  toucher  le  ciel.  C'étaient 
des  combattants  fougueux,  revêtus  de  la  cuirasse,  nés 
pour  enfoncer  les  armées  des  ennemis.  5,154. 

An  milieu  de  ces  braves,  marchait  le  monarque  You- 
dhishthira,  le  fils  de  Kountl.  De  toutes  parts,  ce  n’était 
que  voitures,  bêtes  de  somme,  barraques,  marchés  et  ma- 
chines de  guerre,  trésors  même,  chirurgiens  et  médecins, 
tout  ce  qui  était  fort  ou  faible,  ce  qui  était  frêle  et  maigre. 

5,155 — 5,150. 

Le  roi  s'avançait  avec  ses  domestiques  au  milieu  de  ces 
hommes,  qu’il  avait  rassemblés;  mais  la  Pàtitchàlaine 
Draàupadl  aux  paroles  de  vérité  demeura  dans  Uupapla- 


LE  MAHA-BHARATA. 


SB2 

vya,  environnée  de  femmes,  entourée  de  servantes  et  de 
serviteurs,  approvisionnée  de  médicaments  et  de  simples, 
divisés  en  choses  immobiles  ou  animées  (1). 

6467—5,158. 

Les  fils  de  Pàndou  s’avançaient,  enveloppés  d'une  nom- 
breuse garde  royale,  distribuant  de  l’or  et  des  vaches  aux 
brahmes,  qui  les  environnaient.  5,169. 

Sur  des  chars  ornés  de  pierreries , venaient,  sire,  les 
Kaikéyains  au  milieu  des  louanges,  Dhrishtakétou,  et 
l’auguste  fils  de  Kâçya,  et  le  fortuné  Vasoudàna,  ot  l'in- 
vincible Çikhandt.  Joyeux,  satisfaits,  revêtus  de  la  cui- 
rasse, ceints  de  leurs  armes,  richement  parés, 

5,100—5,101. 

Tous  les  rois  suivaient,  environnant  Youdhishthira.  Au 
centre  de  l'arrière-garde,  s’avançaient  Virâta,  et  le  fils  de 
Somaka,  Y&djnaséni,  le  vertueux  (1)  Kountibhodja  et 
les  fils  de  Dhrishtadyoumna.  Quatre  myriades  de  chars, 
cinq  fois  autant  de  chevaux,  dix  fois  ce  nombre  de  fantas- 
sins et  six  myriades  d'éléphants , Tchékitàna , le  fils 
d’Anàdhrishta,  et  Dhrishtakétou  le  Satyakide 

5,102 — 5,103 — 6,104.  • 

Venaient  tous,  environnant  le  Vasoudévide  et  Dha- 
nandjaya.  Quand  ces  nombreuses  armées  de  combattants 
furent  arrivées  dans  le  Kouroukshétra,  5,166. 

On  vit  les  fils  de  Pândou  pousser  de  grands  cris, 
comme  des  taureaux  ; et  ces  dompteurs  des  ennemis,  en- 
trés dans  le  champ  des  Kourouides,  remplirent  de  souffle 
leurs  conques.  5,160. 

(i)  Je  u'admcts  pas  le  sens  très- fantastique,  moins  naturel,  du  commen- 
tateur. 

(1)  Soudhanwtn , leçon  du  commentaire. 


©tgtti 





OUDYOGA-PARVA. 


SUS 

Le  Vasoudévide  et  Dhanandjaya  sonnèrent  de  la 
conque;  et,  au  bruit  entendu  de  Pàntcbadjanva,  semblable 
au  tonnerre  de  la  foudre,  les  poils  de  tous  les  combattants 
Se  hérissèrent  sur  tous  les  membres  ; et  le  cri  de  puerre  de 
ces  braves,  mêlé  an  son  des  tambours  et  des  conques,  fit 
résonner  tous  les  échos  de  la  terre,  du  ciel  et  des  mers. 

B, 167—  5,168 — 6,169. 

Alors  le  roi  Youdhishthira  fit  camper  son  arftiée  dans 
un  lieu  plane,  doux,  abondant  en  bois  de  chauffage  et  en 
gazons.  6,170. 

Et,  quand  le  fils  de  Kountl  l’eut  environné  de  cime- 
tière», de  temples  pour  les  Dieux,  d’heruiitnges  pour  les 
grands  saints,  de  tlrthas  et  d'autels,  Youdhishthira  à la 
haute  intelligence  se  lit  construire  un  palais  sur  une  terre 
saline  et  dans  un  endroit  charmant,  pur  et  sans  aucune 
souillure.  5,171 — 5,172. 

Puis,  le  lendemain,  s’étant  levé  tranquillement,  envi- 
ronné des  rois  par  centaines  de  mille,  il  continua  sa  route 
avec  ses  chevaux  délassés.  5,173. 

11  mit  en  fuite  par  centaines  des  escadrons  de  l’armée 
’du  Dhritaràshtride  ; et  Kéçava  avec  le  Prithide  éclaira 
tout  à la  ronde.  5,174. 

Dhrishtadyoumna  le  Prishatide  fit  mesurer  un  espace 
pour  son  camp.  Le  Salyakide  avec  son  char,  avec  ses 
épouses,  et  le  vigoureux  Youyoudhâna  s’approchèrent 
d’un  fleuve  pur,  aux  limpides  eaux,  exempt  de  boue,  aux 
charmants  petits  bains  sacrés  et  qui  roulait  un  sable  mêlé 
d’or  au  milieu  du  Kouroukshétra.  5,175 — 5,176. 

Kéçava  fil  creuser  là  un  fossé,  rejeton  de  Bharata,  où 
il  embusqua,  pour  la  garde  une  armée,  qui  ne  pouvait 
pas  être  aperçue.  5,177. 


36A 


LE  MAHA-BHAHATA. 


Ce  fut  la  règle  du  camp  des  magnanimes  (ils  de  Pàndou. 
Kéçava  y fit  bâtir  les  résidences  des  rois.  6,178. 

On  y apporta,  par  centaines  et  par  milliers,  des  vivres, 
des  aliments,  des  mets,  des  breuvages,  des  bois  à brûler 
en  très-grande  abondance  et  placés  à l’abri  des  enne- 
mis. 5,179. 

Là,  chacun  des  monarques  eut  son  palais  de  haut  prix  ; 
c'était,  Indra  des  rois,  comme  des  châteaux  construits 
dans  le  sein  de  la  terre.  6, 180. 

Là,  se  trouvaient,  par  centaines,  des  ouvriers  habiles, 
qui  travaillaient  pour  un  salaire  donné  : là,  étaient  des 
médecins  pourvus  de  tous  les  instruments  et  versés.dans 
les  Traités  de  médecine.  6,181. 

Là,  étaient  des  monceaux,  semblables  à des  montagnes, 
d'arcs,  de  cordes  d'arcs,  de  cottes  d'armes,  de  flèches,  de 
miel  ou  de  lait,  de  beurre  clarifié,  de  poudres,  de  résines 
et  de  sucs  des  shorées.  5,182. 

Le  roi  Youdbishthira,  dans  chaque  résidence  royale, 
rassembla  des  provisions  de  fourrage,  des  quantités  d’eau 
fraîche,  des  amas  de  riz;  et  la  pourvut  d’une  masse  de 
charbons,  de  grandes  machines  pour  la  guerre,  de  flèches- 
en  fer,  de  leviers,  de  haches,  d'arcs,  d’un  amas  de  car- 
quois , de  bâtons , de  cuirasses , et  cœtera. 

5,183 — 6,186. 

On  voyait  là,  par  centaines  et  par  milliers,  des  élé- 
phants de  guerre,  semblables  à des  montagnes,  couverts 
de  superbes  armures  de  fer  avec  des  cuirasses  d’épines. 

Dès  que  les  rois  amis  connurent  que  les  Pàndouides 
étaient  campés  en  ce  lieu,  fils  de  Bharata,  ils  accoururent 
chacun  de  sa  contrée  avec  sa  cavalerie,  avec  son  armée. 

5,185 — 5,180. 


OCD YOfi  A-PA  R V A . 


365 


Ceux,  qui  boivent  le  soma  et  qui  observent  le  vœu  de 
chasteté,  comblés  de  riches  honoraires,  et  les  souverains 
de  la  terre  affluèrent  de  compagnie  pour  la  victoire  des 
fils  de  Pàndou.  5,187. 

Djananiédjaya  dit  alors  : 

« Quand  Dourvodhana  eut  appris  qu'Youdhishthira 
s'était  avancé  avec  son  armée  dans  le  désir  de  combattre, 
qu’il  était  campé  dans  le  Kouroukshétra  et  défendu  par 
le  Vasoudévide  ; qu’il  était  soutenu  par  Virâta  et  Drou- 
pada  avec  leurs  fils , et  que  les  princes  Kaîkéyains  et 
Vrishnides  l’environnaient  par  centaines,  comme  les  héros 
Aditvas  gardent  Mahéndra  lui-même,  quelle  chose  le  vit- 
on  faire?  5,188 — 5,180 — 5,190. 

» Je  désire  que  tu  m'apprennes  en  détail,  anachorète 
5 la  haute  sagesse,  ce  qui  tient  à cette  grande  alarme,  ce 
qui  s'est  passé  dans  le  Kouroudjângala.  5,191. 

» Ils  auraient  pu  jeter  la  terreur  dans  l’àine  des  Dieux 
avec  Indra,  ces  Pândouides  unis  au  Vasoudévide,  à Vi- 
râta et  Droupada,  au  Pântchàlain  Dhrishtadyoumna,  au 
héros  Çikhandl,  au  vaillant  Youdhâmanyou,  inaffrontable 
aux  Dieux  mêmes.  5,192 — 5,103. 

» Je  désire  entendre  avec  étendue,  homme  riche  en 
pénitences,  chacune  des  choses,  que  firent  les  enfants  de 
Kourou  et  de  Pàndou.  » 5,194. 

Valçampàyana  lui  répondit  : 

Après  le  départ  du  Dâçârhain,  le  roi  Douryodhana  tint 
alors  ce  langage  à Karna , à Douççâsana  et  à Çakotmi  : 

o Adhokshadja  s’en  est  allé  sans  avoir  réussi  dans  sa 
mission  pour  les  Prilhides  ; il  en  est  sans  doute  pénétré 
de  ressentiment;  il  nous  consumera,  c’est  assuré  1 

5,195—5,196. 


digitized  by  Google 


I.F.  MAHA-BHAR\TA. 


Me 

» Le  fils  de  Vasoudéva  désire  que  je  livre  bataille  aux 
Pândouides  : Bkimaséna  et  Aijouna  partagent  le  senti- 
ment du  Dàçârhain.  5,197. 

» Adjâtaçatrou  suit  beaucoup  la  volonté  de  Bhirna- 
séna,  et  je  lui  ai  fait  du  mal,  au  temps  passé,  avec  tous 
mes  frères.  5,198. 

» Virâta  et  Droupada  sont  en  hostilité  déclarée  avec 
moi  ; ces  deux  généraux  d’armée  marchent  sous  le  pouvoir 
du  Vasoudévide.  5,199.' 

» 11  y aura  donc  une  bataille  tumultueuse,  hérissant 
le  poil  d’épouvante  : ainsi,  faites  préparer  en  diligence 
tout  ce  qui  est  du  ressort  de  la  guerre.  5,200. 

» Que  les  maîtres  de  la  terre  construisent,  par  cen- 
taines et  par  milliers,  dans  le  Kourouksliétra,  des  rési- 
dences royales,  séparées  entre  elles  par  des  intervalles 
bien  suflisants,  et  que  les  ennemis  ne  puissent  emporter. 
Quelles  aient  sous  la  main  l’eau  et  le  bois  de  chaulTage, 
des  routes  d’approvisionnement,  qu’on  ne  puisse  couper, 
et  quelles  soient  cachées  par  des  hauteurs  reliées  entre 
elles.  5,201—5,202. 

n Quelles  soient  remplies  d’armes  diverses!  qu’elles 
aient  des  étendards  et  des  drapeaux  ! que  leurs  chemins 
soient  nivelés  en  dehors  de  la  ville!  5,203. 

» Que  le  départ  soit  proclamé  (1)  aujourd'hui  même 
pour  demain  : ne  tardez  pas!  » Ces  magnanimes,  auxquels 
il  s’adressait,  répondirent  : « Oui  ! » et,  le  lendemain 
arrivé,  ils  firent  ainsi,  la  joie  peinte  sur  toutes  les  formes, 
pour  l’habitation  des  rois.  Ensuite,  tous  les  princes,  qui 


(f)  L'édition  de  Calcutta  dit  encore  avec  incorrection  : youskyaldn  pour 
ghoushyatûn. 


OUDYOG  \-PAHV  A. 


387 


avaient  entendu  cet  ordre  du  monarque,  5,204—6,205. 

Se  levèrent,  irrités,  de  leurs  sièges  précieux,  frottant 
lentement,  lentement  leurs  bras,  semblables  5 des  mas- 
sues, 5,200. 

Enflammés  de  bracelets  d’or,  oints  d’aloés  et  de  sandal; 
rattachant  avec  des  mains,  pareilles  à des  lotus,  les  tur- 
bans, les  vêtements  inférieur  et  supérieur,  les  ornements 
de  tous  les  côtés.  Les  plus  excellents  maîtres  de  chars 
disposaient  les  chars,  les  habiles  dresseurs  de  chevaux 
préparaient  les  coursiers,  les  experts  à élever  des  élé- 
phants équipaient  ces  vigoureux  proboscidiens.  De 
toutes  parts,  on  s'arma  de  cottes  d'armes  nombreuses, 
admirables,  faites  d'or  ; on  prit  toutes  les  armes  diverses. 
Les  hommes  de  pied  empoignèrent  différentes  flèches. 

5,207-5,208—5,209-5,210. 

Plus  d’un  enveloppa  son  corps  de  vêtements  admirables 
d’or.  Couverte  d'hommes  joyeux,  la  ville  du  Dhritarâsh- 
tride,  bouillonnante  comme  dans  un  jour  de  fête,  était 
pleine  d'uue  multitude  de  peuple,  de  chevaux,  d’éléphants 
et  de  chars,  comme  un  tournoiement  d’eau  est  rempli  de 
poissons.  5,211 — 5,212. 

Environnée  d’une  guirlande  de  palais,  de  marchés  et 
de  routes  carossables,  elle  ressemblait  à un  grand  lac  en- 
fermé par  des  montagnes.  Résonnante  du  bruit  des  tam- 
bours et  des  conques,  ses  rois  de  Kourou  étaient  comme 
un  immense  océan,  éclairé  par  les  guerriers  aux  orne- 
ments immaculés  et  tel  qu’au  lever  de  l’astre  des  nuits; 
il  avait  pour  écume  ses  flèches  luisantes,  pour  ondes  ses 
cuirasses  et  ses  magnifiques  parures . Les  trésors  accu- 
mulés y brillaient  en  guise  de  pierreries.  5,213 — 5,214. 


368 


LF.  MAHA-BHABATA. 


Ce  camp  paraissait  donc  alors,  sire,  tel  que  la  mer  an 
lever  de  la  lune.  5,215. 

Youdhishthira , s'étant  souvenu  des  paroles,  qu’avait 
dites  le  Vasoudévide,  interrogea  de  nouveau  ce  rejeton  de 
Vrishni  sur  la  manière,  dont  l’insensé  avait  tenu  ce  lan- 
gage : 5,216. 

« Voici  le  moment  arrivé,  Atchyouta  ; quelle  est  notre 
patience?  Grâce  à quelle  conduite  ne  serons-nous  pas  jetés 
en  bas  du  devoir  ? 5,217.  • 

» Tu  connais,  Vâsoudéva,  l’opinion  de  Douryodhana, 
de  Karna,  de  Çakouni  le  Soubalide,  la  mienne  et  celle  de 
mes  frères.  5,218. 

i>  Tu  as  entendu,  homme  à la  grande  science,  les 
paroles  de  Vidoura,  de  Bhlshma,  de  ces  deux  et  de 
Kountt  : tu  as  donc  entendu  la  science  elle-même  avec 
plénitude.  5,219. 

» Ayant  dépassé  toutes  ces  choses  et  promené  mainte 
fois  ta  pensée  à travers  ces  matières,  veuille  bien  me 
dire,  héros  aux  longs  bras,  d’où  nous  viendra  la  féli- 
cité. n 5,220. 

Dès  qu’il  eut  ouï  ces  mots,  accompagnés  de  l'utile  et 
du  juste,  qu'avait  prononcés  Dharmarâdja,  Krishna  d’ar- 
ticuler ces  paroles  d’une  voix,  semblable  au  tambour  des 
nuages.  5,221. 

o (les  pensées,  que  tu  virils  d’exprimer,  sont  bonnes, 
fondées  sur  le  juste  et  l’utile  ; mais  elles  ne  trouvent  pas 
à jeter  des  racines  dans  ce  rejeton  de  Kourou,  qui  n’a  de 
science  que  pour  la  méchanceté.  5,222. 

» Quelles  que  soient  les  paroles,  ou  de  Bhlshma,  ou  de 
Vidoura,  ou  de  moi-mênie,  ce  prince  à l’intelligence 


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OUDYOGA-PARVA.  369 

étroite  n’y  prête  pas  son  oreille  : il  franchit  toutes  les  bor- 
nes. 5,223. 

» 11  n’aime  pas  le  devoir,  il  n’aime  point  la  renommée  : 
appuyé  sur  Raina,  il  croit,  cet  insensé,  avoir  déjà  tout 
vaincu.  5,224. 

» Souyodhana  avait  ordonné  de  m’arrêter  : mais  ce  stu- 
pide aux  résolutions  criminelles  n’a  pas  atteint  à cet  objet 
de  son  vœu.  5,225. 

» Ni  Drona,  ni  Bhlshraa,  n’ont  pas  dit  alors  un  seul 
mot  opportun  ; tous,  à l’exception  de  Vidoura,  ils  suivent 
le  parti  de  ce  pervers.  5,226. 

» Çakouni  le  Soubalide,  karna  et  Douççâsana,  ces  in- 
sensés, ils  ont  dit  à ce  prince  violent  jusqu'à  la  folie  des 
paroles  inconvenantes  à ton  égard  ! 5,227. 

» Qu’est-il  besoin  que  je  te  répète  les  paroles,  qu'a  jetées 
ce  rejeton  de  Kourou  ? Pour  tout  dire  en  un  mot,  cet 
homme  à l’âme  méchante  ne  se  conduit  pas  comme  il  sied 
envers  toi,  ni  envers  tous  ces  princes,  qui  sont  tes  guerriers. 
Tout  ce  qui  est  vice,  tout  ce  qui  n’est  pas  vertu,  trouve  en 
lui  un  support.  5,228—5,229. 

» Jamais,  dans  ton  intérêt,  nous  ne  ferons  la  paix  avec 
les  Kourouides,  en  leur  abandonnant  tout  le  royaume. 
Ce  que  nous  désirons  ici,  c’est  une  guerre  immédiate.  » 

A peine  curent-ils  ouï  ce  discours  du  Vasoudévide,  tous 
les  princes  de  lever  les  yeux  sur  le  visage  du  roi,  sans 
prononcer  un  seul  mot.  5,230 — 5,231. 

Youdhishthira,  ayant  vu  par  ce  geste  quelle  était  la 
résolution  des  rois,  ordonna  aussitôt,  avec  Bhlmaséna, 
Arjouna  et  les  deux  jumeaux,  le  rassemblement  de  scs 
armées.  5,232. 

Alors,  toute  l’armée  du  fils  dePândou  poussa  des  cris 
vi  24 


370 


LK  MAHA-BHARATA. 


d’allégresse  ; et,  voyant  commandé  le  rassemblement 
des  troupes,  le  poil  des  guerriers  se  hérissa  de  joie 
Voyant  déjà  sous  ses  yeux  la  mort  des  personnes,  qui 
ne  méritaient  pas  ce  destin,  Dharmaràdja-Youdhishthira 
dit  en  soupirant  ces  mots  à Bhlmaséna  et  à Vidjaya  : 

6,233—6,234. 

o Est-ce  donc  parce  que  j'ai  habité  dans  les  bois  et 
souffert  tant  de  chagrins  que  cette  infortuue  extrême 
tombe  spécialement  sur  nous  (1)  I 5,235. 

» Si  nous  avions  tenté  un  grand  effort,  il  eût  été  en 
particulier  sans  résultat  pour  notre  bien  ; et  c’est  parce 
que  cet  effort  n'a  pas  été  fait  que  cette  vaste  guerre  a 
fondu  sur  nous  (2)  ! » 5,236. 

A ces  mots  de  Dharmaràdja,  le  vaillant  Ambidextre  fit 
entendre  ces  paroles,  qu'avait  prononcées  le  Vasoudé- 
vide  : 5,237. 

u Tu  n’as  pas  compris  entièrement,  sire,  ces  paroles, 
que  le  fils  de  Dévaki  adressa  à Kounti  et  Vidoura  : 

a Ces  deux  personnes  n’avanceront  jamais,  a-t-il  dit, 
une  chose  contraire  au  devoir  ! » C’est  aussi  ma  dernière 
opinion.  11  ne  sied  pas  à toi,  qui  ne  combats  pas,  sire, 
d’empêcher  ceux,  qui  renient  se  battre.  » 5,238 — 5,239. 

o C’est  vrai  ! » répondit  en  souriant  le  Vasoudévide  à 
ces  paroles  du  Prithide  Ambidextre.  5,240. 

Les  Pàndouides  alors,  puissant  monarque,  nourris- 
sant avec  leurs  hommes  de  guerre  une  pensée  bien  réso- 
lue pour  le  combat,  de  passer  tranquillement  cette  nuit. 
Ensuite,  les  fils  de  Pândou  aux  opinions  bien  arrêtées 

(1-2)  Ce  n'est  pas  le  sens  vague  du  commentaire,  mais  c'est  le  sens  des 
mots  et,  j'ose  dire,  de  l'esprit,  qui  inspire  cette  plainte  amère  de  profond 
découragement. 


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OUDYOGA-PARVA. 


371 


pour  la  bataille,  passèrent  avec  leurs  armées  cette  nuit 
dans  les  douceurs  du  repos.  5,241— 5, 242. 

Quand  la  nuit  se  fut  éclairée,  Bbaratide,  aux  premières 
blancheurs  de  l’aube,  le  roi  Youdhishthira  divisa  son 
année  en  onze  grands  corps.  5,243. 

Il  partagea  entre  ses  troupes  le  fort,  le  moyen  et  le 
faible  des  chevaux,  des  chars,  des  éléphants  et  des  hom- 
mes : puis,  le  tout-puissant  monarque  lit  courir  ses  ordres 
dans  toutes  ces  armées.  5,244. 

Avec  leurs  caisses  de  chars,  carquois,  leviers,  galeries 
extérieures  (1) , étuis  de  flèches  pour  le  cavalier,  lances 
de  fer,  carquois  de  fantassins,  et  sabres,  5,245. 

Drapeaux,  étendards,  arcs,  gros  dards,  cordes  diverses, 
lacets  et  tapis  ou  couvertures  pour  coucher  la  nuit, 

Art  de  se  prendre  aux  cheveux,  et  de  se  jeter  çà  et  là, 
sable,  balle,  huile  de  sésame,  vases  de  serpents  ; tons 
avec  les  poussières  et  les  résines  ; 4,246 — 5,24". 

Tous  avec  leurs  boucliers  garnis  de  clochettes,  leurs 
boules  de  fer,  pierres  d'eau  bouillante,  flèches  de  fer, 
traits  à sarbacane,  cire  d’abeille,  maillets  d’armes; 

Tous  avec  leurs  dards,  gros  bâtons,  socs  de  charrue 
ornés,  massues  en  fer,  balles  ardentes,  tissus  d’osier 
pour  s’en  garantir,  faucilles,  armes  à épines  de  fer  (2)  ; 

Tous  munis  d’épieux,  de  cuirasses,  de  hachettes,  de 
doloires,  couverts  d’une  peau  de  tigre,  enveloppés  dans 
le  cuir  d’un  éléphant,  5,248 — 5,249 — 5,250. 

Avec  leurs  épées,  cornes,  traits  barbelés,  armes  diver- 
ses, haches,  bêches,  huile  de  sésame,  huile  de  lin,  beurre 
fondu;  5,251. 


(1)  Pour  garantir  du  choc  les  voitures,  qui  se  rencontrent. 

(2)  Pour  arracher  du  ventre  les  Mitrailles,  dit  le  commentaire. 


372 


LE  MAHA-BHARATA. 


Ces  armées  diverses,  ornées  de  toutes  les  espèces  de 
pierres  fines  et  revêtues  de  cottes  maillées  d’or,  étaient 
flamboyantes  comme  le  feu.  5,252. 

Marchaient,  la  cuirasse  endossée,  les  opinions  faites 
dans  les  armes,  des  héros  de  noble  sang,  connaissant  la 
généalogie  des  chevaux  et  versés  dans  la  conduite  des 
chars.  5,253. 

Ils  portaient  solidement  attachés  le  vêtement  inférieur 
et  la  ceinture,  les  drapeaux  et  les  étendards,  les  passe- 
menteries et  les  parures,  le  pattiça  et  l'épée.  5,254. 

Tous  les  chars  étaient  munis  de  quatre  couples  ; tous, 
ils  étaient  attelés  des  plus  grands  chevaux  ; tous  avaient 
des  sabres  et  des  traits  barbelés  ; tous  avaient  des  arcs 
solides.  5,255. 

L’un  de  ces  couples  est  de  deux  chevaux  de  somme  ; les 
deux  autres  obéissent  à des  cochers  de  l’arrière-garde, 
les  meilleurs  des  maîtres  de  chars  ; le  guerrier,  qui  conduit 
le  quatrième,  connaît  les  chevaux.  5,256. 

11  y avait  mille  chars  environnés  partout  de  guirlandes 
d’or,  bien  défendus  comme  des  villes,  insurmontables  aux 
ennemis.  5,257. 

Les  éléphants  étaient,  comme  les  chars,  bien  parés,  la 
ceinture  solidement  attachée;  et,  tels  que  des  montagnes, 
remplies  de  pierreries,  ils  étaient  gardés  par  sept  hommes. 

Deux  cornacs,  le  croc  à la  main,  deux  archers  portant 
les  plus  excellents  des  arcs,  deux  étaient  armés  des  plus 
fortes  épées  ; un  seul,  majesté,  tenait  un  trident  et  une 
lance.  5,268 — 5,259. 

Toute  cette  armée  du  magnanime  fils  de  Kourou  , 
sire,  était  pleine  de  pelotons  d’hommes  aux  éléphants  eni- 
vrés. 5,260. 


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OUDYOGA-PARVA. 


37  S 


Les  chevaux  parmyriades  portaient  des  cavaliers,  riche- 
ment ornés,  ombragés  d'étendards,  munis  de  leurs  cui- 
rasses endossées.  5,261. 

Il  y avait  une  suite  de  plusieurs  centaines  de  mille  hom- 
mes, bien  dressés  à tenter  des  coups  périlleux,  ayant  des 
ornements  d'or  ; tous  étaient  sous  la  volonté  d’un  capitaine 
Achevai.  6,262. 

Là,  étaient  des  gens  de  pied  avec  des  guirlandes  d'or, 
ceints  d’armes  et  de  cuirasses  en  toutes  les  sortes,  offrant 
une  grande  variété  de  formes  dans  l’exposition  des  senti- 
ments (1).  5,263. 

On  voyait  de  toutes  parts  dix  éléphants  pour  un  char,  dix 
chevaux  pour  un  éléphant,  dix  fantassins  pour  un  cheval. 

Cinquante  éléphants  valaient  un  char,  cent  chevaux  va- 
laient un  éléphant;  sept  hommes  de  pied  combattant  eu 
compagnie  rompue  valaient  un  cheval.  5,26â — 5,265. 

Cinq  cents  éléphants  avec  un  égal  nombre  de  chars 
composaient  une  sénà;  dix  tinâs  équipollaient  à une 
pritanâ,  et  dix  pritânas  formaient  une  vâhini.  5,266. 

line  sénà,  une  pritanà  et  une  vâhini  composaient  une 
tchamoû  aux  étendards  flottants  ; armée,  que  l'agrégation 
des  forces  a fait  appeler  encore  une  Akshaàuhiui.  5,267. 

Ainsi  nombreuses  étaient  les  grandes  divisions  formées 
par  le  prudent  fils  de  Kourou  : elles  s’élevaient  à onze 
armées  complètes,  et  l'on  en  comptait  seulement  sept  dans 
le  parti  adverse.  5,268. 

L’armée  des  Pàndouides  ne  montait  qu’à  sept  akshaâu- 
hinis,  et  l’armée  des  Kourouides  embrassait  onze  de  ces 
vastes  agglomérations.  5,269. 


(1)  Ce  n’est  pas  le  secs  du  commentaire  ; mais  c'est  le  sens  du  texte. 


374 


LE  MAHA-BHARAT.4. 


L'n  peleton  de  cinquante-cinq  hommes  est  compté  pour 
l'origine  d'une  sénà  ; trois  pelotons  sont  appelés  un 
goulma.  5,270. 

Le  gana  comprend  trois  goulmas  : que  les  ganas  soient 
par  myriades.  Ceux , qui  devaient  combattre  dans  les 
armées  de  Douryodliana,  étaient  de  rrat*  guerriers. 

Ce  monarque  aux  longs  bras,  ayant  reconnu  les 
hommes,  qui  joignaient  l'intelligence  au  courage,  choisit 
alors  ses  généraux.  5,271 — 5,272. 

D’abord,  il  manda,  suivant  la  règle,  les  plus  hauts  pla- 
cés des  guerriers , généraux  des  armées  complètes , et 
parla  à chacun  de  ces  princes,  5,273. 

A Rripa,  Drona  et  Çalya,  au  Sindhien,  à Djayadratha, 
au  roi  de  Kâuibodje  Soudakshina  et  même  à Kritavarman, 

Au  fils  de  Drona,  à Karna,  à Bhoûriçravas,  à Çakouni, 
le  (ils  de  Soubala,  et  au  puissant  Vâhlika.  5,274-5,275. 

Chaque  jour,  mainte  et  mainte  fois,  suivant  l'occasion, 
Bharatide,  il  rendait  à ces  héros  différents  honneurs  à la 
vue  de  ses  armées.  5,270. 

Et  tous  les  guerriers  subordonnés,  qui  suivaient  leurs 
pas,  furent  alors,  sire,  pleins  du  désir  de  faire  une  chose 
agréable  au  roi.  5,277. 

Ensuite,  le  fils  de  Dhritaràshtra,  joignant  au  fi  ont  les 
paumes  de  ses  mains,  dit  avec  tous  les  rois  ces  paroles  à 
Bhlshma,  le  fils  de  Çântanou  : 5,278. 

o line  armée,  quelque  nombreuse  soit -elle  , si  elle 
manque  d’un  général,  quand  elle  entre  eu  bataille,  est 
facilement  rompue,  comme  un  monticule  de  fourmis. 

» Jamais  doux  hommes  ne  pensent  de  même;  le  cou- 
rage et  la  force  des  généraux  luttent  sans  cesse,  l'un  avec 
l'autre.  5,270 — 5,280. 


- — — ^ 


OUDYOGA-PARVA. 


875 


» La  tradition  nous  apprend  ce  qui  arriva  chez  tes 
Kalyaains  à la  force  sans  mesure.  Les  brahmes,  arborant 
le  kouça  pour  drapeau,  se  soulevèrent;  les  valçyas  et  les 
çoûdras  embrassèrent  leur  parti  : d’un  côté,  vénérable 
oncle,  étaient  ces  trois  castes  : de  l'autre,  il  y avait  les 
plus  excellents  kshatryas.  5,281 — 5,282. 

» Les  trois  classes  furent  mainte  fois  rompues  dans  les 
combats  ; les  kshatryas  vainquirent  l’armée  nombreuse  du 
parti  contraire.  5,283. 

» Alors,  les  plus  éminents  des  brahmes  interrogèrent 
les  kshatryas  ; et  ces  hommes  vertueux,  mon  aïeul,  répon- 
dirent, suivant  la  vérité  : 5,284. 

« Nous  écoulons  dans  la  bataillela  grande  pensée  d’un 
seul  chef,  tandis  que  vous,  c’est  individuellement  que 
vous  suivez  la  volonté  de  chacun  de  vous.  » 5,285. 

<i  Enfin , les  deux  fois  nés  élurent  pour  général  un 
brahme,  héros  habile  dans  les  choses  politiques,  et  ils 
vainquirent  les  kshatryas.  5,286. 

» Ainsi  les  guerriers,  qui  triomphent  des  ennemis  dans 
les  combats,  choisissent  un  général  habile,  irréprochable, 
qui  a le  désir  de  leur  bien.  5,287. 

» Que  ton  altesse,  égale  à Ouçanas,  qui  est  insurmon- 
table dans  la  vertu  et  qui  a toujours  désiré  mon  bien,  soit 
donc  notre  général,  5,288. 

» Comme  le  soleil  commande  h.  la  nuit,  la  lune  aux 
herbes  de  la  terre  , Kouvéra  aux  Yakshas , Indra  aux 
Dieux  ; 5,289. 

» Comme  le  Mérou  est  le  roi  des  montagnes,  Garouda 
celui  des  volatiles,  comme  Karttikéya  règne  sur  les  Bhoù- 
tas  et  le  Feu  sur  les  Vasous.  5,290. 

» Défendus  par  ton  excellence,  tels  que  les  Dieux  sout 


876 


LE  MAHA-BHARATA. 


défendus  par  Indra,  nous  serons  certainement  insurmon- 
tables aux  Tridaças  eux-mêmes.  5,291. 

u Que  ton  altesse  marche  à notre  tête,  comme  Kartti- 
kéya  devant  les  Dieux  : nous  te  suivrons,  tels  que  des 
génisses  suivent  le  taureau.  » 5,292. 

« 11  en  est  ainsi  que  tu  le  dis,  héros  aux  longs  bras,  lui 
répondit  Bhlshma;  les  fils  de  Pândou  sont  pour  moi  ce 
que  me  sont  vos  grandeurs  elles-mêmes.  5,293. 

» Je  devrais  leur  dire  ce  qui  peut  être  le  salut  pour 
eux  ; mais  il  me  faut  combattre  dans  ton  intérêt,  puisque 
c’est  la  loi,  que  tu  m’imposes.  5,29â. 

» Je  ne  vois  pas  sur  la  terre  un  combattant  égal  à moi, 
si  ce  n’est  ce  tigre  des  hommes,  Dhanandjava,  fils  de 
Kountl.  5,295. 

» Ce  guerrier  à la  haute  intelligence  sait  maints  astras 
célestes  : puisse  ce  Pândouide  ne  jamais  combattre  à dé- 
couvert en  bataille  contre  moi  ! 5,296. 

» Dans  un  seul  instant,  moi,  par  la  force  de  mes  armes, 
je  dépeuplerais  ce  monde  d’hommes,  de  Rakshasas, 
d'Asouras  et  de  Dieux  mêmes  ! 5,297. 

» Mais  les  fils  de  Pândou  ne  peuvent  être  détruits  par 
moi,  monarque  des  hommes;  en  échange,  je  peux  tou- 
jours immoler  une  myriade  de  combattants  ! 5,298. 

» Je  leur  donnerai  ainsi  la  mort,  rejeton  de  Kourou,  si 
avant  ils  ne  me  tuent  moi-même  dans  le  combat.  5,299. 

» Je  serai  le  général  en  chel  de  tes  armées,  sire,  à une 
autre  condition.  Daigne  écouter  ce  qui  est  dans  mon  désir. 

» Laisse  combattre  Karoa  avant  moi,  ou  laisse-moi 
combattre  avant  lui,  souverain  de  la  terre  ; car  le  fils  du 
cocher  rivalise  toujours  plus  qu’il  ne  convient  avec  moi 
dans  les  combats.  » 5,300 — 6,801. 


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OUDYOGA-PARVA. 


377 


« Je  ne  combattrai  jamais,  sire,  tant  que  vivra  le  fils 
de  la  Gangâ!  répondit  Rama;  mais,  une  fois  Bhtsbma 
tué,  je  combattrai  avec  l’archer  du  Gândiva  ! » 5,302, 

Le  fils  de  Dhritarâslitra  ensuite  de  proclamer  généra- 
lissime Bhishma,  comblé  de  riches  présents,  suivant  la 
coutume;  et,  sacré,  le  vieux  héros  de  resplendir.  5,303. 

Par  l’ordre  du  roi,  les  tambours  et  les  conques,  par 
centaines  et  par  milliers,  jetèrent  dans  les  airs  des  sons 
terribles.  5,30â. 

Différents  cris  de  guerre  se  mêlent  au  hennissement 
des  coursiers  ; une  pluie  fangeuse  de  sang  se  manifeste 
au  sein  du  ciel.  5,305. 

Les  vents  impétueux,  les  tremblements  de  terre,  le 
bruit  du  barrit  des  éléphauts  chargeaient  comme  d’un 
poids  les  âmes  de  tous  les  combattants.  5,306. 

Des  voix,  qui  n’étaient  pas  articulées  d’un  corps,  des 
météores  de  feu  tombaient  du  ciel  ; des  chacals,  augures 
d’alarmes,  glapissaient,  beaucoup  plus  enflammés  qu’il 
n était  de  leur  nature.  6,307. 

Alors  que  le  roi  eut  sacré  le  fils  de  la  Gangâ  dan#  la  di- 
gnité de  généralissime,  ces  prodiges  aux  formes  terribles, 
sire,  apparurent  par  centaines.  5,308. 

Après  qu’il  eut  nommé  général  en  chef  Bhishma,  l’op- 
presseur des  armées  ennemies,  et  qu’il  eut  fait  prononcer 
les  paroles  fortunées  aux  plus  éminents  des  brahmes,  ré- 
compensés avec  un  grand  nombre  de  vacbes  et  de  nishkas 
d’or,  5,300. 

Chargé  de  bénédictions  pour  la  victoire,  il  sortit,  ac- 
compagné de  ses  frères,  entouré  de  ses  guerriers,  et  le 
fils  de  la  rivière  marchant  à la  tête.  5,310. 

I.e  kourouide  sc  rendit  avec  une  nombreuse  armée  dans 


378 


LE  MAHA-BHA11ATA. 


le  Kouroultshétra  ; il  en  lit  le  tour  dans  la  compagnie  de 
Kama.  5,311. 

Il  ordonna  de  mesurer  sa  résidence  royale,  monarque 
des  hommes,  dans  un  endroit  uni,  dans  une  terre  saline, 
dans  un  lieu  charmant,  bien  pourvu  de  fourrages  et  de  bois 
à brûler,  6,312. 

En  sorte  que  ce  camp  du  roi  paraissait  être  un  nouvel 
Hàstinapoura.  5,313. 

Djamamédjaya  dit  : 

a Quand  Youdhishthira  eut  appris  que  le  magnanime 
fils  de  la  rivière,  le  grand-oncle  des  Bharatides,  le  plus 
excellent  des  hommes,  qui  manient  les  armes,  et  le  dra- 
peau de  tous  les  rois,  Bhishma,  égal  à Vrihaspati  pour 
l'intelligence,  k la  terre  pour  la  capacité  de  porter,  sem- 
blable en  profondeur  à la  mer,  inébranlable  comme  l’Hi- 
mâlaya,  pareil  à Brahma  en  grandeur,  équipollent  au 
soleil  par  la  splendeur,  la  destruction  en  personne  des 
ennemis,  comme  Mahéndra,  sous  des  pluies  de  flèches, 
initié  pendant  long-temps  pour  le  sacrifice  des  combats, 
cérémonie  longue,  très-horrible,  faisant  dresser  le  poil 
d’épouvante,  était  campé  dans  la  pjaine  des  Kourouides, 
5,314 — 5,315 — 5,310 — 5,317. 

» Que  dit  ce  héros  aux  longs  bras,  le  meilleur  de  tous 
ceux,  qui  portent  les  armes  ? Ou  que  dirent  Bhirna  et 
Arjouna  ? Ou  bien  encore  que  dit  Krishna  lui-même  ? » 

Vaiçampayana  lui  répondit  : 

Youdhishthira  aux  longs  bras,  habile  dans  le  juste  et 
l’utile  ; sage  dans  l’infortune,  ayant  rassemblé  tous  ses 
frères  et  l’immortel  Vasoudévide,  5,318 — 5,319. 

11  dit,  lui,  le  plus  éloquent  des  hommes,  ces  mots,  que 
précédait  une  parole  caressante  : « Parcourez  les  années  ! 


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OUDYOGA-PARVA. 


S79 


Veillez  k ce  que  les  Boldats  s'y  tiennent  revêtus  de  leurs 
cuirasses.  5,320. 

« Vous  aurez,  dès  le  point  du  jour,  à combattre  votre 
grand-oncle  : voyez  donc  mes  généraux,  pendant  que  les 
armées  sont  ensevelies  dans  le  sommeil.  » 5,321. 

« Il  en  est  ainsi , reprit  le  bien-heureux  Krishna,  que 
ta  majesté  a daigné  le  dire  dans  ce  moment  suprême 
arrivé  : tu  viens  de  prononcer,  éminent  Bharatide,  une 
parole  sensée.  5,322. 

» Je  suis  d’avis,  guerrier  aux  longs  bras,  qu’on  l’exé- 
cute à l’iiistant  même  : il  faut  avertir  dans  ce  moment-ci 
les  sept  généraux  de  ton  armée.  a 5,323. 

Youdhishthira  fit  appeler  Droupada,  Viràta,  le  héros 
Çini  et  Dhrishtakétou  le  Prishatide,  Sahadéva  le  Màga- 
dhain,  Dbrishtadycumna  et  Çikhandi,  l’un  et  l'autre  du 
Pântchâla  ; il  lit  inaugurer,  suivant  la  règle,  comme  géné- 
raux des  armées,  ces  sept  héros  excellents,  qui  respiraient 
les  combats.  11  élut  dans  ce  moment  comme  généralissime 
Dbrishtadyoumna,  5,324 — 5,325 — 5,320. 

Qui  était  né  du  feu  allumé  sur  l'autel  pour  la  mort  de 
Drona.  11  choisit  GoudÂkéça-Dhanandjaya  pour  comman- 
der souverainement  à ces  magnanimes  généraux,  tous 
ensemble,  et  nomma  pour  guider  Arjouna  même  et  con- 
duire ses  chevaux  Djanârddana  à la  vaste  pensée,  le  favori 
de  la  fortune  et  le  frère  puîné  de  Sankarshana.  Quand  il  vit 
arrivé  et  près  d’éclater  ce  combat  rempli  de  mort, 

5,327—5,328—5,329. 

Le  prince  Halàyoudha  entra  dans  le  palais  du  lils  de 
P&ndou.  Tels  que  les  vents  gardent  Indra,  les  fils  d'A- 
houka  et  de  lloukmini,  à la  tête  desquels  marchaient  Tchà- 
roudéshna  et  les  principaux  des  Vrishnides,  ivres  decom 


380 


LE  MAHA-BHARATA. 


bats,  veillaient,  comme  des  tigres  rassemblés,  à la  garde 
du  héros  aux  longs  bras  et  l’avertissaient  (1)  avec  des 
paroles  et  des  manières  aimables.  A la  vue  du  guerrier, 
les  yeux  enflammés  d’ivresse,  la  démarche  dandinante 
du  lion,  revêtu  d'une  robe  de  soie  noire,  cl  semblable  au 
sommet  du  Kailâsa,  Dharmarâdja  et  Kéçava  à la  grande 
lumière  de  se  lever  aussitôt.  Le  fils  de  Prithà,  Yrikaudara 
aux  actions  épouvantables,  l’archer  du  Gàndlva  et  tous 
les  rois  quelconques  réunis  là  de  rendre  hommage  à Ba- 
laràuta,  qui  s’avançait.  Le  roi  Pàndouide  lui  toucha  dans 
la  main  avec  sa  main.  (De  la  stance  à, 330  à la  stance 
5,333.) 

Tous,  le  Vasoudévide  à leur  tête,  ils  s’inclinèrent 
devant  lui-même  : Halâyoudha  à son  tour  s’inclina  devant 
les  deux  vieillards,  Viràta  et  Droupada.  5,33(3. 

11  s’assit,  accompagné  d’Youdhishthira  ; et,  au  milieu 
des  princes  assis  de  tous  les  côtés,  5,337. 

Le  fils  de  Rohini  tint  ce  langage,  fixant  les  yeux  sur  le 
Vasoudévide  : « 11  se  prépare  une  boucherie  d’hommes, 
qui  sera  épouvantable,  horriblement  effrayante.  5,338. 

» On  ne  peut  assurément,  je  pense,  échapper  à ce  destin. 
Puissé-je  vous  revoir  en  bonne  santé,  vous  et  vos  amis, 
sortis  de  cette  grande  bataille  avec  des  corps  sans  bles- 
sure ! Voilà  ma  pensée.  Tous  ces  princes  kshatryas,  sans 
nul  doute,  ont  mûri  pour  la  mort.  5,339 — 5,3è0. 

» 11  y aura  un  grand  carnage  sur  une  terre  détrempée 
de  sang  et  de  chair.  J'ai  dit  maintes  fois  en  particulier  au 
Vasoudévide  : » o,3âl. 


(t)  Je  ne  sais  trop  si  je  traduis  bien  ici  te  mot  sAmbotltiha,  sur  lequel 
se  taisent  le  commentateur,  tes  dictionnaire*  et  l'Amara-kustia. 


- — DigrtizefT 


OCDVOGA-PARVA. 


381 


« Observe  une  conduite  égale,  meurtrier  de  Madhou,  à 
l’égard  de  tes  parents  ; car  ce  que  les  fils  de  Pàndou 
sont  pour  nous,  prince,  Douryodhana  l’est  également. 

» Fais  avec  lui  une  alliance,  accompagnée  de  pros- 
ternements.  » Je  répétai  souvent  ce  langage  ; mais  le 
Vasoudévide  ne  dit  jamais  un  mot  en  faveur  de  lui  (1). 

» Puisqu'il  est  entré  dans  rotre  cause  et  qu’il  regarde 
Dhanandjaya  de  tout  son  cœur,  la  victoire  est  certaine- 
ment assurée  aux  Pàndouides  : ainsi  mon  opinion  est-elle 
fermement  établie.  5,342 — 5,343 — 5,344. 

» Voilà  donc  ce  que  poursuit  le  meurtrier  de  Madhou 
avec  une  volonté  bien  déterminée  ; et  moi,  je  ne  puis  sans 
Krishna  lever  mes  yeux  sur  le  monde.  5,345. 

» J'observe  ce  que  désire  faire  Kéçava.  Ces  deux  héros 
sont  mes  disciples,  adroits  l'un  et  l'autre  dans  les  combats 
de  la  massue.  5,346. 

» Je  porte  un  amour  égal  à Bhlma  et  à Douryodhana  ; 
j'irai  donc  habiter  les  tlrthas  de  la  Saraswatl.  5,347. 

n Je  ne  pourrais  pas  voir  les  Kourouides  s’entredé- 
truire. » A ces  mots,  congédié  par  les  fils  de  Pàndou,  le 
héros  aux  longs  bras,  Balaràma.  se  sépara  du  meurtrier 
de  Madhou  et  partit  à l’instant  pour  son  voyage  aux  tlrthas. 

Dans  ce  même  temps,  en  présence  de  Bhlma  aux 
exploits  épouvantables  et  du  roi  Hiranyaroman , l’ami 
d’Indra,  vint  s'offrir  le  monarque  des  Ahoukas  etle  fils  du 
souverain  méridional , Bhodja  à l’immense  renommée , 
connu  dàns  toutes  les  contrées  sous  le  nom  de  Roukmi  ; 

5,348—5,349—5,350—5,361. 

Lui,  qui,  disciple  du  plus  éminent  desKimpouroushas, 


(1)  Toi  porta  l'édition;  je  penee  qoe  c'eat  une  faute. 


382 


LE  MAHA-BHARATA. 


hôte  du  Gandbam&dana,  obtint  de  ses  leçons  le  Dhanour- 
véda  entier  dans  les  quatre  parties  de  sa  division  ; 5,352. 

Ce  guerrier  auxlongs  bras,  qui  reçut  l’arc  de  Mahéndra, 
estimé,  empreint  de  caractères  célestes,  égal  en  force  au 
Gàndlva  et  à l’arc  Çàrnga.  5,353. 

11  y a ces  trois  arcs  divins  des  êtres,  qui  marchent  dans 
les  routes  du  ciel  : le  Varounide,  le  Gàndlva,  qui  est  ici- 
bas  aux  mains  d'un  homme , et  l’arc  de  Mahéndra,  qui 
est  nommé  la  Victoire.  5,354. 

Le  Çârnga,  arc  de  Vishnou,  est,  dit-on,  composé  de 
splendeur  : Krishna  fut  armé  de  cet  arc,  qui  porte  la 
terreur  dans  l'armée  des  ennemis.  5,355. 

Le  fils  d'Indra  obtint  du  Feu  le  Gàndlva  dans  la  forêt 
Khândava  : Roukini  à la  grande  vigueur  reçut  de  Kou- 
véra  (1)  l’arc  Vidjaya  ou  la  Victoire.  5,356. 

11  coupa  avec  ses  flèches  les  cordes  faites  de  la  maàurvt  ; 
il  fit  succomber  sous  sa  force  Moura  lui-même,  il  immola 
l’infernal  Naraka  et  enleva  ses  girandoles  de  pierreries. 

Hrishikéça  reçut  treize  mille  femmes,  divers  joyaux  et 
Çàrnga,  l'arc  sublime.  5,357 — 5,358. 

Roukmi  obtint  l'arc  Vidjaya  au  son  pareil  à celui  des 
nuages;  et,  quand  il  eut,  pour  ainsi  dire,  semé  la  terreur 
au  sein  du  monde,  il  tourna  sa  route  vers  les  Pândouides. 

Ce  héros,  qui  jadis,  fier  de  la  force  de  ses  bras,  ne  put 
supporter  que  le  sage  Vasoudévide  eut  enlevé  Roukmini. 

Il  jura  cette  promesse  : « Je  ne  reviendrai  pas  que  je 
n'aie  tué  Djanàrddana  ! » Puis,  il  courut  sur  les  traces  du 
Vrishnide,  le  plus  excellent  de  tous  ceux,  qui  portent  les 
armes.  5,359 — 5,360 — 5,361. 


(i)  Dans  le  texte  : Droutna,  un  surnom  de  Koutéra. 


OLDYOGA-PARVA. 


883 


Il  était  environné  d’une  nombreuse  armée  en  quatre 
corps , couverte  de  cuirasses  et  cf  armes  différentes  , 
s'avançant  dans  un  très  grand  espace,  exubérante  comme 
la  Gangâ  débordée.  5,302. 

Quand  il  se  fut  approché  du  souverain  des  Yogis,  sire, 
de  l'auguste  Vrishnide,  son  orgueil  brisé,  devenu  mo- 
deste, il  fléchit  sa  route  vers  la  cité  de  Koundina  ; 

Où  le  Vasoudévide  livra  une  bataille  victorieuse  à ce 
monarque  exterminateur  des  héros  ennemis,  secondé  par 
une  grande  armée,  faite  d’un  nombre  infini  de  chevaux  et 
d’éléphants.  On  construisit  là,  sire,  une  ville  considé- 
rable, qui  est  nommée  sur  la  terre  Bhodjakata  (1). 

6,363—5,364—5,366, 

Le  roi  de  Bhodja  à la  grande  vigueur,  environné  de  sa 
puissante  armée  en  quatre  corps,  arriva  bientôt  vers  les 
fils  de  Pàndou.  5,366. 

Revêtu  d’une  cuirasse,  armé  d’un  arc,  le  bras  gauche 
muni  d’un  gantelet,  ceint  d’un  cimeterre,  ombragé  d’un 
drapeau,  couleur  du  soleil,  il  entra,  son  arc  à la  mata, 
dans  l’innombrable  armée.  5,367. 

Son  approche  annoncée  aux  Pàndouides,  le  roi  You- 
dhishthira,  voulant  faire  uue  chose  agréable  au  Vasou- 
dévide, alla  à sa  rencontre  et  l'honora.  5,368. 

Traité  avec  honneur  et  loué  suivant  les  convenances, 
quand  il  se  fut  reposé  avec  son  armée,  il  reçut  tous  les  fils 
de  Pàndou,  5,809. 

Et  dit  au  fils  de  Kountl,  Dhanandjaya,  au  milieu  des 

(I)  ün  peut  noter  ici  l'intrusion  pléonastique  d’un  vers  ou  demi-stance  : 
nous  avons  fondu  l’une  dans  l’autre. 


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385 


LE  MÀHA-BHARATA. 


héros  : « Je  suis  ton  compagnon  (1) , si  tu  as  peur,  fils  de 
Pàndou,  engagé  dans  cette  guerre.  5,370. 

» J'accomplirai  dans  le  combat  avec  tes  ennemis  le 
possible  et  l’impossible.  11  n’existe  pas  un  homme,  quel 
qu’il  soit,  de  qui  la  valeur  soit  égale  à la  mienne.  5,371. 

» J'immolerai  dans  la  bataille,  fils  de  Pàndou,  la  part, 
que  tu  me  donneras,  fût-ce  même  Drona  et  Kripa,  ces 
deux  héros  aux  exploits  épouvantables.  5,372. 

» Ou  que  tous  les  maîtres  de  la  terre  me  fassent  tête  I 
Je  te  donnerai  ce  globe  vide  de  tes  ennemis,  qui  tombe- 
ront sous  mes  coups  dans  la  bataille.  » 5,373. 

Il  dit,  en  présence  de  Dharmaràdja  et  de  Kéçava,  aux 
oreilles  de  tous  les  autres  Indras  des  princes,  qui  l’écou- 
taient de  tous  les  côtés.  5,37â. 

Le  sage  fils  de  Kountl,  fixant  les  yeux  sur  le  Vasoudé- 
vide,  répliqua,  en  souriant  au  lils  de  Pàndou,  Dharmaràdja, 
ces  roots,  devant  lesquels  marchaient  des  paroles  amies  : 
a Né  dans  dans  la  famille  de  Kourou,  dis  surtout  de 
Pàndou,  disciple,  qui  peux  invoquer  le  nom  de  Drona  et 
compagnon  du  Vasoudévide,  5,375 — 5,376. 

» J’ai  peur  ! dit-il.  Que  dirai-je  maintenant,  moi,  qui  porte 
l’arc  Gàndiva?  Quel  allié,  héros,  quel  ami  avais-je  dans  la 
Ghoshayâtrâ,  quand  j’y  combattis  contre  les  Gandharvas 
à la  vigueur  immense?  Quel  compagnon  avais-je  alors 
que  je  combattis  dans  cet  affreux  Khàndava,  tout  rempli 
de  Démons  et  de  Dieux  ? Qui  était  mon  frère  d'armes  en 
•cette  bataille,  que  je  soutins  contre  les  Nivàlakavatchas 


(1)  L’édition  du  commentateur  dit  plus  correctement  que  celle  de  Cal- 
cutta : sa/tdya  asmi. 


OUDYOGA-PARVA. 


385 


et  les  Démons  Kâlÿcéyas  ? Quel  compagnon  avais-je  dans 
ce  combat,  que  je  livrai  aux  innombrables  Kouronides, 
lorsque  j’habitais  la  cité  de  Viràta?  Je  me  rends  favo- 
rables dans  les  batailles  Roudra,  Çakra,  Kouvéra,  Yama, 
(De  la  stance  5,377  à la  stance  5,381.) 

Varouna,  le  Feu,  Kripa,  Drona  et  le  meurtrier  de  Ma- 
dhou.  Je  porte  le  Gàndiva,  arc  solide,  céleste  et  composé 
de  splendeur.  5,382. 

» Armé  de  traits  indesftuctibles , fortifié  par  des 
flèches  divines,  comment  un  homme  semblable  à moi 
pourrait-il  dire  :«  J'ai  peurl  » ces  mots,  qui  enlèveraient 
la  renommée,  tigre  des  hommes , au  Dieu  mime , qui  a la 
foudre  pour  arme  ? Je  n’ai  pas  de  crainte,  guerrier  aux 
longs  bras,  et  cependant  je  n’ai  pas  de  compagnon. 

5,383—5,384. 

» Va-t-en  où  il  te  plaît,  où  tu  as  intérêt  d’aller  ; reste, 
si  tu  veux  autrement  ! » Alors  Roukmi  se  retire,  éminent 
Bharatide,  et  se  rend  chez  Douryodhana,  de  qui  l’armée 
ressemblait  à la  mer.  Le  souverain  de  la  terre  s’abouche 
avec  lui  et  raconte  cet  incident.  5,385 — 5,380. 

C’est  ainsi  qu’il  fut  rejeté  par  cet  Arjouna,  qui  avait  la 
fierté  d’un  héros.  Deux  guerriers  s’abstinrent  donc  , 
grand  roi,  de  prendre  une  part  dans  celte  bataille  : 

Le  fils  de  Roliint  le  Vrishnide  et  Roukmi,  le  monarque 
de  la  terre.  Après  que  Balaréma,  le  fils  de  Bhlshmaka, 
fut  parti  pour  son  voyage  des  tlrthas,  5,387 — 5,388. 

Les  Pàndouides  s’assirent  de  nouveau  pour  délibérer. 
Cette  assemblée  de  Dharmarâdja , toute  remplie  de 
princes,  resplendissait,  Bharatide,  comme  un  ciel  émaillé 
par  la  lune  et  l’armée  des  étoiles.  5,389 — 5,390. 

Djanamédjaya  dit  : 
vi 


25 


386 


LE  MAHA-RHARATA. 


« Tandis  que  ces  nombreuses  arméçs  étaient  ainsi  ras- 
semblés dans  le  Kouroukshétra,  qu’est-ce  que  firent  les 
Kourouides  sous  l’impulsion  de  la  mort  ? n 5,301. 

Valçampâvana  répondit  : 

Voici  le  langage,  éminent  et  puissant  Bharatide,  que 
Dhritaràshtra  adressa  à Sandjaya  touchant  ces  années  si 
nombreuses  : 5,302. 

« Va,  Sandjaya,  dans  le  camp  des  armées,  et  raconte- 
moi  exactement  tout  ce  qift  se  passe  dans  les  deux  ar- 
mées de  Kourou  et  de  PAndou.  5,303. 

» Je  pense  que  le  Destin  est  supérieur  à l’homme  et 
que  l’infortune  est  le  partage  de  celui-ci  ; car  je  vois  que 
les  fautes  de  la  guerre  sont  les  causes  de  la  destruction. 

» Et  je  ne  puis,  ou  arrêter  mon  fils,  qui  a la  science 
du  mal  et  qui  est  un  joueur  de  jeux  perfides,  ou  faire  ce 
qui  est  le  bien  de  moi-même.  5,304 — 5,305. 

» Mon  esprit  est  de  voir  les  fautes  et  d en  prévoir  leu 
résultats  ; mais  si  je  m’approche  de  Douryodhana,  il  est 
aussitôt  bouleversé  encore  une  fois.  6,306. 

» Les  choses  étant  ainsi,  Sandjaya,  il  arrivera  néces- 
sairement ce  qui  doit  arriver.  Honore-t-on  dans  un 
kshatrya,  ce  qui  est  son  devoir , le  renoncement  à son 
corps?  » 5,307. 

« Cette  question,  qui  est  exprimée  par  toi , puissant 
monarque,  lui  répondit  Sandjaya , est  résolue  dans  le 
sens,  que  tu  désires  ; mais  il  faut  rejeter  dans  cette  occa- 
sion la  faute  sur  Douryodhana  lui-même.  5,308. 

» Écoute  entièrement , sire  , ce  que  je  vais  dire. 
L’homme,  qui  attire'  l'infortune  sur  lui  par  sa  mauvaise 
conduite,  6,300. 

« Qui  ne  fait  au  milieu  des  hommes  que  des  actions 


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OUDYOGA-PARV  \. 


387 


déshonnêtes,  et  qui  mérite  la  mort,  parce  qu’il  commet  des 
choses  blâmées  de  tout  le  monde,  ne  peut  accuser  ici, 
grand  roi,  ni  le  temps,  ni  le  destin.  Les  Pàndouides  ont 
supporté,  par  considération  pour  toi,  de  ces  hommes  per- 
vers et  de  leurs  ministres  un  traitement  inique  dans  ce 
jeu  cruel.  Écoute  entièrement  de  ma  bouche  quelle  des- 
truction de  chevaux , d’éléphants,  de  rois  à la  vigueur 
infinie,  doit  être  accomplie  dans  cette  guerre.  Sois  ferme, 
prince  à la  vaste  science  ; concentre-toi  dans  ton  âme, 
quand  tu  auras  appris  comment  cette  ruine  du  monde 
entier  se  lèvera  sur  l'horizon  de  cette  grande  guerre. 
L’homme  n’est  pas  auteur  par  lui-même  de  ses  bonnes  ou 
mauvaises  actions . [De  la  stance  5,400  à la  stance 
5,404.)  . 

» L’homme  n’est  pas  libre  : on  le  met  en  œuvre  comme 
une  machine  de  bois.  Les  uns  sont  déterminés  dans  leurs 
actions  par  la  volonté  d’un  maître,  les  autres  agissent  de 
leur  propre  mouvement.  5,405. 

» Ceux-là  sont  influencés  par  des  actes  précédents.  La 
cause  des  œuvres  offre  ces  trois  aspects.  Tombé  dans  l'in- 
fortune aujourd’hui,  sois  donc  ferme  ; réfléchis  ! » 5,400. 


OULOUKA  ENVOYÉ  EN  MESSAGE. 


Tandis  que  les  magnanimes  fils  de  Pândou  campaient 
dans  Hiranvati,  grand  roi,  les  Kourouides,  suivant  la  règle, 
y mirent  aussi  leur  camp.  5,407. 

LA,  Douryodhana,  sire,  ayant  fait  asseoir  la  multitude 
de  ses  armées,  honoré  les  souverains,  distribué  ses  batail- 
lons , établi  un  ordre  pour  la  garde  de  ses  guerriers , 
manda  auprès  de  lui  Karna,  Douççâsana,  son  frère,  Ça- 
kouni  le  Soubalide,  et  délibéra  avec  eux,  fils  de  Bharata. 
Là,  quand  il  eut  parlé  et  consulté  (1). 

5,408-6,409—5,410—5,411. 

« Ces  héros,  convoqués  en  particulier,  il  tint,  sire,  à 
Ouloûka  ce  langage:  * Va,  Ouloûka,  fils  de  Kitava, 
au  camp,  qui  réunit  les  Pàndouides  et  les  Somakas. 

» Parvenu  là,  repète  de  ma  part  ce  discours  aux  oreilles 


(1)  Ici  est  une  couple  de  yer»  redondant?,  dont  nous  essayons  de  cacher 
le  vido  et  la  stérilité. 


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OU  D YOG  A-P  AU  V A . 


389 


mêmes  du  Vasoudévide  : « Le  voici  donc  arrivé  le  jour  de 
ce  combat,  que  Sandjaya  nous  a dit  grand  dans  une  allo- 
cution de  jactance,  cette  bataille  des  enfants  de  Pàndou 
et  de  Kourou,  à laquelle  il  sera  pensé  une  multitude  d’an- 
nées et  qui  va  semer  l’épouvante  au  sein  du  monde. 

5,412—5,413—5,414. 

» Voici  le  moment  arrivé  pour  toi,  fils  de  Kountl,  et 
pour  ton  frère  atné,  toi,  qui  as  le  Vasoudévide  pour  com- 
pagnon, de  remplir  ces  menaces,  que  tu  jettes  au  milieu 
des  Kourouides.  5,415. 

j Accomplissez  donc  toutes  ces  promesses,  que  vous 
nous  avez  faites  ! » Tu  répéteras  ainsi  ces  paroles  de  moi 
à l’atné  des  Kountides,  5,410. 

» Accompagné  de  tous  ses  frères,  des  Kékayas  et  des 
Saumakas.  Ou  tu  lui  diras  : « Comment  toi,  qui  es  juste, 
as-tu  placé  ton  âme  dans  l’injustice?  5,417. 

» Comment  toi,  qui  as  donné  la  sécurité  à tous  les  êtres, 
désires-tu  voir  le  monde  entier  périr  ? Voilà  mon  senti- 
ment. 5,418.  > 

» Tu  ns  entendu  jadis  ce  çloka,  éminent  Bharatide, 
chanté  par  le  roi  Prahlàda,  — Brahma  t'assiste  ! — quand 
les  Dieux  lui  enlevèrent  son  royaume:  5,419. 

« L’homme,  qui,  dissimulant  ses  vices,  tientle  drapeau 
du  devoir  continuellement  arboré  devant  lui , comme 
l’enseigne  d’une  taverne,  fait  profession  du  vœu,  qu’on 
appelle  du  chat,  » 5,420. 

» A ce  sujet  je  te  raconterai  cette  fable,  souverain  des 
hommes  , que  Nârada  lui-même  conta  jadis  à mon 
père  : 5.421. 

» Autrefois,  un  chat,  qui  menait  la  vie  ascétique,  sire, 
mais  de  qui  l'âuie  était  méchante,  sans  énergie  dans 


390 


LE  MAHA-BHARATA. 


toutes  ses  actions,  vivait  sur  les  bords  de  la  Gangâ, 

n 11  avait  pris  les  apparences  de  la  pureté,  afin  d’ins- 
pirer la  confiance  aux  êtres  vivants  : « Je  pratique  le 
devoir!  » disait-il  à tous  les  animaux.  5,422 — 5,428. 

» Les  volatiles,  après  un  long  temps,  en  vinrent  à se 
fier  aux  mines  du  fin  matois  ; et,  s’étant  rassemblés,  sire, 
ls  donnaient  des  éloges  au  rusé  compère.  5,424. 

» Tous  les  oiseaux  honoraient  le  saint,  croqueur  d'oi- 
seaux. 11  pensa  qu’il  avait  terminé  son  affaire,  et  qu’il 
n’avait  plus  qu’à  recueillir  le  fruit  de  sa  conduite.  6,425. 

» Un  autre  long  espace  de  temps  s’écoule,  et  les  rats 
viennent  en  ce  lieu  : ils  voient  là  ce  vertueux  observateur 
de  son  vœu,  6,420. 

» Qu'une  assez  vaste  durée  de  temps  unissait,  Bhara- 
tide,  à la  pratique  de  l’hypocrisie;  et  leur  avis,  sire, 
fut  que  l'on  pouvait  s'y  fier.  5,427. 

» Nous  avons  tous  un  grand  nombre  d'ennemis,  se  di- 
rent-ils : et  ce  chat,  l'un  d'eux,  est  pour  nous.  Qu’il  veille 
sans  cesse  de  tous  les  côtés  sur  les  plus  jeunes  et  les  plus 
vieux  des  rats.  5,428. 

» Tous,  alors,  ils  s’approchent  du  chat  et  lui  tiennent 
ce  langage  : « Nous  désirons,  avec  la  faveur  de  ta  sain- 
teté, passer  heureusement  une  saison.  5,429. 

» Que  ta  grandeur  soit  pour  nous  une  route  sans 
trouble  : que  ta  grandeur  soit  notre  meilleur  ami!  C'est 
pour  cela  que  nous  sommes  venus  tous  de  concert  solli- 
citer ta  protection.  5,430. 

» Ton  excellence  se  tient  continuellement  dans  le 
devoir;  ton  excellence  est  un  second  devoir.  Défends- 
nous,  anachorète  à la  grande  science,  comme  le  Dieu,  qui 
porte  la  foudre,  défend  les  Tridaças.  b 5,231. 


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OUDYOCA'l’AHVA. 


391 


» C’est  ainsi  que  lui  parla  tout  le  peuple  des  rongeurs  ; 
et  lui,  seigneur,  la  destruction  des  rats,  il  répondit  à tous 
les  rats  en  ces  termes  : 5,432. 

o Je  ne  vois  pas  quel  rapport  il  y a entre  ces  deux 
choses  : la  pénitence  et  votre  conservation.  Néanmoins,  il 
me'  faut  accomplir  votre  utile  parole.  5,433. 

» Vous  devez  toujours,  de  votre  côté,  exécuter  la 
mienne.  J'ai  embrassé  un  grand  vœu,  et  je  suis  très* 
fatigué  de  ma  pénitence.  5,434. 

» J'ai  beau  penser  à cela,  je  ne  me  sens  pas  la  moindre 
force  pour  marcher  : j’ai  toujours  besoin  qu’une  personne 
me  conduise  d’ici  au  bord  du  fleuve.  » 5,435. 

« Nous  le  ferons!  » lui  promirent  les  rats,  et  l’armée 
des  vieillards  assura  le  rusé  chat  qu’on  tiendrait  cet  enga- 
gement. 5,430. 

» Ensuite,  le  scélérat  à l'âme  méchante  sc  mit  à manger 
les  rats  ; il  devint  gras,  do  belle  couleur,  ayant  ses  articu- 
lations bien  nouées.  5,437. 

» A mesure  que  périt  la  troupe  des  rats,  le  cbat  aug- 
mente d’embonpoint  ; il  est  doué  de  force  et  do  splen- 
deur. 5,438. 

u A cetrc  vue,  tous  les  rats  se  rassemblent  et  se  disent 
l’un  à l’autre  : a Le  chat  engraisse  tous  les  jours,  et  nous, 
nous  périssons  affreusement.  » 5,439. 

» Un  rat,  plus  savant  que  les  autres  et  noinmé  Din- 
dika,  tint  alors  ce  langage,  sire,  â la  grande  armée  des 
rats  : 5,440. 

« Je  suivrai  le  chat  par  derrière,  surtout  quand  vous 
irez  de  compagnie  avec  lui  sur  les  bords  du  fleuve.  » 

« Bien!  bien!  » s’écrient  tous  les  rats,  qui  honorent 
leur  compagnon.  Et  la  parole  sensée  du  Dindika  fut 


592 


LE  MAHA-BHARATA. 


alors  exécutée  suivant  la  droite  raison.  5,441  — 5,442. 

» Le  chat  dévora  l’espion  même,  victime  de  son  igno- 
rance. Tous  les  rats  se  réunissent  et  délibèrent  aus- 
sitôt. 5,443. 

» Là,  un  certain  rat  bien  vieux,  nommé  Kokila,  dit 
cette  parole  juste,  sire,  au  milieu  de  ses  parents  : 5,444. 

u Ce  chat  n’aime  pas  le  devoir  ; il  en  revêt  seulement 
les  couleurs  pour  nous  tromper.  Ses  excréments  sont 
couverts  de  poils  et  ne  sont  pas  d’un  être,  qui  ne  vit  que 
de  fruits  et  de  racines.  5,445. 

» Ses  membres  augmentent  de  volume,  et  nos  troupes 
diminuent  de  nombre.  Il  y a aujourd’hui  sept  ou  huit 
jours  qu’on  n’a  pas  vu  même  Dindika.  « 5,44  0. 

» Ces  mots  à peine  entendus,  tous  les  rats  de  s’enfuir  ; 
et  le  chat  à l’âme  scélérate  s’en  alla  comme  il  était 
venu.  5,447. 

» lien  est  ainsi  de  toi,  âme  vicieuse  ; tu  suis  le  vœu 
du  chat  : ta  conduite  envers  tes  parents  est  celle  du  chat 
à l’égard  des  rats.  5,448. 

» On  voit  tes  actions  autrement  qu’on  ne  voit  tes 
paroles.  Ta  tranquillité  et  ces  Védas,  que  tu  cites,  ne  sont 
que  pour  tromper  (1)  le  monde,  5,449. 

» Abandonne  cette  |>eau  mensongère  , embrasse  la 
vertu  du  kshatrya,  et  accomplis-en  toutes  les  choses, 
li  la  vertu  est  dans  ton  cœur,  0 le  plus  éminent  des 
hommes.  5,450. 

' » Soumets  la  terre  par  la  force  de  tes  bras,  et  donne 

ce  que  tu  leur  dois  aux  brahuies  et  à tes  aïeux,  comme  il 
est  accoutumé,  ô le  plus  grand  des  Bharatides.  5,451. 


(!)  DambanàrtMya , dit  le  commentaire,  que  nous  adoptons. 


OUDYOGA-PAKVA. 


303 


» Place-toi  dans  les  intérêts  de  tes  frères  et  de  ta  mère, 
affligée  de  douleur  depuis  un  grand  nombre  d’années  : 
essuie  ses  pleurs,  remporte  la  victoire  d’une  bataille,  et 
rends-lui  tes  plus  grands  hommages.  5,452. 

» Nous  refusons  de  te  céder  les  cinq  villages,  que  tu 
as  sollicités  avec  instance  ; nous  combattrons.  Comment 
exciterons-nous  la  colère  des  Pândouides  dans  la  bataille? 

» C’est  toi,  âme  méchante,  qui  as  causé  la  désertion  de 
Vidoura  ! Sans  oublier  que  tu  es  une  torche  incendiaire  au 
milieu  de  tes  parents  et  dans  ta  maison,  sois  un  homme 
de  cœur;  5,453 — 5,454. 

» Puisque  tu  as  dit  à Krishna,  venant  dans  l’assemblée 
des  Kourouides  : « Je  suis  également  disposé,  seigneur, 
pour  la  paix  ou  pour  la  guerre.  » 5,455. 

» Voici  le  moment  arrivé  de  cette  grande  bataille,  mo- 
narque des  hommes  ; et  c’est  pour  elle,  Youdhishthira,  que 
je  fais  tout  cela.  5,456. 

» Est-ce  que  le  kshatrya  n’estime  fias  du  plus  haut  prix 
l’acquisition,  qui  lui  vient  de  la  guerre  ? C'est  à ta  naissance 
dans  une  famille  de  kshatryas  que  tu  dois  la  renommée, 
dont  tu  jouis  sur  la  terre.  5,457. 

» Tu  as  obtenu  de  Drona  même  et  de  Kripa  la  science 
des  armes  ; égal  par  ta  naissance,  égal  par  ton  armée,  tu 
es  l’allié  dn  Vasoudévide.  » 5,458. 

» Parle  ainsi  â ce  Vasoudévide  en  présence  des  fils  de 
Pândou  : « Combats  avec  ardeur  contre  moi,  et  pour  ta 
renommée  et  dans  l’intérêt  des  Pândouides.  5,459. 

«Produis  ainsi  par  ta  magie  ces  formes  illusoires,  que  tu 
as  créées  naguère  au  milieu  de  l’assemblée,  et  fonds  avec 
Arjouna  sur  moi.  5,460. 

» Un  guerrier,  qui  a revêtu  ses  armes,  répondre  aux 


394 


LE  MAHA-BHARATA. 


menaces  dans  la  guerre  par  la  déception,  la  magie  et  une 
fantasmagorie  menaçante  1 6,461. 

» Faut-  il  que  la  magie  nous  donne  les  moyens  de  vio- 
lenter le  ciel,  de  marcher  dans  les  aire,  de  pénétrer 
dans  les  enfers  et  d’aller  même  à la  cité  d’Indra  1 6,462. 

» Ce  n’est  pas  en  faisant  voir  mille  formes  diverses  dans_ 
son  corps  qu’on  établit  sa  perfection  ; elle  ne  se  dérobe 
point  à l’intelligence  humaine.  5,463. 

» Brahma  a mis  dans  sa  dépendance  toutes  les  créatures 
par  l’intelligence.  « Quand  j'aurai  fait  tueries  Dhritarâsh- 
trides  dans  le  combat,  — Sandjaya  m’a  dit  entièrement 
cette  parole,  que  tu  as  prononcée  , fils  de  Vrishni , — je 
donnerai  aux  enfants  de  Prithft  un  royaume  sublime. 

6,464—6,465. 

» Vous  êtes  en  guerre  avec  l’Ambidextre  , qui  est 

secondé  par  moi Le  Vasoudévide  est  fidèle  à la  vérité  ; 

il  est  rempli  de  valeur  dans  la  cause  des  Pândouides,  et 
autres  choses  semblables.  » 6,466. 

u Combats  donc  avec  ardeur  dans  la  bataille.  Voyons  ! 
sois  un  homme  de  cœur  ! Maintenant  que  tu  connais  ton 
ennemi,  embrasse  le  côté  pur  du  courage.  5,467. 

» Quiconque  mène  une  vie  bien-heureuse,  cause lecba- 
grin  de  ses  ennemis.  Une  vaste  renommée,  Krishna,  pro- 
clame à présent  ton  nom  dans  le  monde  sans  nulle  raison. 
Noussavonsaujourd'hui  que  ce  sont  des  eunuques,  des  cas- 
trats. Aucun  monarque,  semblable  à moi,  ne  m'a  jamais 
affronté  dans  les  combats.  5,468 — 5,469. 

» Jamais,  surtout  dans  les  esclaves  de  Kansa,  on  n'osa 
endosser  la  cuirasse  pour  une  bataille  avec  moi.  Répète, 
Ouloûka,  cette  parole  de  moi  4 Bhlmaséna  plus  d’une  fois, 
à cet  eunuque,  cet  enfant,  ce  glouton,  cet  ignorant  : 


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OllDYOGA-PAllVA. 


395 


« Toi,  fils  de  Prllhâ,  qui  fus  jadis  un  cuisinier  dans  le 
palais  de  Virâta,  6,470 — 5,471. 

» Où  l'on  t’appelait  du  nom  de  Ballava,  ce  courage,  que 
tu  m’as  promis  autrefois  au  milieu  de  l'assemblée,  ne  fut 
sans  doute  pas  une  vaine  promesse.  6,472. 

» Bois,  si  tu  peux,  le  sang  de  DouççAsanal  Le  voici 
arrivé  ce  temps,  dans  l’attente  duquel  tu  t'écriais,  fils  de 
Kounti  : « J'aurai  tué  bientôt  les  Dhritarâshtrides  dans  le 
combat!  » Certes,  rejeton  de  Bharata,  tu  mérites  la  pre- 
mière place  pour  manger  et  boire.  5,473 — 5,474. 

» Mais  quelle  différence  il  y a entre  combattre  et  man- 
ger ! Combats,  sois  un  homme  de  cœur  ! Je  vais  étreindre 
ma  massue  et  te  coucher  mort  sur  la  terre,  fils  de  Bharata. 

» Ta  parole  n'a  point  bondi  en  vain  au  milieu  de  l’as- 
semblée, Vrikaudara!  » Dis,  Ouloùka,  cette  parole  de 
moi  à Nakoula  : « Fils  de  Bharata,  5,475 — 5,476. 

» Combats  de  pied  ferme  ; que  nous  voyions  ton  cou- 
rage! Rappelle-toi  maintenant,  de  quelle  que  manière  que 
ce  soit,  ton  amour  pour  Youdhishthira,  la  haine,  que  lu 
me  portes,  enfant  de  Bharata,  et  les  vexations  subies  par 
Krishna.  » Tu  diras  4 Sahadéva  au  milieu  des  rois  ces 
paroles  de  moi  : 5,477 — 5,478. 

« Soutiens  le  combat  avec  ardeur  contre  moi,  Bhara- 
tide,  souviens-toi  à cette  heure  de  tes  infortunes  ! » Dis 
ces  mots  en  mon  nom  à Droupada  et  Virâta.  5,479. 

« Les  hommes  nés  pour  servir,  quelque  remplis  de 
grandes  qualités  qu'ils  fussent,  n'avaient  pas  encore  vu  de 
maîtres.  Ainsi  les  sujets  furent  créés  pour  qu’ils  reçussent 
la  nourriture  de  ceux,  qui,  possèdent  les  richesses  (1).- 

(1)  Nous  sommes  bieu  près  de  la  lettre,  mais  bien  loin  du  commen- 
tateur ! 


396 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Un  tel  monarque  ne  mérite  pas  vos  éloges.  Voilà  ce 
qui  est  ! Réunissez  donc  vos  efforts,  et  combattez  avec  moi 
pour  vous-mêmes,  pour  les  fils  de  Pândou  et  pour  me 
donner  la  mort  ! » Tu  diras  en  mon  nom  à Dhrishta- 
dyouinna  le  Pàntchâlain  : 5,480—6,481—5,482. 

« Le  voici  arrivé  ce  temps,  où  tu  dois  obtenir  ta  récom- 
pense. Approche-toi  de  Drona  dans  le  combat,  et  lu 
connaîtras  le  bien  suprême  ! 5,483. 

» Combats  avec  tes  amis  ; accomplis  ton  exploit  si  diffi- 
cile, mais  qui  n’aura  pas  d’utilité.  » Tu  diras  aussi  de  ma 
part,  Ouloûka,  à Çikhand!  : 5,484. 

« Pensant  que  tu  es  une  femme , nul  Kourouide  aux 
longs  bras  ne  te  donnera  la  mort.  Le  fils  de  la  Gangà  est 
le  plus  excellent  des  archers  : combats  maintenant  tout 
à fait  libre  de  crainte  1 5,485. 

» Exécute  avec  ardeur  ta  prouesse  dans  la  bataille , 
voyons  ta  vaillance!  » A ces  mots,  le  roi  fit  en  riant  à 
Ouloûka  : 5,486. 

« Enfin,  dis  à Dhanandjaya,  aux  oreilles  du  Vasoudé- 
vide  : « Ou  gouverne  cette  terre , après  nous  avoir 
vaincus  ; 5,487. 

» Ou  dors  sur  le  champ  de  bataille,  héros,  vaincu  par 
nous.  Et  sans  oublier,  lils  de  Pândou , les  malheurs  de 
votre  exil  du  royaume,  votre  habitation  dans  les  bois  et 
les  infortunes  de  Krishnà,  montre-toi  un  homme  de  cœur. 
C’est  pour  cela  que  tout  ce  que  tu  vois  es  né  kshatrya. 

5,488—5,489. 

n Montre-nous  ta  force,  ton  énergie,  ton  courage,  ta 
légèreté  à lancer  la  flèche,  ta  virilité  ! Donne  satisfaction 
à ta  colère  dans  un  combat.  5,490. 

» De  quel  homme,  le  cœur  n’éclaterait-il  pas,  s’il  était 


OUDYOGA-PARVA. 


307 


infortuné  comme  toi,  contristé,  exilé  un  si  long  espace  de 
temps  et  renversé  du  trône?  5,491. 

De  qui  la  colère  ne  s’allumerait-elle  pas,  s’il  était  un 
héros,  né  dans  une  illustre  famille , convoiteux  des  ri- 
chesses d'autrui  et  parvenu  à un  royaume,  qui  n’a  pas 
été  mutilé?  » 5,492. 

» II  faut  prouver  par  un  fait  la  grand»  parole,  que 
l’on  a dite.  Les  sages  appellent  un  homme  vil  quiconque 
n’a  point  d’actions  et  n’a  que  de  la  jactance.  5,493. 

» Retire  de  la  mer  des  ennemis,  où  ils  sont  ensevelis, 
ta  condition  et  ton  royaume.  Désire-t-on  le  combat,  c’est 
par  l’un  ou  l’autre  de  ces  deux  motifs  : fais  donc  voir  ton 
courage.  5,494. 

» Tu  fus  vaincu  au  jeu  et  Krishnâ  fut  traînée  en  pleine 
assemblée;  n’est-ce  point  assez  pour  qu’on  fasse  éclater 
sa  colère,  quand  on  a la  fierté  d’un  homme  ? 5,495. 

» Tu  as  habité  douze  années  au  milieu  des  forêts  et  tu 
as  vécu  un  an  hors  de  ta  maison,  chez  Virâta,  de  qui  tu 
acceptas  la  domesticité.  5,490. 

» Rappelle-toi  les  ennuis  de  ton  exil  hors  du  royaume, 
ton  habitation  au  sein  des  bois,  les  vexations,  qu’a  subies 
Krishnâ,  et  sois  un  homme  de  cœur.  5,497. 

» Montre  ta  colère  à ces  gens,  qui  te  répètent  mainte 
et  mainte  fois  des  paroles  fâcheuses,  car  la  colère  est  elle- 
même  du  courage.  5,498. 

» Fais  voir  ici,  fils  de  Prithà,  ta  colère,  ta  vigueur,  ton 
courage,  ta  familiarité  avec  la  science,  ta  vitesse  à déco- 
cher la  flèche,  combats  et  sois  un  homme  de  cœur.  5,699. 

■ Revêtu  de  la  cuirasse,  te  voilà  entré  dan3  le  Kou- 
roukshétra  aux  plaints  sans  limon.  Gras  sont  tes  che- 


398 


LE  MAHA-BHARATA. 


vaux,  tes  serviteurs  et  tes  guerriers.  Demnin,  engage  le 
combat,  secondé  par  Kéça va.  5,500. 

» Quand  tu  n’as  pas  affronté  Bhtshma,  pourquoi  te  glo- 
rifier, comme  un  sot,  qui  se  vanterait  de  pouvoir  monter 
sur  la  ctine  du  Gandhamàdana  ? 5,501. 

» C’est  ainsi  que  tu  te  glorifies,  enfant  de  Kountil 
Sois  un  homme  de  cœur  sans  jactance  ! Quand  tu  n’as  pas 
vaincu  dans  une  bataille  le  fils  inaffrontable  du  cocher,  ni 
Çalya,  le  plus  fort  des  forts,  ni  Drona,  le  plus  éminent 
des  hommes  vigoureux,  égtl  dans  la  guerre  5 l’époux  de 
Çatçbt,  comment  fils  de  Prithâ,  peux-tu  désirer  ici  un 
royaume  1 6,502 — 3,503. 

» En  vain  désires-tu  vaincre  Drona  à la  grande  lu- 
mière, l'instructeur  dans  l'arc  de  Brahma,  lui,  qui  est, 
comme  un  cheval  de  somme,  sans  repos  dans  la  bataille, 
un  guerrier  inébranlable  ! Nous  n’avons  pas  ouï  dire  que 
le  vent  ait  emporté  le  mont  Mérou  ; 6,504 — 5,505. 

» Que  Maroute  soutienne  sur  ses  ailes  ce  Mérou,  ou 
queleciel  soit  tombé  sur  la  terre,  ou  que  l’youga  soitbou- 
leversé  : ce  qui  serait,  s’il  en  était  ainsi  que  tu  me  le  dis. 

» Quel  homme,  désirant  la  vie,  soit  le  Prithide,  soit  un 
autre,  frappé  par  celui-ci  ou  celui-là  de  ces  deux  (i)  avec 
une  flèche  terrassant  l'ennemi,  s’en  retournerait  heureu- 
sement dans  sa  maison  ? 5,506 — 5,507. 

» Pensant  qu’il  doit  périr  sous  les  coups  de  ces  deux 
héros,  qui  donc,  atteint  (2)  par  l'eHrayante  multitude  de 
leurs  traits,  s'échapperait  vivant  du  combat,  touchant  la 
terre  de  son  pied  ? 5,508. 

(1)  Drona  et  Bhlahma,  suivant  le  commentateur. 

(2)  Sansprishta,  leçon  du  commentaire. 


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OUDYOGA-PARVA. 


» Semblable  à une  grenouille,  hâte  d’un  puits  solitaire, 
ne'  t’aperçois-tu  pas  que  tu  as,  réunie  devant  toi,  une 
armée  royale,  inaffrontable,  pareille  à l’armée  des  Dieux 
et  défendue,  comme  les  Tridaças  veillent  sur  le  ciel,  par 
les  Indras  des  hommes , rassemblés  du  levant  et  du  cou- 
chant , du  septentrion  et  du  midi , les  Kàinbodjes,  les 
Çakas,  les  Khaças,  les  Çalvas  et  les  Matsyas,  les  Kou- 
rous  du  milieu,  les  Mlétchhas,  lesPoulindas,  lesDravidas, 
les  Andras  et  les  Kântchyas  ? 5,509 — 5,510. 

» Homme  stupide  à l’intelligence  étroite,  tu  veux  li- 
vrer bataille  à ce  fleuve  de  peuples  divers,  débordé  comme 
la  Gangâ,  de  laquelle  on  ne  peut  traverser  la  vitesse,  et 
A moi,  qui  me  tiens  au  milieu  d’une  armée  d’éléphants! 

» Nous  savons,  Bharatide,  fils  de  Pritbâ,  que  le  Feu 
t’a  donné  dans  la  bataille  deux  carquois  indestructibles, 
un  char  et  un  drapeau  céleste.  6,511 — 5,512. 

» Combats  sans  jactance  : pourquoi  te  vanter  à tel  point, 
Arjouna  ? Les  bonnes  dispositions  dans  une  bataille 
donnent  le  succès,  mais  il  est  indépendant  de  la  jactance. 

« Si,  pour  réussir,  Dhanandjaya,  il  suffisait  de  se  van- 
ter, toutes  les  affaires  seraient  heureuses  ; car  est-il  un 
homme  pauvre  en  jactance  ? 5,613 — 5,515.  “ 

» Je  sais  que  leVasoudévide  est  ton  allié  ; je  sais  que 
tu  portes  l’arc  Gândlva,  de  qui  la  grandeur  est  à l’instar 
d’un  palmier;  mais  il  n’existe  pas,  je  le  sais  encore,  un 
guerrier  semblable  à toi  ; et  c’est  parce  que  je  ne  l’ignore 
pas,  que  je  t’enlève  ce  royaume  I 6,515. 

» L’homme  n’obtient  pas  le  succès  par  l’exercice  de  la 
magie  : Brahma  par  l’intelligence  a mis  toutes  les  choses 
heureuses  dans  sa  dépendance.  6,616. 

» J’ai  pu  jouir  treize  ans  du  royaume  en  dépit  de  tes 


400 


Lli  MAHA-BHARATA. 


plaintes  ; je  le  gouvernerai  encore,  quand  je  t'aurai  fait 
mordre  la  poussière  avec  ta  famille 1 5,517. 

» Où  était  l'arc  Gândtva,  quand  tu  fus  vaincu  dans 
cette  partie,  dont  l'esclavage  était  l'enjeu?  Où  était  alors, 
Phâlgouna,  la  vigueur  de  Bhtmaséna?  5,518. 

» Votre  délivrance,  vous  ne  l'avez  pas  due  alors,  sans 
le  secours  de  l'irréprochable  Krishnâ,  ni  à Bhimaséna 
armé  de  sa  massue,  ni  & Ph&lgouna,  le  Gândtva  à sa 
main  1 5,519. 

» Vous  étiez  tombés  dans  notre  domesticité,  livrés  à 
des  travaux  indignes  de  l’homme,  occupés  des  œuvres  de 
l'esclave,  et  ce  fut  Pârshatî  (1)  seule,  qui  vous  en  délivra  1 

» Ce  que  je  vous  dis  à vous,  oints  du  sésame  des  eu- 
nuques, est  une  vérité.  Le  fils  de  Prithâ  n'a-t-il  pas,  dans 
la  ville  de  Virâta,  porté  scs  cheveux  tressés  comme  ceux 
d’une  femme!  6,520 — 5,521. 

» Bhtmaséna  s’est  fatigué  dans  l’office  de  Virâta  par  les 
fonctions  d'un  cuisinier  : eh  bien  ! fils  de  Kountl,  était-ce 
là  montrer  du  courage  ! 5,522. 

» Tes  cheveux  nattés  comme  ceux  d’une  femme,  traî- 
nant la  robe  d'un  eunuque,  tu  fis  danser  une  jeune  fille. 
Est-ce  pour  cela  que  toujours  les  kshatryas  portent, 
comme  l'insigne  du  militaire,  ce  bâton,  qui  défend  la 
vierge,  l'épouse  et  la  veuve  ? Non  I jamais  la  crainte  du 
Vasoudévide  ne  me  fera  te  rendre  ce  royaume.  Combats 
donc,  Phàlgouna,  assisté  de  Kéçava  ! Ni  la  magie,  ni  l’il- 
lusion, ni  la  plus  effrayante  fantasmagorie  ne  trouvent  pa3 
d’échos  sur  un  champ  de  bataille  devant  un  guerrier,  qui 
a revêtu  sa  cuirasse.  Un  millier  de  Vasoudévides  et  une 

(l)  Un  de»  noms  patronymique»,  que  portait  Draàupadl. 


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OUDYOGA-PARV  A. 


401 


centaine  de  Phâlgounas,  s'ils  m'approchent,  s’enfuieront 
aussitôt  par  les  dix  points  de  l'espace  sous  mes  coups  in- 
faillibles. Viens  au  combat  ; ou  brise  la  montagne  avec  ta 
tête,  saisie  d’effroi  ; ( De  la  stance  6,523  /!  la  stance 
5,527.)* 

» Ou  traverse  à la  force  des  bras  ce  large  océan 
d'hommes  à l’immense  profondeur,  qui  a le  Çaradvatide 
pour  grand  poisson,  Vivinçati  pour  long  serpent,  5,528. 

» Bhlshma  pour  sa  vitesse  infinie  et  Drona  pour  son  re- 
quin inabordable,  Karna  et  Çalya  pour  ses  tourbillons 
remplis  de  poissons  et  Kâmbodja  pour  la  gueule  de  son 
volcan  sous -marin,  5,529. 

» Vrihadbala  pour  ses  hautes  falaises  (1)  et  le  fils  de 
Somadatta  pour  son  énorme  baleine  ; 5,530. 

» Qui  a Youyoutsou pour  eau,  Bhagadatta  pour  vent, 
Çroutayou  et  Hârddikya  pour  grande  mer , Douççâsana 
pour  flot,  Çala  et  Çalya  pour  hôtes  de  ses  ondes,  Soushéna 
et  Tchitrâyouda  pour  crocodile  et  serpent,  5,531. 

» Djayadratha  pour  colline,  Pouroumitra  pour  gué, 
Dourmarshana  pour  ses  vagues  et  Çakouni  pour  sa  rive. 
Aussitôt  que,  l’esprit  épuisé  de  fatigue,  lu  te  seras  plongé 
au  milieu  de  ce  courant  de  flèches  débordantes”,  impéris- 
sables ; 5,532. 

» Aussitôt  que  tu  auras  vu  tout  ce  qui  a des  liens  avec 
toi  couché  dans  la  poussière,  ton  âme  tombera  dans  le 
désespoir  ; ton  âme  alors  sera  chassée  du  gouvernement 
de  la  terre,  comme  l’impureté  est  bannie  du  ciel  ; 5,533. 


(1)  Je  ne  trouve  dans  aucun  dictionnaire,  ni  dana  l'Amara-lcoaba,  ni 
dans  Bôthlingk  et  Rotb  le  root  uichtchhâla  de  l’édition  de  Calcutta  ; j’ai 
donc  recoure  au  texte  de  Bombay,  qui  porte  correctement  imprimé  udieia. 

TI  26 


LE  MAH.A-BHARATA. 


402 

» Et  tn  auras  commandé  à ce  royaume,  qu’il  est  pour 
toi  si  difficile  d’acquérir,  comme  un  impie  désire  en  vain 
que  le  paradis  lui  soit  ouvert.  « 5,534. 

Arrivé  dans  le  camp  de  l'armée  du  fds  de  Pàndou,  le 
rejeton  de  Kitava,  s’étant  abouché  avec  les  PânTlotiides, 
parla  en  ces  termes  à Youdhishthira  : 5,535. 

« Tu  sais  quels  égards  on  doit  à la  parole  des  envoyés. 
Veuille  bien  ne  pas  t’irriter,  en  recevant  de  ma  bouche 
les  instructions  de  Douryodhana,  telles  qu’il  me  les  a 
données.  » 5,536. 

« Ouloûka,  n’aie  pas  de  crainte,  lui  répondit  You- 
dhishthira  ; parle  et  rejette  le  souci,  quelle  que  soit  l'opi- 
nion du  cupide  fds  de  Dhrilar&slura  à la  vue  étroite.  « 

Alors,  au  milieu  des  Pândouides  resplendissants,  des 
magnanimes  Srindjayas  et  des  Matsyas,  en  présence  de 
l’illustre  Krishna,  de  Vira  ta,  de  Ilroupada  et  de  son  fds, 
au  milieu  de  tous  les  rois  de  la  terre,  il  articula  ce  dis- 
cours : 5,537—5,538—5,539. 

« Voici  quel  langage  t'adresse,  aux  oreilles  des  héros  de 
Kourou,  ce  magnanime  roi,  fils  de  Dhrilarâshtra  ; écoute 
cela,  Youdhishthira.  5,540. 

» Tu  fus  vaincu  au  jeu,  eiKrislmâ  fut  traînée  en  pleine 
assemblée  : n’est-ce  point  assez  pour  qu’on  fasse  éclater 
sa  colère,  quand  on  a la  fierté  d’un  homme?  5,541. 

a Tu  as  habité  douze  années  au  milieu  des  forêts,  et  tu 
as  vécu  un  an  hors  de  ta  maison,  chez  Viràta,  de  qui  tu 
acceptas  la  domesticité.  5,542. 

» Rappelle-toi  quelle  fut  ta  colère,  quand  on  enleva 
ton  royaume,  ton  habitation  au  sein  des  bois,  les 
vexations,  qu’a  subies  Krishnà,  et  sois  un  homme  de 
coeur  I 5,543, 


-••Digitieecfby  Google 


oudyoga-parva. 


405 


» Que  Bhlmaséna,  s’il  le  peut,  accomplisse  le  ser- 
ment, qu'il  a juré  dans  sa  colère  impuissante  ; qu'il  boive 
aujourd hui  le  sang  de  Douççàsana  ! 5 , 54 A . 

» Revêtu  de  la  cuirasse,  te  voilà  entré  dans  le  Kourou- 
ksbétra  aux  plaines  sans  limon  ; ses  routes  sont  unies,  tes 
chevaux  bien  repus  : demain,  engage  le  combat,  secondé 
parKéçaval  5,545. 

» Quand  tu  n’as  pas  affronté  Bhishma,  pourquoi  te 
glorifier  comme  un  sot,  qui  se  vanterait  de  pouvoir  mon- 
ter sur  la  ciine  du  Gandhamâdana  ! 5,540. 

» C’est  ainsi  que  tu  te  glorifies,  enfant  de  Kountî.  Sois 
un  homme  de  cœur,  sans  jactance  ! Quand  tu  n'as  pas 
vaincu  dans  une  bataille  le  fils  inaffrontable  du  cocher, 
ni  Çalya,  le  plus  fort  des  forts,  5,547. 

» Ni  Drona,  le  plus  éminent  des  hommes  vigoureux, 
égal  dans  la  guerre  à l'époux  de  Catch!,  comment,  fils  de 
Pritliâ,  peux-tu  désirerici  un  royaume?  5,548. 

» En  vain,  désires-tu  vaincre  Dronaàla  grande  lumière, 
l’instructeur  dans  l'arc  de  Brahma,  lui,  qui  est,  comme  un 
cheval  de  somme,  sans  repos  dans  la  bataille,  un  guerrier 
inébranlable  ! Nous  n’avons  pas  ouï  dire  que  le  vent  ait 
emporté  le  mont  Mérou  ; 5,549 — 5,550. 

» Que  Maroute  soutienne  ce  Mérou  sur  ses  ailes,  ouquele 
ciel  soit  tombé  sur  la  terre,  ou  que  l’youga  soit  boule- 
versé : ce  qui  serait,  s’il  en  était  ainsi  que  tu  me  le  dis. 

» Quel  guerrier,  désirant  la  vie,  monté  sur  un  coursier, 
un  éléphant  ou  un  char,  atteint  par  eux  d'une  flèche  ter- 
rassant l’ennemi,  s’cn  retournerait  heureusement  dans  sa 
maison?  5,551 — 5,552. 

» Pensant  qu’il  doit  périr  sous  leurs  (1)  coups,  quel 


(1)  Le  duel  AbhyAm , comme  précédemment,  au  lieu  du  pluriel. 


LE  MAHA-BHARATA. 


404 

héros,  touché  par  l’effrayante  multitude  de  leurs  traits, 
s’échapperait  vivant  du  combat,  frappant  la  terre  de  son 
pied?  6,553. 

» Semblable  à une  grenouille,  hôte  d’un  puits  solitaire, 
ne  t'apperçois-tu  pas  que  tu  as,  réunie  devant  toi,  une 
armée  royale,  inaffrontable,  pareille  à l’armée  des  Dieux, 
et  défendue,  comme  les  Tridaças  veillent  sur  le  ciel,  par 
les  Indras  des  hommes,  rassemblés  du  levant  et  du  cou- 
chant, du  septentrion  et  du  midi,  les  Kàmbodjes,  les 
Çakas,  les  Khaças,  les  Çalvas  et  les  Matsyas,  les  Kourous- 
méditerranéens,  les  Mlétchhas,  les  Poulindas,  les  Dravi- 
das,  les  Andras  et  les  Kàntchyas?  5,554 — 5,555. 

» Homme  stupide  ii  l’intelligence  étroite,  tu  veux  livrer 
bataille  A ce  fleuve  de  peuples  divers,  débordé  comme  la 
Gangà,  duquel  on  ne  peut  traverser  la  vitesse,  et 
à moi,  qui  me  tiens  au  milieu  d’une  armée  d’éléphants  ! d 
» Après  qu’il  eut  parlé  de  cette  manière  au  lilsd’Yama, 
le  roi  Youdhishthira,  il  s’avança  vers  Djishnou  et  lui 
adressa  de  nouveau  ces  paroles  : 5,556 — 5,557. 

o Combats  sans  jactance  ; pourquoi  le  vanter  à tel  point, 
Arjouna  ? Les  bonnes  dispositions  dans  une  bataille 
donnent  le  succès  ; mais  il  est  indépendant  de  la  jac- 
tance. 5,558. 

» Si  pour  réussir,  Dhanandjaya,  ilsuflisait  dese  vanter, 
toutes  les  affaires  seraient  heureuses  ; car  est-il  un  homme 
pauvre  en  jactance  ? 5,559. 

j Je  sais  que  le  Vasoudévide  est  ton  allié;  je  sais  que  tu 
portes  l’arc  Gàndiva,  de  qui  la  grandeur  est  à l’instar  d’un 
palmier  ; mais  il  n’existe  pas,  je  le  sais  encore,  un  guerrier 
semblable  à toi,  et  c’est  parce  que  je  ne  l’ignore  pas  que 
je  t’enlève  ce  royaume.  5,560. 

» Mais  l’homme  n’obtient  pas  le  succès  par  l’exercice  de 


Ol’DYOG  A-PARVA. 


505 


la  magie.  Brahma,  par  l’intelligence,  a mis  toutes  les  choses 
heureuses  dans  sa  dépendance,  5,5(51. 

» J’ai  pu  jouir  treize  ans  du  royaume  en  dépit  de 
tes  plaintes  ; je  le  gouvernerai  encore,  quand  je  t’aurai 
fait  mordre  la  poussière  avec  ta  famille.  5,5(52. 

» Où  était  l'arc  Gândtva,  quand  tu  fus  vaincu  dans 
cette  partie,  dont  l'esclavage  était  l’enjeu  ?Ou  était  alors, 
Phàlgouna,  la  vigueur  de  Bhimaséna?  5,543. 

» Votre  délivrance,  vous  ne  l’avez  pas  due  alors,  sans 
le  secours  de  l’irréprochable  Krishna,  ni  à Bhimaséna, 
armé  de  sa  massue , ni  à Phàlgouna , son  arc  à la 
main  ! 5,5(55. 

» Vous  êtes  tombés  dans  notre  domesticité,  livrés  5 
des  travaux  indignes  de  l'homme,  occupés  des  œuvres 
de  l'esclavage  ; et  ce  fut  Pàrshatl  seule,  qui  vous  en  déli- 
vra ! 5,505. 

» Ce  que  je  vous  dis  à vous,  oints  du  sésame  des  eunu- 
ques, est  une  vérité.  Le  fils  de  Pritlià  n’a-t-il  pas,  dans  la 
ville  de  Virâta,  porté  ses  cheveux  nattés,  comme  ceux 
d'une  femme?  5,56(5. 

Bhimaséna  s'est  fatigué  dans  l’tflice  de  Virâta  par  les 
fonctions  d'un  cuisinier  : eh  bien  1 fils  d Kountl,  était-ce 
là  montrer  du  courage  ? 5,567. 

» Les  cheveux  nattés  comme  ceux  d'une  femme,  avec 
la  robe  do  l’eunuque,  tu  enseignas  la  danse  à une  jeune 
fille  : est-ce  pour  cela  que  les  kshatryas  ont  toujours 
mis  le  bâton  dans  la  main  du  kshatrya?  5,568. 

» Non!  jamais  la  crainte  du  Vasoudévide  ne  uie  fera 
te  rendre  ce  royaume.  Combats  donc,  Phàlgouna,  assisté 
de  Kéçava.  5,569. 

» Ni  la  magie,  ni  l’illusion,  ni  la  plus  effrayante  fautas- 


m 


LE  MAHA-BHARATA. 


magorie  ne  trouvent  pas  d'échos  devant  moi  sur  un 
champ  de  bataille,  quand  j’ai  revêtu  ma  cuirasse.  5,570. 

» Un  millier  de  Vasoudévides  et  une  centaine  de  Phâl- 
gounas,  s'ils  m’approchent,  s'enfuieront  aussitôt  par  les 
dix  points  de  l'espace  sous  mes  coups  infaillibles.  5,571. 

» Viens  au’combat,  ou  brise  la  montagne  avec  ta  tête 
saisie  d'effroi,  ou  traverse  à la  force  des  bras  ce  large 
océan  d’hommes,  à l'immense  profondeur,  5,572. 

» Qui  a le  Çaradvatide  pour  grand  poisson,  Yivinçati 
pour  ses  lieux  abondants  en  squamilères,  Vrishadbala 
pour  ses  hautes  falaises,  et  le  fils  de  Somadatta  pour  sa 
baleine,  5,573. 

» Bhlshma  pour  sa  vitesse  infinie,  et  Drona  pour  son 
requin  inabordable,  Karna  et  Çalya  pour  ses  tourbillons 
d’eau  remplis  de  poissons,  et  Kàuibodja  pour  la  gueule 
de  son  volcan  sous-marin,  5,575. 

n Djayadratha  pour  colline,  Pouroumitra  pour  gué, 
Dourmarshana  pour  ses  vagues,  et  Çakouni  pour  sa  rive. 
Aussitôt  que , l’esprit  épuisé  de  fatigue  , tu  te  seras 
plongé  au  milieu  de  ce  courant  de  flèches  débordantes, 
impérissables  ; 5,575. 

» Aussitôt  que  tu  auras  vu  tout  ce  qui  a des  liens  avec 
toi,  couché  dans  la  poussière,  ton  âme  tombera  dans  le 
désespoir.  Ton  âme,  alors,  sera  chassée  du  gouvernement 
de  la  terre,  comme  l’impureté  est  bannie  du  ciel;  5,576. 

n Et  tu  auras  commandé  à ce  royaume,  qu’il  est  pour 
toi  si  difficile  d’acquérir,  comme  un  impie  désire  en  vain 
que  le  paradis  lui  soit  ouvert.  » 5,577. 

Ouloûka  de  répéter  ce  discours  au  vaillant  Arjouna, 
tel  qu’il  l'avait  entendu;  blessant  par  les  dards  de  telles 
paroles  son  cœur  irrité  comme  un  serpent.  5,578. 


OUDYOGA-PARVA. 


407 


Les  fiers  Pàndouides,  déjà  fort  en  courroux,  entendirent 
avec  un  redoublement  de  colère  ce  langago  du  Kita- 
vide.  5,579. 

Ils  se  lèvent  de  leurs  sièges,  ils  jettent  leurs  bras  eu 
avant  et,  courroucés  comme  des  reptiles,  ils  fixent  leurs 
yeux  l’un  sur  l’autre.  5,580. 

Bhlinaséna,  la  tète  basse  et  poussant  des  soupirs  comme 
un  serpent,  glissait  en  haut  sur  le  visage  de  Kéçava  les 
regards  de  ses  yeux  aux  extrémités  rouges  de  sang.  5,581. 

Dès  que  le  DàrçArhain  vit,  accablé  de  sa  douleur,  ce 
fils  du  Vent  sous  l’oppression  de  la  colère,  il  dit  en  sou- 
riant au  Kitavidè  : 5,5S2. 

« Retourne  promptement,  fils  de  Kitava,  et  répète  ces 
mots  à Souvodhana  : « Ou  a entendu  mon  discours,  on 
en  a saisi  le  sens.  Qu'il  en  soit,  comme  tu  penses!  » 

Quand  il  eut  dit  ces  paroles,  ô le  plus  excellent  des 
rois,  Kéçava  aux  longs  bras  laissa  de  nouveau  tomber 
ses  regards  sur  Youdhislilhira  à la  grande  science. 

5,583 — 5,584. 

En  présence  de  tous  les  Srindjayas,  de  l'illustre  Krishna, 
de  Virâta,  de  Droupada  et  de  son  fils,  au  milieu  de  tous 
les  rois  de  la  terre,  Ouloùka  de  nouveau  adressa  à 
Arjouna  la  parole,  suivant  qu'il  l’avait  entendue  lui-même. 

5,585—5,586. 

Il  excitait  sa  colère,  comme  celle  d’un  serpent,  avec  la 
flèche  de  la  parole;  il  répéta  donc  mot  pour  mol  à 
Krishna  et  à tous  les  autres  ce  qu'avait  dit  le  Dhrita- 
râshtride.  5,587. 

A peine  eut-il  entendu  ce  discours  méchant,  horrible, 
d’Ouloûka,  le  111s  de  Prilhà  en  fut  agité;  il  essuya  la 
sueur  de  son  front.  5,588. 


A 08 


LE  MAHA-BHARATA. 


Toute  l’assemblée  le  vit  alors  dans  un  tel  état,  puissant 
roi  , et  les  héros  des  Pândouides  ne  purent  le  sup- 
porter. 5,589. 

Quand  ils  entendent  ravaler  ainsi  le  magnanime 
Krishna,  ces  immortels  guerriers  s’enflamment  de  co- 
lère. 5,590. 

Dhristadyoumna,  Çikhandl,  le  héros  Sâtyaki,  les  cinq 
frères  Kaikéyains  et  Ghatotkatcha  le  Rakshasa,  les  fils  de 
Draàupadi,  Abhimanyou,  et  le  prince  Dhristakétou,  et  le 
vaillant  Bhimaséna,  et  les  héroïques  jumeaux  ; 

5,591—5,592. 

Tous,  ils  s’élancent  de  leurs  sièges,  les  yeux  enflammés 
décoléré;  ils  allongent  devant  eux  leurs  bras  éclatants, 
ornés  de  sandal  rouge.  5,593. 

Parés  de  bracelets,  d’armilles,  de  carcans,  et  grinçant 
les  dents  contre  les  dents,  ils  lèchent  les  coins  de  leur 
bouche.  5,5QA. 

Connaissant  quels  étaient  leurs  sentiments  d'après  ces 
formes  du  corps,  Ventre-de-loup,  le  fils  de  Kountl,  se  leva 
soudain  et  comme  flamboyant  de  colère,  5,595. 

Ayant  haussé  tout  à coup  les  yeux,  montré  ses  longues 
dents,  et  broyant  l'une  de  ses  mains  avec  l'autre  tnain,  il 
adressa  à Ouloùka  ces  paroles  : 5,596. 

« Nous  avons  entendu  de  ta  bouche,  insensé,  la  parole, 
que  Douryodbana  t’envoie  nous  dire  pour  nous  exciter, 
comme  si  nous  étions  impuissants.  5,597. 

» Ecoute  de  la  mienne,  au  milieu  de  tous  les  kshatryas, 
lâche,  ces  mots  terribles,  que  tu  répéteras  à Souyo- 
dhana.  5,598. 

» Dis-les  aux  oreilles  de  Karnu,  le  fils  du  cocher,  et  du 
pervers  Çakouni.  Ce  langage  est  celui  de  nous  tous,  qui 


OUDYOGA-PARVA. 


400 


avons  continuellement  à cœur  la  joie  de  notre  frère  atné  : 

« Tu  n’estimes  pas  beaucoup  la  vérité,  que  tu  supportes 
mec  peine,  homme  engagé  dans  une  mauvaise  route  ! 
Hrishlkéça,  qui  désirait  la  paix,  fut  envoyé  aux  Kou- 
rouides  par  le  sage  Dharinaràdja,  qu’inspirait  l’amour  du 
bien  de  sa  fam  lie.  Mais,  toi,  poussé  par  la  mort,  lu  as 
sans  doute  envie  de  visiter  le  palais  d’Yama  ! 

6,699—5,000—5,601, 

» Viens  au  combat  avec  nous;  ce  sera  demain,  sans 
doute  ; je  promets  que  je  t’y  donnerai  la  mort,  à toi  et  à 
tes  frères.  5,602. 

» Il  en  sera  ainsi,  méchant  ; n'aie  pas  de  doute  à ce 
sujet  I Que  la  mer,  séjour  de  Varouna,  franchisse  aujour- 
d'hui ses  rivages,  que  les  montagnes  se  fendent;  mais  la 
parole,  que  j’ai  dite,  ne  l’aura  pas  été  en  vain,  eusses-tu 
pour  compagnon  Yama,  Kouvéra  ou  lloudra  lui-même. 

5,603-5,604. 

» Les  fils  de  Pàndou  feront  ce  qu’ils  ont  promis,  âme 
vicieuse  ; et  je  boirai  le  sang  île  Douççâsana,  comme  j’en 
ai  le  désir.  5,605. 

» Que  le  kshatrya  irrité  craigne  de  s’avancer  vers  moi 
dans  ce  moment!  Je  plongerai  Bhishtna  lui-même, 
l'ayant  honoré  d’abord,  dans  le  séjour  d’Yama  ! 5,606. 

» Cette  parole,  que  j'ai  prononcée  dans  l’assemblée  des 
kshatryas,  elle  s’accomplira  ! Je  touche  ma  personne  en 
garantie  de  la  vérité  qu’elle  sera  exécutée  I » 5,607. 

» A ces  mots  de  Bhtmaséna,  Sahadéva  irrité,  les  yeux 
rougis  par  lacolère,  tint  à son  tour,  au  milieu  de  la  foule 
réunie  des  armées,  ce  langage,  digne  d’un  héros  superbe  : 
« Écoute,  méchant,  cette  parole,  qu’il  te  faut  répéter  à 
mon  père  : 5,698 — 5,609. 


«10 


LE  MAHA-BHARATA. 


« 11  n'y  aurait  jamais  de  schisme  entre  nous  et  les  Kou- 
rouides,  si  ia  parenté  n'unissait  point  Dhritaràshtra  avec 
toi  1 5,610. 

» Mais  tu  es  né  pour  la  ruine  du  monde,  homme  de 
haine,  destructeur  de  ta  famille,  artisan  de  mauvaises 
actions,  dans  la  race  du  roi  Dhritaràshtra  1 5,611. 

» Dès  notre  naissance,  ton  père  fut  pour  nous  une  per- 
sonnification de  tous  les  [léchés,  lui,  qui  n'a  jamais  désiré 
pour  nous  autre  chose  que  des  crimes  et  des  méchance- 
tés. 5,612.  » 

» Tu  marches  à la  fin  terrible  de  cet  homme,  qui  a des 
tendresses  pour  la  guerre  ; je  le  tuerai  d'abord,  sous  les 
yeux  de  Çakouni.  5,613. 

» Ensuite,  je  tuerai  (jakouni  lui-même,  en  dépit  de 
tous  les  archers.  » Quand  il  eut  entendu  les  paroles  de 
Bhimaséna  et  de  Sahadéva,  ces  deux  /«Vos,  5,61  à. 

» Phâlgouua  dit  en  souriant  ces  mots  à Vrikaudara.: 
« Les  hommes,  qui  eurent  une  guerre  avec  toi,  n'existent 
plus.  Bhimaséna.  5,615. 

n Les  sots,  ils  jouissaient  du  bonheur  dans  leurs  palais, 
et  ils  sont  allés  sous  le  pouvoir  du  lacet  de  la  mort.  Tu 
ne  dois  pas  dire,  ô le  plus  grand  des  hommes,  une  parole 
amère  à Ouloûka.  5,616. 

v Est-ce  que  les  héraults  commettent  des  offenses?  Ils 
ne  font  que  répéter  les  choses,  qu'on  leur  à dites.  » De 
cette  manière  à Bhimaséna  aux  exploits  épouvantables  ré- 
pondit le  guerrier  aux  longs  bras.  5,617. 

11  dit  à tous  les  héros,  ses  amis,  qui  avaient  à leur  tète 
Dbrishtadyoumna  : « Vous  avez  entendu  ce  qu'a  dit  ce 
vicieux  fils  de  Dhritaràshtra.  5,618. 

u Quand  vous  avez  entendu  taire  méptis  du  Vasoudé- 


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OUDYOGA-PARVA. 


411 


vide  et  de  moi,  l’amour,  que  vous  portez  à notre  bien, 
irrita  votre  colère.  5,019. 

» Par  la  puissance  du  Vasoudévide  et  grâce  aux  efforts 
de  vos  excellences,  je  ne  liens  nul  compte  de  tout  l’ordre 
entier  des  princes  kshatrvas.  5,020. 

» Si  vous  le  permettez,  je  dirai  une  parole,  qui  soit  une 
réponse  à Ouloûka  et  qu'il  puisse  reporter  à Souyodhana  : 

« Demain  arrivé,  je  donnerai  5 celui,  qui  a parlé,  une 
réponse  à la  tête  des  armées  avec  l’arc  Gàndiva  ; car  les 
paroles  en  réponse  ne  doivent  pas  ressembler  à celles  d’un 
eunuque.  » 5,021 — 5,022. 

Alors  tous  les  princes,  lesplus  excellents  des  monarques, 
souriant  pour  la  fermeté  de  ces  paroles,  en  félicitèrent 
à l’envi  Dbanandjaya.  5,023. 

Dès  qu’il  eut  remercié  tous  ces  princes,  suivant  l'âge, 
suivant  la  convenance,  il  tint  à Dhannaràdja  ce  langage 
approprié  à la  circonstance  : 5,024. 

« Le  plus  grand  des  rois  ne  concevra  pas  de  mépris  à 
mon  égard.  Faisant  mon  plaisir  de  l’obéissance  envers 
toi,  je  dirai  ici  quelques  mots  de  réponse  (1) 5,025. 

A peine  eut-il  ouï,  ô le  plus  vertueux  des  Bharatides,  le 
discours  de  Douryodhana,  langage  vigoureux  et  que  pré- 
cédaient les  paroles  de  bienveillance,  Ouloûka.....  (2). 

Souillant,  comme  un  serpent,  avec  des  yeux  fortement 
injectés  de  sang,  léchant  les  deux  angles  de  sa  bouche  et 
souriant  de  colère,  pour  ainsi  dire,  (3).  5,020 — 5,027.  _ 

Jetant  les  yeux  sur  Djanârddana  et  ses  frères,  il  dit  ces 

(l-S-3)  Évidemment,  U y » ici  une  lacune.  Le  sens  est  interrompu;  il 
n’y  a plus  continuation  dan»  les  idées.  Voilà  un  discours,  qui  commence 
et  qui  n'est  pas  suit!.  Outoiîkam , ce  nom  est  à l’accusatif  et  rien  ne 
l’exige.  Où  est,  soit  le  vers,  soit  la  stance,  renfermant  le  mot,  qui  n pour 


LE  MAHA-BHARATA. 


412 

mots,  qu’il  adressa  au  Kitavide,  en  allongeant  devant  lui 
ses  grands  bras  : 5,628. 

« Va,  Ouloùka,  fils  de Kitava,  et  dis,  mon  ami,  à Souyo- 
dhana,  l’ingrat,  le  haineux,  le  stupide,  l’opprobre  de  sa 
famille:  5,629. 

« Tu  as  toujours  suivi  une  ligne  tortueuse  à l’égard 
des  fils  de  Pàndou,  toi,  scélérat,  qui  provoque  des  enne- 
mis, Je  surpassant  par  leur  propre  vigueur!  5,630. 

» L’homme,  qui  remplit  sans  crainte  sa  parole,  est 
un  kshatrya  ; mais  toi,  qui  nous  défies  au  combat,  tu  n’es 
qu’un  méchant,  bien  que  tu  sois  né  kshatrya.  5,631. 

» Ne  marche  pas  à la  guerre,  parce  que  tu  as  mis  des 
hommes  vénérables  ou  non,  ô le  plus  vil  de  ta  famille,  dans 
le  premier  rang  de  tes  armées.  Appuyé  sur  la  vigueur  de 
toi-même  et  sur  la  force  de  tes  serviteurs,  fils  de  Kourou, 
provoque  au  combat  les  enfants  de  Prithà  ; sois  de  toutes 
les  manières  un  kshatrya.  Quiconque,  se  fiant  à la  force 
des  autres,  défie  les  ennemis,  est  un  eunuque,  qui  ne  peut 
de  lui-même  produire  l’effet  de  ses  paroles.  Toi,  qui 
estimes  beaucoup  ta  personne  d’après  la  vigueur  d’autrui, 
comment,  avec  une  telle  faiblesse,  oses-tu  nous  menacer  ? » 
5,632—5,633—5,634—5,635. 

» 11  te  faut  dire  encore  à Souyodhana  cette  parole  de 
moi,  reprit  le  fortuné  Krishna  : « Quand  tu  auras  obtenu, 
insensé,  que  demain  soit  aujourd’hui,  montre- toi  homme 
dacœur!  5,036. 

» Tu  penses,  guerrier  stupide  : « Djanârddana  ne 


régime  un  accusatif?  Où  est  ce  discours,  si  mordant  qu'il  soulève  une 
violente  colère  dans  Youdbishthira,  qui  n'est  pas  même  nommé,  ni  indi- 
qué, et  qu'il  fait  venir  le  saug  même  à ses  yeux  ? 


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OliDYOGA-PAUVA. 


Al  3 


combattra  point,  car  les  Prithides  l’ont  choisi  pour  con- 
duire leurs  chars  ; » et  cette  réflexion  écarte  de  toi  la 
crainte.  5,637. 

» Puisse  ce  temps  ne  pas  être  le  dernier  ! Je  consumerai 
tous  Tes  princes  dans  ma  colère,  comme  le  feu  consume 
les  herbes  !.  5,638. 

u D'après  l’ordre  d’ Youdhishthira,  je  conduirai  le  char 
du  magnanime  Phàlgouna,  tandis  ([u’il  combattra,  ce  héros, 
qui  a vaincu  son  âme.  5,639. 

» Envole-toi  dans  les  trois  mondes,  entre  dans  le  sein 
de  la  terre,  en  chaque  lieu,  le  char  d’Arjouna  te  reverra 
au  point  du  jour!  5,640. 

» Quant  à cette  parole  même,  que  Bhlmaséna,  crois-tu, 
a dite  eu  vain,  pense  dès  cet  instant  qu'il  adéjà  bu  le  sang 
de  Douççàsana  ! 5,641. 

« Puisse  Arjounn , le  fils  de  Prithâ,  ni  le  roi  Youdhish- 
thira, ni  Bhlmaséna,  ni  les  jumeaux, ne  te  voir  jamais 
prononcer  des  paroles  si  ennemies  ! » 5,642. 

Sandjaya  dit  : 

« A peine  eut-il  entendu  ce  langage  de  Douryodhana, 
Goudàkéça  h la  haute  renomm  in  jeta  les  regards  de  ses 
yeux  enflammés  d'une  vive  rougeur  sur  Ouloûka,  et, 
tournant  sa  vue  sur  Kéçava,  il  dit  au  Kitavide,  en  allon- 
geant devant  lui  ses  grands  bras  : 5,643 — 5,644. 

o Quiconque,  appuyé  sur  sa  propre  vigueur,  défie  ses 
adversaires  et  combat  sans  crainte  les  ennemis,  est  appelé 
un  homme  de  cœur.  5,645. 

» Mais  quiconque  défie  les  autres,  appuyé  sur  la  force 
d'autrui,  est  dans  le  monde  le  plus  vil  des  hommes,  par 
son  impuissance,  quoique  apparenté  & des  kshatryas. 

o Tu  estimes  ta  valeur  d’après  la  valeur  des  autres,  et 


LE  MAHA-BHARATA. 


414 

lu  veux  toi-même,  insensé,  terrasser  les  ennemis,  tout 
lâche  que  tu  sois  ! 5,646 — 5,647. 

» Toi,  qui  as  célébré  ton  initiation  pour  la  mort,  tu  in- 
juries ce  roi  à la  grande  science,  aux  organes  des  sens 
vaincus,  qui  a l’esprit  du  bien  et  qui  est  le  plus  vieux  de 
tous  les  rois.  5,648. 

» Ton  opinion,  âme  méchante,  nous  est  connue,  oppro- 
bre de  ta  race  ; la  compassion  arrêtera,  penses-tu , la  main, 
du  Pânduuide,  et  il  ne  tuera  point  le  fils  de  la  Gangà!  5,649. 

» J'immolerai  d’abord,  malgré  la  résistance  de  tous  les 
archers,  ce  Bhlsltma,  sous  le  courage  duquel  tu  t’abrites, 
quand  tu  nous  fais  entendre  cette  tienne  jactance  ! 5,650. 

» Va,  fils  de  Kitava,  et  de  retour  chez  les  Bharatides, 
dis  à Souyodhana,  le  fils  de  Phritarâshtra  : « Voici  comme 
a parlé  Arjouna,  l’Ambidextre  : « Aussitôt  que  la  nuit  sera 
dissipée,  nous  engagerons  le  combat.  5,651. 

» Que  Salyasandha  (1)  accomplisse  celte  parole,  pro- 
noncée d’une  âme  fière  au  milieu  des  Kourouides,  quand 
il  a dit,  environné  d’eux  : « Je  tuerai  l’armée  des  Srin- 
djayas  et  les  Çàlvévas  ! c’est  la  charge,  que  je  prends  sur 
mes  épaules.  5,65?. 

» Il  faut  que  j’immole  ce  monde,  sans  le  secours  de 
Drotia  ! Tu  n'as  rien  à craindre  des  fils  de  Pàndou  ! Ces 
gens  tombés  dans  l'infortune,  leur  royaume  arrivera  dans 
tes  mains  ! » 

» II  était  rempli  d’orgueil  et  tu  n’as  pas  vu  que  l'infor- 
tune était  liée  à ta  personne.  Je  commencerai  donc  par 
tuer  sous  vos  yeux  dans  la  mêlée  ce  vieillard  des  Kou- 
rouides. 6,663 — 5,654. 

(1)  BMshma. 


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OUDYOG  A-PAR  V A . 


â 15 


» Au  lever  du  soleil,  que  l’armée,  rassemblée  dans  l'at- 
tente, ombragée  de  ses  drapeaux,  flanquée  de  ses  chars, 
veille  sur  Satyasandha  ! Moi,  je  renverserai  de  son  char, 
sous  vos  regards  mêmes,  Bhishma , cette  ancre  (1)  de 
salut  brisée  de  mes  flèches.  5,655. 

» Souyodhana,  une  fois  né  le  jour  de  demain,  recon- 
naîtra que  son  discours  n’est  que  de  la  jactance,  quand 
il  m'aura  vu  couvrir  notre  aïeul  avec  la  multitude  de  mes 
traits.  5,656. 

n Douçcâsana,  ton  frère,  cet  homme  à courte  vue, 
haineux,  à l’ànie  méchante,  expert  dans  le  vice  et  qui 
semble  un  coupable,  il  saura  ta  valeur  de  ce  que  lui  dit,  au 
milieu  de  l’assemblée,  Bhlmaséna  dans  sa  colère  ; et  tu 
verras  bientôt,  Souyodhana,  que  cette  promesse  était  une 
vérité  ! 5,657—5,658. 

» Tu  recueilleras  bientôt  le  fruit  amer,  Souyodhana, 
de  ton  arrogance,  de  ton  orgueil,  de  ta  colère,  de  ta 
violence,  de  ta  méchanceté,  de  ta  présomption,  de  la  trop 
haute  idée  en  toi-même,  de  ton  penchant  à la  cruauté,  de 
ton  âme  mordante,  de  ta  haine  pour  la  vertu,  de  tes  vices, 
de  ton  opposition  à nos  vues,  de  ton  mépris  des  vieillards, 
de  tes  yeux  trop  fixés  sur  ton  armée  (2) , et  de  ton  atten- 
tion â repousser  loin  de  nous  toutes  les  «flaires. 

5,659—5,660—5,661. 

» Sur  quelle  raison  s’appuyait,  insensé,  ton  espérance 
du  royaume  ou  de  la  vie,  quand  tu  as  excité  ma  colère  et 
que  j’ai  pour  second  le  Vasoudévide?  5,662. 

(t)  Littéralement:  cette  Ue. 

(2)  Nllàkantha  explique  ainsi  le  mot  daiçakasya  : des  assurances  de 
victoires , que  te  donnent  Karna  et  les  autres  ; n'est-ce  pas  tirer  un  peu  trop 
loin  de  la  lettre  la  lignification  du  terme  employé  t 


I.E  MAHA-BH  YRATA. 


A 10 

» Dès  que  Bhtshma  aura  succombé,  dès  que  le  fils  du 
coclier  et  Drona  serout  couchés  sur  la  terre,  il  ne  te  res- 
tera plus  d’espérance,  ni  en  tes  fils,  ni  pour  le  royaume, 
ni  en  ta  vie  1 5,603. 

» Abattu  sous  les  coups  de  Bhimaséna  et  connaissant 
la  mort  de  tes  fils  et  de  tes  frères,  lu  te  rappelleras  alors 
tes  méfaits  envers  lui.  5,664. 

» Je  ne  te  ferai  pas,  fils  de  Kitava,  une  seconde  pro- 
messe : je  te  dis  la  vérité;  certes  ! toutes  ces  choses  seront 
accomplies!  » 5,665. 

Youdhishthira  lui-même  tint  ce  langage  à Ouloûka  le 
Kitavide  : « Va-t-en  , mon  cher  Ouloûka,  vers  Souyo- 
dhana,  et- dis-lui  de  ma  part  : 5,666. 

« Ne  veuille  pas,  avec  ton  héritage,  usurper  ma  légi- 
time : je  sais  quelle  différence  il  y aentre  ces  deux  choses: 
le  vrai  et  le  faux.  5,667. 

a Je  n’aiuie  pas  faire  de  mal  à l'insecte  et  à la  fourmi  ; 
combien  plus  n'aimerai-je  pas  donner  jamais  la  mort  à 
mes  parents?  5,668. 

» C’est  pourcelaque  jadis  j’avais  arrêté  mon  choix  sur 
cinq  villages.  Comment  ne  vois-tu  pas,  homme  à l'intel- 
ligence bien  dure,  ce  grand  malheur,  qui  est  là,  devant 
toi?  5,669. 

» Ame  enveloppée  de  voluptés,  tu  te  vantes  d’après  ta 
nature  insensée;  aussi,  n’as-tu  pas  reçu  la  parole  utile  du 
Vasoudévide.  5,670. 

o A quoi  bon  maintenant  de  longues  paroles?  Com- 
bats avec  tes  parents  1 » Dis  cela,  fils  de  Kitava,  au  Kou- 
rouide,  auteur  de  mes  ennuis!  5,671. 

d Tu  as  entendu  mon  discours,  tu  en  as  saisi  le  sens  : 
que  ton  opinion  soit  ainsi  1 » Ensuite,  Bhimaséna,  le  frère 


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OUDYOGA-PARYÀ. 


417 


da  monarque,  adressa  au  tnessagtr  ce  langage  : 5,672 

« Ouloûka,  dis  cette  parole  de  moi  à Souyodhana,  cet 
homme  méchant,  ce  mauvais  esprit,  ce  pervers,  ce  vicieux, 
ce  criminel  malfaiteur  : 5,673. 

« J’ai  fait  cette  promesse  au  milieu  de  l’assemblée, 
0 le  plus  vil  des  hommes  : « Nous  habiterons  dans  Hàsti- 
napoura  ou  dans  le  ventre  d'un  vautour.  » 5,674. 

» Je  donnerai  à cette  parole  son  accomplissement  : je 
te  le  jure  sur  la  vérité.  Je  tuerai  Douççàsana  dans  la  ba- 
taille et  je  boirai  son  sang  ! 5,675. 

» Je  briserai  tes  cuisses,  j’immolerai  tes  frères  ger- 
mains, et  je  serai  la  mort  elle-même,  Souyodhana,  de  tous 
les  enfants  de  Dhritarâshtra.  5,676. 

d Abhimanyou  est  sans  contredit  le  premier  des  fils  de 
rois  ; je  le  réjouirai  par  mes  exploits.  Écoute  encore  cette 
parole  : 5,577. 

« Quand  je  t’aurai  tué  avec  tous  te9  frères,  Souyo- 
dhana, je  foulerai  ta  tète  de  mon  pied,  sous  les  yeux  de 
Dharmarâdja.  » 6,678. 

Nakoula  dit  après  lui,  sire,  ces  paroles  : » Parle  ainsi, 
Ouloûka,  au  Kourouide  Douryodhana,  le  fils  de  Dhrita- 
râshtra : 5,679. 

« J’ai  entendu  tout  ce  discours  assorti  à la  vérité, 
que  tu  as  exprimé  : je  fais,  rejeton  de  Kourou,  comme  tu 
m’as  dit.  » 5,680. 

Sahadéva  lui-même,  sire,  tint  ce  langage  sensé  : « Ton 
opinion,  Souyodhana,  sera  vaincue  et  sans  fpuit  (1). 

» Tu  gémiras,  grand  roi,  avec  tes  conjoints,  tes  parents 


(i}  Le  commentaire  porte  : vrùhâ,  au  lieu  de  tathd,  qu'écrit  l'édition 
de  Calcutta. 


VI 


27 


418  LE  MAHA-BHARATA. 

et  tes  fils  de  cette  infortune,  où  nous  lûmes  plongés,  et 
qui  excite  les  injures  de  ton  cœur  triomphant.  » 

5,681—5,682. 

Les  deux  vieillards,  Virâta  et  Droupada,  dirent  ces 
mots  à Ouloûka  : « Puissions-nous  obtenir  la  qualité  de 
serviteurs  auprès  de  l'homme  vertueux  : ce  fut  toujours 
notre  sentiment.  5,683. 

» Nous  sommes  et  ne  sommes  pas  les  tiens,  puisque 
tel  est  ton  caractère  ! » Ensuite,  Çikhandi  adressa  ces 
paroles  à Ouloûka  : 5,684. 

« Ton  excellence  dort  parler  ainsi  à ce  roi,  qui  trouve 
continuellement  sou  plaisir  dans  les  vices  : « Regarde- 
moi,  sire,  dans  le  combat,  exécutant  des  exploits  épou- 
vantables. 5,685. 

» Je  renverserai  de  son  char  ton  grand-oncle,  sur  la 
force  duquel  appuyé,  tu  comptes  sur  la  victoire  dans  la 
bataille.  6,686. 

» Le  magnanime  Brahma,  san3  doute,  m'a  créé  ponr 
donner  la  mort  5 Bhîshma;  je  tuerai  Bhlshma  en  dépit  de 
tous  les  archers.  » 5,687. 

Dhrishtadyoumna  lui-même  dit  ces  mots  à Ouloûka,  fils 
de  Kitava  : « Rapporte  ces  motsdemapartàSouyodhana, 
le  fils  du  monarque.  5,688. 

« J’immolerai  Drona  avec  son  armée,  avec  son  cortège  1 
Et  cette  prouesse,  je  l’exécuterai  de  la  manière  qu’un  autre 
ne  l’accomplirait  pas.  » 5,689. 

Youdhishthiralui  dit  cette  grande  parole,  empfeintede 
compassion  : a Puissé-je  ne  jamais  me  complaire  dans  la 
mort  de  mes  parents  ! 5,690. 

» Mais  tout  cela,  prince  à l’intelligence  étroite,  arrive 
évidemment  par  ta  faute  ! C’est  malgré  ma  volonté  que 


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OUDYOGA-PARVA. 


Si# 

je  prends  snr  moi  cette  grande  œuvre  de  tous  (i)  ! 5,691. 

n Va-t-en,  Ouloûka,  mon  fils,  sans  tarder,  situ  lejuges 
à propos;  ou  bien,  s'il  te  plaît,  reste  ici  ; en  effet,  ne  som- 
mes-nous pas  tes  parents  ? » 5,692. 

Alors  Ouloûka,  ayant  fait  ses  adieux  à Youdhishthira, 
le  fils  d’Yama,  s'avança  vers  le  lieu  où  l’attendait  le  roi 
Souyodhana.  5,693. 

(2).  .' 6,691. 

11  s'approcha  de  l’irascible  prince,  et  lui  rendit  toute 
la  commission  d’Arjouna,  comme  il  l’avait  entendue. 

Il  dit  le  courage  du  Vasoudévide,  de  Bhlma,  de  Dhar- 
maràdja,  de  Nakoula,  de  Virâta  et  de  Droupada. 

5,695—5,696. 

Il  raconta  fidèlement  les  discours  de  Sahadéva,  de 
Dhrishtadyoumna  et  de  Çikhandt  ; il  n’omit  rien  de  ce  que 
lui  avaient  confié  Réçava  et  Arjouna.  5,697. 

Quand  l'éminent  Bharatide  eut  ouï  ces  paroles  du  Kita- 
vide,  il  commanda  A Douççâsana,  à Karna,  au  fils  même 
de  Sonbala,  à l’armée  du  roi  et  à la  foule  de  ses  amis  que 
toutes  les  armées  se  tinssent  rassemblées  au  lever  du  jour. 

A la  voix  de  Karna,  hâtant  leur  course  sur  des  chars 
et  sur  des  camelles,  d’autres  sur  des  chevaux  généreux,  à 
la  grande  vitesse,  des  messagers  portent  rapidement  à 
toute  l’armée  cette  instruction  expresse  de  Valkartana  : 
« D'après  l’ordre  du  roi,  au  point  du  jour,  le  rassemble- 
ment des  armées  ! » 5,698—5,699 — 5,700 — 5,701. 


(1)  Ce  vers  manque  à l’édition  de  Bombay. 

(2)  Ici  eut  un  çloka  de  redondance,  qui  ne  m trouve  pas  dana  l’édition 
de  Bombay,  et  que  nous  rejetons,  comme  intrus,  dans  cette  note  : « Dès 
quit  eut  reçu  ces  paroles , le  Kitavide , les  ayant  retournées  avec  soin 
dans  sa  pensée,  s’en  retourna  comme  il  était  venu. 


420 


LE  MAHA-BH ARATA. 


Aussitôt  qu’il  eut  entendu  le  discours  d'Ouloûka,  pour- 
suivit Sandjava,  le  fils  de  Kountl,  Youdhishthira,  de 
sortir  vers  ses  troupes  et  de  mettre  sous  les  ordres  du 
général  Dhrishtadyoumna  l’armée  effrayante,  inébran- 
lable comme  la  terre,  et  divisée  en  ses  quatre  corps  d'in- 
fanterie, d’éléphants,  de  chars  et  d’une  multitude  de 
chevaux,  6,702 — 5,703. 

Défendue  par  Bhtmaséna,  par  Arjouna  et  les  autres 
héros,  marchant  sous  l'empire  de  Dhrishtadyoumna,  inac- 
cessible et  semblable  aux  vagues  ondoyantes  de  la  mer. 

A la  tète  de  cette  armée,  le  héros  Pàntchâlain,  Dhrish- 
tadyoumna, ivre  de  batailles,  nourrissant  le  désir  d’en 
venir  aux  mains  avec  Drona,  entraînait  les  troupes  sur  ses 
pas.  5,704 — 6,705. 

» 11  donnait  ses  ordres,  suivant  la  force,  suivant  l’ar- 
deur, aux  maîtres  de  chars  : il  commanda  Arjouna  pour  le 
fils  du  cocher,  Bhtma  pour  Douryodhana  ; 5,700. 

Dhrishtakétou  à la  vigueur  infinie  pour  Çalya,  Na- 
koula  pour  Açwatthâman,  Çaivya  pour  Kritavarman. 

11  enjoignit  son  commandement  au  Vrishnide  Youyou- 
dhâna  pour  Salndhava,  il  disposa  Çikhandl  contre  le  géné- 
ral Bhtshma.  5,707 — 5,708. 

Il  établit  Sahadéva  contre  Çakouni,  Tchékitâna  contre 
Çala  et  les  cinq  fils  de  Dra&upadt  contre  les  Trigar- 
tains.  5,700. 

Il  commanda  le  fils  de  Soubhadrà  contre  Vrishaséna; 
il  l’estima  plus  capable  que  le  reste  des  rois,  et  supé- 
rieur dans  les  batailles  au  fils  de  Prilhâ  lui-même.  5,710. 

Quand  il  eut  ainsi  partagé  ses  troupes  individuellement 
et  par  masses,  il  leur  distribua  la  portion  mesurée  par  le 
drona  (?)  6,711. 


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OUDYOGA-PARVA. 


421 

Ensuite  l'habile  généralissime  Dhrishtadyoumna,  au 
grand  arc,  à l'esprit  ferme,  rangea,  suivant  la  règle,  les 
armées  en  bataille.  5,712. 

11  disposa  les  troupes  des  P&ndouides  suivant  les  ordres, 
quelles  avaient  reçus,  et  se  tint,  enflammé  d'ardeur, 
sur  le  champ  de  bataille,  pour  la  victoire  des  fils  de 
Pândou.  5,715. 


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ÉNUMÉRATION  DES  C1ÏARS  ET  DE  LEURS 
COMBATTANTS . 


Dhritarâshtra  dit  : 

« Dans  le  combat,  que  Phâlgouna  avait  promis  pour  la 
mort  de  Bbishma,  que  firent  mes  stupides  fils,  Douryo- 
dhana  et  les  autres  ? 5,714. 

» Je  vois  déjà  tué  dans  le  combat  le  fils  de  la  Gangâ, 
mon  aïeul,  par  le  fils  de  PrtlfiA,  le  solide  archer,  secondé 
par  le  Vasoudévide.  5,715. 

» Que  dit  à ces  paroles  du  Prilhide,  l'héroïque  Bhtebma 
à la  science  infinie,  et  le  plus  grand  des  combattants  ? 

» Que  fit  celui,  qui  porte  le  timon  de  la  chose  des  Kou- 
rouides,  le  fils  de  la  Gângâ,  à l'intelligence,  au  courage 
sans  mesure,  une  fois  qu'il  eut  obtenu  le  généralat?  » 

6,716—5,717. 

Vaiçampâyana  répondit  : 

Ensuite,  Sandjaya  de  lui  raconter  tout  de  la  manière, 


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OCDYOGA-PARVA.  428 

que  l’avait  dit  le  vieillard  de  Kourou,  Bhtshma  à la  force 
sans  mesure.  6,718. 

« Quand  Bhtshma,  sire,  le  fils  de  Ç&ntanou,  reprit  le 
cocher  du  roi,  eut  reçu  le  généralat,  il  prononça  les  mots 
suivants,  qui  réjouirent  ton  fils:  5,719. 

# Après  que  j’aurai  adressé  l’adoration  à Koumàra,  le 
général  de  l'armée  céleste , qui  tient  une  lance  à sa  main, 
je  deviendrai  aujourd'hui,  sans  nul  doute,  le  général  de 
ton  armée.  5,720. 

» Je  suis  versé  dans  les  choses  des  armées  nombreuses 
et  diverses  ; je  sais  faire  exécuter  ce  qu'ils  doivent 
faire  aux  guerriers  sans  solde  et  aux  guerriers  sala- 
riés. 6,721. 

» Je  connais  parfaitement , aussi  bien  que  Yrihaspati 
lui-même,  puissant  roi,  les  marches,  l’arrivée  des  troupes, 
les  batailles  et  les  haltes.  5,722. 

o Je  sais  les  commencements  humains,  Gandharviques 
et  divins  de  toutes  les  dispositions  d’armées  : par  elles, 
je  répandrai  le  délire  parmi  les  Pàndouides  ; que  l’inquié- 
tude s’en  aille  de  ton  cœur  1 5,723. 

» Je  combattrai  donc  ; je  défendrai  véritablement  ton 
armée,  suivant  les  Traités;  que  le  souci  s’en  aille  de  ton 
cœur!  » 5,724. 

« Les  Asouras  et  les  Dieux  réunis,  puissant  fils  de  la 
Gangâ,  ne  m'inspirent  aucun  efiroi,  lui  répondit  Douryo- 
dhana  ; je  te  dis  cette  vérité.  5,725. 

» A plus  forte  raison,  n’en  éprouvé-je  pas,  quand  tu 
es  l'inabordable  général  de  mon  armée,  quand  Drona,  le 
tigre  des  hommes,  se  réjouit  des  combats  à venir!  5,72<!. 

» La  victoire  est  à moi,  éminents  hommes,  puisque 
vous  êtes  de  mon  parti.  Certes  1 avec  vous,  il  ne  serait 


LE  MAHA-BHARATA. 


m 

pas  difficile  d'acquérir,  ô le  plus  vertueux  des  Rourouides, 
l’empire  même  sur  les  Dieux  ! 5,727. 

» Je  désire  entièrement,  fils  de  Kourou,  connaître  le 
nombre  des  chars  de  l’ennemi  et  celui  des  miens  ; dis- 
moi  aussi  le  nombre  des  guerriers,  qui  combattent  sur  les 
cbars.  5,728. 

» Mon  aïeul  n'ignore  pas  la  force  des  ennemis  et  la 
mienne  ; je  désire  la  connaître  en  même  temps  que  tous 
les  maîtres  de  la  terre.  » 6,729. 

« Écoute,  Indra  des  rois,  l’énumération  des  chars,  qui 
sont  dans  ton  armée,  reprit  Bhlshma  ; sache  donc,  sire, 
fils  de  Gândh&rl,  quels  sont  ces  chars,  et  quels  guerriers 
combattent  sur  les  chars.  5,730. 

» Tu  possèdes  un  nombre  de  chars,  qui  forme  plusieurs 
milliers,  millions  et  centaines  de  millions  : écoute  de  ma 
bouche  quelle  est  cette  force  dans  ton  armée.  5,731. 

» A la  tête  s’avance  ta  majesté,  portée  sur  un  char  ma- 
gnifique, environnée  de  tous  ses  frères  germains,  Douççâ- 
sana  et  les  autres  : chacun  d’eux  est  estimé  valoir  cent 
guerriers.  5,732. 

» Tous,  ils  sont  consommés  dans  les  armes,  ils  sont 
habiles  à pourfendre  et  à couper  ; ils  se  tiennent  sur  le 
plancher  de  leur  char  avec  des  épaules  d’éléphant,  des 
boucliers,  des  épées,  des  traits  barbelés  et  des  massues. 

» Adroits  à conduire  les  chevaux,  à terrasser  l'ennemi, 
experts  dans  le  maniement  des  armes,  ils  ont  la  force  de 
porter  leur  charge  ; ils  sont  habitués  à l'arc  et  à la  flèche-, 
ils  sont  les  disciples  de  Drona  et  de  Kripa  le  Çaradvatide. 

5,733— 6, 73â. 

» Ces  Dhritarâshtrides,  qui  ont  du  cœur,  exaltés  par 
l'ivresse  des  batailles,  et  coupables  d'une  faute  à l'égard 


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OUDYOGA-PARVA.  425 

des  Pàndouides , immoleront  les  Pàntch&lains  dans  le 
combat.  5,735, 

» Et  moi,  le  général  de  toutes  tes  armées,  ô le  plus 
grand  des  Rharatides,  je  paralyserai  le  fils  de  PAndou  et 
je  renvcrsei'ai  les  ennemis.  5,730. 

» Je  ne  puis  dire  les  qualités  de  ma  personne,  je  suis 
connu  de  toi.  Bhodja,  le  plus  grand  de  tous  ceux,  qui  por- 
tent les  armes,  monté  sur  un  char,  revêtu  de  sa  cuirasse; 
conduira,  il  n’y  aucun  doute,  tes  affaires  dans  le  combat 
à la  perfection.  Inaffrontable  à ceux,  qui  connaissent  les 
armes,  maniant  lui-même  des  armes  solides,  envoyant  au 
loin  ses  flèches,  il  immolera  l’armée  de  ccsprinccs,  comme 
Mahéndra  immola  celle  des  Dânavas  eux-mêmes.  J’es- 
time que  Çalya,  le  roi  de  Madra,  est  un  héros  combattant 
sur  un  char.  5,737 — 5,738 — 6,739. 

» Sans  cesse,  il  rivalise  dans  tous  les  combats  avec  le 
Vasoudévide.  Çalya,  le  plus  excellent  des  monarques, 
abandonne  ses  neveux  à ta  colire.  5,740. 

» Il  combattra  les  héros  Pàndouides  dans  la  guerre, 
inondant  les  ennemis  de  ses  flèches,  semblables  aux  vagues 
de  la  mer.  5,741. 

» Le  fils  de  Somadatta,  Bhoûriçravas  au  grand  arc, 
consommé  dans  les  armes  et  ton  cher  ami,  est  le  chef  des 
chefs  de  chars.  6,742. 

» 11  accomplira  un  très-vaste  carnage  de  l’armée  des 
ennemis.  J’esiime  que  le  roi  du  Sindhou,  puissant  mo- 
narque, est  un  héros,  dequi  le  char  en  vaut  deux.  5,743. 

» Ce  char,  le  plus  excellent  des  chars,  combattra  vail- 
lamment dans  la  guerre.  11  fut  très-maltraité,  sire,  parles 
fils  de  Pàndou,  dans  le  rapt  de  Draâupadi.  5,744. 

» Cet  immolateur  des  héros  ennemis  combattra,  se 


426 


LE  MAHA-BHARATÀ. 


rappelant  ses  outrages  : c’est  dans  l’intention  de  ce  com- 
bat, sire,  qu’il  s’est  livré  à une  effrayante  pénitence. 

» Une  grâce  bien  difficile  à obtenir  lui  fut  donnée  pour 
combattre  les  Pândouides.  Cet  éminent  maître  de  chars, 
se  rappelant  ses  griefs,  combattra  les  Pândouides,  mon 
(ils,  sans  ménager  son  existence,  à laquelle  il  est  si  difficile 
de  renoncer.  5,745—5,746 — 5,747. 

» J'estime  que  le  char  du  Rambodjain  est  unique, 
très-adroit.  Son  maître  désire  le  succès  de  ton  affaire  ; il 
agira  de  tout  coeur  dans  le  combat  avec  les  ennemis. 

» Les  Kourouides  verront  dans  la  bataille  éclater, 
comme  celui  d'Indra,  le  courage  de  cet  excellent  maître 
de  char  pour  le  service  de  ta  majesté,  6 le  plus  grand 
des  rois.  5,748 — 5,749. 

» Dans  la  foule  des  chars  de  ce  combattant  à la  fougue 
impétueuse,  la  multitude  des  Kambodjains  sera  pareille, 
grand  roi,  à une  nuée  de  sauterelles.  6,750. 

» Accompagné  d'une  foule  de  chars,  ton  char  noir  â la 
noire  enveloppe  de  mailles,  habitant  de  Mâhishmatl,  fera 
une  vaste  destruction  des  ennemis.  5,751. 

» A cause  d’une  hostilité  déclarée  jadis  à Sahadéva,  il 
combattra  toujours,  auguste  roi,  la  joie  de  Kourou,  pour 
le  service  de  ta  majesté.  5,752. 

» Agissant  de  concert,  Vinda  et  Anouvinda,  les  rois 
d’ Avant!,  excellents  maîtres  de  chars,  à la  vigueur  cons- 
tante, au  courage  ferme,  habiles  dans  les  batailles,  ces 
deux  tigres  des  hommes,  mon  fils,  consumeront  l'armée 
des  ennemis  avec  les  leviers  de  fer,  les  nârâkas,  les  épées, 
les  traits  barbelés  et  les  massues  lancées  de  leurs  mains. 

5,753—5,754. 

» Désireux  de  combats,  ces  deux  monarques,  semblables 


OUDYOGA-PARVA.  427 

à la  mort  elle-même,  se  promèneront,  puissant  roi, 
comme  en  sé  jouant  au  milieu  des  bataillons.  5,755. 

» J’estime  que  les  cinq  frères  Trigarttas  possèdent 
cinq  chars  magnifiques  ; une  inimitié  les  pousse  contre 
les  fils  de  Prithft,  depuis  leur  séjour  dans  la  cité  de 
Viràta.  5,750. 

» Ils  soulèveront  dans  la  bataille  l’armée  des  Prithides 
comme  lesmakaras,  Indra  des  rois,  troublent  la  Gangà  aux 
vagues  émues.  5,757. 

» Ces  cinq  chars,  dont  le  principal  est  Satyaratha, 
combattront  au  champ  d’honneur,  Indra  des  rois,  se 
souvenant  de  leurs  anciens  griefs,  desquels  se  rendirent 
coupables  envers  eux,  sire,  le  Pàndouide  Bhtmaséna,  le 
puîné  d’ Y oudhUhthira,  et  le  guerrier  aux  blancs  cour- 
siers, victorieux  des  plages  de  l’espace.  5,758 — 5,759. 

» Ces  braves,  en  étant  venus  aux  mains  avec  lés  héros 
aux  grands  arcs,  qui  portent  le  timon  de  la  guerre,  immo- 
leront chacun  des  plus  vaillants  kshatryas,  attachés  aux 
Prithidis.  5,760. 

» Ton  fils,  prince,  et  celui  de  Douççàsana,  ces  deux 
tigres  des  hommes,  qui  ne  savent  pas  reculer  dans  les 
combats,  5,761. 

» Jeunes,  légers,  bien  délicats,  issus  de  rois,  instruits 
dans  les  différents  genres  de  batailles  et  surtout  versés 
dans  l'art  de  mener  des  troupes  ; 5,762. 

n Ces  deux  héroïques  chars,  de  qui  le  devoir  du 
kshatrya  fait  la  joie,  les  plus  éminents  des  Kourouides  et 
que  j'estime  les  plus  excellents  des  chars,  accompli- 
ront un  grand  exploit.  5,763. 

» Dandadhâra  est  compté  pour  un  char,  puissant  roi  ; 
défendu  par  son  armée,  il  combattra  le  jour  de  la  bataille. 


428 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Le  roi  de  Koçala,  Vrihadbala,  est  le  plus  grand  des 
chars;  je  le  compte,  mon  fils,  pour  un  char  à la  grande 
vaillance,  à la  grande  rapidité.  5,764 — 5,765. 

» Ce  héros  aux  armes  terribles,  qui  trouve  son  plaisir 
dans  le  bien  du  Dhritarâshtride,  combattra  dans  cette 
journée  et  remplira  de  joie  le  cœur  de  ses  parents.  5,766. 

d Kripa,  le  chef  des  chefs  d'une  multitude  de  chars, 
ayant  fait  le  sacrifice  de  sa  vie  bien  aimée,  sire,  consu- 
mera les  ennemis  de  ta  majesté,  qui  semble  se  défier 
d’elle-même.  5,767. 

» Invincible  comme  Kârttikéya,  il  est  (1)  le  fils  du 
maharshi  Gotamide,  l'instituteur  spirituel,  et  d’une  touffe 
de  çaras  ; d'où  lui  vint  son  nom  de  Çaradvatide.  5,768. 

» Il  se  promènera  dans  la  bataille,  incendiant  comme 
le  feu,  mon  fils,  ces  armées  si  nombreuses,  aux  arcs  dif- 
férents, aux  armes  diverses.  5,769. 

» Çakouni  est  ton  oncle  ; c’est  un  char , sonverain  des 
hommes;  il  a engagé  une  hostilité  avec  les  Pàndouides; 
il  combattra,  il  n'y  a là  aucun  doute.  5,770. 

» L’armée  inaffronlable  de  ce  héros,  qui  marche  dans 
la  bataille  à la  rencontre  de  l'ennemi,  est  très-formidable 
par  ses  armes  diverses  ; elle  est  égale  par  sa  vitesse  à la 
rapidité  du  vent.  5,771. 

» Le  fils  de  Drona  au  grand  arc,  au  grand  char,  aux 
flèches  solides,  est  dans  le  combat  un  héros  supérieur  à 
tous  les  archers.  5,772. 

» Les  traits  lancés  par  son  arc,  volent,  enchaînés  l’un 
à l’autre,  puissant  roi,  comme  ceux  de  l’archer,  qui  tient 
le  Gàndlva.  5,77S. 

(1)  U était,  dit  la  lettre  ; c'est  un  vers,  qui  de  la  glose  s’est  peut-être 
glissé  dans  le  texte. 


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OUDYOGA-PARVA. 


42» 


n Le  nombre  en  échappe  à ma  science  ! Ce  vaillant 
héros,  le  plus  excellent  des  chars,  pourrait  même,  s’il 
voulait,  incendier  les  trois  mondes.  5,774. 

» line  pénitence,  habitante  de  l’hermitage,  soutient  sa 
colère  et  sa  splendeur  ; Drona  lui-même  a favorisé  des 
astras  célestes  ce  mortel  à la  noble  intelligence.  5,775. 

» Mais  un  défaut  grand,  unique,  m’empêche,  ô le  plus 
éminent  des  Bharatides,  de  regarder  ce  char  et  le  guer- 
rier, qui  combat  sur  le  char,  comme  le  plus  excellent  des 
rois.  5,776. 

» La  vie  est  aimée  à l’excès  par  ce  bralmie  ; l’existence 
lui  fut  toujours  chère  : qui  que  ce  soit  n’est,  assurément, 
pas  son  égal  dans  les  deux  armées!  5,777. 

» Sans  autre  appui  que  son  char,  ce  beau  guerrier 
tuerait  l’armée  des  Dieux  mêmes  ; il  fendrait  les  mon- 
tagnes au  bruit  éclos  à la  surlace  de  sa  corde.  5,778. 

u C’est  un  héros  de  qualités  incalculables  ; c’est  un 
destructeur  à l'insoutenable  lumière.  Il  se  promènera 
dans  tes  armées  ennemies , comme  la  Mortelle-même,  sa 
massue  à la  main.  6,779. 

» Sinliagrtva  à la  grande  lumière,  égal  dans  sa  colère 
au  feu,  qui  éclate  à la  fin  d’un  youga,  sera  le  pacificateur 
de  la  fin  du  combat.  5,780. 

» Environné  de  splendeur,  son  vieux  père,  meilleur 
que  les  jeunes,  accomplira  dans  la  bataille  un  admirable 
exploit  : il  n’y  a point  là  de  doute  pour  moi.  5,781. 

i Ferme  dans  le  combat,  il  consumera  l’armée  du  fils 
de  Pàndou  par  la  vitesse  de  ses  flèches,  qui,  telles  que  le 
vent  de  la  tempête,  renversera  ses  troupes,  comme  le  feu 
allumé  dévore  les  bois  d’une  forêt  incendiée.  5,782. 

» Ce  mortel  éminent,  ce  général,  qui  commande  à des 


à 30 


LE  MAHA-BHARATA. 


foules  de  généraux,  ce  fils  de  Bharadwàdja,  il  exécutera 
un  grand  exploit,  utile  pour  ta  majesté.  5,783. 

» L’Atchârya,  ce  vieux  gourou,  ira  donner  la  mort  à 
tous  les  Srindjavas  au  front  consacré  ; mais  Dhanandjaya 
est  son  ami.  5,784. 

» Jamais  l' Atchàrya  ne  tuera  le  Prithide  aux  travaux 
infatigables  et  jamais  celui-ci  n’immolera  l’ Atchàrya 
flamboyant,  se  rappelant  qu’il  est  une  création  des  ver- 
tus. 5,785. 

» Car  le  Bharadwàdjide  se  glorifie  sans  cesse  des  nom- 
breuses qualités  du  fils  de  Prithà,  et  le  considère  même 
comme  supérieur  à son  fils.  6,786. 

» Sans  autre  aide  que  son  char,  cette  auguste  personne 
détruirait  même  avec  ses  astras  célestes  l’armée  des 
hommes,  des  Gandharvaset  des  Dieux,  rassemblés  contre 
lui  dans  un  seul  corps.  5,787. 

» J’estime  que  Paâurava  au  grand  char,  le  tigre  des 
rois,  sire,  est  pour  toi  un  noble  char,  le  fléau  des  chars 
des  héros  ennemis.  5,788. 

» Incendiant  les  divisions  rivales  par  sa  grande  armée, 
il  consumera  les  Pàntchàlains,  comme  le  feu  dévore  une 
forêt.  5,789. 

# Le  fils  de  roi,  Satyaçravas  à la  grande  force  est  en- 
core un  char  : il  se  promènera  comme  la  mort,  sire,  au 
milieu  de  tes  ennemis.  5,790. 

» Ses  guerriers,  Indra  des  rois,  ont  des  armes  variées 
et  des  cuirasses  diverses  ; ils  circuleront  sur  le  champ  de 
bataille,  immolant  tes  ennemis.  5,791. 

» Le  héros  Vrishaséna,  le  fils  de  Karna,  est  pour  toi 
un  principal  char  ; le  plus  fort  des  hommes  forts,  il  con- 
sumera l’armée  de  tes  rivaux.  5,792. 


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OU  DYOGA-PAU  V A. 


431 


» Djarasandha  à la  grande  splendeur  est  pour  toi  le 
plus  excellent  des  chars  ; cet  autre  Màdhava,  immolateur 
des  chars  ennemis,  combattra  sans  ménager  sa  vie. 

» Guerrier  habile  aux  longs  bras , il  fera  la  guerre, 
monté  sur  les  épaules  d’un  éléphant  ou  sur  un  char,  abat- 
tant sur  le  champ  du  combat  les  armées  rivales. 

5,793—5,704. 

n Je  l'estime  un  char,  mahàrâdja,  ô toi,  le  plus  grand 
des  rois  ; il  fera,  lui  et  son  armée,  le  sacrifice  de  sa  vie 
pour  toi  dans  cette  vaste  bataille.  5,795. 

» Vaillant  héros , habitué  à des  armes  variées , il 
combattra  sans  crainte,  sire,  avec  les  ennemis.  5,796. 

» Vâhllka,  qui,  monté  sur  un  char,  ne  sait  pas  reculer 
dans  les  combats,  est  estimé  par  moi , sire , un  héros 
égal  à Yarna  dans  les  batailles.  5,797. 

» l’ne  fois  entré  sur  un  champ  de  bataille,  il  est 
comme  le  vent  et  ne  revient  jamais  sur  ses  pas  ; il  immo- 
lera, sire,  les  ennemis  dans  le  combat.  5,798. 

» Le  général  au  grand  char,  Satvavat,  est  dans  ton 
parti,  grand  roi,  un  maître  de  char  aux  actions  merveil- 
leuses dans  les  batailles,  et  la  mort  des  chars  de  l'en- 
nemi. 5,799. 

» Quand  on  a vu  ses  combats,  on  ne  sent  plus  jamais 
le  trouble  de  l'esprit  : il  s’élance,  en  souriant,  sur  les 
ennemis,  qui  se  tiennent  dans  la  route  de  son  char. 

» G' est  lui,  ce  héros,  le  plus  grand  des  mortels,  qui 
pour  toi  dans  la  mêlée  exécutera  sur  les  ennemis  un  bien 
vaste  exploit,  accoutumé  des  hommes  de  cœur. 

5,800—5,801. 

» Le  héros  Alambousha  est  un  Indra  des  mortels  aux 
œuvres  épouvantables  i et  gardant  le  souvenir  de  ses  an- 


LE  MAH.4-BHARATA. 


4 

432 

demies  inimitiés,  sire,  il  immolera  les  ennemis.  5,802. 

» C'est  un  inagiden,  le  plus  excellent  char  de  toutes 
les  armées  des  Rakshasas  ; il  promènera  dans  la  bataille 
sa  bouillante  haine.  5,803. 

n L’auguste  Uhagadatta,  le  vaillant  souverain  du 
Prâgdjyotisha  et  le  plus  habile  de  ceux,  qui  tiennent  l’ai- 
guillon 4 conduire  un  éléphant,  possède  la  science  des 
chars.  5,804. 

« Jadis  il  y eut,  sire  , entre  lui  et  l’archer  du  Gândiva 
une  bataille,  qui  dura  plusieurs  jours  dans  un  mutuel  désir 
de  la  victoire.  5,805. 

■>  Ensuite,  fils  de  Gândhâri,  honorant  Pâkaçàsana,  son 
ami,  il  conclut  un  traité  avec  le  magnanime  enfant  de 
Prithâ.  5,806. 

» Habile  à se  tenir  sur  les  épaules  d'un  éléphant,  il 
combattra  dans  la  guerre,  tel  qu’ Indra,  le  roi  des  Dieux 
monté  sur  Airâvala.  5,807. 

» Atchala  et  Vrishaka,  deux  frères,  chars  invincibles 
dans  ta  cause,  réunis  pour  battre  les  ennemis  ! 5,808. 

» Ce  sont  deux  tigres  des  hommes  à la  grande  force, 
jeunes,  admirables  à voir,  les  principaux  des  Gûndhâ- 
rains,  livrés  à une  colère  violente  et  remplis  de  vigueur. 

» Ce  héros,  ton  ami  bien-aimé,  sire,  âpre  dans  les 
combats,  et  qui  t'exhorte  continuellement  à cette  guerre 
avec  les  Pàndouides;  5,809 — 5,810. 

» Cet  homme,  qui  se  vante  sans  cesse,  ce  vil  Karna,  le 
fils  du  Soleil,  ton  conseiller,  ton  guide,  ton  ami,  cet  or- 
gueilleux, qui  s’élève  à l’excès,  5,811. 

» Cet  Être  sans  âme,  Karna,  dis-je,  privé  de  sa  cui- 
rasse naturelle,  n'est  pas  un  char,  ni  même  un  guerrier, 
qui  combat  sur  un  char.  5,812. 


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OUDYOGA-PARVA. 


43  3 

» Privé  de  ses  divines  pendeloques,  son  cœur  incline 
toujours  ù la  pitié,  suivant  la  malédiction  de  Râma  et  la 
parole  du  brahme.  5,813. 

» Je  l'estime  donc  un  demi  char  à cause  de  ces  avan- 
tages, dont  il  est  séparé.  Une  fois  qu'il  aura  abordé  Phâl- 
gouna,  il  ne  sortira  pas  vivant  de  ses  mains.  » 5,814. 

Le  meilleur  de  tous  ceux , qui  portent  les  armes , 
I)rona  lui  répondit  : « 11  en  est  ainsi  que  tu  l’as  dit,  car 
la  parole  n’est  jamais  en  vain.  5,815. 

» On  voit  dans  toutes  les  batailles  Karna  orgueilleux 
et  tournant  le  dos.  11  est  tendre  et  négligent;  je  l’estime 
à cause  de  cela  une  moitié  de  char  ! » 5,81(1. 

A ces  mots,  le  fils  adoptif  de  Râdhâ  ouvrit  tout  grands 
ses  yeux  de  colère  ; et,  blessant  Bhlshma  de  ses  paroles, 
comme  avec  un  aiguillon,  il  dit  : 5,817. 

« Ta  me  déchires  ainsi,  mon  aïeul,  à tout  propos,  hai- 
neusement, avec  les  flèches  de  tes  paroles,  moi,  de  qui  la 
vie  fut  toujours  innocente.  5,818. 

» Je  supporte  tout  cela  à cause  de  Douryodhana  ; mais 
tu  parles  de  moi  comme  d’un  lâche  et  tel  qu’on  parlerait 
d’un  homme  abject.  5,819. 

» Que  ton  altesse  elle-même  soit  estimée  par  moi  la 
moitié  d'un  char,  il  n’y  a ici  nul  doute,  et  le  fils  de  la 
Gangâ,  en  C affirmant , ne  dira  point  un  mensonge  aux 
yeux  de  tout  l'univers  (1).  5,820. 

» Tu  ne  cesses  jamais  d’être  l’ennemi  des  Kourouides, 
et  le  roi  ne  s’en  aperçoit  pas.  Qui  certes  ! parmi  les  rois 
aux  généreuses  actions,  nos  égaux,  5,821. 


(1)  Après  une  assez  longue  réflexion,  j'ose  me  décider,  pour  ce  distique 
et  les  deux  suivants,  en  faveur  de  mon  sens  contre  celui  du  commenta- 
teur. 


VI 


28 


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LE  MAHA-BHARATA. 


434 

n S’il  voulait  jeter  la  division  dans  le  combat,  détrui- 
rait ainsi  la  gloire , comme  toi,  qui  veux  produire  mon 
déshonneur  par  la  haine , que  tu  portes  à mes  qualités. 

» On  ue  peut  exprimer  l’héroïsme  du  kshatrya,  ni  par 
les  années,  rejeton  de  Kourou,  ni^par  les  cheveux  blancs, 
ni  par  les  richesses,  ni  par  les  parents,  fi, 822 — 5,823. 

u On  dit  que  les  kshatryas  ont  la  prédominance  de  la 
force  ; les  brahmes  ont  la  prédominance  de  la  sagesse,  les 
valçyas  sont  dits  posséder  la  prédominance  des  richesses, 
les  ço&dras  excellent  par  la  vie  seulement.  5,824. 

» Que  ton  excellence  raconte  d’elle-même,  à son  gré, 
les  chars  et  les  guerriers,  qui  monleut  sur  les  chars  : elle 
établit  sîtus  raison  les  différences  sur  l’amour  et  la  haine, 
dont  elle  est  prévenue.  6,825. 

» Considère  ici  le  bien  comme  il  sied,  Douryodhana 
aux  longs  bras  : abandonne  ce  Bhishma  4 la  nature  mé- 
chante, artisan  de  péchés  contre  toi.  5,828. 

» En  effet,  sire,  les  armées  divisées  ne  sont  pas  faciles 
à réunir.  A peine  sorties  de  la  racine,  beaucoup  déjà  sont 
difficiles;  combien  plus,  tigre  des  hommes,  quand  elles 
se  sont  accrues.  5,827. 

» La  séparation  de  ces  guerriers  en  deux  parties  ar- 
rive-t-elle dans  la  bataille,  fils  de  Bharata,  c’en  est  fait 
alors  de  notre  force  surtout,  sous  nos  yeux  mêmes. 

» Combien  il  y a de  différence  entre  la  science  des 
chars  et  Bhishma  à l’étroite  intelligence!  Moi,  j’aurai  la 
force  d'arrêter  l’armée  des  Pândouides.  5,828 — 5,829. 

» S'ils  m'approchent,  les  fils  de  Pândou,  accompagnés 
des  Pàntchâlains,  s’enfuiront  aux  dix  points  de  l'espace, 
sous  des  coups  certains,  comme  des  taureaux  devant  la 
colère  du  tigre.  5,830. 


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OUDYOGA-PARVA. 


435 


» Quelle  différence  il  existe  entre  Bhîshma  à l'âme 
pusillanime,  poussé  par  la  tnort,  lui,  de  qui  déjà  la  vie 
est  expirée,  et  un  conseil,  une  bataille,  un  carnage  bien 
prononcés!  6,831. 

» Seul,  il  rivalise  sans  cesse  avec  tout  le  monde  ; et  cet 
homme  à la  vue  stérile  n’en  estime  pas  un  autre  que  lui, 
n'importe  quel  qu'il  soit.  5,832. 

» Il  faut  sans  doute  écouter  les  vieillards , — c'est  un 
précepte  des  Traités  de  morale,  — mais  non  ceux,  qui  sont 
tombés  dans  la  décrépitude  : ce  que  j’estime  un  retour  â 
l’enfance.  5,833. 

» Moi  seul,  j'exterminerai  l'armée  des  01s  de  Pàndou; 
et  la  renommée  viendra  couronner  Bhîshma  dans  sa  belle 
paix.  5,834. 

» Tu  as  fait  Bhîshma  le  général  de  tes  armées,  sou- 
verain des  hommes;  mais,  tant  qu’il  exercera  ce  comman- 
dement, la  gloire  ne  viendra  jamais  à ses  combattants. 

» Jamais,  sire,  je  ne  combattrai,  tant  que  le  fils  de  la 
Gangà  respirera  l'air  du  ciel;  mais,  Bhîshma  une  fois 
abattu,  je  combattrai  avec  tous  les  héros.  » 5,835-5,830. 

Bhîshma  de  lui  répondre  : 

u La  guerre  du  Dhritaràshtride  lève  pour  moi  une  bien 
lourde  charge , semblable  à la  mer  et  qui  occupe  ma 
pensée  depuis  un  grand  nombre  d'années.  5,837. 

» Voici  le  temps  arrivé  de  cette  guerre  épouvantable, 
où  je  ne  dois  pas  causer  de  stériles  divisions  : c’est  pour 
cela  que  tu  vis,  enfant  du  cocher.  5,838. 

» Oui,  tout  vieillard  que  je  suis , et  tout  jeune  homme 
que  tu  es,  déployant  aujourd’hui  ma  valeur,  je  ne  briserai 
pas,  fils  du  cocher,  l'espérance  de  ta  vie,  si  pleine  de  foi 
dans  le  combat.  5,839. 


LE  MAHA-BHARATA. 


A 36 

» Les  grandes  flèches,  que  lançait  Ràma,  le  fils  de  Dja- 
madagni,  ne  [lurent  jeler  en  moi  la  moindre  peur  ; que 
pourras-tu  donc  me  faire,  toi?  5,840. 

» La  jactance  de  sa  force  est  une  chose,  que  les  gens  de 
bien  ne  louent  pas.  volontiers.  Consumé  de  chagrin,  je 
vais  te  parler  suivant  la  vérité,  homme  vil,  opprobre  de  ta 
race.  5,841. 

» J'ai  vaincu  avec  un  seul  char  tuus  les  princes  ksha- 
tryas  rassemblés  pour  le  swayamvara  du  roi  deKâçi,  et  j’ai 
rapidement  enlevé  la  jeune  vierge.  5,842. 

n Moi,  sans  compagnon,  je  couchai  morts  par  milliers, 
sur  le  champ  de  bataille,  ces  guerrière  de  telle  sorte  émi- 
nents, accompagnés  de  leurs  armées.  5,843. 

» Quand  les  Kouruuides  s’allièrent  avec  toi,  homme  de 
haine,  ils  firent  un  acte  d’une  profonde  impolitique! 
Déploie  tes  efforts  pour  la  perte  des  ennemis;  sois  un 
homme  de  coeur.  5,844. 

» Combats  ce  Prithide,  avec  lequel  tu  rivalises!  Te 
verrai-je,  insensé,  sortir  vivant  de  cette  bataille  ? » 

Ensuite, Tauguste  roi,  fils  de  Dhriiarâshtra,  dit  ces 
mots  : « Regarde-moi,  fils  de  laGangâ;  car  il  s’agit  d’exé- 
cuter une  immense  entreprise  ! 5,845 — 5,846. 

» Qu’yn  y pense  attentivement  : c’est  mon  plus  grand 
bonheur.  Vos  deux  excellences  accompliront  ma  grande 
affaire.  5,847. 

» Je  désire  encore  savoir  quels  sont  les  plus  excellents 
chars  des  autres , les  guerriers,  qui  combattent  sur  les 
chars,  et  ceux,  qui  commandent  4 des  foules  de  chars. 

» Je  veux  apprendre,  fils  de  Kourou,  le  fort  et  le  faible 
de  l'ennemi  ; car.  aussitôt  que  la  lumière  aura  succédé  4 
la  nuit,  cette  bataille  sera  livrée.  » 5,848 — 5,849. 


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OUDYOGA-PARVA. 


A 37 


o Je  t'ai  raconté,  sire,  quels  sont  tes  chars  et  les  guer- 
riers, qui  combattent  sur  les  chars,  lui  répondit  Bhlshma; 
écoute  maintenant  quels  sont  les  demi-chars  des  Pàn- 
douides.  5,860. 

» Écoute  le  nombre  de  leurs  chars  avec  les  noms  de  ces 
monarques  de  la  terre,  si  ta  curiosité,  sire,  est  maintenant 
sur  l’armée  des  fils  de  Pàndou.  5,851. 

» Le  roi  même,  fils  de  Pàndou  et  de  Kounti,  se  promè- 
nera sur  son  noble  char  au  milieu  du  combat,  mon  fils, 
tel  que  le  feu  ; il  n’y  a pas  de  doute.  5,852. 

» Mais  Bhtmaséna  est  réputé  un  char  semblable  S huit 
fois  un  autre,  Indra  des  rois.  11  n’existe  pas  un  guerrier, 
qui  lui  soit  égal  dans  le  combat,  soit  avec  la  massue,  soit 
même  avec  les  (lèches.  5,853. 

» Superbe,  il  possède  la  force  d'une  myriade  de  ser- 
pents boas  ; ce  n’est  pas  un  homme  pour  la  vigueur. 
Les  jumeaux  fils  de  Màdrl  sont  deux  maîtres  de  chars. 

■ » Doués  d’énergie,  semblables  aux  Açwins  en  beauté, 

ces  guerriers,  placés  à la  tête  des  armées,  n'ont  pas 
oublié  qu’ils  ont  traîné  la  plus  lourde  infortune. 

5,854—5,855. 

» Ils  se  promèneront  au  milieu  des  tiens  comme  Rou- 
dra  : il  n'y  pas  de  doute  ici  pour  moi.  Tous  ces  magna- 
nimes ont  grandi  comme  des  troncs  de  shorées.  5,856. 

» Ces  vigoureux  fils  de  Pàndou  ont  des  corps  de  lions, 
et  leur  taille  est  supérieure  d'un  empan  à celle  des  antres 
hommes.  5,857. 

» Tous,  ils  sont  des  pénitents,  mon  fils  ; ils  observent 
le  vœu  de  chasteté  ; ces  tigres  des  hommes,  pleins  de 
pudeur,  sont  remplis  de  force  comme  des  tigres.  5,858. 

» Tous,  ils  sont  plus  que  des  hommes  pour  la  rapidité. 


438 


Llî  MAHA-BHARATA. 


la  force  des  coups  et  le  combat  ; tous,  ils  ont  vaincu  les 
rois  de  la  terre,  éminent  Bharatide,  dans  leur  victoire  sur 
le  monde.  5,859. 

» Quels  que  soient  les  hommes,  ils  ne  peuvent  sup- 
porter leurs  armes,  fils  de  Kourou,  ni  les  massues,  ni 
les  flèches,  ni  de  leur  faire  mettre  jamais  des  cordes  à 
leurs  arcs,  5,860. 

» Ni  de  les  voir  lever  les  pesantes  massues,  disperser 
des  flèches  sur  le  champ  de  bataille,  ou  courir  avec  rapi- 
dité, ou  frapper  des  coups  sur  un  but,  ou  lancer  un  trait 
oblique,  ou  traîner  un  ennemi  dans  la  poussière.  5,661. 

» Toutes  vos  grandeurs  furent  déjà  vaincues  par  eux,  à 
peine  dans  l'enfance.  Une  fois  la  bataille  engagée,  tous, 
pleins  de  force,  ils  se  battront  dans  le  combat.  Qu'une 
rencontre  ne  te  mêle  jamais  avec  eux  ! Individuellement, 
chacun  d’eux  pourrait  écraser  tous  les  rois  en  bataille. 

5,862—5,863. 

» Sans  perdre  le  souvenir  des  paroles  outrageantes, 
qu’on  leur  adressa  pendant  le  jeu,  ni  des  infortunes,  qui 
ont  environné  Draàupadt,  comme  il  est  arrivé  dans  le 
râdjasoûva,  que  tu  fis  célébrer  en  ta  présence,  ils  se  pro- 
mèneront dans  le  combat,  semblables  au  Dieu  del’extermi- 
nalion.  Goudàkéça  aux  yeux  de  sang  a pour  compagnon 
le  Vasoudévide.  6,864 — 5,865. 

» 11  n’existe  pas  dans  les  deux  armées  un  vaillant  chat- 
égal  à lui.  Je  n’ai  pas  ouï  dire  avant  qu’il  ait  existé  ou 
qu’il  existera  jamais  un  char  quelconque  pareil,  soit  cher 
les  Dieux,  soit  chez  les  enfants  de  Manou,  soit  parmi  les 
Rakshasas  ou  les  Yakshas,  encore  moins  parmi  les  hom- 
mes. 5,866 — 5,867. 

» Le  char  des  sages  fils  de  Prithà  est  muni  de  toutes  les 


OUDYOGA-PARVA. 


430 


armes  j il  a pourcocher  le  Vasoudévide  et  pour  combattant 
Dhanandjaya.  5,868. 

» Il  possède  le  Gândlva,  arc  céleste,  des  chevaux  ra- 
pides comme  le  vent,  une  cuirasse  divine,  imbrisable,  et 
deux  grands  carquois  indestructibles,  5,860. 

a Des  multitudes  d'astras,  celui  de  Mahéndra,  celui  de 
itoudra,  de  Kouvéra,  d'Yama  et  de  Varouna  même,  des 
massues,  qui  vous  font  voir  des  choses  terribles,  5,870. 

» Des  foudres  et  le  reste,  beaucoup  de  traits  capitaux, 
avec  lesquels,  monté  sur  uu  seul  char,  il  tua  des  milliers 
de  Dànavas,  habitants  la  Ville-d’ür.  Quel  char  est  son 
égal  ? Cet  homme  fier,  vigoureux,  aux  longs  bras,  de  qui 
la  vaillance  est  une  vérité,  pourrait  immoler  ton  armée  ! 
L’Atchàrya  et  moi,  veillant  à la  défense  de  tes  divisions, 
nous  affronterons  ce  terrible  Dhanandjaya. 

5,871—5,872—5,878. 

» Mais  il  D’est  pas,  fût-ce  même  dans  les  deux  armées, 
un  troisième  maître  de  char,  India  des  rois,  qui  ose  bra- 
ver ce  héros,  versant  des  pluies  de  flèches.  5,874. 

» Il  ressemble  au  nuage,  qu’uu  vent  orageux  précipite 
à la  fin  de  l'été.  Secondé  par  le  Vasoudévide  et  muni  de 
toutes  les  armes,  le  fils  de  Kountl  est  jeune,  adroit,  et 
nous  deux,  Drona  et  moi,  nous  sommes  vieux  ! » 

5,876—6,876. 

A ce  discours  de  Bhishma,  les  bras  jaunes,  ornés  de 
sandal,  parés  de  bracelets  d’or,  tombèrent  à tous  les 
rois  ; 5,877. 

Et  leur  âme  se  rappela  soudain  l'ancienne  vigueur  des 
Pâudouides,  comme  s'ils  la  voyaient  présente  devant  leurs 
yeux.  5,878. 

< Tous  les  cinq  époux  de  Dra&upadi  sont  de  grands 


440 


LE  MAHA-BHARATA. 


chars,  auguste  roi,  poursuivit  Bhlshma,  et  j'estime 
qu'Outtara,  fils  de  Virâta,  est  un  généreux  char.  5,879. 

» Abhiinanvou  aux  longs  bras,  l’iiumolateur  des  en- 
nemis, le  général  des  généraux,  est  égal  dans  le  combat 
au  fils  de  Prithà  et  au  Vasoudévide.  5,880. 

» Héros  aux  flèches  légères,  sage  aux  vœux  inébran- 
lables, il  s'avancera  avec  audace,  se  rappelant  de  quelles 
infortunes  son  père  fut  abreuvé.  5,881. 

» Le  brave  Sàtyaki,  le  compagnon  de  Mâdhava,  le  chef 
des  chefs  de  chars,  a vaincu  la  crainte  en  lui-même;  c’est 
le  plus  impétueux  des  héros  Vrishnides.  5,882. 

» Ce  héros  d'une  force  supérieure  est  estimé  par  moi, 
sire,  un  généreux  char;  j’estime  aussi  un  généreux  char, 
le  vaillant  Youdàmanyou.  5,883. 

» Ils  ont  plusieurs  milliers  de  chars,  de  chevaux  et 
d’éléphants.  Ils  combattront,  sans  ménager  leur  vie,  par 
le  désir  de  faire  une  chose  agréable  au  fils  de  Kounlt, 
s’adressant,  Indra  des  rois,  comme  le  feu  et  le  vent,  de 
mutuelles  provocations  au  combat  de  tes  armées,  Bhara- 
tide,  avec  les  fils  de  Pàndou.  5,884 — 5,885. 

» Deux  vieillards  invincibles  dans  les  combats,  hommes 
éminents  aux  vastes  forces,  Droupada  et  Virâta,  sont  esti- 
més par  moi  de  grands  chars.  5,880. 

s Tous  deux,  vieillards  par  l’âge,  adonnés  au  devoir 
du  kshatrya,  ils  déploieront  au  plus  haut  point  les  plus 
grands  efforts,  placés  dans  la  route  suivie  par  le  héros. 

» Ces  princes  aux  nobles  vœux,  chez  qui  la  force  est 
nouée  à l'amour,  tignaleront  leur  vait/anre  avec  leur  fa- 
mille, parce  que  la  lorce  est  la  mère  du  courage. 

5,887—5,888. 

» Car  tous  les  hommes,  quelque  forts  soient-ils,  une 


OUDYOGA-PARVA. 


441 


fois  qu'ils  sont  tombés  sous  l’influence  d'une  cause,  de- 
viennent, taureau  des  Kourouides,  ou  héros  ou  lâches. 

» Ces  deux  princes  aux  arcs  solides,  réunis  dans  une 
pensée  attentive,  faisant  le  sacrifice  de  leur  vie,  jèteront 
ensuite  de  toutes  leurs  forces,  vexateur  des  enneuiis,  le 
trouble  au  milieu  de  tes  années.  5,889 — 5,890. 

» A la  tête  chacun  d'une  armée  complète,  ces  deux 
héros,  terribles  dans  la  bataille,  observateurs  des  senti  » 
meuts  de  la  famille,  accompliront  une  œuvre  immense. 

» Oui  ! Bharatide,  ils  exécuteront  une  chose  immense, 
ces  héros  du  monde,  ces  guerriers  aux  grands  arcs,  qui, 
ayant  abandonné  la  vie,  se  montreront  dignes  de  la  con- 
fiance! 5,891 — 5,892. 

» Le  fils  du  roi  des  Pàntchâlaius,  Çikhandi,  le  vain- 
queur des  cités  ennemies,  est  estimé  par  moi,  sire,  un  des 
principaux  char3  du  fils  de  Prithâ.  5,893. 

» 11  livrera  bataille,  ne  montrant  plus  son  état  de 
femme  précédent,  et  multipliant  sa  vaste  gloire  au  milieu 
de  tes  armées.  5,894. 

» Ses  troupes  sont  nombreuses  ; ses  nobles  Pàntchà- 
lains  sont  en  grand  nombre;  il  accomplira  une  œuvre  im- 
mense avec  une  multitude  de  chars.  5,895. 

» J’estime  un  grand  char  au  milieu  de  toutes  les  ar- 
mées, Bharatide,  l’élève  de  Drona,  le  général  Dhrishta- 
dyoumna,  qui  fait  la  guerre  sur  un  char.  5,89<3. 

» Il  combattra,  immolant  ses  ennemis  sur  le  champ  de 
bataille,  comme  l'adorable  Dieu  à l'arc  Pinâka  dans  sa 
colère  à la  fin  d’un  youga.  5,897. 

» Ceux,  qui  aiment  les  combats,  racontent  son  armée 
de  chars,  que  la  multitude  rend  semblable  aux  vagues  de 
la  mer,  comme  dans  la  guerre  des  Dieux.  6, $98. 


LE  M AH  A- BHARATA. 


442 

» Kshattradharman,  le  fils  de  Dhrishtadyoumna,  est 
réputé  par  moi,  sire,  Indra,  des  rois,  un  demi-char  ; car 
l’enfance  n’a  pu  encore  lui  enseigner  à bien  supporter  la 
fatigue.  5,890. 

» Le  vaillant  roi  de  Tchédi,  fils  de  Çiçoupâla,  est  un 
grand  char  : c’est  Dhrishtakétou  au  grand  arc,  le  parent 
du  fils  de  Prithâ.  5,900. 

* » Ce  héros,  le  souverain  de  Tchédi,  combattra  avec 

son  fils,  Bharatide  ; il  accomplira  l’œuvre  immense,  bien 
difficile  des  grands  chars.  5,901. 

» J'estime,  Indra  des  rois,  que  Kshattradiva,  le  vain- 
queur des  cités  ennemies,  le  guerrier,  qui  aime  les  de- 
voirs du  kshatrva,  est  un  char  supérieur  chez  les  Pàu- 
douides.  5,902. 

» Djayama,  Amitaàudja  et  Satyadjit  sont  de  grands 
chars  ; tous  ces  magnanimes  , les  plus  excellents  des 
Pântchâlains,  sont  d’éminents  chars.  5,903. 

u Ils  se  montreront  dans  la  bataille,  furieux  comme 
des  éléphants.  Adja  et  Bhodja,  pleins  de  vaillance  dans 
l’intérêt  des  Pândouides,  sont  aussi  deux  grands  chars. 

» Adroits , remplis  d’un  courage  solide  , livrant  des 
combats  divers  avec  de  légères  flèches,  ces  vigoureux 
guerriers  combattront  de  toutes  leurs  forces  pour  le 
mieux.  5,904 — 5,905. 

« Les  cinq  frères  Katkéyains,  tous  dans  l’ivresse  des 
batailles,  Indra  des  rois,  tous,  arborant  un  drapeau  rouge, 
sont  des  chars  généreux.  6,906. 

» Soukoumâra  de  Kàçi,  un  autre,  qui  est  Nlla,  sire, 
Soûryadatta , Çankha  et  celui , qu'on  appelle  Madi- 
râçwa;  5,907. 

» Tous  ces  guerriers,  qui  portent  les  cicatrices  de  la 


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OUDYOGA-PARVA.  553 

guerre,  qui  tous  connaissent  tous  les  astras,  tous  ces  ma- 
gnanimes sont  estimés  par  moi  des  chars  généreux. 

» J’estime  que  Vârddhakshémi , puissant  roi,  est  un 
grand  char  ; le  prince  Tchitràyoudha  est  encore  à mes 
yeux  un  char  excellent.  5,908 — 5,909. 

» Sàmgrâmaçobhl  et  Tchékitàna,  ferme  dans  la  vérité, 
le  suivant  de  Kirtti , sont  deux  grands  chars  des  Pân- 
douidcs.  5,910. 

» Ces  deux  tigres  des  hommes , Vyâghradatta  et 
Tchandraséna,  Indra  des  rois,  sont  estimés  par  moi  deux 
chars  généreux.  5,911. 

» J'estime  encore  deux  chars  généreux  des  PAndouidcs, 
c’est  indubitable,  (ils  de  Bharata,  Sénavindou  et  le  guer- 
rier, qu’on  nomme  Rrodhahantri.  6,912. 

» Égal  au  Vasoudévide  ou  A Bhiuiaséna , déployant 
son  courage,  sire,  il  combattra  sur  le  champ  de  bataille 
avec  tes  guerriers  mêmes.  5,913. 

» Ce  héros,  qui  peut  se  glorifier  dans  ses  batailles,  doit 
être  estimé  le  plus  excellent  des  chars,  comme  ta  ma- 
jesté pense  que  sont  Druua,  Kripa  et  moi.  5,915. 

» Le  roi  de  Kâçi,  dont  il  faut  se  glorifier,  est  un 
homme  supérieur  aux  flèches  de  la  plus  grande  vitesse;  je 
dois  reconnaître  que  c’est  un  char  avec  une  qualité  prin- 
cipale, victorieux  des  cités  ennemies.  5,915. 

» Le  fils  de  Droupada,  le  jeune  Saiyadjit,  brave  dans 
la  guerre  et  qui  se  vante  de  ses  batailles,  doit  être  estimé 
un  char  ocluple  ou  à huit  qualités.  5,910. 

>>  11  est  parvenu  à égaler  Dhrishtakétou  par  son  adresse 
à combattre  sur  un  char  (1)  ; il  accomplira  une  œuvre 


(1)  Faute  dans  l'édition  de  Calcutta  : atiralha  ttvam,  au  lieu  d'écrire  eu 


4A4  LE  MAHA-BHARATA. 

suprême  par  le  désir  d’assurer  la  gloire  des  Pàndouides. 

» Cet  autre,  Mahâvlrya,  le  roi  du  Pândya,  qui  porte 
l'arc  pour  les  fi  s de  Pândou,  est  dévoué  ; c’est  un  héros  : 
c’est  aussi  un  grand  char.  5,017 — 5,018. 

» Les  Pàndouides  ont  encore  un  grand  char  dans  le 
prince  Vasoudâna  et  dans  Çrénimat,  le  plus  excellent  des 
Kourouides  à l’arc  solide,  aux  longues  flèches.  5,010. 

• » J’estime,  vainqueur  des  cités  ennemies,  que  ces  deux 
guerriers  sont  des  chars  supérieurs.  5,020. 

» Rotchamâna,  puissant  roi,  est  un  grand  char  des  ■ 
Pàndouides;  il  combattra,  semblable  à un  Immortel,  dans 
le  combat  avec  les  armées  des  ennemis.  5,021. 

» Le  héros  à la  grande  force,  aux  grandes  flèches,  le 
vainqueur  des  ennemis,  Kountibhobja,  l’oncle  maternel 
de  Bhlmaséna,  je  l’estime  un  char  supérieur.  5,922. 

» Ce  guerrier  vaillant,  adroit,  habile,  puissant,  propre 
à des  combats  divers,  je  l'estime  le  plus  excellent  des 
chars.  5,923. 

» Déployant  sa  valeur,  il  combattra  comme  Maghavat 
avec  les  Dànavas;  ceux,  qu’on  appelle  ses  guerriers,  sont 
tous  instruits  dans  les  choses  des  combats.  5,924. 

» Ferme,  trouvant  sa  joie  dans  le  bien  et  le  plaisir  des 
Pàndouides,  ce  héros  accomplira  dans  la  bataille  une 
œuvre  immense  pour  les  fils  de  sa  sœur.  5,92.). 

» Le  souverain  des  Rakshasas,  fils  de  Bhlmaséna  et 
d'Hidimbâ,  ce  grand  magicien  est  estimé  par  moi  le  chef 
des  chefs  de  chars.  5,920. 

> Ami  des  combats,  cet  enchanteur,  il  combattra  dans 

un  seul  mot  : nliralhatu'am.  La  première  leçon  embarrasse  ; c'est 
pourquoi  nous  l'avons  notée  ici  : l'édition  de  Bombay  oc  sépare  aucun  de* 
mots  du  texte. 


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OUDYOGA-PARVA. 


445 

la  bataille,  mon  fils,  accompagné  des  héros  Rakshasas, 
qui,  ses  conseillers,  marchent  sous  sa  volonté.  5,927. 

» Ces  monarques  et  d'autres  en  grand  nombre,  maîtres 
de  contrées  diverses,  rassemblés  pour  la  cause  des  Pàn- 
douides,  ont  à leur  tête  le  fils  de  Vasoudéva.  5,928. 

» Ces  chars,  ces  guerriers,  qui  combattent  sur  des 
chars,  et  d’autres,  sire,  qui  sont  demi-chars  seulement, 
reconnaissent  lasuprématie  du  magnanime  fils  de  Pàndou. 

» Ils  conduiront  dans  la  bataille,  prince,  l'épouvan- 
table armée  d' Youdhishthira,  défendue  par  le  héros  Ki- 
rîti,  comme  par  un  autre  Mahéndra.  5,929 — 5,930. 

» Cherchant  dans  la  bataille  la  victoire  ou  la  mort,  je 
combattrai,  vaillant  prince,  dans  la  plaine  du  combat 
avec  ces  enchanteurs,  qu’enflamme  le  désir  de  la  vic- 
toire. 5,931. 

» Je  combattrai  le  Vasoudévide  et  le  fils  de  Kountî, 
armés,  celui-ci  du  Gândiva,  celui-là  du  tchakra!  Ces 
deux  excellents  chars,  ils  combattront,  tels  que  le  soleil  et 
la  lune,  parvenus  à l’heure  du  crépuscule.  5,932. 

» Ces  guerriers  du  fils  de  Pàndou  en  sont  les  généreux 
chars  : je  marcherai,  au  front  de  la  bataille,  contre  eux, 
environnés  de  leurs  armées.  5,933. 

» Voilà  que  je  t’ai  raconté,  suivant  leur  éminence, 
Indra  des  Kourouides,  quels  sont  les  chars,  les  guerriers, 
qui  combattent  sur  les  chars,  et  ceux,  quels  qu’ils  soient, 
prince,  qui  sont  des  moitiés  de  chars  seulement.  5,934, 

» J’empêi  herai,  tant  que  mes  yeux  verront  la  lumière 
du  jour,  Bharatide,  Arjouna,  le  Vasoudévide  et  tous  les 
autres  souverains,  qui  sont  dans  leur  armée.  5,935. 

» Mais  je  ne  tuerai  pas,  guerrier  aux  longs  bras,  Çi- 
kandt  le  Pàntchâlain , si  je  le  vois  sur  le  champ  de 


446  LE  MAHA-BHARATA. 

bataille  combattre,  la  flèche  levée  contre  nous.  5,936. 

» 11  est  connu  de  l’univers;  on  sait  que  je  suis  obser- 
vateur du  vœu  de  continence,  et  que  j’abandonnai , par 
le  désir  de  faire  une  chose  agréable  à mon  père,  le  royaume, 
que  l'héritage  m’avait  apporté.  5,937. 

» Je  fis  inaugurer  Tchitrângada  sur  le  trône  des  Kou- 
rouides,  et  Vitchitravirya,  son  frère  plus  jeune,  fut,  par 
mes  soins,  sacré  comme  le  roi  de  la  jeunesse.  5,933. 

» J’avais  annoncé  sur  la  terre,  au  milieu  de  tous  les 
rois,  ce  vœu,  dont  je  m’étais  lié  avec  les  Dieux.  Je  ne 
tuerai  jamais  une  femme  ; jamais,  je  ne  tuerai  un  homme, 
qui  a commencé  par  être  une  femme.  5,939. 

» Ce  Çikhandî  fut  d’abord  une  femme,  si  la  renommée, 
sire,  a porté  cette  histoire  à tes  oreilles;  jeune  fille  au 
commencement  de  la  vie , il  devint  un  homme;  je  ne  com- 
battrai-pas  contre  lui,  fils  de  Bharata.  5,940. 

» J'immolerai  tous  les  autres  souverains,  qui  oseront 
m’aborder,  éminent  Bharatide,  au  milieu  du  combat,  à 
l’exception,  sire,  des  fils  de  Kounti.  5,941. 


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L’ÉPISODE  D’AMBA. 


« Pourquoi,  ô le  plus  vertueux  des  Bharatides,  reprit 
Douryodhana,  ne  tuerais-tu  pas  ('.ikhandî,  surtout  quand 
tu  vois  ce  scélérat  lever  sa  flèche  dans  les  combats  ? 

» Est-ce  que  jadis  tu  n'as  pas  dit  : « Je  tuerai  1 » aux 
Pàntchèlains,  accompagnés  des  Somakas  ? Explique-moi 
cette  contradiction,  fils  de  la  Gangâ,  mon  aïeul.  » 

6,942—5,943. 

«Écoute  cette  narration,  Douryodhana,  avec  ces 
maîtres  de  la  terre,  lui  répondit  Bhlshma  ; et  tu  sauras 
pourquoi  dans  une  bataille,  où  il  serait  devant  mes  yeux, 
je  ne  donnerais  pas  la  mort  à Çikandt.  6,944. 

» Mon  père  Çàntanou  fut  un  puissant  monarque,  cé- 
lèbre dans  le  monde  : quand  il  eut  rempli  son  temps,  ô 
le  plus  grand  des  Bharatides,  ce  prince  vertueux  suc- 
comba à la  mort.  6,946. 


448 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Moi  alors,  je  respectai  ma  promesse  et  je  sacrai  sur 
le  trône  de  ce  vaste  empire  mon  frère  Tchiirângada.  ‘ 

» Quand  celui-ci  fut  descendu  dans  la  tombe,  je  restai 
fidèle  à cette  promesse,  qu'avait  reçue  Satyavatl  ; et  je 
sacrai,  suivant  la  règle,  Tchitravîrya  comme  souverain. 

5,940—5,947. 

» Élevé  snr  le  trône  par  moi  conformément  à la  loi,  je 
fus  toujours,  Indra  des  rois,  vu  avec  respect  par  ce  ver- 
tueux prince,  plus  jeune  que  son  frire.  5,948. 

» Je  désirai  célébrer  la  cérémonie  de  son  mariage  et 
j’attachai  mon  esprit  sur  la  naissance  de  princesses,  qui 
fussent  en  quelque  sorte  convenables  à son  rang.  5,949. 

n Ce  fut  alors,  guerrier  aux  longs  bras,  que  m’arriva 
la  nouvelle  du  swayamvara  de  trois  jeunes  princesses, 
toutes  incomparables  en  beauté  et  les  filles  du  roi  de 
Kâçi.  5,950. 

» Elles  se  nommaient  : Ambâ,  Ambikâ  et  Ambalikà. 
Tous  les  rois  furent  invités  sur  la  terre  à cette  cérémo- 
nie. 5,951. 

» Ambâ  était  l'alnée  ; sa  naissance  plaçait  Ambikâ  au 
milieu  des  trois  sœurs;  la  plus  jeune  des  princesses,  In- 
dra des  rois,  était  Ambalikâ.  5,952. 

» Je  me  rendis  avec  un  seul  char  à la  ville  du  souve- 
rain de  Kâçi,  et  je  vis  les  trois  jeunes  altesses,  magnifi- 
quement parées,  et  les  rois,  qui  avaient  reçu  les  invita- 
tions du  monarque.  Je  provoquai  au  combat,  roi  de  la 
terre,  tous  les  souverains,  présents  à l'assemblée. 

5,953—5,954. 

» Je  fis  monter  ces  princesses  dans  mon  char,  éminent 
Bharatide,  et,  connaissant  quelles  étaient  le  prix  dn  cou- 
rage, j'y  rnoutai  après  elles  1 5,955. 


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OUDYOGA-PARVA. 


m 


» Je  répétai  mainte  fois  pour  tous  les  rois,  qui  étaient 
là  rassemblés  : « C'est  Bhishma,  le  fils  de  Çântanou,  qui 
enlève  ces  jeunes  princesses  ! 5,956. 

» Tentez  de  tout  votre  pouvoir  les  plus  grands  efforts, 
pour  les  arracher  de  mes  mains  : je  les  ravis  de  force,  en 
dépit  de  vous,  princes,  les  taureaux  du  troupeau  des 
hommes!»  5,957. 

» A ces  mots,  les  rois  de  la  terre  s'élancent,  les  armes 
levées,  et,  excitant  chacun  son  cocher,  ils  crient  avec 
colère  : « Attèle  ! attèle  ! » 5,958. 

» Ces  souverains  de  fondre  sur  moi,  les  armes  hautes, 
les  uns  avec  des  chars,  les  combattants  sur  des  éléphants 
avec  des  proboscidiens,  semblables  à des  élévations  de 
terre,  les  autres  sur  des  chevaux  vigoureux.  5,959. 

» Tous,  ils  m'enferment  de  tous  les  côtés,  roi  des 
hommes,  a ec  une  grande  multitude  de  chars.  6,960. 

» Je  les  écartai  de  toutes  parts  avec  une  pluie  de 
flèches;  et  je  triomphai  même  de  tous  ces  rois,  comme  le 
monarque  des  Dieux  vainquit  les  Dànavas.  5,961. 

» Je  fis  tomber,  en  me  riant,  sous  des  flèches  enflam- 
mées, éminent  Bharatide,  les  drapeaux  divers,  aux  orne- 
ments d’or,  de  ces  rois  fondant  à f envi  sur  moi.  5,962. 

» Dans  ce  combat,  j'abattis  un  à un  sous  mes  flèches 
sur  la  terre  leurs  chevaux,  leurs  éléphants,  les  conduc- 
teurs de  chars.  5,963. 

» Rompus,  mis  en  fuite,  ils  virent  cette  légèreté  de  ma 
main  ; et  moi,  victorieux  des  rois  de  la  terre,  je  revins  à 
Hâstinapoura.  5,964. 

» J'avais  enlevé  ces  nobles  vierges  pour  le  bénéfice  de 
mon  frère,  Bharatide  aux  longs  bras,  et  je  fis  part  de  mon 
exploit  à Satyavatl.  5,965. 
vx 


29 


LE  MAHA-BHAHATA. 


460 

» Je  m'approchai  de  ma  mère,  6 le  plus  excellent  des 
Bharatides,  la  mère  des  héros  ; je  lui  embrassai  les  pieds, 
et  je  dis  ces  mots  à C illuetre  pêcheuse  : 5,960. 

« Ces  vierges  sont  les  tilles  du  souverain  de  Kâçi  ; j'ai 
vaincu  les  rois,  leur e prétendante , et  je  les  ai  enlevées, 
comme  le  prix  de  ma  valeur,  à cause  de  Vitchitravîrya.  » 

» Elle  me  baisa  sur  la  tête,  sire,  et,  les  yeux  noyés  de 
larmes,  Satyavail  joyeuse  me  dit  : « Je  suis  heureuse, 
mon  (ils,  que  tu  aies  remporté  cette  victoire.  » 

» Avec  le  consentement  de  Satyavatl,  le  mariage  est  fixé 
à un  jour  prochain,  et  la  fille  aînée  du  monarque  de  Kâçi 
me  dit  ces  paroles  avec  pudeur  : 5,967 — 5,968 — 5,969. 

« Bhtshma,  tu  es  un  homme  juste,  versé  dans  tous  les 
Traités  de  morale,  écoute  ma  parole  vertueuse  et  daigne 
l’exécuter.  5,970. 

» Le  roi  Çàlva  est  l’époux,  que  j’avais  déjà  choisi  dans 
nia  pensée  ; et  lui-même,  il  m'avait  jadis  en  secret  choi- 
sie pour  son  épouse  à l’insu  de  mon  père.  5,971. 

» Comment  ton  altesse,  Bhlshma,  trangressant  le 
devoir,  me  fera-t-elle  habiter  dans  ton  palais,  toi  surtout, 
qui  es  un  Kourouide,  et  moi,  qui  suis  l’objet  de  l’amour 
d’un  autre.  5,97*2. 

» Ayant  roulé  cette  chose  dans  ta  pensée  mentalement, 
veuille  bien  faire  ici,  éminent  Bharatide  aux  longs  bras, 
ce  qui  est  convenable  à ta  vertu.  5,973. 

» Le  roi  Çàlva  m’attend  évidemment,  sire,  6 le  plus 
vertueux  des  Kourouides,  veuille  donc  me  renvoyer. 

o Étends  sur  moi  ta  pitié , 6 le  plus  vertueux  des 
hommes,  qui  soutiennent  le  devoir.  En  effet,  nous  a dit 
la  renommée,  tu  es  sur  la  terre,  héros  aux  longs  bras, 
l’homme  fidèle  à la  vérité,  » 5,974—5,975. 


OUDYOGA-PARVA. 


451 


n Alors,  je  demandai  la  permission  de  renvoyer  la 
noble  vierge  A l'odorante  Kâli,  aux  ministres,  aux  ritouidjs, 
à l'archi-brahmc;  6,976. 

» Et  je  congédiai , souverain  des  hommes , la  jeune 
Arnlxi,  l’ aînée  des  trois  soeurs.  Elle  profita  de  sa  mise  en 
liberté  pour  s’en  aller  à la  ville  de  Çàlvapati.  5,977. 

» De  vieux  brahmes  veillaient  autour  d'elle  et  sa  nour- 
rice suivait  ses  pas.  Elle  franchit  la  route  et  arriva  enfin 
chez  le  roi.  5,978. 

» Entrée  dans  son  palais,  elle  tint  ce  langage  au  prince 
Çàlva  : » Tu  es  le  but  de  mon  voyage,  guerrier  à la  haute 
sagesse  et  aux  longs  bras.  » 5,979. 

» Celui-ci  répondit  en  riant,  sire  : « Je  ne  veux  pas  de 
toi,  noble  dame,  pour  mon  épouse,  puisque  tu  fus  aupa- 
ravant celle  d’un  autre.  5,980. 

» Retourne-t-en,  illustre  femme,  en  la  présence  du  fils 
de  la  Gangâ  ; je  n’ai  aucun  désir  pour  toi,  qui  as  supporté 
si  patiemment  d'être  enlevée  par  Bhlshma.  5,981. 

» 11  te  fit  la  douce  violence  de  t’emmener  comme  une 
conquête  ; il  t’a  souillée,  dame  à la  haute  intelligence,  ce 
Bhlshma,  qui  a vaincu  les  rois  de  la  terre.  6,982. 

» Je  ne  veux  pas  de  toi,  noble  dame,  pour  mon  épouse, 
puisque  tu  fus  déjà  celle  d’un  autre.  Comment  un  roi  de 
ma  sorte  pourrait-il  faire  entrer  dans  son  palais  une 
femme,  qui  appartint  à autrui?  5,983. 

» Je  connais  le  devoir,  j’ai  commandé  le  respect  envers 
la  femme  des  autres.  Va-t-en,  illustre  dame,  à ta  volonté  : 
ne  laisse  pas  ce  temps  s'écouler  en  vain.  » 5,984. 

» Ambà,  sire,  blessée  par  une  flèche  de  l’Amour,  lui 
fit  cette  réponse  : « Ne  parle,  pas  ainsi,  roi  de  la  terre  ; ja- 
mais, les  choses  ne  furent  de  cette  manière.  5,985. 


462 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Je  ne  ine  laissai  pas  emmener  complaisamment  par 
Blitshma,  ô toi,  qui  traînes  les  cadavres  de  tes  enne- 
mis. 11  m’enleva  de  force,  toute  éplorée,  après  qu’il  eut 
mis  en  fuite  les  monarques  de  la  terre.  5,986. 

•)  Aime-moi,  qui  t’aime,  Çâlvapati,  une  irréprochable 
adolescente.  Certes!  L’abandon  des  personnes  aimées 
n’est  pas  loué  entre  les  vertus.  5,987. 

» J'ai  dit  adieu  au  fils  de  la  Gaugâ,  qui  ne  sait  pas  re- 
culer dans  les  batailles  ; et,  congédiée  par  lui,  je  suis 
promptement  venue  ici.  5,988. 

ii  Rhisltma  aux  longs  bras  n'a  porté  sur  moi  aucun 
désir,  monarque  des  hommes;  son  enlreprise  n’avait  pour 
objet  que  les  intérêts  de  son  frère:  c’est  ce  que  j'ai  ouï 
dire.  5,989. 

■»  Mes  deux  sœurs,  Ambikà  et  Ambalikâ,  furent  emnie 
nées  avec  moi  ; le  fils  de  la  Gangà  les  a données  au  plus 
jeune  de  ses  frères.  5,990. 

>»  Jamais,  je  n’ai  pensé  à un  autre  fiancé  que  toi,  Çâlva- 
pati ; je  louche  ma  tête,  tigre  des  hommes,  en  garantie  de 
cette  vérité.  5,991. 

» Quand  je  suis  venue  vers  toi,  Indra  des  rois,  je  n'ap- 
partenais pas  à un  autre  époux;  c’est  une  vérité,  que  je 
te  dis,  Çalva,  et  je  touche  ma  personne  en  garantie  de 
cette  vérité.  5,992. 

o Aime-moi,  prince  aux  grands  yeux,  moi,  vierge,  qui 
suis  venue  de  ma  volonté,  seule  ici,  qui  n’ai  pas  un  autre 
époux  et  qui  aspire  , Indra  des  rois  , à ta  bienveil- 
lance. » 5,993. 

« Mais  (’.àlva d’abandonner  la  fille  du  souverain  dekàçi, 
qui  tenait  ce  langage,  6 le  plus  grand  des  Bharatides  : 
tel  un  serpent  abandonne  sa  vieille  peau.  5,994. 


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Ol'DYOGA-PARVA. 


453 


» Et,  supplié  ainsi  par  de  nombreux  et  différents  dis- 
cours, le  prince  n'ajouta  pas  foi  aux  paroles  de  la  jeune 
fille.  5,995. 

u La  fille  aînée  du  roi  de  Kâçi,  pénétrée  de  colère, 
dit  alors,  ses  yeux  remplis  de  larmes  et  d'une  voix  mêlée 
à ses  pleurs  : 5,99(5. 

« Rejetée  par  toi,  souverain  des  hommes,  je  m'en  irai 
où  il  me  plaira.  Puissent  là  mes  pas  être  aussi  heureux 
que  la  vérité  est  immortelle.  » 5,997. 

» Çâlvapati  abandonna  la  vierge,  qui  parlait  ainsi,  fils 
de  Kourou,  exhalant  ses  plaintes  d’une  manière  lamen- 
table. 5,5)98. 

s Va-t-en  ! va-t-en  ! » lui  dit- il  à plusieurs  fois;  je 
crains  Bhtshma,  dame  charmante,  et  tu  es  l'épouse  de 
Bhishma!  » 5,999. 

» A ces  mots  de  Çàlva  à la  courte  vue,  elle  sortit,  cons- 
ternée, et  gémissant,  comme  une  pigargue.  0,000. 

» En  sortant  de  la  ville,  elle  roulait,  affligée,  ces  pen- 
sées dans  elle-même  : « 11  n’est  pas  sur  la  terre  une  jeune 
fille  malheureuse  comme  je  le  suis.  6,001. 

» Abandonnée  par  mes  parents,  rejetée  par  Çàlva,  il 
est  impossible  que  je  retourne  dans  la  ville,  qui  tire  son 
nom  de  ses  éléphants.  0,002. 

» Congédiée  par  Bhishma  sur  le  motif  allégué  de 
Çàlva,  ai-je  à blâmer,  ou  moi-mème,  ou  l’inaffron table 
Bhtshma,  0,003. 

u Ou  mon  père  insensé,  qui  célébra  mon  swayam- 
vara?  Suis-je  moi-même  coupable  de  cette  faute,  parce 
que  je  ne  suis  pas  venue  ici  d’abord,  à la  descente  du  char 
de  Bhishma,  donnant  lieu  à une  guerre  effroyable  au  sujet 
de  Çàlva?  Le  fruit  de  son  œuvre  eut  cette  tin,  comme 


LE  MAHA-BHARATA. 


kik 

celle  d’un  insensé,  c'est  que  je  suis  tombée  dans  l’infor- 
tune! 6,00â — 6,005. 

» Honte  à Bhishma!  Honte  à mon  lâche  père  à l’âme 
stupide,  par  qui  je  fus  proposée,  comme  une  courtisane, 
pour  être  le  prix  du  courage  ! 6,006. 

» Honte  à moi!  Honte  au  roi  Çàlva ! Honte  à Brahma 
lui-même  ! Honte  à ceux,  par  la  nature  malapprise  des- 
quels je  suis  tombée  dans  cette  profonde  infortune!  6,007. 

» L’homme  obtient  de  toutes  les  manières  ses  des- 
tinées; mais  Bhishma,  le  fils  de  Çântanou,  est  le  principe 
de  mon  infortune!  6,008. 

» Je  vois  maintenant  de  quelle  façon  il  faut  me  venger 
de  Bhishma  : c'ett,  ou  par  la  pénitence,  ou  par  la  guerre. 
J’estiuie  que  la  cause  de  mon  affliction  est  en  lui.  6,009. 

» Quel  souverain  de  la  terre  pourra  vaincre  Bhishma 
dans  un  combat?  » En  roulant  ces  pensées  dans  elle- 
même,  la  vierge  sortit  de  la  ville.  6,010. 

n Elle  se  rendit  à l'hêrmitage  des  magnanimes  ascètes, 
adonnés  â la  vertu.  Elle  y demeura  une  nuit,  environnée 
des  pénitents.  6,011. 

» La  jeune  fille  au  candide  sourire  de  raconter  cireons- 
tanciellement,  Bharatide  aux  longs  bras,  avec  étendue, 
dans  la  plénitude,  toute  son  histoire  : son  enlèvement,  sa 
délivrance,  le  refus  de  (lâlva.  11  y avait  lâ  un  brahme 
d’un  rang  élevé,  aux  vœux  parfaits.  6,012 — 6,013. 

» (le  solitaire  aux  grandes  mortifications,  nommé  Çai- 
khâvatva,  maître  dans  les  Traités  des  forêts,  dit  à l’ado- 
lescente affligée,  gémissante,  toute  livrée  â sa  douleur  et 
au  chagrin  : « Les  choses  étant  ainsi,  noble  et  vertueuse 
dame,  que  peuvent  y faire  de  magnanimes  pénitents, 
confines  dans  leurs  hermitages,  où  ils  se  livrent  aux  raacé- 


OCDYOGA-PARVA.  455 

rations?  » Elle  de  lui  répondre,  sire  : « Étends  sur  moi 
ta  bienveillance.  6,014 — 6,015 — 6,016. 

» Mon  désir  est  de  mener  la  vie  d'une  religieuse 
errante  pour  mendier  sa  vie;  je  subirai  une  cruelle  péni- 
tence. Insensée,  j'ai  commis  sans  doute  des  actions  cou- 
pables dans  un  corps  précédent,  et  ceci  en  est  le  fruit 
certain.  11  m’est  impassible,  dignes  ascètes,  de  retourner 
chez  mes  parents,  ainsi  rejetée,  sans  joie,  méprisée  même 
par  Çàlva.  Je  désire,  hommes  ^qui  avez  couvert  en  vous 
les  vices  par  la  masse  des  vertus , que  la  vie  ascétique  me 
soit  enseignée  ici  6,017 — 6,018 — 6,019. 

» Par  vous,  qui  êtes  semblables  à des  Dieux  : envi- 
ronnez-moi  de  votre  compassion.  » Le  brahme  de  ras- 
surer la  vierge  par  des  raisons  tirées  des  livres  saints  et 
des  Traités,  de  la  flatter  et  de  lui  promettre,  avec  les  deux 
fois  nés,  l’accomplissement  de  son  désir.  6,020 — 6,021. 

» Alors,  tous  les  ascètes  de  s’engager  dans  cette  affaire; 
et  ces  pieux  anachorètes,  pensant  à la  jeune  fille,  de  se 
demander  : « Que  devons-nous  faire?  » 6,022. 

» Les  uns  dirent  : « Il  faut  la  ramener  dans  le  palais 
de  son  père!  » Les  autres  mirent  leur  idée  sur  les  re- 
proches, que  nous  pouvions  leur  adresser.  6,023. 

» Ceux-ci  pensèrent  : « 11  faut  nous  rendre  vers  Çàl- 
vapati  et  le  pousser  <>  ce  mariage!  » — « Non  ! opinèrent 
ceux-là  ; car  il  l’a  rejetée  ! » 6,024. 

» Tous  les  ascètes  aux  vœux  parfaits  lui  répondirent  : 
« La  chose  étant  ainsi,  noble  dame,  que  peuvent  y faire 
les  doctes  brahmes?  6,025. 

» Il  suffit  que  tu  sois  venue  ici;  écoute,  illustre  vierge, 
notre  parole  utile.  Retourne  d'ici  au  palais  de  ton  père, 
et  que  la  félicité  te  conduise  ! 6,026. 


A 56 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Le  roi  est  ton  père,  il  te  recevra  : aussitôt  après,  tu 
habiteras  là  tranquille,  heureuse  et  douée  de  toutes  les 
vertus.  6,027. 

» Une  femme  n'a  pas  d’autre  chemin  à suivre,  noble 
dame,  que  celui  de  son  père  : la  route  de  la  femme,  émi- 
nente dame,  est  celle  de  son  père  ou  de  son  époux. 

» Un  mari,  c’est  la  voie  de  la  femme  tombée  dans  l’in- 
fortune; ou  son  père  est  cette  voie!  La  vie  errante  du 
religieux  mendiant  est  bien  pénible,  surtout  pour  une  très- 
délicate  jeune  fille.  6,028 — 6,029. 

» De  nombreux  inconvénients,  qui  n’existent  pas  dans 
le  palais  de  ton  père,  brillante  et  noble  dame,  accompa- 
gneraient ton  séjour  dans  un  herraitage,  fille  de  roi,  que 
tu  es,  et  que  la  nature  a faite  si  délicate  ! b Les  autres 
pénitents  tinrent  de  semblables  discours  à la  dévote  jeune 
fille.  6,030—6,031. 

» Les  rois,  qui  la  voyaient  solitaire  dans  cette  forêt 
épaisse  et  sans  hôte,  la  prenaient  comme  l’objet  de  leurs 
désirs,  et  lui  disaient  : « Ne  tourne  pas  ainsi  ton  es- 
prit. b 6,032. 

« Il  m'est  impossible,  répondait-elle,  de  revenir  dans 
la  ville  de  Kâçi  aux  palais  de  mon  père  : j’v  serais  mé- 
prisée de  mes  parents  : il  n’y  a là  aucun  doute.  6,033. 

b J’ai  habité  dans  mon  enfance,  ascètes,  le  palais  de 
mon  père.  Je  n'irai  pas,  s’il  vous  plaît,  là  où  est  mon 
père.  6, OSA. 

b Défendue  par  les  anachorètes,  je  désire  cultiver  lapé- 
nilence,  afin  que,  de  cette  manière,  un  grand  châtiment 
ne  me  soit  pas  réservé  dans  l’autre  monde.  L’infortune 
est  dans  celui-ci  mon  partage,  ô les  plus  vertueux  des  so- 
litaires : je  pratiquerai  donc  la  pénitence,  b 6,035 — 6036. 


OUDYOGA-PARVA. 


457 


» Elle  dit;  et,  tandis  que  ces  brahmes  roulaient  ainsi 
des  pensées  convenables,  le  saint  roi  Hotravâhana  vint 
dans  ce  bois,  conduit  par  sa  dévotion.  6,037. 

i Tous  les  ascètes  d'honorcr  ce  prince  de  leurs  hom- 
mages, en  lui  souhaitant  : « La  bien  venue  ! » en  lui  of- 
frant un  siège,  de  l’eau  et  les  autres  politesses.  6,038. 

» Pendant  qu’il  était  .assis  et  qu'il  se  délassait,  en  prê- 
tant l’oreille  à leurs  discours,  les  habitants  du  bois  se  li- 
vrèrent de  nouveau  à des  récits  sur  la  jeune  fille.  6,039. 

» Quand  il  eut,  Bharatide,  entendu  ces  nouvelles  sur 
Ambâ  et  sur  le  roi  de  Kâçi,  le  saint  roi  à la  grande  éner- 
gie demeura  l’ànie  troublée.  6,040. 

» Dès  qu’il  eut  ouï  parler  et  qu’il  eut  vu  sa  personne, 
le  magnanime  Hotravâhana  aux  vastes  pénitences  fut 
saisi  decompassion.  6,041. 

» Alors,  ce  roi  saint,  l’aïeul  maternel  de  la  jeune  vierge, 
se  lève  en  tremblant  ; il  fait  monter,  sire,  l’adolescente 
dans  son  sein  et  rassure  son  âme.  6,042. 

» 11  interrogea  totalement  la  jeune  fille  sur  l’origine  de 
ses  malheurs  dès  le  principe  ; et  Cinnorente  de  'ui  racon- 
ter son  histoire  avec  étendue.  6,043. 

» Le  saint  roi  fut  pénétré  de  douleur  et  de  chagrin  ; 
l'affaire  toucha  l’àme  de  cet  homme  aux  bien  grandes 
pénitences.  6,044. 

» Il  dit,  en  tremblant,  à la  jeune  fille  malheureuse  et 
profondément  affligée  : n Ne  vas  pas  dans  le  palais  de  ton 
père,  noble  dame  ; car  je  suis  le  père  de  ta  mère,  6,045. 

» Laisse-moi  retrancher  en  toi  ce  membre,  qui  souffre, 
ma  fille  ; habite  chez  moi.  Ton  âme  est  digne  de  ton  rang , 
puisque  tu  sèches  de  cette  douleur.  6,046. 

» Va  trouver  de  ma  part  l’ascète  ltâma,  fils  de  Djama- 


468 


LE  MAHA-BHARATA. 


dagni  ; il  t’enlèvera  ce  chagrin  et  cette  douleur  infinie. 

» Je  tuerai  Bhlshma  en  bataille,  s'il  n'accomplit  point 
ma  parole.  Va  donc  vers  le  plus  vertueux  des  enfants  de 
Bhrigou,  lpi,  de  qui  la  splendeur  est  égale  à celle  du  feu 
de  la  mort  elle-même.  6,047—6,048. 

» Cet  ascète  aux  grandes  pénitences  te  fera  entrer  dans 
une  roule  unie!  » Elle,  d'une  voix  charmante  et  versant 
un  torrent  de  larmes,  6,049. 

» Elle  honora  ses  pieds  en  les  touchant  de  la  tête  et  dit 
au  père  de  sa  mère  : « J’irai  d'après  ton  ordre.  6,050. 

» Puissé-je  donc  aujourd’hui  voir  ce  vénérable,  en  re- 
nommée dans  le  monde  I Comment  un  descendant  de 
Bhrigou  n'étoufïerait-il  pas  ma  douleur  amère  ? 6,051. 

» Je  désire  connaître  ce  personnage  : ainsi  j'irai  chez 
lui.  » 6,052. 

» Hotravàhana  lui  répondit  : 

« Tu  verras  (que  la  félicité  te  conduise  !)  le  fils  de  Dja- 
madagni,  Raina  à la  grande  puissance,  fidèle  à la  vérité, 
dans  la  grande  forêt,  où  il  se  tient,  livré  à une  terrible 
pénitence.  6,053. 

» Ce  rishi,  versé  dans  les  Védas,  est  assis  continuelle- 
ment sur  le  Mahéndra,  la  plus  haute  des  montagnes, 
habitation  de  l’Apsara  et  du  Gandharva.  6,054. 

n Bcnds-toi  dans  ces  lieux,  s’il  te  platt  ; et,  quand  tu 
auras  honoré,  par  le  prosternement  de  tou  front,  cet  ana- 
chorète aux  voeux  solides,  grandi  par  la  pénitence,  répète- 
lui  ce  que  je  t’ai  dit.  6,055. 

» Dis-lui  à plusieurs  fois,  noble  dame,  la  chose,  objet  de 
tes  pensées.  Rima  ne  manquera  point  de  la  faire  entière- 
ment, dès  qu’il  t'aura,  entendu  prononcer  mon  éloge.  6,056. 

« Rima  est  mon  ami,  il  est  plein  d’affection  pour  mai; 


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OU  DY  OG  A-PARV  A. 


45» 

son  cœur,  ma  fille,  est  pour  moi  rempli  de  bienveillance. 
Ce  héros,  fils  de  Djamadagni,  est  le  plus  excellent  de  tous 
ceux,  qui  portent  les  armes.  » (>,057. 

« Tandis  que  le  prince  Hotravàhana  parlait  ainsi  à la 
jeune  fille,  Akritavrana,  le  disciple,  chéri  de  Rima,  se 
manifesta  aux  yeux.  0,058. 

» A sa  vue,  tous  les  anachorètes  de  se  lever  par  mil- 
liers et,  avec  eux,  Hotravàhana  de  la  famille  des  Srin- 
djayas,  chargé  d’années.  6,059. 

» A peine  eurent-ils  vu  que  chacun  d’eux  avait  rem- 
pli à son  égard  les  devoirs  de  l'hospitalité,  les  habitants 
des  bois,  ô le  plus  vertueux  des  Bharatides,  l'environ- 
nèrent de  compagnie  et  s'assirent.  0,000. 

» Ils  se  mirent  ensuite  à raconter  des  narrations  déli- 
cieuses, fortunées,  célestes,  Indra  des  rois,  où  le  plaisir 
et  la  joie  se  mêlaient  à l'affection.  0,061. 

» A la  fin  de  ces  récits,  le  saint  roi,  le  magnanime  Ho- 
travàhana, interrogea  Akritavrana  sur  le  plus  grand  des 
saints,  Ràma  le  Ojamadagnide  : 6,062. 

« Où  est  maintenant,  Akritavrana,  l’auguste  fils  de 
Djamadagni  aux  longs  bras  ? Est-il  possible  de  le  voir,  Ô 
le  plus  grand  des  hommes  versés  dans  les  Védas?  » 

« Ràma,  sire,  parle  continuellement  de  ta  majesté, 
répondit  Akritavrana  : « Le  Srindjava,  ce  saint  roi,  est 
mon  cher  ami  1 » répète-t-il  sans  cesse,  prince. 

6,065—6,064. 

« 11  sera  ici  demain  au  point  du  jour  : c’est  mon  opi- 
nion ; tu  le  verras  venir,  conduit  par-  le  désir  de  te  voir. 

» Pourquoi  cette  jeune  vierge,  ràdjarshi,  est-elle  ve- 
nue au  bois?  A qui  est  celte  jeune  fille?  Est-elle  à toi  ? 
Qui  est-elle  ? je  désire  le  savoir.  » 6,065 — 6,066. 


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460 


LE  MAHA-BHARATA. 


« C'est  ma  petite  fille,  seigneur,  reprit  Botravâhana,  la 
fille  chérie  du  roi  de  Kâçi.  L’ aînée  de  ses  sœurs,  elle  fut 
avecelles,  mortel  sans  péché,  offerte  dans  un  swayamvara. 

» Cette  fille  aînée  du  roi  de  Kâçi  est  nommée 
Ambâ,  homme  riche  en  pénitences;  Ambikâ  et  Amba- 
likà  sont  les  noms  de  ses  deux  cadettes.  6,007 — 0,068. 

» line  réunion  de  princes  kshatryas  eut  lieu  dans  la 
ville,  et  une  grande  fête  de  saints  brahuies  fut  célébrée  à 
l’occasion  des  jeunes  filles.  6,069. 

» Le  fils  de  Çântanou,  Bhishma  à la  grande  force,  à la 
grande  énergie,  méprisa  les  princes  et  ravit  ces  char- 
mantes vierges.  6,070. 

» Quand  il  eut  vaincu  les  rois  de  la  terre,  fils  de  Bha- 
rata (1),  Bhishma  à l'àme  pure  s'en  alla  avec  sa  conquête 
k la  ville,  qui  prend  son  nom  des  éléphants.  6,071. 

» L'auguste  fit  connaître  son  exploit  à Satyavatt  et, 
sans  délai,  il  ordonnale  mariage  de  son  frère  Vitchitra- 
vîrya.  6,072. 

» Aussitôt  qne  cette  vierge,  ô le  plus  vertueux  des 
brahmes,  eut  vu  les  apprêts  du  mariage  dû  aux  fatigues 
fin  vaillant  prince,  elle  dit  ces  mots  au  fils  de  la  Gangâ, 
environné  de  ses  ministres  : 6,073. 

« J'ai  choisi  dans  ma  pensée  Çàlvapati  pour  inon  époux  ; 
tu  ne  peux,  vertueux  héros,  donner  à ton  frère  une 
femme,  de  qui  le  cœur  est  à un  autre.  » 6,074. 

» A ces  mots,  Bhishma  en  délibéra  avec  ses  conseillers 
et,  fidèle  au  sentiment  de  Satvavatl,  il  arrêta  une  résolu- 
tion et  la  congédia.  6,075. 

» Renvoyée  par  Bhishma,  la  jeune  fille  joyeuse  dit  en 

(1)  Il  oublie  qu'il  adrcaee  la  parole  au  brahrac  Akritavraoa. 


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OUDYOGA-PARVA. 


461 


ce  temps  les  paroles  suivantes  à Çàlva,  le  souverain  de 
Saâubhà  : 6,076. 

« Bhishma  m'a  congédiée . Observe  le  devoir  à mon 
égard  ; car  c'est  toi,  excellent  prince,  que  j'ai  choisi  jadis 
pour  mon  époux  dans  ma  pensée.  » 6,077. 

n Çàlva  la  répudia,  craignant  de  se  faire  un  ennemi  ; 
et  cette  jeune  fille  alors  se  retira  dans  le  bois  des  péni- 
tences, où  elle  se  plait  beaucoup  dans  la  vie  ascétique. 

» Elle  fut  reconnue  par  moi  dans  le  récit,  quelle  fit  de 
sa  famille  ; et,  remontant  à l'origine  de  sa  douleur,  elle 
pense  toujours  ici  môme  à Bhishma.  » 6,078 — 6,079. 

« Vénérable,  reprit  Ambà,  il  eu  est  ainsi  que  te  l’a  dit 
ce  monarque  ici  même.  Hotravâhama  le  Srindjaya  est  le 
père  de  ma  mère.  6,080. 

» 11  m’est  impossible  de  retourner  dans  ma  ville,  grand 
anachorète,  opulent  de  pénitences,  et  par  pudeur  et  dans 
la  crainte  du  mépris.  6,081. 

» Mais  ce  que  le  vénérable  Kàma  voudra  bien  me  dire, 
6 le  plus  vertueux  des  brahmes,  c’est  la  principale  chose, 
que  j’aie  à faire  : voilà,  révérend,  quelle  est  mon  opi- 
nion. n -6,082. 

» 11  y a ici  deux  souffrances,  noble  dame,  répondit 
Akritavrana.  De  laquelle  désires-tu  faire  une  vengeance? 
Dis-moi  cela,  femme  chérie.  6,083. 

» Est-ce  du  souverain  de  Saàubhà?ll  faut  réprimer  ton 
sentiment,  noble  dame.  Le  magnanime  Ràma  te  l’ordon- 
nera dans  le  désir  de  ton  bien.  6,084. 

n Désires-tu  que  le  sage  Ràma  châtie  Bhishma , le  fils 
du  fleuve?  Le  rejeton  de  Bhrigou  alors  te  le  fera  voir 
lui-mème  vaincu  dan,  un  combat,  6,085. 

» Aussitôt  qu'il  aura  entendu  les  paroles  du  Srindjaya 


LE  HAHA-BHARATÀ. 


4*2 

« les  tiennes,  femme  au  candide  sourire.  Que  ce  que  tu 
dois  faire  soit  donc  ici  profondément  réfléchi  ! » 0,086. 

« Je  fus  emmenée  par  Bhlshma  sans  discernement,  re- 
prit Arnbâ  ; Bhishma,  révérend  brahrne,  ne  savait  pas  que 
mon  cœur  s’était  donné  à Çàlva.  0,087. 

» Que  ta  sainteté,  ayant  roulé  cela  dans  sa  pensée, 
cherche,  suivant  la  droite  raison,  un  moyen  de  résoudre 
cette  difficulté,  et  inets-le  en  exécution.  6,088. 

u Frappe,  soit  Bhlshma,  le  tigre  des  enfants  de  Kou- 
rou,  soit,  au  contraire,  le  roi  Çàlva,  ou  même  tous  les 
deux  ; fais,  brahme,  ce  qui  est  convenable.  6,089. 

» Je  sais  quelle  est  dans  la  vérité  la  racine  de  ma  dou- 
leur : veuille  bien  faire  ici  de  la  déduction  des  principes, 
révérend,  la  règle  de  ta  conduite.  » 6 090. 

« Elle  sied,  noble  dame,  repartit  Akritavrana,  cette 
parole,  que  tu  as  dite  ici  d'une  manière  si  conforme  au 
devoir  ! Écoute  aussi,  illustre  femme,  cette  parole  de  moi. 

» Si  le  fils  du  fleuve  ne  t’eût  pas  emmenée  à la  ville, 
qui  prend  son  nom  des  éléphants,  Çàlva,  excité  par  le 
Djamadagnide,  t’aurait,  vierge  timide,  reçue,  inclinant  sa 
tète.  6,091  -6,092. 

» Mais,  parce  qu’il  t’a  conquise  et  emmenée,  c’est  de  là 
sans  doute,  noble  dame  à la  taille  élégante,  qu’est  venu 
ce  soupçon,  que  le  roi  Çàlva  a mis  sur  toi  ? 6,093. 

» Blitshma  est  orgueilleux  comme  un  homme  et  la 
vierge  de  Kâçi  fut  sa  conquête  ; c’est  donc  sur  Bhlshma, 
qu’il  te  convient  de  faire  tomber  ta  vengeance.  » 6,09â. 

« Ce  désir,  brahme,  répondit-elle,  s’agite  continuelle- 
ment dans  mon  cœur  : « Si  je  pouvais  faire  tuer  Bhishma 
dans  un  combat  ! » me  dis-je  incessamment.  6,095. 

» Ou  Bhlshma,  ou  le  roi  Çàlva,  ou  celui,  de  qui  tu 


OUDYOGA-PAMA. 


sas 


pense»  que  c'e*t  la  fante  ! Fais-moi  donc  connaître, 
anachorète  à la  grande  puissance,  quel  homme  m'a  rendue 
Si  malheureuse  ! » 6,096. 

» Tandis  qu'ils  s'entretenaient  ainsi,  le  jour  s'écoula,  ô 
le  plus  grand  des  Bharalides  ; et  la  nuit  arriva,  avec  ses 
vents  délicieusement  attiédis.  6,097. 

» Râma  de  se  manifester  alors,  sire,  flamboyant,  pour 
ainsi  dire,  de  splendeur,  anachorète  portant  l'habit  d'é- 
corce et  le  djatâ,  environné  de  ses  disciples.  6,098. 

» L'âme  fière,  tenant  un  arc  dans  sa  main,  ceint  d’un 
cimeterre,  armé  d’une  hache,  non  souillé  de  la  poussière, 
il  s'avança,  tigre  des  rois,  vers  le  roi  Srindjayain.  6,099. 

» A sa  vue,  les  ascètes,  et  le  monarque  aux  grandes 
pénitences,  et  la  dévote  jeune  fille  se  tinrent  devant  lui, 
sire,  les  mains  jointes  élevées  au  front  (1).  6,100. 

» Eux,  sans  trouble,  d'honorer  le  rejeton  de  Bhrigou, 
en  lui  offrant  un  bassin  de  caillebotte,  de  beurre  clarifié 
et  de  miel  ; puis  l’anachorète,  accueilli  suivant  l’étiquette, 
de  s'asseoir  environné  par  eux.  7,00-1. 

» Ensuite  le  Djamatlagnide  et  le  Srindjaya  demeurèrent 
assis,  racontant  l'un  et  l’antre,  lils  de  Bharata,  les  his- 
toires des  âges  passés.  7,002. 

u A la  fin  de  ces  récits,  le  saint  roi  tint  â propos  au 
puissant  Ràma,  le  plus  vertueux  des  fils  de  Bhrigou,  ce 
langage  doux  et  sensé  : 7,003. 

« Auguste  Râma,  cette  vierge,  de  qui  je  suis  l'aïeul, 
est  la  fille  du  souverain  de  Kâçi;  écoute  son  histoire  sui- 

(t)  Ici,  reparaît  ce  que  nous  avons  déjà  vu  dans  le  deuxième  voluthe  de 
celte  traduction  ; te  texte  de  Calcutta  franchit  d’un  saut  neuf  cents  chiffres 
et  numérote  ce  çlnka  7, OOP.  Est-ce  par  inadvertance  7 Est-ce  de  dessein 
préconçu.  Mais  rku  ici  n autorise  cette  coujecture. 


464 


LE  MAHA-BHARATA. 


vant  la  vérité,  6 toi,  qui  es  habile  dans  les  choses  à 
faire.  » 7,004. 

u Parle  d'abord!  » lit  llâuia  à la  jeune  fille.  Elle 
s'approcha  de  l’anachorète,  qui  ressemblait  au  feu  en- 
flammé. 7,005. 

» Elle  honora  les  deux  pieds  du  saint  par  le  proslerne- 
tnent  de  sa  tête,  les  toucha  de  ses  mains,  pareilles  aux 
pétales  du  lotus,  et  resta  debout  devant  lui.  7,000. 

» Elle  pleura,  accablée  de  tristesse,  les  yeux  noyés  de 
larmes , implorant  le  secours  du  secourable  fils  de 
Bhrigou.  7,007. 

« Tu  es  pour  moi,  fille  de  roi,  lui  dit  Raina,  ce  que 
tu  es  pour  le  Srindjaya  lui-même.  Parle  ! je  ferai  ta  pa- 
role, affligeante  pour  l’âme.  » 7,008. 

« Révérend,  je  m’incline  maintenant  sous  la  protection 
de  ton  grand  vœu,  répondit  Ambâ.  Plongée  dans  une  mer 
à la  vase  de  chagrins , retire-moi,  seigneur,  de  ce  nau- 
frage épouvantable  ! » 7,009. 

» A l’aspect  de  sa  beauté,  de  sa  personne  encore  ado- 
lescente, et  de  sa  délicatesse  supérieure,  le  pénitent  s’ab- 
sorba dans  ses  pensées.  7,010. 

« Que  va-t-elle  me  dire  ? » songeait  le  rejeton  de 
Bhrigou.  11  rêva  ainsi  long-temps,  enseveli  dans  la  com- 
passion. 7,011. 

« llaconte  ! » fit  de  nouveau  Râma  à la  vierge  au  can- 
dide sourire;  et  celle-ci  narra  tout  au  Bbrigouide,  suivant 
la  vérité.  7,012. 

» Quand  le  Djamadagnide  eut  entendu  «e  récit  de  la 
jeune  princesse,  il  arrêta  une  résolution  pltroe  de  sens, 
et  dit  à la  vierge  d’une  taille  charmante  : 7,013. 

« J’enverrai  un  message  â Bhishma,  le  plus  vertueux 


OPDYOG  A-PARV  A. 


465 


des  Rourouides.  A peine  entendue,  noble  dame,  ce  prince 
exécutera  ma  parole.  7,014. 

» S'il  n’accomplit  pas  ce  que  je  lui  ferai  dire,  illustre 
femme,  je  le  consumerai  dans  un  combat,  lui  et  ses 
conseillers,  par  la  splendeur  de  mes  flèches.  7,015. 

» Cependant,  abstiens-toi  de  manifester  ici  ton  opinion 
jusqu’au  moment  où  j’aurai  mis  cette  affaire  sur  les 
épaules  du  héros  ÇAlvapati.»  7,016. 

« Je  fus  congédiée  par  Bhlshma,  répondit  Ambà,  dès 
qu'il  m’eut  entendu  lui  dire  que  les  sentiments  de  mon 
cœur  s’étaient  fixés  déjà  sur  le  roi  Ç&lva.  7,017. 

» J’allai  trouver  ce  monarque  de  Saàubha,  et  je  lui  dis 
cette  parole,  qui  fut  désagréable;  il  refusa  de  me  recevoir 
parce  que  ma  conduite  lui  inspirait  des  soupçons.  7,018. 

» Ayant  retourné  tout  cela  dans  ta  pensée,  rejeton  de 
Bhrigou,  veuille  bien  faire  la  chose,  qui  se  présente  ici 
accompagnée  d'un  moyen.  7,019. 

» Bhlshma  au  grand  cœur  est  cause  de  l'infortune,  où 
je  fus  précipitée,  lui,  qui  m’entraîna  de  force,  et  les 
cheveux  épars,  sous  sa  volonté.  7,020. 

» Tue,  brahme  aux  longs  bras,  tue  Bhlshma,  l’auteur 
d’une  telle  infortune;  lui,  par  qui  précipitée,  tigre  des 
Bhrigouides,  j’erre  au  milieu  de  ces  profondes  peines. 

» Il  te  sied  donc,  Bhrigouide  sans  péché,  de  tirer  une 
vengeance  de  cet  homme  cupide,  vil,  et  qui  a vaincu  le 
souverain  de  Kàçi.  7,021 — 7,022.  • 

» Déshonorée,  excellence,  par  le  fils  de  Bharata,  je 
mis  alors  cette  pensée  dans  mon  cœur  : « Puissé-je  im- 
moler ce  Mahàvrata  (1)  ! » 7,023. 


(1)  Un  surnom,  donné  à Bblshma,  tiré  de  son  vœu  de  continence. 

vi  30 


4 m 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Accompli»  donc  maintenant  mon  désir  , irrépro- 
chable Rânia  : tue  Bhlshma,  puissant  anachorète,  comme 
Pourandara  jadis  abattit  Vritra!  » 7,024. 

u A cette  parole  : « Tue  Bhlshma  ! » l’auguste  soli- 
taire dit  à la  vierge  éplorée,  en  relevant  mainte  et  mainte 
fois  son  courage  : 7,025. 

« Je  ne  prendrai  pas  volontiers  une  arme,  fille  deKfiçi, 
à cause  des  sages,  qui  connaissent  les  Védas.  Quelle  autre 
chose  dois-je  exécuter  pour  toi,  femme  distinguée? 

» Bhlshma  et  Çàlva  seront  dociles  à mon  désir,  prin- 
cesse aux  membres  sans  défaut  : je  ferai  ce  que  je  te  pro- 
mets. Ne  te  désole  pas  ! 7,026 — 7,027. 

» Mais,  d'aucune  manière,  je  ne  prendrai  une  arme, 
noble  dame-,  sans  un  ordre  des  brahmes  : c'est  la  loi,  qui 
m'a-été  imposée.  » 7,028. 

« Pour  que  j'éloigne  de  mon  cœur,  grâce  à ta  sainteté, 
reprit-elle,  cette  douleur,  qu’y  fit  naître  Bhlshma,  tue-le, 
seigneur,  sans  plus  tarder  ! « 7,020. 

« Fille  du  roi  de  Kàçi,  parle  encore  1 dit  l’anachorète, 
Bhlshma  est  digne  d'éloges;  il  embrassera,  à ma  voix,  tes 
deux  pieds,  en  prosternant  sa  tête.  » 7,030. 

« Tue  Bhlshma  dans  une  bataille,  répéta-t-elle,  en 
dépit  de  ses  menaces,  comme  un  Asoura!  Défie-le  au 
combat,  Djamadagnide,  si  tu  veux  faire  une  chose,  qui  me 
soit  agréable.  7,031. 

» Daigne  accomplir  cette  vérité,  que  tu  m’as  pro- 
mise! » 7,032. 

» Tandis  qu’Ambâ  et  Rima  conversaient  ainsi,  le  saint 
roi  & l’âme  remplie  de  la  plus  haute  vertu  articula  ces 
paroles  : 7,033. 

« Tu  ne  dois  pas  abandonner,  puissant  anachorète. 


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OÜDYOGA-PAHV  A. 


aov 


une  vierge,  qui  implore  ton  secoure.  Si,  défié  au  combat 
par  toi,  sur  le  champ  de  bataille,  Bhishma,  7,034. 

» Ou  s’écrie  : « Je  suis  vaincu!  » on  exécute  ta  pa- 
role, l’affaire  de  cette  jeune  fille,  rejeton  de  Bhrigou,  sera 
entièrement  accomplie.  7.035. 

» Ta  parole,  héroïque  ascète,  recevra  alors  sa  vérité  ; 
elle  aura  également  sa  vérité  cette  promesse,  que  tu  juras 
d’observer,  grand  anachorète,  auguste  Râma,  au  milieu 
des  brahmes,  après  ta  victoire  sur  tous  les  kshntryas  : 
« Si  tin  brahme,  un  kshatrya,  un  valçya  ou  un  çoùdra  se 
montre,  sur  le  champ  de  bataille,  ennemi  des  brahmes, 
je  le  tuerai  : — c’est  ainsi  que  tu  parlas,  fils  de  Bhrigou. 
— Je  ne  puis  jamais  consentir,  tant  que  j’aurai  la  vie,  à 
l’abandon  de  gens,  que  le  besoin  de  secours  amène  vers 
moi,  qui  sont  effrayés  et  qui  implorent  mon  appui  ! Je 
Uiêrai  le  guerrier  à Tante  enflammée  de  colère,  qui  triom- 
phera de  l’ordre  entier  des  kshatryas,  rassemblé  sur  un 
champ  de  bataille!  » Ce  fut  là  ton  langage,  fils  de 
Bhrigou.  C'est  ainsi  qu’il  remporte,  ce  Bhishma , le 
propagateur  de  la  race  des  kourouides,  la  victoire  dans 
une  plaine  de  carnage.  Affronie-le  dope  en  bataille, 
Ràrna,  la  joie  de  Bhrigou,  et  livre-lui  combft.  » (De  la 
stance  7,03(5  <1  la  stance  7,041.) 

« Je  me  souviens  d'une  ancienne  promesse,  que  j’ai 
faite  jadis,  lui  répondit  Ràma,  et  j’exécuterai  de  la  même 
manière  quelle  est  vue,  grand  brahme,  avec  bienveil- 
lance, cette  chose,  que  la  fille  du  roi  de  Kâçi  a fortement 
à cœur.  J'irai  moi-même  eu  ces  lieux,  où  il  enleva  cette 
vierge.  7,042—7,043. 

» Si  Bhishma,  qui  se  glorifie  de  ses  batailles,  refuse 
d’accomplir  ma  parole,  je  le  tuerai,  malgré  sa  préémi- 
nence : c’est  mon  sentiment  bien  arrêté.  7,044. 


468 


LE  MAHA-BHAKATA. 


>>  Décochées  de  ma  main,  les  flèches  ne  restent  pas 
dans  les  corps  des  mortels  ; tu  l’as  appris  dans  mon  pré- 
cédent combat  avec  les  kshatryas!  » 7,045. 

» A peine  eut-il  articulé  ces  mots,  le  solitaire  aux 
vastes  pénitences,  lïâma,  suivi  des  brahmes,  explicateurs 
des  Védas,  se  lève,  parce  qu'il  a mis  son  esprit  dans  la 
résolution  dn  voyage.  7,046. 

» Ensuite  les  pénitents,  ayant  demeuré  là  une  nuit,  se 
mirent  en  route,  avec  le  désir  de  me  donner  la  mort,  après 
qu’ils  eurent  sacrifié  au  feu  et  murmuré  la  prière.  7,047. 

» Kàma  de  s’avancer,  puissant  fils  de  Bharata,  dans  le 
Kouroukshétra,  accompagné  des  brahmes  et  de  la  jeune 
vierge.  7,048. 

» Les  magnanimes  anachorètes,  conduisant  avec  eux 
l’illustre  femme,  campèrent  dans  ce  lieu,  où  le  premier 
rang  fut  donné  au  plus  vertueux  des  Bhrigouides.  7,049. 

» Dans  le  troisième  jour,  le  grand  pénitent,  de  ce  pays, 
où  il  était,  me  fit  parvenir  cet  avis  : « Fais  une  chose,  qui 
m'est  agréable,  sire,  me  voici  arrivé  ! » 7,050. 

» Dès  que  j’eus  reçu  la  nouvelle  que  cette  auguste  per- 
sonne à la  vaste  puissance,  était  venue  aux  confins  de  mes 
états,  j’accqurus  vite,  conduit  par  l'affection,  vers  ce  tré- 
sor de  splendeurs.  7,051. 

» Environné  de  brahmes,  de  ritouidjs,  semblables  aux 
Dieux,  etd’archi-brahmes,  dès  qu’il  me  vit  arrivé,  la  terre 
mise  au  premier  rang  de  mes  offrandes,  l’éminent  Djama- 
dagnide  reçut  mon  hommage,  et  m’adressa  ces  paroles  : 

o Bhtshma,  quelle  pensée  avais-tu,  lorsque  tu  enlevas 
de  force  (1)  la  fille  du  souverain  de  Kâçi  et  que  tu  l’as 
renvoyée  ensuite  î 7,052 — 7,053 — 7,064. 

(l)  Aludmaina,  à l'instrumental,  pria  adverbialement,  vi,  invita,  et  non 
comme  un  attributif,  s'accordant  avec  twoyd. 


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OC  DYOG  A-PARV  A . 


m 


» Cette  illustre  femme,  tu  l’as  renversée  du  devoir  : qui 
peut  vouloir  ici  que  cette  jeune  filles’en  aille,  déshonorée 
par  toi  ? 7,055. 

« Tu  m’as  enlevée,  dit-elle,  et  Çàlva  m'a  répudiée  ! » 
Reçois-la  donc,  fdsde  Bharata,  sur  mon  ordre.  7,056. 

» Que  cette  princesse,  6 le  plus  éminent  des  hommes, 
obtienne  de  rentrer  par  toi  dans  son  devoir.  Il  ne  sied 
pas,  altesse  sans  péché,  que  lu  fasses  d'elle  ce  mé- 
pris. » 7,057. 

» Ayant  vu  l’anachorète  dans  la  perplexité,  je  lui  dis 
alors  : o Jamais,  brahme,  je  ne  rendrai  cette  jeune  fille  it 
mon  frère.  7,058. 

« J’appartiens  à Çâlva!  » m’a-t-elle  dit  jadis.  Sur  cela, 
je  la  congédiai,  et  elle  s’en  alla  vers  la  ville.  7,059. 

» Jamais  on  ne  me  verra  déserter  le  devoir  du  kshatrya 
ni  par  crainte,  ni  par  amour,  ni  par  commisération,  ni 
p ir  le  désir  des  richesses:  tcl3  sont  les  termes  du  vœu, 
qui  me  fut  imposé.  » 7,060. 

» A ces  mots,  Ràma,  les  yeux  tout  remplis  de  colère, 
me  répondit:  « Si  tu  n'exécutes  point  ma  parole,  ô le 
plus  éminent  des  hommes,  .7,061. 

.»  Je  t'immolerai  soudain,  toi  et  tes  ministres!  » Râma, 
les  regards  enflammés  de  fureur,  me  répéta  mainte  et 
mainte  fois  ce  langage  avec  colère.  7,062. 

» Je  réitérai  les  paroles  aimées,  dompteur  des  ennemis, 
pour  supplier  le  plus  excellent  des  Bhrigouides;  mais  il 
ne  se  calma  point.  7,063. 

» J’inclinai  à deux  lois  ma  tète  devant  le  plus  saint  des 
brahmes  : » Quel  motif,  lui  dis-je,  te  poussc’à  désirer  un 
combat  avec  moi  ? 7,06.1. 

» C’est  ta  sainteté,  qui  m’a  enseigné,  dans  mon  en- 


LE  MAHA-BHARATA. 


A70 

fance,  les  quatre  sections  de  l’arc  et  de  la  flèche  : je  suis 
ton  disciple,  vigoureux  fils-de  Bhrigou.  » 7,065. 

» Alors,  il  me  dit,  les  yeux  rouges  de  colère  : « Tu 
sais  que  je  suis  ton  instituteur,  Bhlshma,  et  tu  refuses  de 
recevoir  cette  vierge,  7,066. 

» La  fille  du  roi  de  Kàçi,  Rourouido  à lahaute  sagesse, 
pour  faire  une  chose,  qui  m'est  agréable.  11  n'y  a pas  de 
paix  autrement  pour  moi,  fils  de  Kourou.  7,067. 

» Accepte- la,  guerrier  aux  longs  bras,  et  sauve  ta 
race;  car  cette  jeune  fille,  renversée  par  toi,  ne  trouve  pas 
d’époux.  » 7,068. 

» Je  répondis  au  brahme,  le  vainqueur  des  cités  enne- 
mies, qui  parlait  de  cette  manière  : « Cela  ne  sera  point 
ainsi!  Pourquoi  te  fatiguer,  saint  brahme?  7,069. 

.>  Témoin  de  ton  antique  honorabilité,  je  te  supplie, 
bienheureux  Djauiadagnide  : elle  fut  naguère  abandonnée 
par  moi.  7,070. 

n En  effet,  qui  placerait  jamais  dans  sa  maison,  comme 
un  serpent,  une  femme,  de  qui  le  cœur  s’est  donné  â un 
autre,  sachant  que  les  fautes  des  femmes  entraînent  d’im- 
menses infortunes?  7,071. 

» La  crainte  d’Indra  lui-mème  ne  me  ferait  pas  renoncer 
au  devoir,  anachorète  au  grand  vœu.  Ou  pardonne-moi, 
ou,  sans  balancer,  accomplis  ton  affaire.  7,072. 

» lin  Pourâna,  excellence  à la  vaste  pensée,  nous 
apprend  qu’un  tel  homme  est  une  âme  pure.’ Voici  un 
çloka,  qui  fut  chanté  par  le  magnanime  Maroutc  : 7,075. 

« Il  nous  est  ordonné  d'abandonner  un  gourou,  qui 
est  hautain',  qui  ne  sait  pas  ce  qui  est  à faire  ou  non,  qui 
est  engagé  dans  une  mauvaise  route.  » 7,07â. 

» Tu  es  mon  gourou,  dis-tu?  Aussi,  t’ai-je  traité  révé- 


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OUDYOGA-PARVA. 


â 71 


rencieusement,  avec  le  plus  grand  amour;  mais  tu  ignores 
quelle  doit  être  la  conduite  d’un  gourou  : je  combattrai 
donc  avec  toi.  7,075. 

» Je  ne  tuerai  jamais  un  gourou  dans  le  combat, 
surtout  s’il  est  bralmie,  surtout  s’il  a vieilli,  comme  toi, 
dans  la  pénitence.  Je  dois  te  supporter.  7,076. 

» Quiconque  nierait  dans  le  combat,  comme  le  parent 
du  kshatrya,  un  brahme  irrité,  qu'il  voit,  la  flèche  levée 
dans  la  bataille,  combattre  à corps  perdu,  cette  action  ne 
lui  serait  pas  imputée  à brahmanicide.  Tel  est  le  juge- 
ment porté  sur  les  vertus.  Je  suis  un  kshatrya  placé 
dans  le  devoir  du  kshatrya,  homme  riche  en  pénitences. 

7,077—7,078. 

» Quiconque  produit  en  son  prochain  ton  testes  vertus , 
qui  sont  dans  sa  vie,  ne  tombe  pas  dans  les  abîmes  du 
vice  et  n'est  jamais  précipité  dans  l’infortune.  7,079. 

» L’homme,  qui,  connaissant  le  temps  et  le  lieu  d’une 
affaire,  est  également  capable  de  l’atile  et  du  juste,  s'il 
tombe  dans  l’incertitude  de  l’utile,  ne  peut  tomber  dans 
le  doute  de  la  vertu.  7,080. 

» Parce  que  tu  es  dans  le  doute  de  ce  qui  est  utile, 
suivant  la  droite  raison,  je  combattrai  avec  toi,  Ràma, 
dans  une  grande  bataille.  7,081. 

» Vois  la  force  de  mon  bras  et  ma  vigueur  plus  qtl’bu- 
mainc!  Puisque  les  choses  sont  ainsi,  vois,  rejeton  de 
Rhrigou,  tout  ce  qui  m’est  possible.  7,082. 

» J’accomplirai  cet  exploit  dans  le  Kouroukshétra!  J'v 
combattrai  en  duel  avec  toi,  brahme,  s’il  té  plaît  : tiens- 
toi  prêt,  anachorète  à la  grande  lumière.  7,083. 

v Quand  je  t’aurai  couché  mort,  accablé  sous  des  cen- 
taines de  flèches,  tu  obtiendras  dans  ce  terrible  combat, 


472 


LE  MAHA-BHARATA. 


Ràma,  purifié  par  les  armes,  ces  mondes,  qui  sont  la 
conquête  de  la  victoire.  7,084. 

« Va  ! rends-toi  dans  le  Kouroukshétra,  ce  champ 
aimé  des  batailles  1 J’irai  là,  vigoureux  solitaire,  opulent 
de  pénitences,  chercher  un  combat  avec  toi.  7,085. 

» Une  fois  tombé  sous  mes  coups,  je  ferai  ma  purifi- 
cation, fils  de  Bhrigou,  dans  ce  lieu  même,  où  jadis  tu  fis 
la  tienne,  après  la  mort  de  ton  père.  7,080. 

» Hàte-toi  de  t’y  rendre,  homme  enivré  de  la  fureur 
des  combats  : je  t’enlèverai  ton  antique  orgueil,  brahme, 
à qui  ne  siéent  pas  les  devoirs  de  ta  caste.  7,087. 

» Moi  seul,  dans  le  seul  cours  d’une  année,  puisque  tu 
te  glorifies  tant  de  ta  victoire  sur  les  kshatryas,  je  les  ai 
vaincus  dans  le  monde  : sache-le,  llâma  ! 7,088. 

» Bhishma  n’était  pas  né,  quand  tu  les  vainquis,  ou  bien 
il  n’existait  pas  un  kshatrya,  qui  fût  mon  égal.  Depuis, 
naquirent  tes  splendeurs,  et  tu  brillas  parmi  ces  roseaux  I 

» Enfin  me  voici  né,  moi,  Bhishma  aux  longs  bras, 
le  conquérant  des  cités  ennemies,  pour  mettre  à néant 
ton  désir  et  ton  orgueil,  tissu  de  combats  1 7,089 — 7,090. 

» Je  vais  détruire  ta  fierté  dans  cette  bataille,  Ràma  1 
11  n'y  a pas  de  doute  ! •<  7,091. 

» Alors,  il  me  répondit  en  riant,  fils  de  Bharata  : 
« Quel  bonheur,  Bhishma,  que  tu  désires  engager  un 
combat  avec  moi  ! 7,092. 

» Me  voici  prêt  à me  rendre  avec  toi  au  Kouroukshé- 
tra!  J’exécuterai  ta  parole,  enfant  de  Kourou.  Viens-y, 
fléau  des  ennemis.  7,093. 

» Que  là,  en  te  voyant  tombé  sous  mes  coups,  percé  de 
cent  flèches,  la  Gangà  te  pleure,  sous  les  yeux  des  vau- 
tours , des  ardées , des  bêtes  carnassières  ; que  cette 


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0UDY0GA-PA11VA. 


478 


Déesse,  de  qui  j’adore  les  pieds  éternels,  déplore  lamen- 
tablement ta  fin,  prince,  que  je  vais  aujourd'hui  immoler 
sous  mon  bras  ! 7,094 — 7,095. 

» Cette  vertueuse  rivière,  indigne  d’une  telle  infortune, 
cette  fille  de  Bhaglratha,  qui  te  donna  le  jour,  à loi,  in- 
sensé, malade,  affecté  de  la  manie  des  combats! 

» Viens!  arrive,  Bhlshma,  homme  ivre  d’un  fol  or- 
gueil, qui  veux  combattre  avec  moi  ! Prends,  fils  de  Kou- 
rou,  éminent  Bharatide,  ton  char  et  les  autres  armes ! » 

7,096—7,097. 

» A ces  mots  de  Râma,  le  conquérant  des  cités  enne- 
mies, je  répondis,  inclinant  ma  tôle  à ses  pieds  : « Qu’il 
en  soit  ainsi  ! » 7,098. 

» Après  que  j’eus  parlé  de  cette  manière  au  Djamada- 
gnide,  il  se  rendit  au  Konroukshélra,  conduit  par  le  désir 
de  combattre  ; et  moi,  rentré  dans  cette  ville,  je  fis  part 
'de  cet  événement  à Satyavati.  7,099. 

» Les  choses  pour  attirer  les  faveurs  de  la  fortune 
achevées,  prince  à la  grande  splendeur,  salué  par  ma 
mère  , ayant  fait  prononcer  aux  brahmes  les  saintes 
prières  et  le  sivasti,  je  montai  sur  mon  char  éclatant,  fait 
d’argent,  attelé  de  chevaux  blancs,  orné  de  maint  objet 
d’art,  flanqué  de  belles  roues,  environné  d’une  peau  de 
tigre,  7,100 — 7,101. 

u Muni  de  grandes  flèches,  pourvu  de  tous  les  instru- 
ments de  guerre  et  gouverné  dans  les  combats  par  un  co- 
cher vaillant,  de  noble  famille,  versé  dans  les  Traités  hip- 
piques, obéissant,  et  qui  avait  souventes  fois  montré  ce 
qu’il  savait  faire,  moi  revêtu  d’une  cuirasse  blanche,  un 
arc  à la  main.  7,102—7,108. 

» Je  m’avançai,  ô le  plus  grand  des  Bharatides,  louant 


474 


LE  M4HA-BHARATA. 


un  arc  blanc,  abrité  sous  une  blanche  ombrelle,  soutenue 
sur  ma  tâte;  7,10 b. 

» Éventé  par  un  chasse-mouche  blanc,  sire,  et  portant 
une  robe  blanche,  un  turban  blanc  et  toutes  mes  parures 
blanches.  7,105. 

» Exalté  par  des  bénédictions  de  victoire,  je  sortis  de 
la  ville,  qui  prend  son  nom  des  éléphants,  et  je  fis  route 
vers  le  Kouroukshétra,  où  se  trouvait  le  champ  du  com- 
bat. 7,106. 

» Mes  chevaux,  excités  par  lç  cocher,  m’emportaient 
rapidement,  sire,  à cette  grande  bataille,  avec  une  vitesse 
égale  à celle  du  vent  ou  de  la  pensée.  7,107. 

» L’auguste  Râmaetmoi,  promptement  arrivés  dans 
le  Kouroukshétra  pour  le  combat,  nous  nous  avançâmes 
hardiment  l’un  contre  l’autre.  7,108. 

» Je  me  tins,  exposé  devant  les  yeux  de  ce  Rama,  qui 
surpassait  tous  les  ascètes  en  pénitence;  et,  saisissant  ma 
conque,  je  remplis  de  vent  cet  instrument  sublime,  la  plus 
excellent  des  conques.  7,109. 

» Ensuite  les  braluncs,  les  pénitents,  habitants  des 
forêts,  et  les  Dieux,  dont  les  chœurs  étaient  précédés 
d'indra,  ailluèrent  pour  contempler  cette  immense  ba- 
taille. 7,110. 

» Les  célestes  guirlandes,  les  instruments  de  musique 
divins  et  même  les  troupeaux  des  nuages  de  se  manifester 
çà  et  là.  7,111. 

« Tous  les  ascètes,  suivants  du  fils  de  Bhrigou,  envi- 
ronnant le  champ  de  bataille,  en  devinrent  les  spectateurs. 

h Alors  la  Déesse,  ma  mère,  belle  de  sa  beauté  natu- 
relle, sire,  et  qui  désirait  le  bien  de  tous  les  êtres,  me 
dit;  « Que  désires-tu  faire  î > 7,112—7,113. 


0D0Y0GA-1MRVA. 


475 


» Se  m’approchai  du  Djamadagnide  et  Je  le  suppliai 
mainte  et  mainte  fois,  rejeton  de  Kourou,  lui  disant  : 
« Ne  livre  pas  un  combat  à Bhishma,  ton  disciple  ! » 

n Ne  fais  pas,  seigneur,  ne  fais  pas  ainsi,  mon  fils; 
poursuis  avec  opiniâtreté  la  pensée  de  livrer  un  combat 
au  brahme  le  Djamadagnide!  me  dit  la  Gangâ , en  m’ef- 
frayant de  ses  menaces.  7,114 — 7,115. 

» Tu  sais  que  ce  Kârna,  de  qui  la  vaillance  égale 
celle  de  Çiva,  est  le  meurtrier  des  kshatryas,  et  c’est 
pour  cela  que  tu  veux,  sans  doute,  un  combat  avec 
lui  ? » 7,116. 

» Portant  au  front  mes  deux  mains  réunies  en  coupe, 
je  m’inclinai  devant  la  Déesse  et  je  lui  narrai  tout,  comme 
Ü m’était  arrivé  dans  le  swayamvara  ; 7,117, 

» Comme  j’avais  précédemment,  Indra  des  rois,  excité 
Ràma,  et  comme  cette  .affaire,  déjà  vieille,  était  celle  du 
souveraiu  de  Kàçi.  7,118. 

» La  Déesse,  ma  mère,  la  vaste  rivière,  s’étant  doue 
approchée  de  Kàina,  demanda  pardon  pour  moi  au  saint, 
le  lils  de  Brighou.  7,119. 

« Ne  veuille  pas  combattre,  dit-elle,  Bhishma,  qui  fut 
ton  disciple!  » Et  lui  de  répondre  ces  mots  à la  sup- 
pliante : « Fais  retourner  Bhishma  sur  ses  pas.  7,120. 

» 11  n’obéit  pas  à mon  désir,  ai-je  dit,  et  je  suis  venu 
le  combattre.  » 7,121. 

Vaiçampàyaua,  prenant  la  place  du  narrateur  : 

Conduite  par  l'amour  de  son  lils,  la  Gângà  revint  vers 
Bhishma  ; mais,  les  yeux  baignés  de  larmes , celui-ci  re- 
fusa d'accomplir  sa  parole.  7,122. 

Dans  ce  moment,  le  vertueux  anachorète  aux  grandes 
pénitences  vint  se  présenter;  et  le  plus  excellent  des 


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476 


LE  MAHA-BHARATA. 


brahmes,  le  plus  éminent  des  Bhrigouides  de  provoquer 
son  rival  au  cuinbat.  7,1-3. 

» Alors , souriant  à l’instant  de  la  bataille , reprit 
Bhlshma,  je  dis  à l'ascète  debout  en  face  de  moi  : « Je  ne 
puis,  moi,  qui  me  tiens  sur  un  char,  te  combattre,  toi, 
qui  es  à pied  sur  la  terre.  7,124. 

» Monte  sur  un  char,  héros  aux  longs  bras,  endosse  une 
cuirasse  dans  ce  combat,  Kàma,  si  lu  désires  qu'il  te  soit 
livré.  » 7,125. 

» Il  me  répondit  avec  un  sourire  sur  le  champ  de  ba- 
taille : « La  terre  est  mon  char,  Bhlshma,  les  Védas  sont 
mes  coursiers,  chevaux  de  bonne  race.  7,126. 

U Mon  cocher,  c'est  le  vent  ; les  prières  mystiques  sont 
ma  cuirasse  ! Bien  couvert  de  cette  armure,  fils  de  Kourou, 
je  combattrai  dans  ce  combat  singulier,  u 7,127. 

» Tout  en  parlant  ainsi,  fils  de  Gândhàrl,  Kàma,  de 
qui  le  courage  était  une  vérité,  fit  pleuvoir  sur  moi  de 
tous  les  côtés  une  grande  multitude  de  flèches.  7,128. 

• n Et  je  vis  le  Djamàdagnide  debout  au  milieu  d'un  char 
magnifique,  dont  la  vue  ressemblait  à une  merveille,  et 
portant  les  plus  belles  de  toutes  les  armes.  7,129. 

» Saint,  étendu,  pareil  à une  ville,  orné  d'or,  créé  par 
la  pensée,  il  était  protégé  d’une  cuirasse  et  attelé  d’une 
paire  de  coursiers  divins.  7,1 30. 

' » Son  maître  était  revêtu  d’une  cuirasse,  guerrier  aux 

longs  bras  ; ses  yeux  étaient  formés  du  soleil  et  de  la 
lune;  il  tenait  un  aie  ; il  portait  un  carquois;  la  manique, 
défense  de  ses  doigts,  était  liée  autour  de  sa  gauche. 

» Akritavrana,  versé  dans  les  Védas,  auii  infiniment 
aimé  du  Bhrigouidc,  qui  désirait  combattre,  exerçait  sur 
le  char  les  fonctions  de  cocher.  7,131 — 7,132. 


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OlIDY  OG  A-PA  RV  A . 


477 


» Devant  ses  provocations  au  combat,  mon  cœur  fut 
rempli  d'une  profonde  joie  : « Avance  ! » me  cria  mainte 
et  mainte  fois  le  rejeton  de  Bhrigou.  7,133. 

» Je  m’approchai  seul  de  Raina  seul,  ce  guerrier  in- 
domptable à la  grande  force,  le  destructeur  des  ksha- 
tryas,  semblable  au  soleil,  en  pleine  marche  au  milieu  du 
ciel.  7,134. 

» J’arrêtai  ses  chevaux  par  trois  décharges  de  flèches  ; 
puis,  déposant  mon  arc,  je  descendis  du  char  et  m’avançai 
à pièd  vers  le  plus  grand  des  saints.  7,135. 

» Je  m'approchai  de  lui  pour  l’honorer,  je  m’inclinai 
aux  pieds  de  ce  brahtne  le  plus  éminent,  et  lui  adressai, 
suivant  l’étiquette,  de  nobles  paroles  : 7,136. 

« Je  vais  combattre  avec  toi,  Ràma,  soit  comme  avec 
mon  égal,  soit  plutôt  comme  avec  un  supérieur,  mon  ver- 
tueux gourou  : demande  aux  Dieux,  seigneur,  la  victoire 
pour  moi!  » 7,137. 

« C’est  ainsi  que  doit  faire,  guerrier  aux  longs  bras,  6 
le  plus  vertueux  des  Kourouides,  tout  homme,  qui  désire 
le  succès?  me  répondit-il.  Voilà  quel  est  le  devoir  de 
ceux,  qui  ont  à combattre  avec  des  personnes  illustres. 

» Je  devrais  te  maudire,  souverain  des  hommes,  si  tu 
n’étais  venu  avec  cette  intention.  Appuie-toi  sur  la  fer- 
meté, Kourouide,  et  déploie  dans  ce  combat  ton  ardeur. 

7,138—7,139. 

» Mais  tu  ne  désires  pas  remporter  la  victoire , et 
me  voici  disposé  ici  pour  te  vaincre.  Viens  ! fais  ton 
devoir  dans  ce  combat  ; je  suis  satisfait  de  ta  con- 
duite. » 7,140. 

» Moi  ensuite,  après  que  je  me  fus  acquitté  de  l’ado- 
ration envers  lui  et  que  je  fus  à la  hâte  remonté  dans  mon 


478 


LE  MAHA-BHARATA. 


char,  je  saisis  ma  conque  faite  d’or  et  la  lis  résonner  de 
nouveau  pour  annoncer  ce  combat.  7,141. 

» Alors  fut  livré  entre  lui  et  moi,  sire,  fds  de  Bharata, 
co  duel,  qui  dura  plusieurs  jours  avec  le  désir  mutuel  de 
nous  vaincre.  7,142. 

» D'abord,  il  nie  frappa  dans  ce  combat  avec  des  cen- 
taines de  Hèches  nouvelles  aux  plumes  de  héron,  aux 
nœuds  inclinés,  envoyées  par  soixante  à la  fois.  7,143. 

» 11  blessa  mes  quatre  chevaux  et  mon  cocher,  souve-  ' 
rain  des  hommes;  il  me  contint  moi-môme  dans  la  bataille, 
debout  en  face  de  lui  et  revêtu  de  ma  cuirasse.  7,1 44. 

» Quand  j’eus  adoré  les  Dieux  et  surtout  honoré  les 
brahmes,  je  dis  ces  mots  en  souriant  à mon  rival  ferme  au 
milieu  du  combat  : 7,145. 

« .l'estime  que  le  talent  du  maître  atteint  à l’infini  en 
toi-mème.  Écoute  encore  de  ma  bouche  quelle  est  ta  per- 
fection, brahme,  dans  l’assemblage  de  tes  vertus.  7,146. 

n Les  Védas,  que  tu  possèdes,  ont  un  corps  ; ton  brah- 
manah  est  grand,  et  tu  pratiques  la  pénitence  avec  une 
grande  vertu  : je  ne  fais  pas  la  guerre  à ces  qualités. 

» Le  titre  de  kshatrya  procède  de  la  pratique  des  ar- 
mes, sur  laquelle  tu  prends  ta  base,  quand  fu  engages, 
brahme,  que  tu  es,  Ràma,  ce  combat,  où  va  se  déployer 
la  vertu  du  kshatrya.  7,147 — 7,148. 

» Vois  la  force  de  mon  arc  ! Vois  la  vigueur  de  mon 
bras  ! Cèst  moi,  qui  vais  couper,  héros,  tou  arc,  avec  une 
flèche  aiguë,  b 7,149. 

» A ces  mots,  je  lançai  un  bhalla  acéré,  vigoureux  Bha- 
ratide;  et  je  fis  tomber  à terre,  grâce  à ce  trait,  l’extrémité 
coupée  de  son  arc.  7,150. 

» Je  décochai  sur  le  char  du  Djamadagnide,  par  ci  n- 


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OlIDYOGA-PARVA. 


479 


tain  es,  des  flèches  aux  nœuds  inclinés,  aux  plumes  de 
héron.  7,151. 

» Alors,  mes  projectiles  envoyésallaient  dans  son  corps, 
séparés  par  le  vent,  et,  tels  que  des  serpents,  ils  en  fai- 
saient couler  le  sang.  7,152. 

» Tous  les  membres  humides  de  sang,  Ràma  versait 
alors  ce  liquide  rouge  dans  le  combat,  et, semblait,  sire, 
le  Mérou,  qui  dévoile  aux  yeux  l’or  de  ses  métaux.  7,163. 

» Orné  de  guirlandes  rouges  comme  un  açoka  sur  les 
confins  de  l’Himàlaya,  llâma  semblait  alors,  sire,  un  kin- 
çouka  en  fleurs;  7,154. 

» Enflammé  de  colère,  il  saisit  un  autre  arc,  et  répand 
une  pluie  de  flèches  bien  acérées  à l'empennure  d’or. 

» Ces  dards  terribles,  nombreux,  fendant  les  articula- 
tions, pleins  d'une  grande  vitesse  etsemblables  au  (toison 
de  feu  des  serpents,  me  faisaient  vaciller  en  m’atteignant. 

» Quand  j’eus  raffermi  mon  àme  dans  le  combat,  j’i- 
nondai Ràma  dans  macolère  avec  des  flèches,  qui  n'étaient 
snpputables  que  par  des  centaines  : 7, 155-7,159-7,157. 

» Tourmenté  par  des  centaines  de  traits  aigus,  pareils  4 
des  serpents,  semblables  au  soleil  et  au  feu,  Ràma  avait 
l'âme  comme  égarée.  7,158. 

» Pénétré  de  compassion  et  m’étant  rassuré  moi-même, 
fils  de  Bharata,  par  moi-même.  « ilonte,  m'écriai -je,  honte 
soit  à ce  combat  et  à la  vertu  du  kshatrya  1 » 7,159. 

»,  Enseveli  sous  les  flots  impétueux  du  chagrin,  je  dis 
mainte  fois  : Hélas  ! c’est  pourtant  la  vertu  du  kshatrya, 
qui  m’a  fait  commettre  ce  crime,  7,160. 

» Qui  m’â  fait  accabler  sous  mes  flèches  ce  vertueux 
brahtuc,  mon  précepteur  I » Et  je  ne  décochai  plus  aucun 
trait,  fils  de  Bharata,  au  Djamadagnide.  7,161. 


480 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Ensuite,  au  coucher  du  jour,  le  soleil  aux  raille 
rayons,  ayant  cessé  d’échauffer  la  terre  (1),  descendit  au 
mont  Asta,  et  le  combat  fut  suspendu.  7,102. 

» Alors,  souverain  des  hommes,  mon  cocher,  de  qui 
l’ou  estimait  l’habileté,  retira  les  flèches  enfoncées  dans 
mon  corps  et  dans  celui  des  chevaux.  7,103. 

u 11  lava  les  coursiers,  leur  donna  de  l'eau  et  calma  chez 
eux  l’agitation.  Au  point  du  jour,  quand  le  soleil  se  lut 
levé,  il  revint  au  combat.  7,164. 

» Dès  qu’il  me  vit  accourir  précipitamment,  revêtu  de 
ma  cuirasse  et  monté  sur  mon  char,  l’auguste  Rânia  fit  les 
apprêts  extraordinaires  du  sien.  7,165. 

» Aussitôt  que  je  le  vis  arriver  avec  le  désir  de  la  ba- 
taille, j'abandonnai  le  plus  excellent  des  arcs  et  descendis 
4 la  hâte  de  mon  char.  7,166. 

i/  Après  que  je  me  fus  prosterné  devant  lui,  et  que  je 
fus  remonté  dans  mon  char,  je  me  tins  debout,  sans 
crainte,  aspirant  au  combat,  en  face  du  Djamadagnide. 

» Je  l’inondai  avec  une  grande  pluie  de  flèches,  et  lui 
de  riposter  en  me  submergeant  dans  une  averse  de  ses 
dards.  7,167 — 7,168. 

» Le  Djamadagnide  irrité  m’envoya  un  second  orage  de 
traits  épouvantables,  bien  acérés,  comme  des  serpents  à 
la  gueule  flamboyante  ; 7,109. 

» Et  moi,  avec  des  bhallas  aigus,  par  centaines  et  par 
milliers,  je  les  tranchai  soudain,  sire,  mainte  et  mainte 
fois,  dans  l’asmosphère  : 7,170. 


(1)  Je  signale  ici  un  mot  aux  dictionnaires  : avatâpya.  La  signification 
est  évidente.  La  préposition  conjointe  enlève  au  composé  le  sens  propre  du 
simple  : ou  il  manque  chez  eux,  ou  ils  oublient,  Bûthlingk  et  Roth  em- 
ménies, cette  signification  notable. 


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OUDYOGA-PARVa. 


m 


» [/auguste  Djamadagnide  d’employer  contre  moi  des 
astras  célestes,  et  moi  de  les  neutraliser.  7,171. 

L’hermite  aux  longs  bras  voulut  tirer  de  ses  astras  un 
acte  supérieur;  alors  il  éclata  de  tous  les  côtés  dans  le 
ciel  un  bruit  immense.  7,172. 

» Je  mis  en  œuvre,  contre  le  Djamadagnide,  l'astra 
du  vent;  mais  Ràma  de  le  paralyser  avec  l'astra  des 
Gouhyakas.  7,173, 

» Je  charmai  l’astra  du  Feu  et  je  le  décochai;  mais  le 
maître  l’arrêta  avec  celui  de  Varouna.  7,171. 

» Ainsi,  je  contrecarrais  les  astras  célestes  de  Râma  ; 
et  celui-ci,  resplendissant  dompteur  des  ennemis  et  versé 
dans  les  astras  divins,  contrecarrait  les  miens.  7,175. 

» Enflammé  de  colère,  l'auguste  et  sublime  brahme, 
Raina  le  Djamadagnide,  me  mit  à sa  gauche  et  me  frappa 
en  pleine  poitrine.  7,17(1. 

» Je  m'affaissai  dans  mon  char  magnifique,  ô le  plus 
excellent  des  Bharatides;  et,  dès  qu’il  me  vit-tombé  dans 
l'évanouissement , mon  cocher  m'entraîna  rapidement 
hors  du  combat.  7,177. 

» Quand  ils  me  virent,  accablé  de  douleur,  en  [>roie 
aux  tortures  de  la  flèche,  ne  pouvant  marcher  et  l ame 
profondément  blessée,  la  fille  du  souverain  de  Kàçi  et 
tous  les  suivants  de  Ràma,  Akritavrana  et  les  autres, 
poussèrent  à l'envi  des  cris  de  joie.  7,178 — 7,179. 

» Aussitôt  que  j’eus  recouvré  le  sentiment  et  icconnu 
mon  cocher  : « l'a,  lui  dis-je,  cocher,  au  lieu  où  se  tient 
Râma  en  armes  ; la  connaissance  m'est  revenue I » 7, ISO. 

» 11  m’y  eut  bientôt  conduit  avec  ses  chevaux  d'une 
beauté  supérieure,  qui  paraissaient  danser,  fdsdeKourou, 
et  ressemblaient  dan3  leur  marche  à des  vents.  7,181. 

31 


Tl 


482 


(.F,  MAHA-BHARATA. 


» Je  m’avançai  vers  Râma,  et,  bouillant  de  colère,  ma 
main,  désireuse  de  la  victoire,  répandit  une  pluie  de 
flèches  sur  ce  héros,  bouillant  d’une  colère  égale.  7,182. 

» Râma  de  voler  à la  rencontre  de  ces  flèches  au  vol 
direct,  et  de  les  trancher  vite  dans  le  combat,  l'une  après 
l’autre,  avec  trois  des  siennes.  7,18î. 

• Tous  mes  traits,  bien  aiguisés  (1),  furent  ainsi  dé- 
truits (2),  et  les  flèches  de  Râma  les  coupèrent  en  deux 
par  centaines  et  par  milliers.  7,184. 

» J’envoyai  ensuite  à Râma  le  Djamadagnide,  avec  le 
désir  de  lui  ôter  la  vie,  un  dard  enflammé,  très-excellent, 
estimé  de  la  mort.  7,185. 

» Profondément  blessé  de  ce  trait,  tombé  sous  le  pou- 
voir delà  flèche  impétueuse,  il  perdit  l’espritsurle  champ 
de  bataille,  et  tomba  sur  la  terre.  7,186. 

» Dans  cette  chute  de  Râma  sur  le  sol  de  la  terre,  tous 
alors  de  s'écrier:  « Hélas  ! hélas  ! » et  le  monde,  Bharatide, 
fut  troublé  comme  il  serait  dans  la  chute  du  soleil.  7,187. 

» Tous,  et  les  ascètes,  et  la  vierge  de  Kàçi,  rejeton 
de  Kourou,  ils  accourent  à la  hâte  auprès  de  lui.  7,188. 

» L’ayant  embrassé,  ils  rappelèrent  peu  â peu  sa 
connaissance  évanouie,  en  le  frottant  de  leurs  mains, 
en  l'arrosant  d’eau  fraîche,  en  le  comblant  de  vœux  pour 
la  victoire.  7,189. 

» Râma,  se  relevant  alors,  dit  ces  paroles  troublées  : 
« Arrête,  Bhtshma!  Tu  es  mort.  » Et  il  encocha  un  trait 
à son  arc.  7,190. 

« Lancée  dans  ce  grand  combat,  cette  flèche  se  plongea 

(1 — 2)  L'édition  de  Calcutta  porte  ici  deux  fautes  d’impression,  qui 
ndent  ce  passage  inexplicable  : moüditâs  et  sotulançilâs  ; celle  do 
Bombay  écrit  plut  correctement  : soùditiU  et  sousançitâs. 


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OUDYOGAPARVA. 


463 

avec  vitesse  dans  mon  flanc  gauche;  j’en  fus  profon- 
dément ébranlé,  comme  un  arbre  vacillant.  7,101. 

» Quand  il  eut  tué  tncs  chevaux  d'une  flèche  rapide 
en  cette  ardente  bataille,  il  m’inonda  hardiment  de  traits 
empennés  de  poils.  7,192. 

» Je  ripostai,  guerrier  aux  longs  bras,  avec  ûn  dard 
léger,  qui  arrêtait  l'ennemi  dans  le  combat  : les  flèches 
de  Ràma  et  de  moi  suspendaient  leur  vol  entre  nous.  Le 
ciel  en  fut  bientôt  couvert  de  tous  les  côtés;  et  le  soleil, 
enveloppé  par  une  multitude  de  traits,  cessa  d’échauffer. 

7,193—7,194. 

» Dans  ce  combat,  le  vent  était  comme  arrêté  par  le 
nuage  des  flèches;  les  secousses  du  vent,  les  rayons  du 
soleil  et  la  puissance  d’un  contact  mutuel  donnaient  la 
naissance  au  feu,  et  les  dards  s’enflammaient  à ce  foyer, 
qui  éclatait  dans  les  airs.  7,196 — 7,190. 

» Toutes,  elles  tombaient,  réduites  en  cendres,  sur  la 
terre,  par  centaines,  par  milliers,  par  millions  et  par  cen- 
taines de  millions.  7,197. 

» Ràma  irrité,  fils  de  Kourou,  précipita  rapidement 
sur  moi  des  myriades  de  kharvas  (1)  et  des  milliards  de 
flèches.  7,198. 

» Je  les  tranchai  dans  ce  combat,  sire,  avec  des  traits 
semblables  à des  serpents,  et  les  fis  tomber  sur  la  terre, 
comme  des  arbres.  7,-199. 

» Ainsi  flamboyait  alors  ce  combat,  ô le  plus  grand 
des  Bharalides  ; l’heure  du  crépuscule  vint  à s’écouler,  et 
mon  gourou  se  retira.  7,200. 

» Le  jour  suivant,  m’étant  affronté  avec  Ràma,  fut 


(!)  Un  kkarva  fait  dix  million»  de  millions. 


LE  MAHA-BHARATA. 


484 

livré  un  nouveau  combat  tumultueux  et  des  plus  épou- 
vantables. 7,201. 

» L'auguste  et  vaillant  seigneur,  qui  connaissait  les 
astras,  m'envoyait,  chaque  jour,  une  foule  d'astras  cé- 
lestes. 7,202. 

» Et  moi,  faisant  le  sacrifice  de  ma  vie,  bien  difficile  à 
abandonner,  j’écartais  ses  astras.  Bharatide,  en  cette  ba- 
taille confuse,  avec  des  astras  contraires.  7,203. 

» Quand  il  vit  nombre  de  fois  mes  astras  détruire  les 
siens,  Thermite  h la  grande  splendeur  combattit  dans 
cette  guerre  en  homme,  qui  a fait  l’abandon  de  sa  vie. 

» Ce  magnanime  Djamadagnidc,  son  astra  étant  para- 
lysé, de  m’envoyer  une  lance  de  fer  à la  force  épouvan- 
table, à la  pointe  enflammée,  comme  un  météore  flam- 
boyant. Elle  était  jetée  pour  la  mort  et  remplissait  le 
monde  de  sa  lumière.  7,204 — 7,205. 

» Je  tranchai  dans  son  vol  en  trois  morceaux  avec  mes 
flèches  ce  projectile  embrasé,  ardent  comme  le  soleil  de 
la  mort  ; je  l'abattis  sur  la  terre,  et  le  vent  souilla  d’une 
haleine  pure,  embaumée.  7,200. 

» Enflammé  de  colère  pour  cette  lance  coupée,  Ràma 
de  me  lancer  douze  autres  horribles  épieux  : il  est  impos- 
sible d’en  exprimer  la  forme,  Bharatide,  4 cause  de  la  ra- 
pidité et  de  l'éclat  fulgurant.  7,207. 

h Moi-même,  agité  par  la  fureur , je  lui  fis  voir  dans 
les  plages  du  ciel,  comme  de  grands  météores  de  feu  ou 
tels  que  des  soleils  pour  la  ruine  du  monde,  douze  épieux, 
tous  avec  des  formes  différentes,  enflammés  d'une  lumière 
épouvantable.  7,208. 

» A peine  avais-je  aperçu  un  nuage  fait  par  une  multi- 
tude de  flèches,  soudain  il  était  refoulé,  sire,  mis  en  piè. 


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OUiyY  OGA-P  ARV  A. 


185 


ces,  par  la  multitude  de  mes  flèches.  Je  lançai  douze 
flèches  dans  le  combat,  et  je  repoussai  avec  elles  ses  douze 
épieux  d’une  forme  inspirant  l’ épouvante.  7,20$). 

» Ensuite,  le  magnanime  Djamadagnide  dirigea  sur  moi 
des  lances  formidables  à la  hampe  d’or,  admirables,  au 
fer  enveloppé  dans  une  bandelette  d’or,  et  flamboyantes 
comme  de  grands  météores  ignés.  7,210. 

» J’arrêtai  ces  armes  terribles  avec  mon  bouclier,  Indra 
des  hommes  ; je  les  fis  tomber  sur  le  champ  de  bataille 
avec  mon  cimeterre,  et  je  versai  une  pluie  de  flèches  cé- 
lestes sur  les  chevaux  divins  du  Djamadagnide  et  son 
cocher.  7,211. 

» Dès  qu’il  vit  tranchées  ses  lances  admirables  d’or, 
semblables  à des  serpents  déchaînés,  le  magnanime,  pé- 
nétré de  colère,  le  vainqueur  du  roi  des  Halhayains,  mani- 
festa un  astra  divin.  7,212. 

n Des  lignes  enflammées  de  flèches,  comme  des  nuées 
horribles  de  sauterelles,  s’abattirent  devant  moi  et  couvri- 
rent de  leur  couche  épaisse  mon  corps,  mes  chevaux,  mon 
cocher  et  mon  char.  7,213. 

■i  De  tous  les  côtés,  mon  cocher,  mas  coursiers  et  mon 
char  disparaissaient,  ensevelis  sous  les  traits.  De  cette  ma- 
nière, la  flèche  dérobait  aux  yeux  le  joug  de  mon  char  ; 
et  ses  roues,  que  les  dards  avaient  coupées,  étaient  rom- 
pues. 7,21  à. 

n Quand  cette  pluie  de  traits  se  fut  écoulée,  je  répondis 
à mon  gourou  par  un  débordement  de  flèches.  Elles 
blessèrent  le  brahme,  océan  de  Védas  ; et  le  sang  ne 
cessa  pas  un  instant  de  s’échapper  à torrent  de  son  corps. 

» Comme  lUnia  était  accablé  sous  la  multitude  de  mes 
flèches,  et  que  j’étais  moi-même  grièvement  blessé  de 


m 


LE  MAHA-BHARATA. 


toutes  paru,  le  combat  cessa,  le  soleil  dans  la  soirée  étant 
descendu  au  mont  Asta.  7,215 — 7,210. 

» Dès  le  point  du  jour  suivant,  à l’heure  où  le  soleil  a 
repris  sa  limpide  lumière,  la  bataille  du  fils  de  Bhrigou 
recommença  avec  moi.  7,217. 

» Râma,  le  plus  vaillant  des  combattants,  se  tint,  son 
char  arrêté  devant  moi;  et,  tel  qu’un  uuage  verse  la 
pluie  sur  une  montagne,  il  répandit  sur  moi  des  grêles  de 
flèches.  7,218. 

# Percé  d’une  multitude  de  traits,  Souhrit,  mon  co- 
cher, vidant  le  siège  du  char,  remplit  mon  âme  de  dou- 
leur. 7,219. 

» Un  grand,  un  profond  évanouissement  saisit  mon 
cocher  ; et,  privé  de  connaissance,  il  tomba  sur  la  terre 
sous  l’oppression  des  flèches.  7,220. 

» Accablé  par  le  trait  de  Râma,  quand  mon  cocher  eut 
déserté  la  vie,  je  fus  un  instant,  Indra  des  rois,  en  proie  à 
la  terreur.  7,221. 

a Mon  cocher  mort,  l’âme  indifférente  aux  dards,  que 
je  lui  décochais,  Râma  m’adressa  des  flèches  pareilles  au 
trépas.  7,222. 

» Le  fils  de  Bhrigou,  tirant  fortement  la  corde  de  son 
arc  vigoureux,  me  frappa  d’une  flèche,  tandis  que  j’é- 
tais confondu  par  la  mort,  accablé  du  malheur  de  mon 
cocher.  7,223. 

» Le  trait,  buveur  de  sang,  se  plongea,  sire,  au  milieu 
de  ma  poitrine,  et  il  tomba  avec  moi,  Indra  des  rois,  sur 
la  surface  de  la  terre.  7,22â. 

» S’imaginant  qu’il  m'avait  tué,  Râma  de  pousser  un 
grand  cri,  aussi  fort  que  le  tonnerre  des  nuages,  et  des' en 
réjouir  mainte  et  mainte  fois.  7,225. 


OUDYOGA-PARVA. 


487 


n Quand  je  fus  tombé,  Ràma,  plein  de  joie,  sire,  jeta 
une  vaste  clameur  avec  le»  brahmes , ses  suivants.  7,226. 

o Mais  les  Kourouides,  qui  se  tenaient  à mes  côtés,  et 
les  gens  mêmes,  que  la  curiosité  avait  conduits  là  pour 
voir  cette  bataille,  7,227. 

» Tombèrent  dans  la  douleur  la  plus  profonde,  aussitôt 
que  je  fus  étendu  tan » mouvement  sur  la  terre.  7,228. 

» Couché  sur  le  sol,  je  vis  huit  brahmes,  semblables  au 
feu  ou  au  soleil,  qui,  m’ayant  environné  de  tous  côtés, 
lion  des  rois,  me  prirent  dans  leurs  bras  au  milieu  du 
champ  de  bataille.  7,229. 

» Sauvé  par  ces  brahmes,  je  ne  touchai  plus  la  terre  et 
je  fus  porté  par  eux  au  sein  des  airs,  comme  sur  les  bras 
de  mes  parents.  7,230. 

» Je  respirai  au  milieu  d’une  atmosphère  pure,  et  je 
fus  arrosé  de  fraîches  gouttes  d’eau.  Ensuite  ces  brahmes, 
sire,  de  m’embrasser  et  de  me  dire  : 7,231. 

« Ne  crains  pas  1 Que  la  félicité  descende  sur  toi  1 v 
Ils  me  répétèrent  ces  mots  plus  d'une  fois  ; et,  ranimé 
par  leurs  paroles,  je  me  levai  bientôt,  et  je  vis  ma  mère, 
la  plus  sainte  des  rivières,  placée  dans  mon  char.  7,232. 

o Elle  retenait,  (ils  de  Kourou,  cette  grande  rivière,  les 
rênes  de  mes  coursiers  dans  la  bataille.  J’embrassai  les 
pieds  de  ma  mère,  et  je  remontai  sur  le  char  de  mes 
aïeux.  7,233. 

# Elle  me  sauva  avec  mes  coursiers,  mou  char  et  les 
instruments  de  guerre  ; et,  quand  je  lui  eus  fait  l’andjali, 
je  recommençai  à décocher  mes  traits  ; 7,234. 

» Puis,  quand  j’eus  repris  la  conduite  de  mes  chevaux 
à la  rapidité  du  vent,  je  combattis  avec  le  Djamadagnide 
jusqu’à  la  lin  du  jour.  7,235. 


à 88 


LE  MAHA-BHARATA. 


» J'envoyai  dans  ce  coml>at  à Uàma,  ô le  plus  vertueux 
des  Rharatides,  une  flèche  à la  grande  force,  à la  vitesse 
impétueuse,  et  qui  fendait  le  cœur.  7,230. 

» Accablé  par  mon  trait,  RAma  laisseéchappersonarc  ; 
et,  tombé  sous  la  puissance  du  délire,  il  fléchit  ses  genoux 
sur  la  terre.  7,237. 

» Quand  cet  homme,  de  qui  la  main  prodiguait  ses  lar- 
gesses par  milliers,  fut  tombé,  les  nuages  de  tonner,  le 
ciel  de  verser  une  pluie  de  sang.  7,238. 

» l,es  météores  ignés  tombèrent  par  centaines;  il  y eut 
des  vents  orageux,  il  y eut  des  tremblements  de  terre; 
et  Ràhou  masqua  tout  à coup  le  soleil  enflammé.  7,239. 

» Des  vents  âpres  soufflèrent,  la  terre  fut  ébranlée  ; les 
vautours,  les  corneilles  et  les  ardées  de  promener  à la 
ronde  leur  vol  ivre  de  joie.  7,240. 

» Le  chacal  poussa  dans  la  plage  brûlante  ses  glapisse- 
ments épouvantables  ; les  tambours,  sans  être  frappés, 
retentirent  d’un  sinistre  son.  7,241. 

» Tous  ces  funestes  augures,  au  moment  où  Ràma  le 
magnanime  s'affaissait  sur  la  terre,  semblable  à un  être, 
qui  a perdu  l'âme,  inspiraient  l’épouvante.  7,242. 

» 11  se  leva  soudain,  ému,  rempli  de  colère,  et  s'appro- 
cha de  moi  pour  recommencer  le  combat.  7,243. 

» Ce  guerrier  aux  longs  bras  saisit  un  arc,  imprégné  de 
myrrhe  ; mais  j’arrêtai  Ràma  au  moment  qu'il  prenait  une 
flèche.  7,244. 

» Les  grands  rishis  étaient  pénétrés  de  compassion,  et 
le  fils  de  Blirigou  brûlait  de  colère  ; il  arrêta  dans  mes 
mtiins  un  trait  semblable  au  feu  de  la  mûri.  7,24ô. 

» Enveloppé  d'un  amas  de  poussière,  le  soleil  au  disque 
du  rayons  languissants  descendit  au  mont  Asta.  La  nuit 


OUDYOGA-PAU'A. 


489 


survint  avec  ses  rayons  frais  et  doux  ; nous  mîmes  alors 
fin  au  combat.  7,246. 

» Ainsi,  une  trêve  eut  lieu,  sire  ; mais  une  nouvelle  au- 
rore se  leva  bien  épouvantable  au  milieu  d’une  atmosphère 
sereine  ; telles  furent  les  aurores  pendant  vingt  jours  de 
combat  et  trois  autres  à la  suite.  7,247. 

» Ensuite,  ayant  prosterné  ma  tête  dans  la  nuit,  Indra 
des  rois,  devant  1 s brahmes,  les  Mânes  et  les  Dieux  entiè- 
rement, devant  les  Démons  nocturnes,  les  Bhoûtas  et 
l’ordre  des  kshatryas,  quand  j’eus  regagné  ma  couche, 
je  roulai  ces  pensées  dans  mon  esprit  : 7,248 — 7,249. 

« Il  y a maintenant  plusieurs  jours  que  j’ai  à supporter 
avec  le  Djamadagnide  ce  combat  très-destructeur  et  rem- 
pli de  la  plus  grande  épouvante.  7,250. 

» Je  ne  puis  vaincre  les  armes  à‘  la  main  sur  un  champ 
de  bataille  Ruina  le  Djamadagnide,  ce  brahme  aux  vastes 
forces,  à l’extrême  vaillance.  7,251. 

» S’il  est  possible  que  je  sorte  vainqueur  d’un  combat 
avec  l’auguste  Djamadagnide , veuillent  les  Dieux  favo- 
rables m’en  donner  des  signes  dans  la  nuit.  » 7,252. 

» Endormi  dans  les  ténèbres,  Indra  des  rois,  malgré 
les  blessures  des  (lèches,  je  vis  14,  à mon  côté  droit,  a 
l’heure  du  point  du  jour,  7,253. 

n Ces  principaux  brahmes,  par  qui,  tombé  de  mon 
char,  je  fus  relevé,  porté  dans  les  airs  et  caressé  de.  ces 
paroles  : a Ne  crains  pas  I » 7,254. 

» Us  se  présentèrent  à ma  vue  en  songe,  puissant  roi, 
et,  m’ayant  environné,  ils  me  dirent  ces  mots;  écoute-les, 
fils  de  Kourou  : 7,255. 

a Lève-toi,  fils  de  la  Gangâ  ! Ne  crains  pas;  il  n’y  a 
pour  toi  nul  sujet  de  crainte.  Nous  te  sauverons , desceu- 


490  LE  MAHA-BHARATA. 

dant  de  Kourou;  que  ton  altesse  soit  notre  corps!  7,256. 

» Ràma  le  Djnmadagnide  ne  sera  jamais  ton  vainqueur 
dans  le  combat;  et  toi,  éminent  Bharatide,  tu  vaincras  en 
bataille  ce  Râma  ! 7,257. 

» lin  astra  bien-aimé  pour  le  vaincre  se  présentera  au 
souvenir  de  ta  grandeur,  car  tu  l’as  su  dans  une  précé- 
dente existence.  7,258. 

» Certes  ! ni  Ràma,  ni  aucun  homme  sur  la  terre,  ne 
connaît  cette  arme,  Bharatide,  nommée  le  Sommeil-du- 
Créateur  et  faite  par  les  Viçvadévas.  7,259. 

» Souviens-toi  d’elle,  guerrier  aux  longs  bras,  emploie- 
la  puissamment  ; elle  viendra  d’elle-même  à toi,  irrépro- 
chable Indra  des  rois.  7,260. 

» Par  elle,  Lu  régneras  sur  tous  les  hommes  à la  grande 
vigueur  ; mais  Ràma  ne  doit  pas  mourir,  auguste  (ils  de 
Kourou,  sous  les  coups  de  cet  astra.  7,261. 

» Tu  n'obtiendras  jamais,  ô toi,  qui  donnes  l’honneur, 
d’être  uni  au  péché  ; et  le  Djamadagnide,  accablé  par  la 
puissance  de  ta  flèche , sera  plongé  dans  le  sommeil. 

» Quand  tu  l’auras  vaincu  avec  cette  arme  chérie, 
obéissante  à l’appel  de  Bhishma,  tu  le  réveilleras  de  nou- 
veau sur  le  champ  de  bataille.  7,262 — 7,263. 

» Remonté  sur  ton  char  au  point  du  jour,  fils  de  Kou- 
rou, observe  cette  conduite;  qu’il  soit  enseveli  dans  le 
sommeil  ou  daDS  la  mort,  la  chose  nous  parait  égale. 

» Jamais,  prince,  Ràma  ne  doit  mourir  ; emploie  donc 
avec  lui  ce  profond  sommeil.  » 7,264 — 7,265. 

» A ces  mots  disparurent  tous  ces  plus  grands  des 
brahmes,  sire  ; tdus  les  huit  étaient  d'une  beauté  sem- 
blable et  ils  avaieut  des  formes  resplendissantes.  7,266. 

» La  nuit  s'étant  écoulée,  je  sortis  du  sommeil,  fils  de 


OUDYOGA-PARVA.  491 

Bharata  ; et  la  pensée  de  mon  rêve  m'éleva  au  comble  de 
la  joie.  7,207. 

» Ensuite  recommença  entre  lui  et  moi  un  combat  mer- 
veilleux, confus , causant  l’horripilation  à tous  les  êtres. 

» Le  fils  de  Bhrigou  fit  tomber  sur  moi  une  pluie 
formée  de  flèches,  et  je  la  refoulai  avec  une  multitude  de 
projectiles.  7,268 — 7,269. 

» Enflammé  de  la  plus  ardente  colère,  l'homme  aux 
grandes  pénitences  décocha  sur  moi  dans  sa  fureur,  l’a- 
vant-dernier jour,  une  lance  de  feu.  7,270. 

» I)'un  contact  égal  à celui  de  la  foudre , elle  res- 
semblait pour  la  splendeur  au  bâton  d’Yama,  flamboyait 
comme  le  feu  et  léchait  de  toutes  parts  dans  le  combat. 

» Ce  projectile,  comme  un  feu,  marchant  au  milieu  des 
airs,  tigre  des  Bharalides,  vint  me  frapper  impétueuse- 
ment à la  clavicule.  7,271 — 7,272. 

» Semblable  au  métal  d'or,  que  révèle  une  montagne, 
mon  sang  coula  d'une  manière  effrayante,  prince  aux 
yeux  de  sang,  à la  force  infinie,  de  la  blessure,  qud  m'a- 
vait imprimée  Ràma.  7,273. 

» Je  fus  alors  enflammé  d’une  bouillante  colère  contre 
le  Djamadagnide  ; et  je  lui  décochai  un  trait  pareil  au  poi- 
son des  serpents  et  semblable  à la  mort.  7,274. 

» Frappé  au  front  par  uia  flèche,  ce  héros , le  plus 
excellent  des  brahmes,  semblait  alors,  puissant  roi,  une 
montagne  accrue  d'un  piton.  7,27 5. 

» Il  choisit  une  flèche,  pareille  à la  mort,  qui  détruit 
tout,  l'encocha  et  tira  fortement  ce  trait  épouvantable, 
exterminateur  des  ennemis.  5,276. 

n La  cruelle  sagette  s'abattit  sur  ma  poitrine,  en  sif- 
flant comme  un  serpent;  et,  souillé  de  sang,  je  tombai, 
sire,  sur  la  terre.  7,277. 


492 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Quand  j’eus  repris  connaissance,  j'envoyai  au  sage 
Bjamadagnide  une  lance  immaculée,  flamboyante  comme 
la  foudre.  7,278. 

» Elle  fondit  sur  la  poitrine  du  grand  brahme  ; il  en 
fut  troublé,  sire,  et  soudain  le  tremblement  le  saisit. 

» Son  ami,  le  brahme  aux  vastes  pénitences,  Akrita- 
vrana  le  prit  dans  ses  bras  et  le  ranima,  non  une  seule 
fois,  avec  des  paroles  affectueuses.  7,279 — 7,280. 

» Alors,  revenu  i lui,  pénétré  de  ressentiment  et  de 
colère , Râma  tira  de  son  carquois  un  trait  de  la  plus 
haute  puissance  , l'astra  Bralunique , consacré  par  un 
grand  vœu.  7,281. 

» Aussitôt,  pour  l’arrêter,  une  flèche  sublime,  décochée 
par  moi,  nouvel  astra  brahmique,  flamboya  dans  l’es- 
pace et  fit  voir  aux  yeux  comme  la  fin  de  l'youga.  7,282. 

» La  rencontre  de  ces  deux  astras  brahmiques  arriva 
au  milieu  de  la  distance  intermédiaire,  ô le  plus  excellent 
des  Bharatides,  sans  toucher,  ni  Râma,  ni  moi.  7,283. 

» Leur  éclat  radieux  éclaira  tout  le  ciel  entièrement;  et 
toutes  les  créatures,  seigneur  des  hommes,  furent  plongées 
dans  les  tourments.  7,284. 

» En  proie  au  feu  de  ces  flèches,  les  rishis,  les  Gan- 
dharvas  et  les  Dieux  tombèrent  dans  les  plus  grandes 
souffrances.  7,285. 

» La  terre  trembla  avec  ses  arbres,  ses  forêts,  ses 
montagnes  : et  tous  les  êtres,  consumés  par  les  flammes, 
de  s’ensevelir  dans  une  terreur  profonde.  7,286. 

» Le  ciel  flamboya  , les  dix  points  de  l’espace  vo- 
mirent de  la  fumée  ; il  fut  impossible  aux  hôtes  de  la  ré- 
gion aérienne,  siée,  de  continuer  leur  vol  dans  l’atmos- 
phère. 7,287. 

» Le  monde  avec  les  Rakshasas,  les  Asouras  et  les 


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OUDY  OGA-PARV  A. 


593 


Dieux  poussait  des  gémissements,  et  je  tins  ce  langage, 
Bharatide  : « J’ai  le  désir  de  sauver  ce  qui  reste.  » 

» Et,  tandis  que  je  me  hâtais,  se  présenta  soudain  à 
mon  esprit,  suivant  la  parole  des  brahmes,  cet  astra  mer- 
veilleux, nommé  l’Astra-du-sommeil.  7,288 — 7,289. 

» Ensuite,  un  grand  bruit  de  : « Hélas  ! hélas  ! » 
éclata  dans  le  ciel,  et  j'entendis  alors,  fils  de  Kourou,  ces 
mots  : « Ne  décoche  pas,  Bhishma,  la  flèche  du  som- 
meil ! » 7,290. 

» J’envoyais,  malgré  ces  paroles,  mon  trait  au  rejeton 
de  Bhrigou  ; mais  N'àrada  me  dit,  sur  le  point  de  lancer  le 
sommeil  : 7,291. 

« Ces  chœurs  des  Dieux,  rassemblés  dans  le  ciel,  au 
sein  des  airs,  te  le  défendent;  ne  décoche  pas  maintenant 
le  sommeil  ! 7,292. 

» Rama,  ce  pieux  ascète,  est  un  brahme  et  ton  gourou. 
Ne  fais  jamais  de  lui,  fils  de  Kourou,  aucun  mépris!  » 

» Je  vis  au  même  instant  les  huit  brahmes,  qui  se  te- 
naient dans  le  ciel,  et  qui  me  dirent  avec  lenteur,  Indra 
des  rois,  en  souriant,  ces  paroles  : 7,293 — 7.29â. 

« Fais  comme  te  l’a  dit  Nârada,  6 le  plus  excellent  des 
Bharatides  ; c'est  en  effet  le  plus  sûr  moyen  de  salut  pour 
les  mondes.  » 7,295. 

» Alors,  je  retins  l'astra  brahmique;  mais  il  jetait  des 
flammes  dans  le  combat,  suivant  les  règles  de  sa 
nature.  7,296. 

» A peine  eut-il  vu, lion  des  rois, cet  astra  arrêté, Râma 
soudain  articula  ces  mots,  en  dépit  de  sa  colère  ; b Je 
suis  vaincu,  Bhtshma  ! J'étais  un  esprit  bien  insensé  ! » 

» Le  Djnmadagnide  vit  alors  son  père  et  son  vénérable 
aïeul  ; ils  se  tinrent  à l'entour  de  lui  et,  commençant  par 


J.K  MAHA-BHA11ATA. 


m 


des  paroles  bienveillantes,  lui  adressèrent  ce  discours 

7,287 — 7,208. 

« Ne  te  livre  plus  désormais  A ces  actes  de  violence, 
mon  fils,  surtout  pour  aller  en  guerre  avec  un  kshatrya 
tel  que  Bhlshma.  7,299. 

» Si  le  combat  est  le  devoir  du  kshatrya,  la  lecture  et 
l'accomplissement  de  son  vœu,  fils  de  Brighou,  est  la 
première  richesse  des  brahmes.  7,300. 

» Ce  qui  fut  déjà  dit  pour  vous  dans  un  sujet  quelcon- 
que ; mais,  ce  nonobstant,  la  prise  d’armes,  que  tu  ne  de- 
vais pas  faire,  tu  l'as  faite  cependant.  7,301. 

» Cela  te  sied-il,  mon  (ils?  Tu  as  été  vaincu  dans  ce 
combat  avec  Bhlshma  : ainsi,  retire-toi  de  cette  bataille, 
b r ah  me  aux  longs  bras  ! 7,302. 

» Cela  te  sied-il,  si  tu  nous  permets  de  le  dire?  Aban- 
donne cet  arc,  que  tu  portes,  fils  de  Bhrigou.et  livre-toi  à 
ton  austère  pénitence.  7,303. 

» Tous  les  Dieux  couvrent  de  leur  protection  ce 
Bhlshma,  le  fils  de  Çàntanou  : abstiens-toi  de  ce  com- 
bat. » C’est  ainsi  qu’il  fut  supplié.  7,30 4. 

a Ne  fais  pas  la  guerre,  me  dirent-ils  mainte  et  mainte 
fois,  à Ràma,  qui  est  ton  gourou  ; car  il  ne  convient  pas, 
fils  de  Kourou,  que  Râma  soit  vaincu  par  toi  dans  un 
combat.  7,305.  , 

» Rends  l'honneur  au  brahme  sur  le  champ  de  ba- 
taille, fils  delà  Gangâ....  Mais  nous  sommes  à tes  yeux 
des  gourous,  c’est  pour  cela  que  nous  sommes  venus  t’ar- 
rêter dans  cette  bataille.  7,300. 

» Bhlshma  est  l'un  des  Vasous.  Vis  heureux,  mon  fils! 
Ce  héros,  à qui  Çàntanou  et  la  Gangâ  ont  donné  la  nais- 
sance, est  un  Vasou  à la  vaste  renommée.  7,307. 


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OUDYOGA-PARVA. 


496 

» Comment  pourrait-il  être  vaincu  par  toi?  Reviens 
ici,  rejeton  de  Bhrigou  I Arjouna,  le  plus  excellent  des 
Pàndouides,  le  vigoureux  fils  de  Pourandara,  7,30S. 

» Est  la  mort  de  Bhlshina  : c'est  pour  accomplir  cette 
tâche,  quand  l'heure  en  sera  venue,  qu’il  a été  créé  par 
rÊtre-existant-de-lui-mèiue.  » 7,809. 

» A ces  paroles  de  ses  pères,  Ràina  de  répondre  en  ces 
mots  : « Je  ne  reculerai  pas  dans  ce  combat  ; ma  résolu- 
tion est  ainsi  bien  arrêtée.  7,310. 

» Je  n'ai  jamais  avant  reculé  sur  le  front  d’un  champ 
de  bataille.  Que  le  fils  de  la  Gangâ,  mes  pères,  se  retire 
du  combat,  s'il  veut.  7,311. 

» Mais  je  ne  ferai  jamais  un  pas,  moi,  hors  de  cette  ba- 
taille. » Alors,  sire,  les  solitaires,  qui  avaient  à leur  tête 
Rikhtka,  s’étant  réunis  à Nàrada  lui-même,  s'approchent 
de  moi,  et  1 « Retire-toi,  mon  fils,  de  ce  combat,  me 
disent-ils  ; respecte  le  plus  sublime  des  brahmes.  » 

7,312—7,313. 

» Ainsi  me  parlèrent  ces  grands  ascètes;  et  moi,  par 
mon  union  au  devoir  du  kshatrya  : « Voici  le  vœu,  que 
j’ai  prononcé  dans  le  monde  : « Je  ne  dois  jamais  tn’en- 
* fuir  d’un  combat,  détournant  ma  face  et  présentant  le 
dos  à la  blessure  des  (lèches  ; je  ne  dois  jamais  abandon- 
ner le  devoir  immortel,  ni  par  cupidité,  ni  par  commisé- 
ration, ni  par  crainte,  ni  pour  une  raison  d'intérêt.  » Tel 
est  mon  sentiment  bien  arrêté.  » Ensuite,  tous  les  soli- 
taires, Nârada  à leur  tête,  sire,  7,314 — 7,315  -7,316. 

» Et  Bhaglratht,  ma  mère,  de  s'avancer  au  milieu  du 
champ  de  bataille.  Alors,  ayant  pris  ma  (lèche,  muni  de 
mon  arc,  et  la  résolution  ferme,  inébranlablement  dé- 
terminé à combattre  dans  ce  duel,  je  m’approchai  de  lui 


LE  MABA-BHARATA. 


490 

une  seconde  fois,  en  la  compagnie  de  res  saintes  per- 
sonnes; et  je  dis  à Râma,  la  joie  de  Bhrigou  : 

7,317—7,318. 

o Le  cœur  des  brahuies,  qui  ne  s’épanche  jamais,  fils 
d<-  Bhrigou,  s’est  calmé.  Ràma!  Râma!  retire-toi  de  ce 
cotnhai,  ô le  plus  grand  des  brahmes.  7,319. 

» Bhishma  ne  doit  pas  être  immolé  par  loi  ; et  toi,  tu 
ne  dois  pas  être  immolé  par  Bhishma.  » Tandis  que  je 
parlais  ainsi,  tous,  ils  me  fermèrent  le  champ  de  ba- 
taille. 7,320. 

» Ses  pères  firent  déposer  la  flèche  au  rejeton  de 
Bhrigou;  et  je  vis  de  nouveau,  en  ce  moment,  les  huit 
resplendissants  brahmes,  semblables  à huit  planètes, 
montées  sur  l’horizon.  Debout  dans  la  plaine  du  combat, 
je  reçus  un  affectueux  salut  d'eux,  qui  m’adressèrent  ces 
paroles  : 7,321—7,322. 

« Avance  , guerrier  aux  longs  bras  : obtiens  de  l’au- 
guste Ràma  le  bien  du  monde!  » A ce  langage  ami,  ayant 
vu  reculer  le  Djamadagnide,  je  répondis  : « Moi,  je  ferai 
le  bien  des  mondes!  » Ensuite,  profondément  blessé,  je 
m’approchai  de  Râma,  et  je  m’incliuai  devant  lui  (1). 

7,323—7,324. 

» Et  Râma  aux  grandes  pénitences  me  dit,  avec  un 
sourire  affectueux  ; « 11  n’existe  point  en  ce  monde,  sur 
la  surface  de  la  terre,  un  kshatrya  égal  â toi.  7,325.- 

» Va-t-en,  Bhishma!  Tu  m’as  satisfait  dans  ce  combat.  » 
Le  fils  de  Bhrigou,  appelant  alors  devant  moi  la  vierge, 
lui  dit  ces  mots  d'une  voix  triste,  en  présence  de  ces  ma- 
guanimes  : 7,326 — 7,327. 

(I)  Si  je  ne  me  trompe,  il  me  semble  qu'on  sent  ici  uue  lacune. 


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OUDYOGA-PARVA. 


407 


a J’ai  soutenu  de  toutes  mes  forces,  à la  vue  de  tous 
les  mondes,  noble  dame,  ce  combat  du  plus  haut  cou- 
rage ; 7,328. 

» Et,  bien  que  j’aie  fait  voir,  sans  mesure,  des  astras 
supérieurs,  je  n'ai  pu  vaincre  Bhlshma,  le  plus  excellent 
des  hommes,  qui  portent  les  armes.  7,329. 

» Cependant,  cette  mienne  lance  est  suprême;  suprême 
est  aussi  ma  force.  Va,  illustre  femme,  à ton  gré;  ou 
quelle  autre  chose  veux-tu  que  je  fasse?  7,330. 

» Approche-toi  de  Bhlshma  ; nulle  autre  route  n’existe 
pour  toi.  En  effet,  Bhlshma,  qui  lance  des  astras  mer- 
veilleux, m’a  vaincu  ! » 7,331. 

» Quand  Ràma  à la  grande  âme  eut  parlé  ainsi,  et 
poussé  des  soupirs,  la  jeune  fille  resta  d’abord  en  silence; 
puis,  elle  dit  ces  mots  au  rejeton  de  Bhrigou  : 7,332. 

« Révérend,  c’est  comme  l’a  dit  ta  révérence.  Grâce 
aux  Dieux,  invincible  est  ce  Bhlshma  à la  noble  intelli- 
gence. 7,333. 

» Tu  as  employé  à mon  affaire  tous  tes  efforts,  toute  ta 
vigueur;  maison  ne  peut  arrêter  son  énergie  dans  un 
combat,  et  ses  astras  sont  variés.  7,334. 

» Enfin,  il  est  impossible  de  le  vaincre  dans  une  ba- 
taille. Quant  à moi  , je  ne  retournerai  jamais  avec 
Bhlshma.  7,335. 

b J’irai  là,  Bhrigouide,  riche  en  pénitences,  où  l’on  _ 
peut  me  donner  la  force  à moi-même  de  coucher  mort  ce 
Bhlshma  dans  une  bataille  ! » 7,336. 

» A ces  mots,  la  jeune  fille  s’en  alla,  ses  yeux  troublés 
par  la  colère,  pensant  à me  donner  la  mort,  et  l’âme  fer- 
mement résolue  à tourmenter  son  corps  dans  la  péni- 
tence. 7,337. 

VI 


32 


498 


LU  MAHA-BHAHATA. 


» Puis,  m' ayant  dit  adieu,  Bharatide,  le  plus  grand 
des  Bhrigouides,  accompagné  des  anachorètes,  s’en  alla, 
comme  il  était  venu,  au  mont  Mahéndra.  8,388. 

» Remonté  dans  mon  char,  je  rentrai  dans  la  ville  au 
milieu  des  louanges,  chantées  par  les  brahmes,  et  j’an- 
nonçai à SatyavaU,  nia  mère,  ce  qui  était  arrivé.  7,339. 

u Elle  me  félicita  sur  l’évènement,  puissant  roi,  et  je 
donnai  mes  instructions  à des  hommes,  instruits  dans  les 
détails  sur  l'histoire  de  cette  jeune  fille.  7,340. 

» Chaque  jour,  des  gens  capables,  é esprit  toujours 
placé  dans  ce  qui  m'était  agréable  ou  utile,  m’informaient 
de  la  route,  gagnée  par  ses  prières.  7,341. 

» En  apprenant  que  la  vierge  déterminée  s’était  exilée 
dans  les  bois,  pour  vaquer  à sa  pénitence,  je  fus  agité 
par  la  crainte,  accablé  de  chagrin  ; et  je  devins  comme 
une  personne,  de  qui  l’âme  s’est  enfuie.  7,342. 

• Assurément,  aucun  kshatrya  ne  peut  me  vaincre  (1) 
par  sa  vaillance  dans  la  guerre,  sinon  les  sages,  mon  fils, 
par  la  vertu  parfaite  de  la  pénitence.  7,343. 

» Je  fis  part  de  cette  chose,  sire,  à Nàrada  et  à Vyâsa; 
et  ces  deux  pénitents  me  dirent  : 7,344. 

« La  fille  du  souverain  de  KAçi  ue  doit  t'inspirer  aucune 
crainte,  Bbishma  : qui  pourrait  arrêter  la  destinée  par  un 
effort  humain  ? 7,345. 

» Cette  vierge,  arrivée  sur  les  bords  de  l'Yamounâ,  est 
entrée  dans  le  cercle  des  hermitages,  et  s'y  adonne  à une 
pénitence  au-dessus  de  l'humanité.  7,840. 

u Riche  en  mortifications,  dure  à elle-même , maigrie, 


(!)  Imparfait,  vyadjayai.  De  même,  en  grec,  l’aomle  second  marque  use 
chose,  qui  le  fait  d'habitude,  avec  continuité. 


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OUDYOGA-PARVA. 


490 

ses  cheveux  disposés  en  gerbe,  souillée  de  poussière  et  de 
saletés,  sans  nourriture,  ne  vivant  que  de  l’air,  ne  man- 
geant que  de  six  en  six  mois,  immobile  comme  un  pieu, 

» Cette  noble  dame,  placée  vers  les  ondes  de  l'Ya- 
mounâ,  a déjà  supporté  dans  le  jeûne,  privée  de  tout 
aliment,  une  année  et  celle  qui  la  suit.  7,847 — 7,348. 

s Lue  nouvelle  année  fut  consommée,  en  vivant  de 
feuilles  mortes,  uniquement  portée  sur  l'orteil  d’un  seul 
pied,  soutenue  par  son  ardente  colère.  7,849. 

» Elle  a brûlé  ainsi  douze  ans  le  ciel  et  la  terre  : il  est 
impossible  même  à ses  parents  de  la  détourner.  7,350. 

» De-là,  elle  s'en  est  allée  au  Vatsabhoûuii,  habité  par 
les  Siddhas  et  les  Tchâranas , hermitage  des  magna- 
nimes ascètes,  adonnés  à la  pureté.  » 7,351. 

» La  fille  du  souverain  de  Kàçi  parcourait  la  terre,  nuit 
et  jour,  baignant  ses  membres  en  de  saints  ttrthas,  quelle 
choisissait  à son  gré.  7,362. 

» Tantût  elle  habitait,  grand  roi,  dans  l'hermitage  de 
Nanda,  tantôt  dans  la  charmante  retraite  d'Ouloûka,  une 
autre  fois  dans  l’hermitage  du  brahme  Tchyavana; 

» Tantôt  dans  les  forêts  des  Dieux,  ou  dans  un  temple 
saint,  ou  dans  un  Pryâga  fameux,  tantôt  dans  Bhoga- 
vatl,  ou  dans  l'hermitage  du  fds  de  Kouçika  ; 

7,358—7,354. 

» Ici,  dans  l’hermitage  de  Mândavya,  sit  e;  là,  dans  celui 
de  Dillpa  ; ailleurs,  sur  la  rive  du  lac  de  Bâma,  ou  dans 
la  retraite  de  Paüagarga.  7,865. 

» Embrassant  un  vœu  pénible,  la  fille  du  souverain  de 
Kâçà  baignait  ses  jeunes  membres,  monarque  des  hommes, 
en  ces  différents  tlrthas.  7,356. 

» Ma  mère  lui  dit  ces  mots  dans  l'eau,  où  elle  était 


500 


LE  MAHA-BHARATA. 


placée  : « Quelle  est  la  cause  (le  ta  douleur,  noble  dame; 
dis-moi  la  vérité.  » 7,357. 

» La  femme  sans  défaut  lui  répondit,  sire,  élevant  au 
front  ses  deux  mains  réunis  : i<  Rama  fut  vaincu  dans  un 
combat  par  Bhlslmia,  femme  aux  beaux  yeux.  7,358. 

» Quel  autre  monarque  serait  capable  de  vaincre  ce 
brahme,  quand  il  tient  levé  sa  flèche  ? Je  veux  donc  sup- 
porter une  bien  épouvantable  pénitence  pour  la  mort  de 
Bhlshma  ! 7,359. 

» Je  parcours  la  terre,  Déesse,  pour  obtenir  de  tuer  ce 
roi  ; car  c’est  en  cela  que  j’ai  posé  le  plus  riche  fruit  de 
mon  vœu.  » 7,360. 

» Tu  suis  une  mauvaise  route,  belle  dame,  lui  répondit 
la  sainte  rivière  ; car  c’est  un  vœu,  que  tu  ne  peux  obtenir, 
femme  aux  membres  sans  défaut.  7,361. 

n Si  tu  observes  ce  vœu  pour  la  mort  de  Bhlshma,  si  tu 
restes  fidèle  à ton  vœu,  princesse  de  Kâçi,  il  te  faudra, 
bien  certainement  ! te  séparer  de  ton  corps.  7,362. 

» Tu  deviendras  un  fleuve  au  cours  sinueux,  dame  char- 
mante. Formé  des  eaux  de  la  pluie,  infranchissable,  semé 
de  périlleux  tirthas,  la  pluie  ne  te  versera  pas  son  eau 
huit  mois  de  l’année.  7,363. 

» Épouvantable,  infestée  de  crocodiles  effrayants,  tu 
inspireras  la  terreur  à tous  les  êtres.  » Quand  elle  eut  ainsi 
parlé  en  souriant  à la  fille  du  roi  de  Ràçi,  la  vertueuse 
dame,  ma  mère,  sire,  se  retira.  Tantôt  dans  le  huitième, 
et  tantôt  dans  le  treizième  mois,  elle  étanche  sa  soif. 

7,364—7,365. 

» Jamais  ensuite  elle  ne  boira  d'eau,  celte  vierge  de  la 
plus  élevée  des  castes  I La  fille  du  roi  de  Kâçi,  rejeton  de 
Kourou,  circule  çà  et  là,  parcourant  le  Vatsabhoûmi  à la 


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OllDYOG  A-PARVA. 


5C»4 


recherche  d'un  tlrtha.  Or,  Ambâ  (1)  est,  dit-on,  Bharatide, 
une  rivière  célèbre  dans  le  Vatsabhoûmi.  7,366 — 7,387. 
. o Elle  est  le  produit  des  pluies,  flexueuse,  infranchis- 
sable, infestée  de  crocodiles.  Elle  renaquit  jeune  fille  par 
la  moitié  du  corps,  grâce  à la  pénitence.  7,368. 

Et  devint  alors,  sire,  une  jeune  rivière  à partir  des 
seins  (2).  7,369. 

» Tous  les  ascètes,  la  résolution  bien  arrêtée  dans  la 
pénitence,  l’ayant  vue,  de  l'empècher,  mon  fils,  et  de  lui 
dire:  « Que  fais-tu  ? » 7,370. 

» La  jeune  fille  répondit  aux  saints,  riches  de  macéra- 
tions : o Je  fus  répudiée  par  Bhishma,  qui  m'a  fait  pré- 
cipiter des  devoirs,  qu’un  mari  doit  à sa  femme.  7,371. 

» Mon  sacrifice  est  commencé  pour  sa  mort,  non  pour 
le  monde.  Que  je  tue  Bhishma  d’abord,  et  j’irai  ensuite  à 
la  paix  de  C esprit.  Voilà  ma  résolution.  7,372. 

» C'est  pour  cela  que  j’habite  sans  cesse  ce  pénible 
séjour.  Quand  on  est  privé  du  ciel  des  époux,  on  n’est  plus 
ni  homme,  ni  femme.  7,373. 

» Je  ne  veux  pas  me  retirer,  anachorètes  opulents  de 
pénitence,  que  je  n’aie  abattu  Bhishma  dans  le  combat  ! 
Ce  que  je  dis  est  une  pensée  fixe  dans  mon  cœur.  7,374. 

» Je  regrette  les  sentiments  d’une  femme,  et  j'em- 
brasse l’action  stérile  : on  ne  doit  pas  m’empêcher,  répé- 
ta-t-elle, quand  je  cherche  à me  venger  de  Bhishma. 

» L’époux  d'Ournâ,  le  Dieu  Çoûlapàni,  se  montra  en 


(1)  Leçon  du  texte  de  Bombay. 

(2)  E*t*ce  ai  mû  qu’il  faut  traduire  ratséihou  ? J'aurai»  besoin  ici  du 
commentaire  ; il  est  cependant  muet  dans  toute  celte  partie  de  l'épisode; 
mais  ce  morceau  est  dans  un  état  de  vétusté  et  de  ruine  lamentables,  saus 
commencement,  pour  ainsi  dire,  ui  milieu,  ni  (in. 


605 


LE  MAHA-BHARATA. 


personne  à la  fettmie  anachorète  au  milieu  de  ces  grands 
saints.  7,375—7,376. 

« Comblée  d'une  grâce,  elle  opta  pour  ma  défaite  : 

« Tu  lui  donneras  la  mort  1 « répondit  le  Dieu  à cette 
femme  intelligente.  7,377. 

« Comment,  Immortel,  repartit  la  jeune  fille  à ces 
mots  de  Roudra,  ma  victoire  pourra-t-elle  arriver  par  la 
main  d’une  femme  ? 7,378. 

» Ma  nature  féminine  jette  une  profonde  placidité  dans 
mon  âme,  époux  d'Oumâ;  mais  tu  m'as  promis,  maître 
des  créatures,  la  défaite  de  Bhtshma.  7,379. 

» Agis  de  telle  sorte  que  cette  parole  soit  une  vérité,  6 
toi,  de  qui  l'enseigne  est  un  taureau  ; fais  que  j'allronte 
Bhishma,  le  fils  de  Ç&ntauou,  et  que  je  l'abatte  sur  le 
champ  de  bataille.  b 7,380. 

» Mahadéva,  le  Dieu,  qui  arbore  le  taureau,  répondit 
à la  jeune  fille  : « La  parole,  que  j’ai  prononcée,  ne  sera 
pas  un  mensonge  : elle  sera,  noble  dame,  une  vérité. 

» Tu  acquéreras  la  virilité  et  tu  donneras  la  mort  à 
Bhishma  sur  le  champ  de  bataille;  toutes  ces  choses  revien- 
dront à ta  métuoire,  quand  tu  auras  passé  dans  un  autre 
corps.  7,381 — 7,382. 

b Née  dans  la  race  de  Droupada,  tu  deviendras  un 
héros  : terrible  guerrier  aüx  flèches  rapides,  tu  jouiras  de 
la  plus  haute  estime.  7,383. 

» Tout  cela,  illustre  femme,  arrivera  comme  je  te  l'ai 
dit;  tu  deviendras  un  homme  dans  l’avenir,  après  une 
certaine  révolution  du  temps.  » 7,38A. 

» Cela  dit,  Maliadéva-Kaparddt,  â l'enseigne  du  tau- 
reau, disparut  au  même  instant  sous  les  j eux  des  brah- 
mes.  7,385. 


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Ol.DYOG  V-PARVA. 


505 


» L’irréprochable  dame  se  mit  à ramasser  des  bois 
dans  cette  vaste  forêt  à la  vue  de  ces  grands  saints.  7,386. 

» Elle  construisit  un  immense  bûcher,  elle  y mitlefeu; 
et,  quand  la  flamme  fut  allumée,  grand  roi,  là  fille  afnée 
du  souverain  de  Kâçi  entra,  d’une  âme  bouillante  de  co- 
lère, au  milieu  du  feu,  sur  la  rive  de  l’Yamounà,  en  s'é- 
criant : «C’est  pour  la  mort  de  Bhishma!  » 7,387-7,388. 

Douryodhana  l'interrompit  : 

« Comment  cette  jeune  lille,  qui  est  maintenant 
Çikhandt,  est-elle  devenue  un  homme?  Raconte-moi  cela, 
mon  aïeul,  le  plus  vaillant  des  combattants!  » 7,389. 

•:  L’épouse  royale  de  Droupada,  le  souverain  de  la 
terre,  lui  répondit  Bhtshma,  était  une  femme  chérie,  Indra 
des  rois;  mais  elle  n'avait  pas  d'enfants.  7,390. 

» Dans  ce  temps,  le  roi  Droupada  se  rendit  agréable  à 
Sankara  afin  d’eo  obtenir  un.  » 7,391. 

» Déterminé  à notre  mort,  il  accomplit  une  pénitence 
épouvantable  : « Qu’un  fils  me  soit  donné,  Mahadéva, 
disait-il,  non  accompagné  d’une  fille!  7,392. 

# Je  désire  un  fils,  Adorable  pour  tirer  vengeance  de 
Bhishma.  » — « Tu  auras  une  fille-homme!  lui  répon- 
dit le  grand  Dieu.  7,393. 

n Retourne,  maître  de  la  terre;  il  n’en  sera  pas  autre- 
ment! » Revenu  dans  sa  ville,  celui-ci  raconte  à son 
épouse  ce  qu’il  avait  entendu.  7,394. 

« Je  lui  Tus  agréable,  puissante  reine,  par  les  efforts 
dépensés  de  ma  pénitence.  11  me  naîtra  une  fille,  qui  de- 
viendra un  homme.  Aiusi  m’a  parlé  Çambhou.  7,395. 

» Çiva,  mainte  et  mainte  fois  supplié,  m’a  révélé  le 
destin  : « Cela  ne  sera  pas  autrement,  m'a-t-il  dit  ; cela 
doit  être  ainsi.  » 7,306. 


504 


Lli  MAUA-RUAUATA. 


» Ensuite,  devenus  huuible,  l’épouse  du  roi  Droupada 
s'unit  à son  époux  aux  jours  de  ses  règles.  7,397. 

» Elle  conçut,  au  temps  marqué,  un  fruit  du  Prisha- 
tide,  comme  Nârada  me  l’avait  dit,  suivant  les  conditions 
fixées  par  le  Destin.  7,398. 

» La  reine  aux  yeux  de  lotus  bleu  porta  neuf  mois  son 
fruit.  Le  roi  Droupada  aux  longs  bras  se  faisait  une  joie 
par  l’amour,  qu’il  avait  déjà  pour  son  fils,  d'aller  et  de 
venir  autour  de  son  épouse  bicn-aimée,  La  reine,  maître 
de  la  terre,  obtenait  de  ce  roi,  qui  n’avait  pas  d’enfants, 
l’accomplissement  de  tous  ses  désirs;  et  la  royale  épouse 
de  Droupada  mit  au  monde,  dans  le  temps  voulu,  une 
fille  de  la  plus  grande  beauté.  La  spirituelle  princesse 
l’annonça  en  ces  termes,  Indra  des  rois,  à son  mari,  qui 
n’avait  pas  d’enfants  : a Voilà  mon  fils  ! » 

Le  monarque,  cachant  le  sexe  du  nouveau-né,  lit  célé- 
brer à cette  occasion,  comme  pour  un  fds,  toutes  les  céré- 
monies accoutumées  à la  naissance  d’un  enfant  mâle.  De 
son  côté,  la  royale  épouse  conser  vait  de  toutes  ses  forces  le 
secret  de  son  mari  et  disait  : « Cest  un  fils  ! » Aucune  per- 
sonne dans  la  ville  ne  connut  la  choseaulrementque  ne  le 
désirait  le  Prishatide.(D«  ta  slance7, 399 à instance  7,A05.) 

» Donnant  sa  foi  aux  paroles  du  Dieu  à la  splendeur 
impérissable,  il  déguisa  le  sexe  de  la  jeune  enfant, 
et  il  disait  : « Cest  un  fils!  » 7,400. 

» 11  fit  célébrer,  comme  pour  un  garçon,  toutes  les  cé- 
rémonies de  la  naissance,  associées  aux  rubriques,  et  l’on 
nomma  la  fille  déguisée  Çikhandt.  7,407. 

» Moi  seul,  je  connus  ce  mystère,  grâce  à mon  espion, 
aux  paroles  de  Nârada,  au  langage  du  Dieu  cl  à la  péni- 
tence d'Ambâ.  7,408. 


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0lil)\'0(i  (V-l’AHVA. 


aoâ 

» Le  puissant  Droupada  mit  ses  efforts,  dans  toutes 
les  affaires  de  sa  fille,  il  lui  enseigner  la  lecture  et  les 
autres  arts  avec  les  métiers  divers.  7,409. 

» 11  fut  le  disciple  de  Droi.a,  Indra  des  rois,  dans  l’arc 
et  la  flèche.  Ensuite,  son  illustre  mère,  grand  roi,  pressa  le 
monarque  de  choisir  pour  sa  fille  une  épouse,  comme  s’il 
était  un  garçon.  Le  Prishatide  , considérant  que  la  noble 
vierge  était  parvenue  à l'adolescence  et  songeant  quelle 
était  une  femme,  se  plongea  avec  son  épouse  dans  ces 
pensées:  7,410 — 7,411—7,412. 

u Ma  fille  est  donc  parvenue  à la  jeunesse  pour  augmen- 
ter ma  peine  ! fit  Droupada.  Si  je  l’ai  cachée,  n’est-ce  pas 
suivant  la  parole  de  Çoûlapâni?  » 7,413. 

« Celte  parole1  ne  sera  jamais  dite  en  vain,  grand  roi, 
lui  répondit  son  épouse.  Pourquoi  le  créateur  des  trois 
mondes  voudrait-il  ici  risquer  uue  parole  vaine  ? 7,414. 

» Écoute  ce  que  j'ai  à dire;  tu  parleras,  s’il  te  plaît, 
sire.  Lue  fois  entendue,  suis  ton  sentiment,  fds  de  l’rishat, 

» Que  l'on  fasse  avec  soin  pour  lui,  suivant  l’étiquette, 
le  choix  d’une  épouse,  la  parole  du  Dieu  aura  ainsi  sa  vé- 
rité. Telle  est  mon  opinion  bien  arrêtée.  » 7,415 — 7,416. 

» Le  mari  et  l’épouse,  ayant  pris  une  résolution  dans 
cette  affaire,  fixèrent  leur  choix  sur  la  vierge,  fille  du 
monarque  des  Daçàrnains.  7,417. 

» Quand  il  eut  promené  ses  regards  surHoutes  les  fa- 
milles des  rois,  Droupada,  ce  lion  des  rois,  demanda  la 
fille  du  monarque  Daçàrnain  pour  épouse  de  Çikhandl. 

» Ce  maître  de  la  terre  avait  nom  Hiranyavarman  ; il 
lui  donna  sa  fille  pour  Çikhandl.  7,418 — 7,419. 

» Ce  grand  roi  était  presque  invincible  ; il  portait  une 
cuirasse  d’or,  il  était  environné  d’une  grande  armée;  il 


506 


LE  MAHA-BHAHATA. 


était  inaffrontable  et  possédait  une  vaste  intelligence. 

» Le  mariage  fut  célébré  alors  ; la  vierge  était  parvenue 
à l’adolescence,  ô le  plus  grand  des  rois,  ainsi  que  la  jeune 
Çikhandl.  7,420— 7,421. 

» Les  noces  faites,  Çikhandl  revint  dans  la  contrée  de 
Kàuipila;  et  la  nouvelle  mariée  connut,  au  bout  de 
quelque  temps,  qu’il  n’était  qu'pne  jeune  fille,  une  simple 
femme.  7,42*2. 

« La  fille  d'Hiranyavartnan  eut  à peine  découvert  Ce 
mystère  qu'elle  en  lit  part,  en  rougissant,  à ses  nourrices 
et  à ses  compagnes.  7,424. 

« Çikhandl,  qu'on  dit  le  fils  du  roi  des  Pàntchâlains, 
n’est  pas  autre  chose  qu'une  jeune  fille!  » Alors,  les 
nourrices  Dâçarnaines  tombèrent  dans  le  plus  profond  cha- 
grin ; elles  envoyèrent  des  messagers,  qui  tous  informèrent 
de  la  nouvelle  ce  monarque  du  Daçarna.  7,424 — 7,425, 

» Le  prince  s'irrita  d’apprendre  cette  tromperie  en  ses 
détails  : « Çikhandl,  grand  roi,  est  entré  comme  un  gar- 
çon dans  la  famille  des  rois.  7,426. 

» 11  a menti  sur  le  sexe,  et,  rempli  de  joie,  il  a dissi- 
mulé sa  condition  de  femme  ! » Quelques  jours  après 
qu'il  eut  reçu  cette  confidence,  éminent  Bharatide,  la  co- 
lère plongea  Hiranyavarman  dans  la  douleur  ; et  le  roi 
Dàçarnain  , saisi  d’une  bouillante  colère,  7,427 — 7,428. 

» Dépécha*un  messager  au  palais  de  Droupada.  L’en- 
voyé de  Hiranyavarman  s’approcha  du  Prishalide,  le  tira 
en  particulier  et  lui  dit  ces  mots  tète-à-tête  : « Le  roi  du 
Daçarna,  sire,  t'adresse  ce  langage  : 7,429 — 7,430. 

« Ton  embrassement  a jeté  la  colère  dans  mon  cœur  ; 
tu  m'as  trompé  , prince  sans  péché.  Tu  me  méprises  sans 
doute  ; c'est  une  mauvaise  décision,  que  tu  as  prise, 


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OUDYOGA-PARVA. 


607 


» Quand  tu  m'as  supplié,  dans  ta  folie*  de  te  donner 
ma  fille  pour  ta  fille!  Reçois  aujourd'hui,  insensé,  le  fruit 
de  cette  tromperie.  7,431 — 7,432. 

» Moi,  que  voici  ! je  t'immolerai  avec  ton  armée  et  tes 
ministres.  Tiens-toi  ferme  ! » 7,433. 

» Droupada,  tel  qu’un  larron  pris  sur  le  fait,  sire,  ne 
répondit  pas  un  seul  mot  à ces  paroles  du  messager. 

» D’après  le  consentement  de  sa  compagne,  il  repoussa 
chaudement  l’accusation  pat'  des  envoyés,  qu'il  chargea 
de  paroles  douces  et  d’assurer  que  la  chose  n'était  pas; 

7,434—7,435. 

» Le  roi  sur  de  nouvelles  informations  parvint  à la 
vérité  : o Le  fils  du  Pântchàlain  est  fine  fille  !»  et  il  sortit 
précipitamment.  7,430. 

» Alors,  suivant  la  parole  des  noutyices,  il  confia  4 des 
amis  d'une  énergie  sans  mesure  la  tromperie,  dont  sa 
fille  était  la  victime.  7,437. 

» Puis,  le  plus  grand  des  rois  exécuta  le  rassemble- 
ment de  ses  armées  ; et  mit  dans  sa  pensée,  Bharatide, 
une  marche  contre  Droupada.  7,438. 

» Ensuite,  le  puissant  Hiranyavarman  de  consulter  ses 
ministres,  Indra  des  rois,  sur  le  prince  du  Pantchâla. 

» La  décision  de  ces  magnanimes  sur  un  tel  sujet  fut 
la  suivante  : « S'il  est  vrai,  sire,  que  Çikhandi  soit  une 
jeune  fille.  7,439  —7,440. 

» Nous  emmènerons,  chargé  de  chaînes,  le  roi  du 
Pantchâla,  et  nous  mettrons  sur  le  trône  des  Pàntchâlains 
un  autre  monarque,  souverain  des  hommes.  7,441. 

» Nous  tuerons  le  prince  du  Pantchâla  avec  Çi- 
khandi! » De  nouveaux  renseignements  ayant  mis  le  fait 
hors  du  doute,  le  maître  de  la  terre  envoya  une  seconde 


508 


l,!i  MAH A-BHAUATA. 


fois  des  messagers  au  Prishatide  lui  dire  : « Je  t’immo- 
lerai : tiens-toi  ferme!  » 7,442 — 7,443. 

» Naturellement  effrayé  de  sa  faute,  seigneur,  Drou- 
pada,  le  souverain  de  la  terre,  fut  précipité  dans  une  ter-  « 
reur  profonde.  7,444. 

» Droupada,  en  proie  à la  douleur,  envoya  des  messa- 
gers au  Dàçàrnain  ; et,  s’étant  réuni  en  particulier  it  son 
épouse  bien-aimée.  ce  monarque  des  hommes,  le  roi  des 
Pàntchàlains,  saisi  d’un  grand  effroi,  et  le  cœur  battu 
par  le  chagrin,  dit  ces  paroles  à la  mère  de  Çikhandi  : 

7,445—7,446. 

» Kntrainant  sur  ses  pas  une  armée,  le  roi  Hiranya- 
varman,  mon  allié,  va'  marcher  contre  moi  avec  colère,  à la 
tète  de  troupes  innombrables.  7,447. 

» Iuseusés,  que.  l’erous-nous  maintenant  4 l’égard  de 
cette  jeune  fille?  « Tu  caches,  je  le'  soupçonne,  assuré- 
ment, une  fille  en  Çikhandi,  ton  fils.  » 7,448. 

» Voilà  ce  cju’il  pense  opiniâtrement  avec  ses  parents, 
avec  son  armée  : « 11  m’a  trompé!  » dit-il  ; et,  dans  cette 
idée,  il  veut  m’anéantir.  7,446. 

» Dis-moi,  femme  ravissante,  ce  qui  est  ici  la  vérité, 
ou  ce  qui  est  ici  le  mensonge.  Quand  j’aurai  entendu 
cette  parole  de  ta  bouche,  illustre  dame,  je  disposerai  les 
choses  de  cette  manière.  7,450. 

» Car  je  suis  tombé  dans  l’incertitude  : cette  jeune 
enfant  est  une  Çikhandinl  (1)  ; et  toi,  reine,  de  la  plus 
noble  des  castes,  tu  es  embarrassée  dans  une  grande  in- 
fortune. 7,451. 

a Dis-moi,  je  t’interroge,  la  vérité  pour  échapper  à 

(1)  C'est  le  féuiiuin  du  nom  Çikhandi,  qui  en  est  le  masculin. 


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OUDYOGA-l’ARVA. 


50» 


tou3  ces  malheurs  ; et  j’aurai  bientôt,  femme  charmante, 
disposé  toute  chose  de  cette  manière,  dame  au  candide 
sourire.  7,452. 

» N'aie  pas  de  crainte,  j'arrangerai  tout  ici  avec  soin, 
à l'égard  de  Çikhandi.  La  pitié  m’a  trompé,  dame  à la 
taille  charmante,  sur  les  devoirs,  que  je  devais  à un  fils. 

» J'ai  trompé  le  souverain  de  la  terre,  le  roi  des  Dàç.àr- 
nains;  dis-moi,  éminente  dame,  quel  est  en  cette  affaire 
le  parti  le  plus  utile,  et  je  l’exécuterai.  » 7,553 — 7,45 4. 

» Excitée  par  l’indra  des  hommes,  qui  avait  la  connais- 
sance de  sa  faute,  à déclarer  un  moyen  salutaire,  la 
reine,  avec  une  voix  nette,  répondit  à ce  maître  du 
globe.  7,455. 

» La  mère  de  Çikhandi,  puissant  roi,  de  raconter  en- 
tièrement 4 son  époux  ce  qu’il  avait  à ftiire  pour  la  jeune 
Çikhandint.  7,456. 

» Voici  le  moyen  : 

« La  crainte  de  mes  co-épouses,  comme  je  n’avais  pas 
d’enfants,  m’engagea  dans  cette  supercherie,  et  la  jeune 
Çikhandint,  à sa  naissance,  fut  annoncée  comme  un 
garçon.  7,457. 

» Tu  m’as  affectueusement,  ô le  meilleur  des  rois, 
accordé  cette  permission  ; les  cérémonies,  qui  ont  lieu  à 
la  naissance  d’un  fds,  furent  célébrées  à l’occasion  de 
cette  jeune  lille;  7,458. 

» Et  tu  lui  fis  épouser,  sire,  la  fille  du  monarque  du 
Daçârna.  Le  discours  du  Dieu  et  la  vue  de  ce  qu’il  signi- 
fiait me  conduisirent  à chacune  de  ces  choses.  7,450. 

» Née  fille,  elle  a passé  pour  homme.  Voilà  comme 
celte  affaire  se  présente  à mes  yeux.  » 7,460. 

» Dès  qu'il  eut  entendu  ces  paroles,  le  roi  Droupada- 


610 


LE  MAHA-BHABATA. 


Yajnaséna  en  fit  part  à ses  ministres,  et  délibéra  avec 
eux,  comme  il  convenait,  dans  un  conseil,  pour  la  con- 
servation de  ses  sujets.  7,461. 

« L'Iudra  des  rois  pensa  qu’une  alliance  l'unissait  à ce 
monarque  des  Dàçârnains;  et  comme  il  était  véritablement 
coupable  de  la  déception,  l'esprit  uniquement  fixé  sur  le 
conseil,  il  prit  une  résolution.  7,462. 

» Dans  ce  même  temps,  auguste  Bharatide,  l’ennemi 
parvint  à sa  ville  bien  ornée,  défendue  par  la  nature,  et 
la  fit  garder  de  tous  les  cùtés.  7,463. 

a En  voyant  ce  siège  posé  devant  sa  capitale  par  le 
souverain  des  Dafàrnains,  le  roi  tomba,  avec  son  épouse, 
dans  le  plus  profond  chagrin.  7,464. 

« Comment  éviterai-je  une  vaste  guerre  avec  ce  roi, 
mon  allié?  » se  disait-il  ; et,  tout  en  roulant  cette  pensée 
dans  son  esprit,  il  adorait  la  Déesse.  7,466. 

» Quand  la  reine,  son  épouse,  le  vit,  sire,  livré  aux 
Dieux,  à qui  il  présentait  son  hommage,  elle  lui  dit  ces 
paroles  : 7,466. 

u L’adoration  des  grands  Dieux,  par  l'homme  vertueux, 
est  une  vérité  : à plus  forte  raison,  faut-il  honorer  ses 
gourous,  lorsqu'on  est  tombé  dans  un  océan  de  cha- 
grins. 7,467. 

a Que  tous  les  Dieux  soient  adorés  en  des  cérémonies 
signalées  par  de  nombreux  présents  : que  l'on  sacrifie  aux 
Feux  pour  écarter  ce  Dàçàrnain.  7,468. 

» Pense  dans  ton  esprit,  seigneur,  à jouir  du  repos, 
sans  le  mêler  aux  combats.  Tout  ce  que  tu  délibères  avec 
tes  ministres,  monarque  aux  grands  yeux,  arrivera  de  cette 
manière,  sire,  pour  le  salut  de  la  ville,  grâce  à la  faveur 
des  Dieux.  Exécute  cela  ! 7,469 — 7,470.  m 


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OUDYOGA-PARVA. 


611 


* C’est  surtout  par  le  mélange  des  choses  humaines, 
seigneur,  que  prospère  le  Destin  : le  succès  ne  couronne 
jamais  les  tiens  côtés  par  l'inimitié  de  l’ua  et  de  l'autre 
parti.  7,471. 

» Établis  donc,  avec  tes  conseillers,  une  règle  dans 
la  ville i honore  les  Dieux,  maître  des  hommes,  suivant 
leurs  désirs,  # 7,472. 

» Quand  la  jeune  Çikhandinl , telle  qu'une  ascète, 
pleine  de  pudeur,  les  vit  ainsi  causer  ensemble,  plongés 
dans  le  chagrin,  7,473. 

» Elle  se  mit  à songer  : « C'est  moi,  qui  suis  la  cause 
de  leur  afTliction  I » et  elle  tourna  sa  pensée  4 la  perte  de 
sa  vie.  7,474. 

» Aussitôt  que , livrée  à une  douleur  profonde,  elle 
eut  ainsi  arrêté  sa  résolution,  elle  abandonna  le  palais  et 
se  dirigea  vers  une  forêt  solitaire,  impénétrable,  7,475, 

» Défendue  par  l'opulent  Yaksha  Sthoûnùkarna,  sire, 
de  qui  la  crainte  avait  forcé  tout  homme  de  renoncer  à la 
forêt.  7,476. 

» LA,  était  le  palais  de  Sthoûna,  aux  portes  arcadées, 
aux  fossés  profonds,  avec  des  endroits  de  terre  et  de  plâtre, 
séjour  aux  riches  fumigations,  dont  l’oushira  indiquait  la 
cause.  7,477, 

» Entrée  là,  Çikhandint,  la  fille  du  roi  Droupada,  sire, 
consuma,  desséchant  son  corps,  un  grand  nombre  de 
jours,  sans  manger.  7,478. 

» Le  bon  génie  Sthoûna  se  présenta  devant  elle,  em- 
preint de  mansuétude  ; « Quel  dessein  as-tu  conçu  ? lui 
demanda-t-il.  Je  ferai  ce  que  lu  désirée.  Dis-le  moi,  sans 
tarder!  » 7,679. 

« C'est  unechose  impossible!  » répondit-elle  à l’ Yaksha 


512 


LK  MAHA-BHARATA. 


maintes  fois,  a Je  ne  la  ferai  pasmoins,  reprit  aussitôt  le 
Gouhyaka.  7,480. 

» Je  suis  l'acolyte  du  souverain  des  richesses,  fille  de 
roi  ; je  suis  un  donateur  de  grâces.  Je  donnerais  ce  qui 
ne  peut  ôtre  donné.  Dis-moi  ceque  tu  veux  dire.  » 7,481. 

o Alors,  Çikhandint  de  narrer  tout,  sans  rien  omettre, 
noble  Bharalide,  à Stboûnâkama,  le  premier  des  Yak- 
shas.  7,482. 

« Mon  père  est  sans  fils,  Yaksha,  répondit-elle;  il 
périra  bientôt,  car  le  monarque  irrité  des  Dâçàrnains  va 
fondre  sur  lui.  7,483. 

» C'est  un  monarque  â la  grande  force,  au  grand 
effort,  â la  cuirasse  d’or;  sauve-nous  donc,  Yaksha,  nia 
mère,  mon  père  et  moi!  7,484. 

» Daigne,  ton  excellence,  me  promettre  de  faire  cesser 
ma  peine.  Puissé-je  devenir  par  ta  faveur,  Yaksha,  un 
homme  de  cœur  sans  reproche,  7,485. 

» Aussi  long-temps  que  le  roi  tient  le  siège  autour  de 
ma  ville.  Veuille,  grand  Yaksha,  étendre  sur  moi  ta  bien- 
veillance. » 7,486. 

» A peine  eut-il  entendu  la  parole  de  Çikhandint, 
l’Yaksha,  roulant  dans  sa  pensée,  éminent  Bharatide, 
que  c’était  une  victime  du  Destin,  lui  répondit  en  ces 
termes  : 7,487. 

« 11  en  sera  ainsi,  fille  de  Kourou,  à mon  grand 
chagrin.  J’accomplirai  ton  désir  , noble  vierge  ; mais 
écoute  ma  condition.  7,488. 

» Laisse  passer  l’intervalle  de  quelque  temps,  et  je  te 
donnerai  ce  sexe  de.  l’homme.  Il  faut  retourner  sur  tes 
pas  : dis,  au  temps  convenable,  la  vérité,  que  je  te  fais 
connaître.  7,480. 


OUDYOGA-PARVA. 


513 


» Je  suis  une  éminence,  qui  réussit  en  ses  desseins;  je 
vais  où  je  veux  et  je  voyage  dans  l’air.  Sauve  entièrement 
ta  ville  et  tes  parents,  grâce  à ma  faveur.  7,490. 

» Je  porterai  ce  sexe  de  la  femme,  fille  de  roi,  qui  est 
ton  caractère.  Donne-moi  une  promesse  vraie  ; je  ferai  ce 
qui  t’est  agréable.  » 7,491. 

« Adorable,  je  recevrai,  lui  répondit  Çikhandi,  ton 
organe  viril;  toi,  dans  l’intervalle,  garde  quelque  temps 
mon  sexe  de  femme.  7,492. 

•>  Mais,  après  le  départ  d'Hiranyavarraan,  le  roi  du 
Daçârna,  nous  redeviendrons,  toi  un  homme,  et  moi  une 
jeune  fille.  » 7,493. 

» Quand  elle  eut  ainsi  parlé,  tous  deux,  ils  conclurent 
un  traité,  se  fondant  sur  le  doute,  que  l’un  inspirait  à 
l’autre.  7,494. 

» L’Yaksha  Sthoûna  prit  le  sexe  de  la  femme,  et  Çi~ 
khandinl  se  revêtit,  Bharatide,  de  la  forme  éclatante  de 
l'Yaksha.  7,495. 

» Quand  Çikhandi  le  Pàntchâlain  eut  reçu  l'organe 
viril,  seigneur,  il  rentra  joyeux  dans  la  ville,  et  s'avança 
vers  son  père.  7,496. 

» Il  fit  à Droupada  le  récit  de  tout  cela,  comme  il  était 
arrivé;  et  ces  nouvelles  remplirent  ce  prince  d’une  joie 
suprême.  7,497. 

» Il  se  souvint  alors,  avec  son  épouse,  des  paroles  de 
Mahéçwara,  et  il  envoya,  sire,  un  messager  au  monarque 
du  Daçârna.  7,498. 

» II  était  chargé  de  lui  dire  : « Ce  mien  fils  est  un 
homme;  que  ta  majesté  veuille  m’en  croire!  » Le  sou- 
verain du  Daçârna,  rempli  de  chagrin  et  de  peine,  s'ap- 
prochait â la  hâte  de  Droupada,  le  roi  de  Pàntchâla; 

VI  33 


514 


LE  MAHA-BHARATA. 


et,  quand  il  fut  arrivé  dans  le  Kâmpilya,  7, 499 — 7,500. 

» 11  honora  un  brahine,  le  plus  savant  des  docteurs 
en  Védas,  et  l’envoya  en  message  : n Dis  ces  mots  de 
ma  part , messager , au  Pântchàlain , le  plus  vil  des 
rois.  7,601. 

« Tu  recueilleras  aujourd'hui  , n’en  doute  pas!  le  fruit 
de  ton  impudence,  insensé,  qui  osas  me  demander  ma 
fille  en  mariage  pour  ta  fille  ! » 7,502. 

» A ces  mots  du  monarque,  le  brahme,  ô le  plus  excel- 
lent des  rois,  stimulé  par  le  souverain  du  Daçàrna,  partit 
en  message  pour  la  ville.  7,508. 

» L’archi-brahme  vint  trouver  Droupada  dans  sa  capi- 
tale. le  Pântchàlain  reçut  l’envoyé  avec  honneur  et  lui 
présenta  avec  Çikhandl  un  arghya  et  la  terre.  Celui-ci 
n’en  fit  nul  cas , et  débita  sa  commission  : 7,50A— 7,505. 

o Voici  les  paroles,  que  t’adresse  l’héroïque  monarque 
Hiranyavarraan  : « Tu  m’as  trompé  avec  ma  fille,  homme 
à la  conduite  ignoble.  7,500. 

» Reçois  ta  récompense,  insensé,  pour  ce  crime  1 Livre- 
moi  un  combat,  rois  des  hommes,  sur  le  front  de  la  ba- 
taille. 7,507. 

» J'exstirperai  aujourd'hui  ta  famille  et  tes  fils  avec 
tes  ministres  ! » L’archi-brahme  parla  au  nom  du  prince 
des  Daçârnains  et  fit  entendre  ces  menaces,  mêlées  au 
reproche  de  sa  tromperie,  à Droupada,  qui  les  reçut 
éminent  Bharatide,  le  corps  affectueusement  incliné. 

7,508—7,509. 

« Le  messager  dira  au  roi  mes  paroles  en  réponse  au 
langage,  que  ta  sainteté  m’a  tenu,  brahme,  au  nom  de 
mon  allié.  * 7,510. 

a Ensuite,  il  envoya  au  magnanime  Hiranyavarman  un 


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OUDYOGA-PARVA. 


515 


hérault,  qui  était  un  brahme,  parvenu  à la  rive  ultérieure 
des  Védas.  7,511. 

» Celui-ci  arrivé,  sire,  vers  le  roi,  souverain  du  Da- 
çârna,  lui  rendît  les  paroles,  qu’avait  prononcées  Drou- 
pada  : 7,512. 

« Viens  ici  1 Mon  fils  est  visiblement  un  garçon.  Ce 
qu'on  a dit  est  un  mensonge  ; je  ne  pourrais  le  croire,  s'il 
m’était  dit  par  un  autre.  » 7,515. 

» A peine  le  roi  eut-il  ouï  les  paroles  de  Droupada 
que,  rempli  d'impatience,  il  euvoya  les  plus  distinguées 
des  jeunes  femmes , douées  des  formes  les  plus  char- 
mantes, savoir  ce  qu’était  (jikhandl,  homme  ou  femme. 

» Quand  les  jolies  messagères,  ô le  plus  excellent  des 
Kourouides,  eurent  connu  son  sexe  dans  la  vérité,  elles 
s’empressèrent  de  tout  raconter  au  monarque  : « Çikandl 
est  un  homme  d une  grande  vigueur  1 » dirent-elles  au 
roi  des  Daçàrnains.  7,514 — 7,515. 

» Lorsque  ce  roi  eut  appris  les  résultats  de  leur  voyage, 
il  vint,  ravi  de  joie,  trouver  son  allié  ; et,  satisfait,  il  ac- 
cepta une  habitation  dans  sou  palais.  7,510. 

.>  Charmé  de  Çikhaudl,  le  monarque  des  hommes  le 
combla  de  richesses,  d'éléphants,  de  chevaux,  de  vaches 
et  de  nombreux  serviteurs.  7,517. 

» 11  s’en  alla,  chargé  d’hommages,  après  qu’il  se  fut 
bien  moqué  de  sa  fille.  Quand  le  roi  du  Daçûrna,  Ilira- 
nyavarman,  fut  parti,  joyeux  de  s’ètre  fût  voir  que  cette 
faute  n’existait  pas,  Çikhandi  reprit  ses  formes  enjouées. 
Quelque  temps  s'écoule  et  Kouvéra,  de  qui  les  houqnes 
portent  le  palanquin,  vient  au  palais  de  Sthoûna  dans  une 
visite,  qu’il  faisait  du  monde.  7,618—7,619—7,520. 

» Tandis  qu’il  planait  sur  sa  maison,  le  gardien  su- 


LE  MAHA-BHARATA. 


516 

prême  des  richesses  vit  la  principale  demeure  de  son 
Yaksha  Sthoûna,  richement  ornée  de  bouquets  en  diverses 
qualités,  7,521. 

» Avec  des  grains,  des  parfums,  les  honneurs  des  sacri- 
fices, remplie  de  nuages  d’une  fumée  odorante,  parée 
d’étendards  et  de  drapeaux,  pleine  d’or,  d’ivoire,  de 
viandes,  de  breuvages,  de  mets  et  d'aliments.  7,522. 

» Dès  qu’il  vit  cette  habitation  décorée  de  tous  les 
côtés,  regorgeante  de  guirlandes,  d’or,  de  perles  et  de 
joyaux,  7,528. 

» Biche  de  senteurs  et  de  fleurs  différentes,  arrosée, 
balayée,  embellie,  le  souverain  des  Yakshas  dit  aux  Gé- 
nies, qui  formaient  son  cortège  : 7,52â. 

« Ce  palais  de  Sthoûna  est  splendidement  orné...  Ses 
gens  pressent  le  pas  sans  mesure  !...  11  ne  vient  pas  à ma 
rencontre.  Pourquoi  a-t-il  aujourd’hui  l'esprit  si  pares- 
seux? 7,525. 

» Parce  qu’il  n’est  pas  venu  me  recevoir,  connaissant 
mon  arrivée,  il  mérite  qu’on  lui  inflige  une  sévère  puni- 
tion : c’est  mon  sentiment.  » 7,526. 

« Sire,  lui  répondirent  les  Yakshas,  Çikhandinl  est  la 
fille  de  Droupada  ; elle  est  née  de  ce  roi.  Sthoûna  lui  a 
donné  pour  une  raison  quelconque  l’organe  sexuel  de 
l’homme.  7,527. 

o Lui,  devenu  femme,  il  a pris  l’organe  des  femmes  ; il 
se  tient  caché  dans  sa  maison  et  n’ose  pas  sortir  à cause 
de  cela,  rougissant  de  sa  forme  de  femme.  7,528. 

f C’est  pour  cette  raison  que  Sthoûna  ne  vient  pas 
maintenant  à ta  rencontre.  Le  sachant  donc,  agis  suivant 
la  convenance  : que  ton  char  demeure  en  ces  lieux  ! » 

« Que  Sthoûna  soit  amené  ici  I » dit  ensuite  le  souve- 


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OUDYOGA-PARVA. 


517 


rain  des  Yakshas.  Et  il  répéta  mainte  et  mainte  fois  : 
« Je  le  jèterai  dans  une  prison  ! » 7,529  — 7,530. 

» Le  malheureux , appelé,  se  présenta  devant  l’Indra 
des  Yakshas  et  se  tint  debout  en  sa  présence,  auguste 
maître  de  la  terre,  couvert  de  confusion  sous  sa  forme  de 
femme.  7,531. 

» Le  Donateur  des  richesses  le  maudit,  rejeton  de 
Rourou,  dans  sa  colère  : « Gouhyakas,  dit-il,  que  le  sexe 
féminin  reste  h ce  coupable  ! » 7,532. 

» Le  magnanime  souverain  des  Yakshas  lui  dit  en- 
suite : « Parce  que,  au  mépris  des  Yakshas,  qui  sont  ici, 
tu  as  donné  ton  sexe  à Çikhandinl,  et  que  tu  as  reçu  le 
sexe  de  la  femme,  artisan  de  choses  criminelles  ; 7,533. 

» Parce  que  tu  as  fait  ce  qui  n’avait  pas  encore  été 
fait,  Génie  à l'étroite  intelligence,  dorénavant  tu  seras 
une  femme  ; mais  elle,  au  contraire , elle  sera  un 
homme  I » 7,53â. 

» Les  Yakshas  alors  de  supplier  le  Viçravanide  : 
« Mets  un  terme,  lui  dirent-ils  mainte  et  mainte  fois,  à la 
malédiction  , que  tu  as  lancée  contre  Sthoûnal  » 7,535. 

» Le  magnanime  Indra  des  Yakshas  répondit  à toutes 
les  troupes  des  Génies,  qui  formaient  son  cortège,  avec  le 
désir  de  fixer  un  terme  à la  malédiction  : 7,536. 

« Une  fois  qu’on  aura  immolé  Çikhand! , l’Yaksha 
Sthoûna  reprendra  son  sexe  : qu’il  reste  jusque-là  sans 
appétit  viril  I » Ainsi  parla  ce  Dieu  au  grand  cœur. 

» A ces  mots,  l’adorable  Dieu,  le  souverain  bien  ho- 
noré des  Yakshas  poursuivit  sa  route , accompagné  de 
tous  ces  Génies,  qui  parcourent  un  intervalle  dans  l'es- 
pace d'un  clin  d’œil.  7,537 — 7,533. 

« Chargé  de  la  malédiction , Sthoûna  demeura  dans  sa 


518 


Lfc  MA.HA-BHAUATA. 

maison,  où  Çikhandl  vint  à la  hâte  trouver  le  rôdeur  de 
nuit  au  temps  expiré  de  la  convention.  7,539. 

« 11  s’approche  et  lui  dit  ces  mots  ; « Vénérable,  me 
voici  arrivé I » et  Sthoùua  lui  répond  deux  et  trois  fois  i 
u Je  suis  content  ! » 7,540. 

« Dès  qu'il  vit  le  fils  de  roi  se  présenter  si  exactement, 
l’Yaksha  de  lui  tout  raconter  avec  détail  : 7,541. 

« J’ai  été  maudit  par  le  Viçravanide  à cause  de  toi,  fils 
d’un  monarque,  lui  dit  l’Yaksha.  Va  maintenant;  parcours 
les  mondes  5 ton  gré,  où  te  conduisent  tes  désirs.  7,542. 

u 11  nous  est  impossible , je  pense , de  surmonter  ce 
Destin,  qui  nom  fut  imposé  naguère.  11  te  faut  aller  d’ici 
vers  Kouvéra,  et  voir  ce  fils  de  Poulasti.  » 7,543. 

» A ces  mots  de  l’Yaksha  Sthoûna,  Çikhandl,  environné 
d'une  grande  joie,  s'en  revint  à sa  ville.  9,544. 

» 11  honora  avec  d’abondantes  richesses,  des  guirlandes 
et  des  parfums  divers  les  brahmes,  les  Dieux , les  tchai- 
tyas  et  lesendroits  où  aboutissent  quatre  chemins.  7,545. 

» Droupada,  le  Pàntchâlain,  fut  élevé  au  comble  de  la 
la  joie  avec  ses  parents,  avec  Çikhandl,  son  fils,  parvenu 
à l’objet  de  ses  désirs.  7,54(5. 

» 11  confia  à Drona , comme  disciple , grand  roi , le 
héros  des  Kourouides,  son  fils  Çikhandl,  qui,  avant  d'être 
un  homme,  avait  été  une  femme.  7,547. 

u Ce  fils  de  roi,  Çikhandl  et  Dhrishtadyoumnale  Pri- 
shatide  ont  étudié  avec  vous  le  Dlianour-Véda,  réparti  en 
ses  quatre  sections.  7,548. 

» Les  espions,  que  j'avais  répandus  autour  de  Droupada 
avec  les  formes  empruntées  du  sourd,  de  l’aveugle,  de 
l’idiot,  m’instruisirent  exactement  de  ces  nouvelles. 

» C’est  ainsi  que  ce  fils  androgyne  de  Droupada,  que 


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013DY0GA-PARVA. 


510 


Çikhandl,  grand  rw,  devint  le  plus  excellent  des  combat- 
tants sur  un  char  ; 7,549 — 7,550. 

» Et  que  la  fille  aînée  du  roi  de  KAçi , connue  sous  le 
nom  d' Ambà,  renaquit  dans  la  race  de  Droupada  sous  l'ap- 
pellation de  Çikhandl.  7,551. 

» Dieu  veuille  que  je  ne  voie  pas  s’approcher  de  moi, 
ne  fût-ce  qu’un  seul  instaut,  avec  le  désir  d'engager  un 
combat  ce  guerrier,  son  arc  à la  main,  Atciiyouta,  et  que 
je  n’aie  pas  A le  combattre  1 7,552. 

» Voici  le  vœu,  fils  de  Kourou,  qu’on  m’entendit  tou- 
jours exprimer  sur  la  terre  : « Puissé-je  ne  pas  envoyer 
une  flèche  contre  cette  femme,  qui  fut  une  femme  avant 
d’ètre  un  homme,  qui  porte  le  nom  d’une  femme  et  qui  est 
une  sorte  de  femme  ! Que  pour  cette  cause,  je  n’ôte  point 
la  vie  à Çikhandl  ! 7,653—7,554. 

» Cette  naissance  de  l’androgyne  m’est  connue  dans 
sa  vérité;  je  ne  tuerai  donc  pas,  mon  fils,  ce  brigand  au 
milieu  des  combats.  7,555.  . 

» S'il  arrivait  qne  Bhlshma  pût  donner  la  mort  & une 
femme,  les  hommes  vertueux  jèteraient  le  blâme  sur  lui. 
Ainsi,  je  ne  le  tuerai  pas,  fût-il  debout,  en  ma  présence, 
dans  les  combats.  » 7,656. 

Dès  qu’il  eût  entendu  ce  discours,  le  roi  de  Kourou, 
Douryodhana  se  tint  un  moment  plongé  dans  la  rêverie, 
cherchant  ce  qu'il  séait  de  faire  à Bhlshma.  7,567. 

Sandjaya  dit  : 

« Quand  la  nuit  se  fut  éclaircie  aux  premières  lueurs 
du  matin,  ton  fils  interrogea  son  grand-oncle  au  milieu 
de  toute  l'armée  : 7,558. 

« Celte  armée  rassemblée  du  fils  de  Pàndou,  remplie 
de  grands  chara,  de  chevaux,  d’éléphants  et  d’hommes  en 
multitudes,  fils  de  la  Gangâ;  7,559. 


520 


I.h  MAHA-BIIARATA. 


» Défendue  par  Bhlma,  Arjouna  et  les  autres,  qui  ont 
pour  chef  Dhrishtadyoumna,  ces  héros  à la  grande  force, 
semblables  aux  gardiens  des  mondes;  7,500. 

» Cet  océan  d’armée,  que  ne  sauraient  émouvoir  les 
Dieux  mêmes  dans  un  grand  combat,  inalfrontable  et 
qu'on  ne  peut  arrêter,  comme  une  mer  soulevée;  7,56t. 

« Dans  combien  de  temps  la  coucheras-tu  morte,  toi, 
fils  de  la  Gangà,  à la  grande  splendeur,  ou  l’Atchârya  au 
grand  arc,  ou  Kripa  à la  vigueur  immense?  7,562. 

» Ou  Karna,  qui  se  vante  de  ses  batailles  ou  Açvatthà- 
man,  le  plus  excellent  desbrahmes?  car  vos  excellences 
ont  toutes  dans  mon  armée  la  connaissance  des  astras  cé- 
lestes. 7,563. 

» Je  désire  le  savoir  : ma  curiosité  est  extrême  : 
veuille  bien  me  dire  cette  chose,  dont  la  pensée  vit  sans 
cesse  dans  mon  cœur.  » 7,564. 

» 11  te  sied,  souverain  de  la  terre,  6 le  plus  éminent  des 
Kourouides,  de  m’interrogec,  ici  sur  le  fort  et  le  faible 
des  ennemis.  7,565. 

» Écoute,  monarque  aux  longs  bras,  quelle  sera  dans 
cette  bataille  ma  vigueur  prédominante , et  ce  que  sera 
dans  ce  combat  l’arme  et  la  force  de  mes  deux  bras. 

n On  doit  livrer  et  soutenir  une  bataille  avec  franchise. 
Un  autre , qui  est  magicien , combat  avec  l’arme  de  la 
magie  ; telle  est  la  décision  sur  les  devoirs.  7,560 — 7,567. 

n Chaque  jour,  éminent  prince,  j'abattrai  une  partie 
de  l'année  des  Pândouides,  ayant  fixé  au  matin  quelle 
sera  ma  tâche  quotidienne.  7,568. 

i>  Je  prendrai,  héros  â la  grande  splendeur,  pour  ma 
portion  journalière,  dix  mille  guerriers  et  un  millier  d’au- 
tres combattants  sur  des  chars  : telle  sera  estimée  ma  part 
d’un  jour.  7,569. 


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OU  DY  OG  A-PARV  A. 


521 


» De  cette  manière,  toujours  armé,  toujours  levé,  c’est 
le  temps  qu’il  me  faudra,  Bbaratide,  pour  étendre  morte 
cette  grande  armée.  7,570. 

» Ou  si,  ferme  sur  le  champ  de  bataille,  je  décoche  de 
longues  flèches,  homicides  des  guerriers,  par  centaines  et 
par  milliers,  j’emploierai,  Bharatide,  un  mois  pour  celte 
affaire.  » 7,571. 

» Dès  qu’il  eut  entendu  ce  discours  de  Bhishma,  le  roi 
Douryodhana  d’interroger,  Indra  des  rois,  Drona,  le  plus 
excellent  des  Angirasides  : 7,572. 

« En  combien  de  temps,  instituteur  spirituel,  auras-tu 
renversé  les  guerriers  du  fils  de  Pàndou  ?»  Il  dit,  et  Drona 
lui  répondit  en  riant  : 7,573. 

« Je  suis  un  vieillard  aux  paresseux  actes  de  la  vie, 
héros  aux  longs  bras  ; je  consumerai  l’armée  des  l’àn- 
douides  avec  l’arme  du  feu.  7,574. 

» Mon  sentiment  est  qu’il  me  faut  un  mois,  comme  à 
Bhishma,  le  fils  de  Çàntanou  : voilà  quelle  est  ma  plus 
grande  vigueur,  voilà  quelle  est  ma  plus  grande  force  ! » 

» Kripa,  le  Çaradvatide,  exigea  deux  mois  ; et  le  fils  de 
Drona  fit  la  promesse  de  renverser  morte  l’armée  en  dix 
jours.  7,575 — 7,57(5. 

» Le  guerrier,  qui  avait  la  science  des  grands  astras, 
Karna,  promit  qu’il  pourrait  la  détruire  en  cinq  jours.  A 
peine  eut-il  entendu  le  fils  du  cocher  prononcer  de  telles 
paroles,  le  fils  du  fleuve  se  prit  à rire  et  dit  ces  mots 
avec  un  bruyant  éclat  : « Tu  penses  ainsi,  fils  de  Ràdhâ  ; 
mais,  une  fois  que  tu  auras  abordé  dans  la  bataille  ce  fils 
de  Prithâ,  armé  de  son  arc,  de  sa  conque  et  de  sa  flèche, 
secondé  par  le  Vasoudévide  et  s’avançant  au  combat, 
monté  sur  son  char,  te  sera-t-il  possible  de  parler  encore, 


622 


LE  MAHA-BHARATA. 


suivant  ton  désir  (1).  » 7,677—7,578—7,67» — 7,580. 

» Dès  qu’il  eut  ouï  ce  discours,  le  (ils  de  Kountl,  You- 
dkishthira , appelant  ses  frères  k ses  côtés,  prononça  tes 
paroles  suivantes  : 7,581. 

« Que  ceux,  qui,  parmi  lesguerriers  du  Dhritarâshlride, 
sont  des  espions,  semés  autour  de  moi,  lui  donnent  de 
mes  nouvelles,  après  cette  nuit  passée.  7,582. 

» Douryodhana,  c’est  un  fait  certain,  interrogea  Mahâ- 
vrata,  le  fils  du  fleuve  : « En  combien  de  temps,  lui  de- 
manda-t-il, seigneur,  auras-tu  couché  morte  l’armée  des 
Pàndouides  sur  le  champ  de  bataille  ? » 7,683, 

« En  un  mois  ! » fut-il  répondu  an  Dhritarâshtride 
insensé;  et  Drona  lui  promit  la  même  prouesse  dans  un 
espace  égal  de  temps.  7,584. 

» Le  Golamide  demanda,  nous  dit-on,  deux  fois  ce 
même  intervalle,  et  le  fils  de  Drona,  versé  dans  les  grands 
astras,  promit  d’accomplir  cette  œuvre  en  dix  jours. 

» Mais  Karna,  qui  sait  les  astras  célestes,  interrogé 
dans  l’assemblée  des  Kourouides,  s’est  engagé  .A  tuer  notre 
armée  en  cinq  jours.  7,585 — 7,586. 

» Je  désire  donc  entendre,  Atjouna,  cette  parole  de 
toi  : combien  emploieras-tu  de  temps,  Phâlgouna,  pour 
tuer  les  ennemis  ? » 7,587. 

» A ces  mots  du  prince  , Dhanandjaya-Goudakéça  de 
regarder  le  Vasoudévide  et  de  répondre  en  ces  termes  : 

<i  Tous  ces  magnanimes  héros,  consommés  dans  les 
armes,  tueraient  la  Vérité  même,  grand  roi,  c’est  infail- 
lible. 7,588—7,689. 

(1)  Ce  passage  est  désagréablement  corrompu  dans  l'édition  de  Calcutta; 
uous  traduisons  sur  le  teste  pins  correct  de  Bombay. 


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OUDYOGA-PARVA. 


528 


» Que  l’inquiétude  s’en  aille  de  ton  cœur,  aussi  sûr  que 
je  te  dis  la  vérité.  Avec  un  seul  char,  conduit  par  le  Vasou- 
dévide,  je  détruirais  dans  un  clin-d’œil  les  trois  mondes 
avec  tous  les  êtres  animés  et  inanimés,  avec  les  Immortels 
eux-mêmes,  ce  qui  est,  ce  qui  fut  et  ce  qui  sera.  Telle  est 
mon  opinion.  7,590 — 7,591. 

» Cette  arme,  grande  et  terrible,  que  Paçoupati  m’a 
donnée  dans  mon  duel,  qu'il  soutint,  déguisé  en  chas- 
seur montagnard,  est  encore  dans  mes  mains.  7,592. 

» Ce  trait,  que  Paçoupati  décoche  à la  fin  d’un  youga, 
quand  il  rassemble  en  lui  tous  les  êtres,  ce  trait,  il  est 
encore  dans  mes  mains  ! 7,595. 

» Ni  le  iils  de  la  Gangâ,  ni  Drona,  ni  le  Gotamide,  ni 
le  fils  de  Drona,  sire,  ne  le  connaissent  ; bien  moins  est-il 
connu  par  le  Iils  du  cocher.  7,594. 

» Mais  il  no  sied  pas  d’employer  des  astras  célestes 
pour  immoler  des  guerriers  vulgaires  ; el  nous  vaincrons 
les  ennemis  par  un  combat  loyal.  7,595. 

« Ces  tigres  des  hommes,  tes  compagnons,  prince,  sont 
tous  consommés  dans  les  astras  divins,  tous  ont  le  désir 
des  batailles  : 7,596. 

» Tous  ces  héros  ont  passé  par  le  bain,  qui  termine  la 
philosophie  tirée  des  Védas;  ils  n’ont  jamais  connu  la 
défaite  : ils  tueraient  dans  un  combat,  Iils  de  Pàndou, 
l'armée  des  Dieux  mêmes.  7,597. 

u Ce  sont  Youyoudhàna,  Çikhandi,  Dhrishtadyouuina 
le  Prishatide,  Bhlmaséna,  les  deux  jumeaux,  les  deux 
Youdhâmanyou  à la  vigueur  infinie,  7,598. 

» Yirâta  et  Droupada  , l’un  et  l’autre  égal  dans  la 
guerre  à Bhlshma  et  Drona,  Çankha  aux  longs  bras  et  le 
vigoureux  Haldimba,  7,599, 


LE  MAHA-BHARATA. 


524 

» AndjRnaparvan , son  fils,  à la  grande  force,  à la 
grande  vaillance,  Çalnéya,  puissant  compagnon,  instruit 
dans  l'art  de  la  guerre,  7,600. 

» Le  robuste  Abhimanyou,  et  les  cinq  (ils  de  Draâupadi, 
nos  enfants.  Et  toi-même,  n'es-tu  pas  capable  d’anéantir 
les  trois  inondes?  7,001. 

» Que  ton  regard  s’abaisse  sur  l’homme  à la  plus  ter- 
rible colère,  ô toi,  de  qui  la  splendeur  est  égale  à celle  de 
Çakra,  et  bientôt  il  aura  cessé  d’être!  C’est  ainsi  que  tu 
es  connu  de  moi,  rejeton  de  Kourou.  » 7,602. 

Ensuite,  à l’aube  sereine  du  jour,  tous  les  rois,  stimulés 
par  Rouryodhana  le  Dhritarâshtride,  s’avancèrent  contre 
les  fils  de  Pàndou.  7,603. 

Tous  s’étant  baignés,  purs,  ornés  de  bouquets,  revêtus 
de  blancs  habits,  munis  de  leurs  armes  et  de  leurs  dra- 
peaux, sanctifiés  par  le  mot  svvasti  et  l’offrande  versée  dans 
le  feu,  7,604. 

Tous  étaient  des  héros,  versés  dans  les  Védas;  tous 
observaient  exactement  leurs  vœux  ; tous  effectuaient  ce 
qu’ils  voulaient  ; tous  portaient  les  cicatrices  des  ba- 
tailles. 7,605. 

Tous  à la  grande  force,  ils  désiraient  emporter  les 
mondes  supérieurs,  grâce  à leur  vaillance  dans  les  com  - 
bats;  ils  avaient  l’esprit  fixé  sur  un  seul  point;  ils  avaient 
confiance  les  uns  dans  les  autres.  7,606. 

Vinda  et  Anouvinda,  les  deux  rois  d’Avanti,  les  Kal- 
kéyaius  avec  les  Vâhllkas  s'avançaient;  tous,  ils  avaient 
à leur  tête  le  Bharadwadjide.  7,607. 

Açwatthâman,  le  fils  de  Çàntanou,  Djayadratha,  le  roi 
de  Sindhou,  et  les  monarques  du  midi,  de  l’orient  et  du 
pays  des  montagnes,  7,608. 


Digitizedby^Gi 


oudyogà-pakva. 


525 


Le  souverain  du  Gândhàra,  Çakouni,  et  les  rois  au 
complet  du  couchant  et  du  septentrion,  les  Çakas,  les 
Kiràtas,  les  Yavanas  et  Vaçàtaya,  rejeton  de  Ç.ivi;  7.609. 

Tous  ces  héros,  environnés  chacun  de  son  année,  envi- 
ronnant à leur  tour  l’héroïque  prince,  sortirent  de  com- 
pagnie, comme  une  seconde  armée.  7,610. 

On  voyait  Kritavarman  avec  ses  troupes,  et  le  vaillant 
Trigartain,  et  le  roi  Douryodhana,  que  ses  frères  entou- 
raient. 7,611. 

Cala,  Bhoûriçravas,  Çalya  et  Vrihadratha  le  Koçalien, 
ces  héros,  suivis  de  leurs  armées,  suivaient  eux-mèmes 
les  pas  du  Dbritarâshtride.  7,612. 

S’étant  réunis,  comme  il  convenait,  ces  Dbritaràsh- 
trides  à la  grande  force  se  placèrent,  armés  de  leur  cui- 
rasse, dans  la  seconde  moitié  du  Kouroukshétra.  7,613. 

Là,  Bharathide,  Douryodhana  se  fit  construire  un  camp 
royal,  orné,  tel  qu’un  second  Hâstinapoura.  7,614. 

Les  habitants  de  la  cité,  les  plus  raffinés  même,  ne 
distinguaient  aucune  différence  entre  la  ville  et  le  camp. 

Le  Kourouide,  maître  de  la  terre,  fit  édifier  dans  son 
camp  pour  les  rois,  sur  le  plan  de  la  ville,  les  châteaux- 
forts  par  centaines  et  par  milliers.  7,615 — 7,616. 

11  laissa  devant  lui  une  circonférence  de  cinq  yodjanas 
pour  le  champ  de  bataille;  cent  portes  donnaient  collec- 
tivement une  entrée  dans  l’armée.  7,617. 

Lit,  étaient  les  souverains  de  la  terre,  rangés  suivant 
leurs  forces,  suivant  les  efforts,  dont  iis  étaient  capables  ; 
ils  étaient  entrés  par  milliers  dans  ces  camps  opu- 
lents. 7,618. 

Le  roi  Douryodhana  fit  distribuer  à ces  magnanimes,  à 
leurs  guerriers,  à leurs  chevaux,  les  plus  succulentes 
nourritures  et  les  plus  délicieux  fourrages.  7,619. 


52(5 


LE  MAHA-BHARATA. 


Le  souverain  de  Kourou  tourna  ses  regards,  suivant  la 
règle,  sur  tous  les  gens,  qui  vivaient  d'un  métier  concer- 
nant les  éléphants,  les  chevaux  ou  les  hommes,  sur  les 
autres,  qui  étaient  les  suivants,  les  encomiastes,  les 
bardes,  les  ménestrels,  les  marchands,  les  courtisanes, 
les  espions  ou  de  simples  spectateurs.  7,620 — 7,021. 

Le  royal  fils  de  Kounti,  Youdhishthira,  duquel  Yama 
était  le  père,  excita,  Bharalide,  les  héros,  qui  marchaient 
sous  la  conduite  de  Dhrishtadyoumna.  7,622. 

11  donna  ses  ordres  à Dhrishtakétou,  l’immolateur  des 
ennemis,  le  général  au  courage  solide,  le  guide  des  Ka- 
roûshains,  des  habitants  de  Kâçi  et  des  Tchédiens  ; 7,62$. 

A Virâta,  Droupada,  Youyoudhâna  et  Çikhandt,  aux 
deux  Youdhâmanyou  i»  la  vigueur  infinie,  les  héros  Pânt- 
châlains.  7,62â. 

Ces  guerriers  au  grand  arc,  vaillants,  revêtus  de  cui- 
rasses admirables,  parés  de  pendeloques  d’or  bruni,  écla- 
taient comme  des  planètes  flamboyantes  ou  tels  que  des 
feux  allumés  sur  l’autel,  où  l’on  a versé  le  beurre  clarifié. 
Dès  qu’il  eut  honoré  ses  troupes,  suivant  qu’elles  étaient 
rassemblées,  le  souverain  de  la  terre,  le  plus  grand  des 
hommes  donna  aux  armées  l’ordre  de  se  mettre  en 
marche.  Le  royal  Youdhishthira  de  commander  les  plus 
succulentes  nourritures  et  les  fourrages  les  plus  délicieux 
pour  ces  magnanimes,  accompagnés  de  leurs  armées,  de 
leurs  bêtes  de  somme,  de  leurs  éléphants,  chevaux  et 
hommes,  qui  vivaient  d’un  métier. 

7,625—7,620—7,627—7,628. 

Le  fils  de  Pàndou  fit  marcher  le  grand  Abhimanyou  et 
tous  les  fils  de  Draâupadî  sous  la  conduite  de  Dbrish- 
tadyoumna.  7,629. 

Youdhishthira  commanda  la  marche  k Bhtma  , 


OUDYOGA-PAIIVA. 


527 


Youyoudhâna  et  Dhanandjaya,  le  fils  de  Pftndou,  accom- 
pagnés d’une  nombreuse  armée.  7,630. 

Le  bruit  de  ces  guerriers,  ajustant  leurs  armes,  mar- 
chant', courant,  témoignant  leur  joie  , s’élevait  alors 
jusqu'au  ciel.  7,631. 

Ensuite  le  souverain  s’avança  lui-mème,  accompagné 
de  Viràta,  de  Droupada  et  des  autres  monarques.  7,632. 

On  voyait  s’écouler,  comme  l’humide  Gange  à pleines 
rives,  l’armée,  qui  marchait  sous  les  ordres  de  Dhrish- 
ladyoumna  avec  des  arcs  terribles.  7,683. 

Sage,  il  prescrivit  en  outre  à ses  armées  des  injonc- 
tions, qui  jetèrent  le  délire  dans  les  conseils  enfantés  par 
l’intelligence  des  fils  de  Dhritarâshtra.  7,634. 

Le  Pàndouide  mit  les  héros,  fils  de  Draâupadî,  Abhi- 
manyou,  Nakoula,  Sahadéva  et  tous  ces  nobles  guerriers, 
avec  dix  mille  chevaux,  deux  milliers  d’éléphants,  une 
myriade  de  fantassins  et  cinq  cents  chars,  armée  princi- 
pale, inaflrontable , sous  la  conduite  de  Bhlmaséna.  11 
plaça  au  milieu  de  ces  troupes  Viràta  et  Djayatséna. 

Les  deux  héros  Pàntchâlains  Youdhâmanyou  à la  force 
sublime,  magnanimes,  remplis  de  vigueur,  portant  l’arc 
et  la  massue , 7,635 — 7,636 — 7,637 — 7,638. 

o Le  Vasoudévide  avec  Dhanandjaya,  et  des  guerriers 
consommés  dans  les  armes,  à la  bouillante  colère,  mar- 
chaient au  milieu  des  hommes,  qui  suivaient  leurs  pas. 

Ils  avaient  vingt  mille  chevaux,  montés  par  des  héros, 
cinq  milliers  d'éléphants  et  des  multitudes  entières  de 
chars.  7,639 — 7,640. 

De  vaillants  guerriers,  qui  combattaient  à pied,  armés 
de  l’épée,  de  la  massue  et  de  l’arc,  les  précédaient  par 
milliers,  ou  les  suivaient  en  nombre  égal.  7,641. 


528 


LE  MAHA-BHARATA. 


Là , où  était  Youdhishthira  au  milieu  des  troupes 
comme  dans  un  océan  d’armées,  les  souverains  de.  la  terre 
se  tenaient,  l’environnant  de  leur  plus  grand  nombre. 

Là  étaient,  fils  de  Bharata,  des  milliers  d’éléphants,  des 
myriades  de  chevaux,  des  milliers  de  chars  et  de  fantas- 
sins. 7,642 — 7,643. 

Environné,  éminent  prince,  de  sa  nombreuse  armée 
s’avançait  Tchékitâna  et  le  roi  Dhrishtakétou,  le  conduc- 
teur des  Tchédiens.  7,644. 

Cent  raille  chars  de  guerre,  qu’il  chassait  devant  lui,  en- 
touraient le  vigoureux  héros  Sâtyaki,  le  meilleur  char  des 
Vrishnides.  7,645. 

Montés  sur  leurs  véhicules,  deux  vaillants  guerriers, 
Kshattrahan  et  Kshattradéva , s’avançaient  à l’arrière- 
garde,  protégeant  les  derrières,  7,646. 

Toutes  les  voitures , les  charrettes , les  boutiques,  les 
tentes.  Là,  étaient  les  éléphants  par  milliers  et  les  che- 
vaux par  myriades.  7,647. 

Youdhishthira  s’avançait  d'un  pas  lent,  après  qu’il  eut 
recueilli  avec  une  armée  d’éléphants  quiconque  était  faible 
des  cuisses,  tout  ce  qui  était  débile  et  maigre,  les  richesses 
entassées,  les  porteurs  de  fardeaux  et  le  trésor.  11  était 
suivi  par  Saâutchitti,  ferme  dans  la  vérité , qui  aspirait  à 
s’enivrer  de  batailles,  7,648 — 7,649. 

Par  Çrénimat,  par  Vasoudâna  ou  par  l'auguste  fils  du 
roi  de  Kàçi.  Leur  suite  se  composait  de  vingt  mille  chars, 
flanqués  par  cent  millions  de  grands  chevaux,  ornés  de  clo- 
chettes, et  par  vingt  mille  éléphants  de  guerre  (1)  aux 
larges  et  longues  défenses.  7,650 — 7,651. 


(1)  Prahârinas. 


OlIDYOGA-PAItVA. 


529 


Issus  de  nobles  races,  les  joues  fendues,  stillantes  de 
matla  comme  des  nuages.  Y'oudhisthira  possédait  dans  les 
sept  armées,  qui  s'étaient  réunies  pour  la  guerre,  soixante- 
dix  raille  éléphants,  et  dix  milliers  d'aulres,  Bliaratide. 
(les  pachydermes,  dont  les  faces  aux  joues  fendues  stil- 
laient  de  mnda,  telles  que  des  nuages,  7,652 — 7,653. 

Suivaient  les  traces  du  monarque  comme  des  montagnes 
ambulantes.  Telle  formidable  était  l’armée  du  âge  fils 
de  Kountî.  7,654. 

Alors,  s’étant  approché,  il  fondit  sur  Souvodhana,  fils 
de  Dhritarâshtra.  Ensuite,  les  autres  hommes  par  cen- 
taines, par  milliers,  par  myriades,  s’avancèrent,  poussant 
des  cris.  C'étaient  des  milliers  d’armées  ! Les  guerriers 
joyeux  par  milliers  et  par  myriades,  faisaient  résonner 
îles  milliers  de  tambours  et  des  myriades  de  conques. 

7,655 — 7,656 — 7,657. 


FIN  UE  LOtJDYOUA-PABVA. 


34 


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BHISHMA-PARVA. 


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BHISHMA-PAHVA 


ou 

LE  CHANT  DE  BH1SHMA. 


Honorer  d’abord  Nârâyana  et  Nara,  le  plus  éminent  des 
hommes,  et  la  déesse  Sarasvntt  ; ensuite,  récitez  ce  poème, 
qui  donne  la  victoire  : i. 

Djanamédjaya  dit  : 

« Comment  les  princes  héroïques,  très-magnanimes, 
rassemblés  de  contrées  diverses,  les  Somakas,  les  fils  de 
Pàndou  et  les  Kourouides,  ont-ils  fait  la  guerre?  » 2. 

Yalçampâyana  lui  répondit  : 

Écoute,  souverain  de  la  terre,  comment  les  héroïques 
Somakas,  les  fils  de  Pàndou  et  les  Kourouides  ont  fait  la 
guerre  dans  le  Kouroukshétra,  le  champ  de  la  péni- 
tence. 3. 

Accompagnés  des  Somakas  et  désirant  la  victoire,  les 


LE  MAHA-BHARATA. 


534 

Pàndouides  & la  grande  force,  descendus  dans  le  Kou- 
roukshétra,  tournent  la  face  vers  les  Kourouides.  4. 

Tous,  ils  Otaient  doués  de  la  lecture  des  Védas,  ils  fai- 
saient leur  joie  des  combats,  ils  espéraient  la  victoire 
dans  les  batailles,  et  leur  armée  présentait  le  visage  à 
l’ennemi.  5. 

S’étant  approchés  de  l’armée  inaccessible  du  fils  de 
Dhritaràshtra , ils  campèrent  avec  leurs  guerrière  dans 
la  partie  occidentale,  le  front  dirigé  vere  l’orient.  0. 

Le  (ils  de  Kounti,  Youdhishihira,  lit  construire,  suivant 
les  règles  de  l’art  et  par  milliers,  des  résidences  royales, 
en  dehors  du  champ  de  bataille,  sur  tous  les  côtés.  7. 

Toute  la  terre  était  vide  ; il  n'y  restait  plus  que  des 
vieillards  et  des  enfants;  elle  était  sans  chevaux,  sans 
hommes,  et  privée  d’éléphants.  8. 

Pour  son  arrivée,  l’armée  employa  tout  le  temps  qu’il 
fallut  au  soleil,  ô le  plus  grand  des  rois,  pour  échauffer  le 
cercle  du  Djamboudwipa.  $>. 

Ces  hommes  de  toutes  les  classes,  réunis  dans  un  môme 
lieu,  avaient  évolué  un  cercle  de  beaucoup  d’yodjanas 
à travers  les  contrées,  les  rivières,  les  montagnes  et  les 
forêts.  10. 

L’auguste  Youdhishihira  commanda  pour  eux  tous  et 
leurs  bêtes  de  somme,  éminent  personnage,  les  plus 
délicieuses  nourritures  et  les  plus  gras  fourrages.  11. 

Youdhishthira  fit  pour  eux , seigneur , diverses  cou- 
ches (1).  Ses  ordres  étaient  ainsi  proclamés  : « Sachez  que 
l’illustre  fils  de  P&ndou  a parlé  de  celte  manière  (2).»  12. 

(!)  Çayydi,  que  porte  l’édilion  de  Bombay. 

(2)  Ce  ii 'est  pas  ai  nui  que  veut  le  commentateur  ; mais  c’est  la  significa- 
tion littérale  du  texie. 


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IiHISHM  A-PAUVA. 


535 


Le  Kourouide,  dès  qu’il  eut  vu  s’approcher  le  temps  du 
combat , distribua  à tous  des  parures , des  noms  et  des 
marques  distinrlivei.  13. 

Environné  de  ses  frères,  entouré  d'un  millier  d'élé- 
phants, abrité  sur  sa  tête  d’une  blanche  ombrelle,  aussitôt 
que  le  Dhritarâshtride  au  grand  cœur  aperçut  l’extrémité 
de  l'enseigne  du  Pritbide,  il  conjectura  que  tous  les  rois 
de  la  terre  étaient  répandus  autour  du  fils  de  Pândou. 

14—15. 

Heureux  de  voir  s’approcher  l’heure  du  combat,  les 
Pàntchâlains,  joyeux  à la  vue  d’Youdhishthira,  emplissent 
de  vent  les  conques  au  grand  bruit,  et  battent  les  tambours 
aux  sons  agréables.  16. 

Le  vigoureux  Vasoudévide  et  les  fils  de  Péndou,  voyant 
l’armée  pleine  d’ardeur,  sentirent  leur  âme  pénétrée  de 
plaisir.  17. 

Après  qu’ils  eurent  savouré  ce  mouvement  de  joie,  ces 
deux  éminents  hommes,  le  Vasoudévide  et  Dhatiandjaya, 
montés  sur  leur  char,  souillèrent  dans  leurs  conques  cé- 
lestes. 18. 

A peine  eurent-ils  entendu  le  bruit  de  Pântchanya  et 
de  Ilévadatta,  à peine  eurent-ils  oui  les  fanfares  de  ces 
deux  instruments,  les  guerriers  laissèrent  aller  sous  eux 
l’urine  et  les  excréments.  19. 

Aussitôt  qu’ils  en  eurent  perçu  les  sons,  ils  trem- 
blèrent, comme  les  autres  animaux  à la  voix  d’un  lion 
rugissant,  et  l’armée  s’affaissa.  20. 

La  poussière  de  la  terre  s’éleva,  et  il  fut  impossible  de 
rien  distinguer,  comme  si  le  soleil,  environné  soudain  par 
son  armée,  était  descendu,  e/frayt,  â la  montagne  de  son 
couchant.  21. 


LE  MAHA-HHAIIATA. 


530 

Le  nuage  versa  une  pluie  de  chair  et  de  sang.  Toutes 
les  années  étaient  répandues  par  tous  les  points  de  l'es- 
pace : c'était  comme  une  chose  prodigieuse.  22. 

Un  vent  bas,  soulevant  le  sable,  s’éleva  ; et  les  ar- 
mées commencèrent  à se  frapper  par  centaines  et  par 
milliers.  23. 

Les  deux  années,  remplies  d’ardeur,  pleines  de  la  plus 
grande  joie  pour  cette  bataille,  se  tenaient  donc,  Indra  des 
rois,  dans  le  Kouroukshétra,  semblables  à une  mer  agitée. 

La  rencontre  de  ces  deux  armées  fut  prodigieuse,  comme 
celle  de  deux  mers  qui  viennent  s'entrechoquer  à la  lin 
d’un  youga.  24 — 25. 

Toute  la  terre  était  vide  ; il  n’y  restait  plus  que  des 
vieillards  et  des  enfants  (1),  à cause  de  cet  immense  ras- 
semblement d’armées  par  les  enfants  de  Kourou.  20. 

Ensuite  les  Somakas,  les  fils  de  Pândou  et  les  Kou- 
rouides  établirent  une  loi;  ils  fixèrent,  Bharatide,  les  rè- 
gles du  combat.  27. 

« Dans  cette  bataille,  qui  va  commencer  et  qui  sera 
menée  à sa  lin , nous  éprouverons  une  satisfaction  mu- 
tuelle, si  C on  observe  tes  conditions  suivantes.  28. 

» A ceux  qui  attaquent  avec  des  paroles,  on  pourra 
donner  la  riposte  également  avec  des  paroles.  11  ne  faut 
jamais  frapper  un  homme  qui  est  sorti  du  milieu  de  la 
bataille,  # 20. 

Le  mattre  d'un  char  devait  être  combattu,  fils  de  Bha- 
rata, par  un  maître  de  char,  le  guerrier  monté  sur  les 
épaules  d’un  éléphant  par  un  éléphant,  le  cavalier  par  un 
homme  à cheval,  le  fantassin  par  un  fantassin,  30. 


(1)  C’e»t  le  même  vers,  par  lequel  commence  le  huitième  distique. 


BHlSHMA-l'AKVA. 


53" 


Suivant  le  désir,  suivant  la  forte,  suivant  qu’on  est  apte 
à la  chose,  suivant  l’effort,  duquel  on  est  capable.  Onjètera 
une  apostrophe  à l'ennemi , et  l’on  fondra  sur  lui,  ni  avec 
tropde  confiance ni  dans  un  esprit  agité  par  la  crainte.  31. 

On  ne  devra  jamais  frapper,  ni  le  combattant,  qui  est 
engagé  avec  un  nuire,  ni  celui,  qui  a tourné  le  dos  au 
combat,  ni  le  guerrier,  de  qui  l’arme  est  brisée,  ni  le  sol- 
dat, qui  u’a  pas  de  cuirasse.  32. 

11  ne  faudra  jamais  s’attaquer,  ni  aux  cochers,  ni  aux 
porteurs  de  fardeaux,  ni  à ceux,  qui  vivent  d’un  métier 
utile  aux  armées,  ni  èceux,  qui  battent  le  tambour  et  qui 
sonnent  de  la  conque.  33. 

Quand  ils  eurent  établi  ces  règles,  les  Somakas,  les 
fils  de  Pàndou  et  les  Kourouides  restèrent  dans  la  plus 
grande  incertitude,  les  yeux  fixés  les  uns  sur  les  autres. 

Ensuite,  une  fois  pris  leur  repas,  ces  magnanimes  chefs 
avec  leurs  guerriers  ne  présentèrent  à la  vue  que  des 
formes  joyeuses  et  des  âmes  bien  disposées.  3 A — 35. 

Lorsque  le  vénérable  saint  Vyàsa,  fils  de  Satyavatl,  le 
plus  excellent  de  tous  ceux,  qui  savent  les  Védas,  vit  l’une 
et  l’autre  armée  : 30. 

» L’auguste  aïeul  des  Bharatidcs,  pensa-t-il,  qui  voit 
présent  à ses  regards  ce  qui  fut,  ce  qui  est  et  ce  qui  sera, 
doit  mourir  dans  celte  épouvantable  bataille  ! » 37. 

11  dit  en  particulier  ces  mots  au  roi  fils  de  Vitchitra- 
vfrya,  gémissant,  affligé  et  qui  songeait  alors  au  destin 
malheureux  de  ses  enfants  : 38. 

n Sire,  tes  fils  et  les  autres  monarques  sont  assiégés 
par  la  mort;  une  lois  qu’ils  se  seront  abordés,  ils  vont  se 
nuire  l’un  à l’autre  dans  le  combat.  30. 

» Eux,  que  le  trépas  environne,  ils  périront!  Songe  à 


5S8 


LE  MARA-BHARATA. 


la  révolution  du  temps,  Bharatide,  et  ne  livre  pas  ton  âme 
à la  douleur.  40. 

» Si  tu  veux  les  voir  dans  le  combat,  monarque  des 
liommes,  je  te  donnerai  des  yeux,  mon  fils  ; et  tu  verras 
d’ici  la  bataille.  » 41. 

« Je  ne  désire  pas,  6 le  plus  éminent  des  brahmarshis, 
lui  réj)ondit  ühritarâshtra,  voir  la  mort  de  mes  parents; 
mais  que  j'entende,  grâce  à ta  puissance,  raconter  cette 
bataille  en  détail.  » 42. 

Comme  il  ne  désirait  pas  voir,  mais  ouïr  conter  cette 
bataille,  non  aïeul  donateur  souverain  des  grâces  accorda 
un  don  à Sandjaya  : 43. 

« Voici  Sandjaya,  qui  te  racontera  ce  combat,  sire,  lui 
dit-il,  soit  évident,  soit  invisible,  ou  dans  le  jour  ou  dans 
la  nuit.  44. 

» Rien  n’échappera  aux  regards  de  Sandjaya,  quoiqu’il 
voie  les  choses  dans  le  miroir  de  sa  pensée:  il  ne  sera  point 
blessé  des  traits  et  la  fatigue  ne  pèsera  pas  sur  lui.  4â. 

» Ce  Gavalganide,  il  sortira  vivant  de  ce  combat,  et  moi 
je  proclamerai  la  gloire  de  ces  lils  de  Kourou,  éminent 
Bharatide,  et  de  tous  les  Pândouides.  Ne  t’afflige  donc 
pas  ; ne  veuille  point,  tigre  des  hommes,  déplorer  ce  Destin  : 
on  ne  peut  l'empêcher-,  mais  là,  où  sera  le  juste,  se  tien- 
dra aussi  la  victoire.  » 40 — 47 — 48. 

Ainsi  parla  ce  vénérable  bisaïeul  des  enfants  de  Kou- 
rou et  l’homme  vertueux  adressa  ces  nouvelles  paroles  à 
Dhritarâshtra  : 49. 

« Dans  cette  bataille-ci,  grand  roi,  un  vaste  carnage 
sera  accompli,  et  j’en  vois  ici  les  présages  épouvantables. 
f~  » Les  vautours,  les  faucons,  les  corbeau \y  les  ardées, 
en  compagnie  des  grues  blanches,  volent  sur  la  chne  des 


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BHISHMA-l'ARVA. 


539 


arbres  et  s’y  rassemblent  de  tous  les  côtés.  50 — 51. 

» Les  oiseaux  de  proie  avec  des  cris  de  joie  présagent 
hautement  la  bataille  ; les  carnassiers  mangeront  les  chairs 
des  éléphants  et  des  coursiers.  52. 

» Les  corbeaux  eflrayants,  qui  prédisent  les  dangers, 
croassent  d'une  manière  impitoyable  ; ils  volent  par  la 
moyenne  région  des  airs  vers  la  plage  méridionale.  53. 

» L’un  et  l'autre  crépuscule  du  suir  et  du  matin  voient 
le  soleil  environné  de  corps  mutilés  h son  aurore  et  5 son 
coucher.  55. 

» Des  cercles  aux  trois  couleurs,  accompagnés  d'éclairs, 
environnaient  l’astre  lumineux  au  commencement  et  au 
déclin  du  jour;  ils  étaient  noirs  au  milieu,  rouges  et  blancs 
aux  deux  extrémités.  55. 

» Je  vis  à la  fois  le  jour  et  la  nuit,  la  perte  indistincte 
du  jour,  les  constellations,  la  lune  et  la  lumière  du  soleil 
briller  ensemble  sur  l’horizon  : cela  dénote  un  péril.  50. 

» On  ne  pouvait  discerner  la  lune  privée  de  sa  lu- 
mière, au  mois  de  Karttika,  dans  une  nuit  de  pleine  lune: 
et  les  couleurs  du  feu  étaient  répandues  sur  toute  l'at- 
mosphère, qui  ressemblait  au  lotus  rouge.  57. 

» Les  héroïques  princes,  les  rois  et  les  valeureux  fils 
de  rois,  aux  bras  comme  des  massues,  dormiront  sur  la 
terre,  couverte  de  leurs  corps  immolés.  58. 

» Le  bruit  du  combat,  que  se  livrent  dans  l’aluios- 
phère  le  Porc  et  le  Chat,  ces  deux  astérismes,  jette  la 
terreur  au  sein  de  la  nuit  sur  la  perte  des  créatures.  59. 

» Les  images  des  Dieux  remuent,  elles  rient,  elles 
vomissent  le  sang  par  leurs  bouches,  elles  suent,  elles 
tombent!  60. 

» Les  tambours  résonnent  saus  qu’on  les  frappe,  sou- 


540 


LE  MAHA-BHARATA. 


verain  des  hommes  ; les  grands  chars  des  kshalryas 
roulent  d eux-mêmes , avant  que  les  chevaux  y soient 
attelés.  61. 

» Les  kokilas,  les  piverts,  les  geais  bleus,  les  poules- 
d’eau,  les  perroquets,  les  grues  indiennes  et  les  paons 
jettent  des  cris  épouvantables.  62. 

» Les  soldats  aux  petits  boucliers,  qui  montent  sur 
l’échine  des  chevaux,  poussent  des  cris  d effroi  en  sai- 
sissant leurs  armes.  Dès  le  point  du  jour,  on  voit  déjà  par 
centaines  les  essaims  des  sauterelles.  63. 

» Aux  deux  crépuscules,  les  plages  du  ciel  brillent, 
semblables  à un  incendie  : le  nuage  pleut  de  la  poussière, 
Bharatide  ; il  pleut  de  la  chair.  64. 

» Voici  Vaçishtha,  sire,  que  la  glorieuse  Aroundhati, 
bien  estimée  dans  les  trois  mondes  , a mis  derrière 
elle.  65. 

» Voilà  Çanatçtchara,  sire,  qui  se  tient  sur  Rohini, 
qu’il  opprime.  Un  grand  danger  doit  éclater,  car  le  sexe 
de  Lunus  est  caché.  66. 

» Dans  un  ciel  sans  nuage,  un  bruit  de  tonnerre  infi- 
niment épouvantable  vient  frapper  les  oreilles;  et  les 
coursiers , pleurant , laissent  tomber  des  gouttes  de 
larmes.  67. 

» Des  ânes  sont  nés  du  sein  des  vaches;  les  fils 
apprennent  la  volupté  daus  les  bras  de  leur  mère  ; les 
arbres  des  forêts  montrent  le  fruit  et  la  fleur,  quand  ce 
n’en  est  pas  la  saison.  68. 

» De  nouvelles  épouses  enceintes,  des  mères,  qui  ont 
déjà  des  enfants,  accouchent  de  peur.  Les  carnivores 
mangent  avec  les  oiseaux,  et  mutuellement  tes  oiseaux 
mangent  avec  les  carnivores.  69. 


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BH1SHM  A-l'AliVA. 


541 


» Des  pourceaux,  de  sinistres  bestiaux  naissent  avec 
trois  cornes,  quatre  yeux,  cinq  pieds,  deux  phallus,  deux 
têtes  et  deux  queues.  70. 

» Des  paons  à trois  pieds,  des  chevaux,  des  éléphants, 
des  taureaux  vieuuent  au  inonde  la  bouche  ouverte,  exha- 
lant des  voix  de  mauvais  présages.  71. 

» Et,  de  plus,  on  voit  dans  la  ville  des  femmes,  unies 
à des  brahmes,  donner  le  jour  à des  paons  et  des  vau- 
tours. 72. 

» La  cavale  enfante  le  veau,  souverain  de  la  terre  ; la 
chienne  uiet  bas  le  chacal,  des  chiens  naissent  des  ca- 
melles , et  les  perroquets  prononcent  des  paroles  si- 
nistres. 73. 

» Il  est  des  femmes,  qui  accouchent  de  quatre  eu  de 
cinq  filles  ; à peine  nées,  celles-ci  dansent,  chantent  et 
rient.  74. 

» Les  boiteux,  les  borgnes  et  les  bossus  dansent, 
chantent  et  se  rient  de  tout  homme  bien  constitué  (1)  : 
ce  qui  annonce  un  grand  danger.  75. 

» Voilà  des  statues,  qui,  poussées  par  la  mort,  écrivent 
avec  leurs  armes;  voici  des  enfants,  qui  courent  les  uns 
sur  les  autres,  un  bâton  à la  main.  76. 

» Dans  le  jeu  d’enlever  par  la  force  et  de  défendre  les 
villes,  ils  se  broient  de  coups  mutuels.  Des  lotus , des 
nymphées  blancs,  des  nélumbos  d'azur  naissent  sur  les 
arbres.  77. 

» Des  vents  orageux  soufflent  à tous  les  points  de  l’ho- 
rizon ; la  poussière  ne  se  calme  pas;  la  terre  est  ébranlée  à 


(0  Le  mot  eat  au  génitif.  Cet  exemple  est  contraire  à l a. serin. Il  de 
Bopp  et  de  Westergaard  que  PSAiuf.fT.it  a,  irriikrt  aliquem,  veut  son 
complément  à l'accusatif. 


54  "2 


LK  MAHA-BHARATA. 


chaque  instant,  elle  Démon  de  l'éclipse  offusque  le  soleil. 

» La  planète  C.wéta  se  tient  au-dessus  de  Tchitrà  ; et, 
de  là,  elle  semble  contempler  la  complète  destruction  des 
enfants  de  Kourou.  78 — 79. 

» Une  comète  très-épouvantable  a dépassé  Poushya; 
ce  grand  météore  jètera  une  sinistre  alarme  dans  les  deux 
armées.  80. 

» Angàraka  est  contraire  dans  les  Maghfts,  Vrihaspati 
dans  Çravana;  l’astérisme  Bhaga  est  oppressé  par  le  (ils 
du  soleil,  qui  est  arrivé  dans  cette  mansion.  81. 

» Çoukra,  monté  dans  le  premier  des  Prosthapadas, 
resplendit,  et  on  le  voit  se  promener,  accompagné  dans 
le  septentrion,  avec  la  planète  Çwéta,  qui  flamboie  comme 
un  feu  dans  sa  fumée.  L'astérisme  d’Indra  est  venu  dans 
la  Djyéshtà,  où  il  se  tient.  82 — 83. 

» Dhrouva  enflammé  s’avance  vers  l’épouvantable 
droite  : le  soleil  et  la  lune  accablent  llohini  de  leur  dou- 
ble poids.  84. 

» Après  quelle  a donné  et  redonné  une  maligne  in- 
fluence au  Çravana,  la  funeste  planète,  qui  a l'éclat  du 
feu  (1),  se  tient  au  milieu  du  resplendissant  Arcture.  85. 

» Lohitùnga  reste,  masquant  de  son  corps  Vrihatpati , 
cette  montagne  de  la  science  Védique.  La  terre  se 
montre  couverte  d’armes  en  toutes  les  sortes , au  lieu  des 
moissons  fertiles,  dont  elle  est  douée.  80. 

» Les  orges  ont  cinq  têtes,  le  riz  est  à cent  têtes  (1), 
ces  principales  semences  de  tout  l’univers,  sur  les- 
quelles (2)  ce  monde  vit  appuyé  (8).  87. 


(1)  Ràhou. 

(1-2)  On  aurait  besoin  ici  du  commentaire;  jnaii  il  »e  latt  malheureuse- 
ment. 

(3)  YiUv>âynttnm,  porte  l’édition  de  Bombay. 


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BHISHMA-PAM 


543 

» La  vache,  qui  a mis  bas  récemment,  prête  à son  veau 
une  mamelle,  où  il  tette  tlu  sang;  hors  des  eaux  enflam- 
mées sortent  des  conques  très -flamboyantes.  88. 

» Évidemment,  les  armes  voient  que  le  combat  est 
proche  : les  armes  et  l’eau  ont  la  couleur  du  feu,  comme 
si  elles  étaient  enflammées.  89. 

h 11  y aura  une  vaste  destruction  de  cuirasses  et  de 
drapeaux  ; et,  dans  ce  carnage  des  Kourouides  engagés 
avec  les  fils  de  P&ndou , sire , fils  de  Bhàrata , sur  ces 
fleuves  de  sang,  la  terre  sera  pleine  d’étendards  en  guise 
d’embarcations.  Les  quadrupèdes  et  les  volatiles  crient  à 
toutes  les  plages  du  ciel  avec  des  bouches  enflammées,  ré- 
vélant de  profondes  infortunes  et  dénonçant  un  immense 
danger.  Hôte  des  airs  pendant  la  nuit,  l’oiseau  irrité  avec 
un  seul  pied,  un  œil  unique,  une  seule  aile  gémit  horri- 
blement et  vomit  le  sang , pour  ainsi  dire.  Les  armes 
semblent  jeter  des  flammes,  Indra  des  rois.  Les  clartés 
éternelles  des  nobles  sept  grands  rishis  sont  éclipsées. 
Les  deux  flamboyantes  planètes,  qui  brillent  toute  l’an- 
’ née  sur  l’horizon,  Çanaitchara  et  Vrihaspati,  se  tiennent 
auprès  de  l’astérisme  Viçâkhà.  Des  pluies  de  poussière 
jettent  un  sinistre  augure  de  tous  côtés  sur  toutes  les 
plages  du  ciel.  [De  la  stance  90  à la  stance  95.) 

» Des  images  miraculeux,  épouvantables,  versent  du 
sang  pendant  la  uuit;  et  la  constellation  des  Pléiades, 
souverain  de  la  terre,  nous  accable  de  funestes  pré- 
sages. 96. 

» On  voit  souffler  des  vents  continuels,  dont  une  comète 
est  la  source.  Tous  ces  pronostics,  monarque  des  hommes, 
ils  font  naître  une  grande  infortune,  mère  des  gémisse- 
ments dans  toutes  les  trois  constellations  de  l'orient.  Le 


LK  MAHA-H11ALIATA. 


5AA 

vautour  étend  son  vol  sur  nos  têtes,  annonçant  une  im- 
mense alarme.  07 — 98. 

» Le  soleil  et  la  lune  sont  éclipsés  le  treize  dans  un 
mois,  au  lieu  de  l'étre,  comme  c’était  avant,  le  quatorze, 
le  quinze  et  le  seize.  90. 

» Ces  astres,  obscurcis  en  dehors  des  parvans,  détrui- 
ront les  créatures  : les  Hakshasas  alors,  sans  être  rassa- 
siés, auront  la  bouche  remplie  de  sang.  100. 

» Les  torrents,  les  grandes  rivières,  les  fleuves  roulent 
des  eaux  ensanglantées  ; et  les  puits,  gonflés  d’écume, 
semblent  se  jouer  comme  de  jeunes  taureaux.  101. 

» Des  météores  de  feu,  accompagnés  de  vents  impé- 
tueux, tombent  du  ciel , avec  une  lumière  semblable  au 
tonnerre  de  Çakra.  Aujourd’hui  même,  après  cette  nuit 
passée,  vous  obtiendrez  l’infortune.  102. 

» Sort-on  de  sa  maison  avec  de  grandes  torches,  elles 
ne  peuvent  dissiper  l'obscurité  répandue  partout  dans 
l’espace.  Les  grands  anachorètes  s’approchent  les  uns  des 
antres,  et  tiennent  ce  langage  : 103. 

« La  terre  du  mont  Kallftsa,  du  Maudara  et  de  l’Himâ- 
laya  boira  le  sang  des  milliers  de  souverains.  10A. 

« lin  vaste  bruit  s’élève  dans  le  tremblement  de  la 
terre  ; les  oiseaux  du  ciel  tombent  par  milliers  ; et  les 
quatre  mers  soulevées,  chacune  à part,  agitent  ce  globe 
entier,  pour  ainsi  dire,  et  détruisent  ses  rivages.  Des  vents 
terribles  soufflent,  brisant  les  arbres,  et  entraînent  le  sable. 

105—106. 

» Frappés  par  la  foudre  ou  par  des  vents  d'une  violence 
extrême,  les  arbres  tchaîtyas  tombent,  non  brisés  dans  les 
villages  et  dans  les  villes.  107. 

» I.e  feu  dans  les  sacrifices  des  brahmes  est  jaune , 


■©rgitirod-H  Go 


BHISHMA-PARVA. 


616 

rouge  et  noir.  Sa  flamme  est  tournée  à gauche,  et  le 
doushtagandha  (1)  jette  une  horrible  odeur.  108. 

» Les  choses  tactiles,  les  odeurs,  les  objets,  qui  affec- 
tent le  goût,  ont  des  qualités  contraires  : agités  à tout 
moment,  les  drapeaux  vomissent  de  In  fumée.  109. 

» Les  tambours  et  les  patahas  jettent  une  pluie  de 
charbons;  les  corneilles,  décrivant  un  cercle  à gauche, 
croassent  horriblement  de  tous  les  côtés  au-dessus  des 
hautes  montagnes.  Les  oiseaux  se  perchent  sur  la  cime 
des  drapeaux,  où  sans  relâche  ils  crient  : « Mûr  ! il  est 
mûr  (2)  ! » pour  la  perte  des  mattres delà  terre.  Rêveurs, 
les  éléphants  rétifs  de  répandre  les  excréments  et  l’u- 
rine 13)  dans  un  tremblement  d’effroi.  110 — 111 — 112. 

» Tous  les  coursiers,  tous  les  pachydermes  contristés 
sont  baignés  de  sueur.  Ces  choses  entendues,  que  ta  ma- 
jesté décide  ici  ce  qui  est  propre  â la  conjoncture  de 
manière  que  ce  monde  ne  soit  pas,  Bharatide.  précipité  à 
sa  perte.  » 113 — llâ. 

Dès  qu’il  eut  entendu  ce  discours  de  son  père,  le 
Dhritarâshtride  articula  ces  paroles  : « Voilà,  je  pense,  le 
destin,  qui  fut  arrêté  jadis  : cette  destruction  des  hommes 
s’accomplira.  11 5. 

» Si,  grâce  à la  vertu  militaire,  les  rois  méprisent  le 
plaisir  dans  la  guerre,  une  fois  entrés  dans  le  monde  des 
héros,  ils  obtiendront  le  plaisir  en  entier.  116. 


(1)  Qui  répand  une  nuiuvaise  odeur.  Qu'est-ce  dans  le  règne  animal  ou 
dan»  l'ordre  végétal  ? Tout»  les  dictionnaires,  l'Ainara-Koslia,  le  commen- 
taire,  Bopp,  Bôlhlingk  et  Roth  gardent  le  silence. 

(2)  Paford!  jwkwd  ! dit  le  texte.  Je  le  cite,  parce  qu’il  y a ici,  je 
pense,  une  onomatopée  du  chant  de  ces  oiseaux,  qui  disparaît  dans  la 
traduction. 

(3)  Implication  du  commentaire. 

VI 


35 


LU  AIAHA-BHAKATA. 


646 

■>  Ces  personnes  éminentes,  qui  feront  le  sacrifice  de 
leur  vie  dans  cette  grande  bataille,  mériteront  la  gloire 
ici-bas  et,  dans  l'autre  vie,  un  bonheur  éternel.  » 117. 

« Oui!  il  en  sera  ainsi  1^  » répondit  le  solitaire,  cet 
Indra  des  poètes  ; et  là-dessus,  6 le  plus  excellent  des 
rois,  il  suivit  Dhritarâshtra,  son  fils,  dans  une  méditation 
profonde.  Il 8. 

Quand  il  eut  réfléchi  un  moment,  il  ajouta  ces  paroles  : 
« Le  temps,  sans  nul  doute,  Indra  des  princes,  va  détruire 
l’ univers.  119.  - 

» Il  créera  de  nouveau  les  mondes;  il  n'existe  rien  d’éter- 
nel ici-bas.  Montre  le  chemin  du  devoir  aux  Kourouides, 
aux  (ils  de  Pàndou,  à nos  parents,  à nos  amis  : tu  peux 
empêcher  le  mal.  La  mort  donnée  aux  parents  est  un 
crime,  dit-on  ; ne  fais  pas  une  chose,  qui  m’est  odieuse. 

120—121. 

» La  mort  est  née  pour  toi  sous  la  forme  d'un  fils,  sou- 
verain des  hommes  : le  meurtre  n’est  pas  honoré  dans  les 
Védas;  il  n'est  jamais  bon  de  le  commettre.  122. 

» Immoler  ce  devoir  de  famille,  c’est  immoler  son 
corps  même  : la  uiort  étant  impossible  dans  le  moment 
actuel,  tu  marcheras  dans  la  voie  de  l’erreur,  à la  perte 
de  cette  famille  et  à celle  des  rois  de  la  terre.  L’infortune 
est  née  pour  toi,  monarque  des  hommes,  sous  la  forme 
d’un  royaume.  12  S — 124. 

» Le  devoir  s’est  enfui!  Tu  es  au-dessus  de  tes  fds; 
montre  ta  vertu  [ Sauve  ton  devoir,  ta  renommée  et  ta 
gloire,  en  cédant  ce  même  royaume,  qui  t’a  fait  encourir 
le  péché,  et  tu  obtiendras  le  Swarga  ! Que  les  Pàndouides 
soient  rétablis  dans  le  royaume,  et  que  tes  Kourouides 
savourent  la  félicité L » 125 — 126. 


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BHISHMA-PARV  A. 


5A" 

Quand  l' Indra  des  brahmcs  eut  achevé  de  parler,  Dhri- 
taràshtra,  habile  à manier  le  discours,  le  fils  d’ Ambikâ, 
reprenant  la  parole,  fit  cette  réponse  : 127. 

o Je  sais  ce  que  sait  ta  sainteté  ; l’être  et  le  non-être 
me  sont  connus,  comme  les  deux  intérêts  opposés.  Mais 
le  monde  est  dans  l'égarement  sur  l’objet  de  son  désir  ; 
sache  qu'il  n’y  a aucune  différence  entre  moi-même  et  la 
nature  du  monde.  1 28. 

a Je  te  supplie,  toi,  de  qui  la  puissance  est  incompa- 
rable -,  tu  es  notre  voie  ; tu  es  le  sage,  qui  nous  montre  le 
salut.  Ceux,  qui  marchent  sous  ma  volonté,  ne  sont  pas 
dignes  d'obtenir  ta  faveur  : c’est  là  mon  sentiment.  129. 

» Tu  es  l’origine  du  devoir,  tu  es  la  renommée  et  la 
gloire  des  Bharatides;  tu  es  le  vénérable  aïeul  des  enfants 
de  Kourou  et  de  Pàndou.  » 130. 

b Roi,  fils  de  Vitchitravtrya  , expose-moi,  répondit 
Vvàsa,  ce  qui  est  dans  ton  esprit;  je  vais  trancher  tes 
doutes.  » 131. 

« Je  désire  entendre  suivant  la  vérité,  révérend,  re- 
prit Dhritar.lshtra,  tous  les  caractères  , que  possèdent 
ceux,  qui  doivent  remporter  la  victoire  dans  la  bataille.  » 
« Un  soleil  limpide,  répondit  Vyâsa,  un  feu,  qui  jette 
verticalement  ses  rayons,  une  flamme  sans  fumée,  qui 
tourbillonne  à droite,  des  vents,  qui  promènent  les  sen- 
teurs pures  des  oblations,  ces  formes,  dit-on,  annoncent 
les  approches  d’une  victoire.  132 — 133. 

» Quand  les  tambours  et  les  conques  retentissent  avec 
un  vaste  bruit,  avec  des  sons  profonds,  quand  le  soleil  et 
la  lune  versent  des  rayons  pleins  de  pureté  : ces  formes 
sont,  nous  dit-on  , celles  d'une  prochaine  victoire.  13A. 
n Des  paroles  telles,  qu’on  les  désire,  jetées  par  des 


548 


LE  M4HV-BHA1UTA. 


corneilles,  ou  des  personnes  en  voyage,  ou  des  gens,  qui 
vont  s’y  mettre,  soit  qu'ils  hâtent  leurs  pas  derrière  vous, 
soit  qu'ils  donnent  cet  avis  par-devant,  135. 

» Des  oiseaux  aux  voix  fortunées,  des  flamingos,  des 
perroquets,  des  ardées,  des  paons,  qui  volent  à droite, 
annoncent  pour  sûr,  au  dire  des  bralimes,  la  victoire  dans 
un  combat.  136. 

» Ceux,  de  qui  l’armée  est  resplendissante,  épouvan- 
table à voir,  terrible  <1  entendre  par  les  sons  flatteurs  des 
parures,  des  cuirasses,  des  étendards,  et  les  hennisse- 
ments des  chevaux,  triomphent  des  ennemis.  137. 

» Où  les  paroles  sont  joyeuses,  où  est  l’énergie  des 
combattants,  où  les  guirlandes  ne  se  flétrissent  pas,  les 
guerriers  traversent  sans  naufrage  l’océan  des  combats. 

» Les  mots  heureux  d'un  guerrier  au  moment  qu'il 
entre  dans  C année  des  ennemis,  ou  ses  paroles  foriunées, 
quand  il  veut  s’y  plonger,  dénotent  l’action,  qui  va  suivre, 
et  les  mots,  qui  en  sont  les  avant-coureurs,  empêchent 
un  fait  de  s' accomplir.  138 — 139. 

» L’ouïe,  la  vue,  le  toucher,  le  goût  et  l’odorat,  s’ils 
restent  dans  le  même  état,  sont  des  signes  heureux.  La 
joie  des  combattants  est  toujours  un  caractère  de  la  victoire. 

» Les  vents,  qui  souillent  avec  une  haleine  fortunée, 
les  nuages,  les  eaux,  la  succession  des  nuées  et  les  arcs- 
en-ciel  lâO — 141. 

» Sont  les  caractères  des  armées,  qui  ont  l’orgueil  de 
la  victoire;  celles,  qui  cherchent  la  mort,  souverain  des 
hommes,  ont  des  caractères  tout  différents.  1 42. 

» Voici  la  décision  arrêtée  sur  les  armées,  ou  grandes, 
ou  petites  : l’ardeur  est  la  qualité  par  excellence  des 
combattants;  on  l’appelle  un  signe  de  victoire.  143. 


BHISHMA-PA11VA. 


649 

» Un  seul  guerrier  sans  confiance  rompt  toute  une  ar- 
mée, quelque  nombreuse  qu’elle  soit  ; l’armée  rompue 
entraîne  les  combattants  rompus  après  elle,  malgré  tout 
leur  courage.  166. 

» Une  grande  armée  est  brisée  par  cette  honteuse  fuite 
d'un  seul,  telle  que  les  vitesses  accélérées  des  eaux,  ou 
comme  des  troupes  de  gazelles  tremblantes.  145. 

b 11  est  impossible  de  corriger,  à cause  de  la  multitude, 
une  grande  armée  rompue;  les  guerriers  les  plus  instruits 
sont  eux-mêmes  brisés  : « Que  faire,  disent-ils,  contre 
une  Armée  rompue?  b 146. 

n La  vue  des  hommes  rompus,  tremblants,  ajoute  une 
nouvelle  force  à la  crainte,  sire  ; et  l’armée  dans  sa  dé- 
route soudaine  s’enfuit  à tous  les  points  de  l’espace.  147. 

b Les  héros  eux-mêmes  auront  beau  lui  rappeler 
qu'elle  est  une  grande  armée,  divisée  en  quatre  corps,  ils 
ne  pourront  jamais,  souverain  de  la  terre,  faire  tenir  pied 
ferme  à une  armée  nombreuse.  148. 

b Gagner  l'ennemi  par  des  moyens  de  conciliation  est, 
dit-on,  la  plus  grande  victoire  : cell_e,  qu'on  obtient  par 
la  division,  est  moyenne  ; mais  la  victoire,  qu'on  remporte 
sur  un  champ  de  bataille,  est,  monarque  des  hommes,  la 
dernière  des  victoires.  149. 

b La  multitude  est  un  grand  défaut  dans  une  armée  ; 
c’est,  dit-on,  la  première  cause  de  sa  perte.  Elle  ébranle, 
elle  entraîne  des  amis  pleins  d'ardeur  et  l’âme  bien  ré- 
solue. 150. 

b Cinq  cents  héros,  c’est  assez  pour  broyer  une  grande 
armées  : sept,  six  et  même  cinq,  qui  ne  savent  pas  recuit  r, 
suffisent  pour  remporter  la  victoire.  151. 
u Garouda,  le  lils  de  Vinatâ,  ne  donne  pas  des  éloges 


550 


LE  MAHA-BHAHATA. 


au  grand  nombre  ; car  le  volatile  aux  belles  ailes,  a vu 
que  la  multitude,  Bharatide,  est  souvent  la  cause  de  sa 
perte.  152. 

» La  victoire  d’une  armée  n’est  pas  toujours  attachée  à 
la  supériorité  du  nombre  : la  victoire  est  incertaine  j c'est 
là  surtout  que  prédomine  le  destin.  153. 

» En  effet,  la  perte  tombe  dans  le  combat  sur  les  vic- 
torieux. n 15â. 

Vyâsa  sortit,  après  qu’il  eut  parlé  ainsi  au  sage  Dhrila- 
râsbtra  ; et.  ce  discours  entendu,  Dhritarâshtrase  plongea 
dans  ses  pensées.  155. 

Dès  qu’il  eut  réfléchi  un  instant,  il  poussa  mainte  et 
mainte  fois  des  soupirs,  et  interrogea,  6 le  plus  excellent 
des  Bharatides,  Sandjaya  à l’Ame  accomplie  : 156. 

« Ces  maîtres  de  la  terre,  Sandjaya,  sont  des  héros, que 
réjouissent  les  batailles.  Ces  princes,  ayant  fait  le  sacri- 
fice de  leur  vie  à cause  de  la  terre,  se  chargeront  dans 
cette  bataille  de  coups  réciproques  avec  des  flèches  va- 
riées, et,  leurs  mutuelles  blessures  n’éteignant  pas  leur 
colère,  ils  augmenteront  les  habitants  des  palais  d'Yama. 

157—158. 

» Désirant  la  suprématie  do  la  terre,  ils  ne  peuvent  se 
supporter  les  uns  les  autres  ; je  pense  donc  qu’elle  est 
remplie  de  qualités,  cette  terre  ! Dis-moi  cela,  Sandjaya; 

» Quels  sont  les  nombreux  milliers,  millions,  dizaines 
et  centaines  de  millions  d’hommes  vaillants,  rassemblés 
dans  le  Kouroudjânghala.  159 — 160. 

« Je  désire  entendre  avec  vérité , Sandjaya , de  quels 
côtés,  villages  et  contrées  res  guerriers  sont  venus  s’y 
réunir.,  161. 

n Tu  as  l’œil  de  l’intelligence,  tu  es  doué  du  flambeau 


BHISHMA-l’ARVA. 


551 

d’une  intelligence  céleste  ; tu  possèdes  la  puissance  et  la 
splendeur  infinie  de  l'illustre  Vvâsa.  » 162. 

« Je  te  dirai,  autant  qne  j’ai  de  science  , lui  répondit 
Sandjaya,  les  qualités  de  la  terre,  monarque  A la  grande 
science.  Regarde  avec  l’œil  des  Traités.  Adoration  à toi, 
éminent  Bharatide.  163. 

» 11  y a deux  sortes  d’étres  ici-bas  : les  animés  et 
les  inanimés.  La  naissance  des  animaux  procède  de  trois 
causes  : l'œuf,  la  chaleur  et  la  matrice.  161. 

» Ceux,  qui  naissent  d’une  matrice,  sont  assurément, 
sire,  les  plus  excellents  parmi  tous  les  animaux;  les 
hommes  et  les  bestiaux  sont  les  meilleurs  de  ceux,  qui  vien- 
nent à la  vie  dans  une  matrice.  165. 

» Ils  sont  quatorze  espèces,  revêtues  de  formes  diffé- 
rentes, sire  : sept  d'entre  elles  habitent  les  forêts  et  sept 
sont  habitantes  des  villages.  166. 

On  compte  sept  animaux  des  forêts,  sire  : les  singes, 
les  ours,  les  éléphants,  les  buffles,  les  sangliers,  les  tigres 
et  les  lions.  167. 

» L'homme,  la  brebis,  la  chèvre,  la  vache,  le  cheval, 
l’âne  et  le  mulet  : voilà  sept  espèces  d’animaux,  que  les 
sages  disent  appartenir  an  village.  168. 

o 11  y a donc,  souverain  de  la  terre,  quatorze  espèces 
d'animaux,  soit  des  villages,  soit  dès  forêts,  sur  lesquels, 
au  sentiment  des  Védas,  reposent  les  sacrifices.  169. 

» Les  hommes  sont  les  plus  excellents  des  villageois, 
les  lions  des  habitants  des  forêts  : la  vie  de  tous  ces  êtres 
dépend  l’une  de  l’autre.  170. 

» Les  végétaux  sont  appelés  des  êtres  inanimés;  il  y a 
d’eux  cinq  espèces  : les  arbres  et  les  arbustes,  les  lianes, 
les  plautes  rampantes,  les  bambous  et  le  grauien.  171. 


552 


LIS  MAHA-BHARATA. 


» Ces  Pires  animés,  soit  villageois , soit  forestiers,  et 
ces  végétaux  forment  donc  une  vingtaine  moins  un  d’in- 
dividus. La  Gayatrl,  en  estime  dans  les  inondes,  est  com- 
posée de  vingt-quatre  syllabes.  172. 

» 11  ne  périt  pas,  en  vérité  dans  ce  monde,  0 le  plus 
excellent  des  Bharatides,  l’homme,  à qui  est  connue  cette 
Gàyatrl  sainte  et  douée  de  toutes  les  qualités,  173. 

» Sur  la  terre  tout  naît,  toutmeurtsur  la  terre;  la  terre 
est  la  gloire  des  êtres  : la  terre  est  pour  eux  la  chose,  qui 
ne  péril  pas.  174. 

» La  terre,  c’est-à-dire,  tout  cet  univers,  d’êtres  ani- 
més et  inanimés,  appartient  au  roi,  gui  est  sanctifié  par 
les  sacrifices  ; mais  ici -lias,  objets  d’une  brûlante  envie, 
les  rois  se  donnent  mutuellement  la  mort.  » 175. 

« Dis-moi,  Sandjaya,  reprit  Dhritarâshtra,  les  noms  des 
neuves,  des  montagnes,  des  peuples  et  des  autres  habi- 
tants de  la  terre.  170. 

» Dis-moi,  ô toi,  qui  connais  les  mesures,  quelle  est 
l’étendue  de  toute  la  terre;  dis-moi  entièrement,  San- 
djaya, quelles  en  sont  les  forêts.  » 177. 

« Les  sages  disent,  puissant  roi, lui  répondit  Sandjaya, 
que  les  cinq  grands  éléments,  principes  de  tout,  se  tiennent 
également  partagés  dans  la  terre,  suivant  leur  agrégation. 

La  terre  et  l'eau,  le  vent,  le  feu  et  même  l’air  : voilà 
quels  sont  les  cinq  éléments;  la  terre,  d’après  sa  prédomi- 
nance, sur  les  quatre  autres,  possède  toutes  ces  qualités 
les  plus  grandes.  17$ — 170. 

« Le  son,  le  toucher,  la  forme,  le  goût  et  l’odeur,  la 
cinquième  qualité  : voilà  celles  de  la  terre  au  jugement  des 
rishis,  de  qui  les  paroles  sont  l’expression  de  la  vérité  des 
choses.  180. 


BHISHMA-PARVA. 


553 


» Il  y a quatre  qualités  dans  les  eaux,  sire,  où  ne  se 
trouve  pas  l'odeur  : le  son , le  toucher  et  la  forme , ces 
trois  qualités  appartiennent  au  feu.  181. 

» Le  son  et  le  toucher  au  vent,  mais  l'air  n'a  que  le  son 
uniquement.  Cès  cinq  qualités,  sire,  existent  dans  les  cinq 
grands  éléments.  182. 

» Ils  se  trouvent  dans  tous  les  mondes,  où  habitent  les 
êtres  animés  : ils  se  font  l’un  à l'autre  un  mutuel  contre- 
poids, quand  il  y a égalité  entre  eux.  183. 

a Mais,  dans  la  condition  de  l'égalité,  ils  entrent  l'un 
dans  l'autre  ; ils  brûlent  par  leurs  formes  subslancielles 
et  n'obtiennent  pas  une  existence  autrement.  184. 

» Tour  à tour,  ils  périssent,  et  tour  5 tour  il3  renaissent; 
tous  ils  échappent  à la  mesure;  c’est  leur  forme  souve- 
raine. 185- 

» (ià  et  là,  on  voit  les  cinq  métaux  élémentaires  : les 
hommes  en  évaluent  la  grandeur  par  le  raisonnement. 

h Mais  que  l’on  ne  tente  pas  d’atteindre  par  la  pensée 
aux  substances,  qui  sont  au-dessus  de  la  pensée  : ce  qui 
est  au  dessus  déjà  nature  est  le  caractère  de  l’inconce- 
vable. 180—187. 

» Je  dirai  l'ile  Soudarçana,  rejeton  de  Kourou  ; cette 
île  forme  un  cercle,  grand  roi,  semblable  à un  disque  de 
guerre.  188. 

» Elle  est  environnée  par  les  eaux  du  bonheur;  elle  est 
couverte  par  des  montagnes,  pareilles  aux  nuages,  par  di- 
verses formes  les  plus  distinguées  et  par  des  campagnes 
délicieuses,  180. 

» Des  arbres  chargés  de  (leurs  et  de  fruits,  des  mois- 
sons abondantes,  des  richesses  obtenues  ; la  mer  salée 
est  répandue  à l'entour  de  tous  les  cotés.  190. 


564 


LE  MAHA-BHAKATA. 


» On  voit  l'He  Soudarçana  dans  le  disque  de  la  lune  ; 
tel  qu'un  homme  pourrait  voir  son  visage  dans  un  miroir. 

» D'un  côté  est  le  figuier  religieux,  de  l’autre  est  un 
grand  lièvre  : elle  environne  de  toutes  parts  lus  collec- 
tions des  simples  au  grand  complet.  191 — 192. 

» I.es  eaux,  c'est-éi-dire,  f agrégation  de»  cinq  éléments, 
qni,  détruite  dans  les  maîtres  de  la  terre , s'écoule  et  sc 
disperse  (1),  différent  les  unes  des  autres  essentiellement. 
Le  reste,  qui  surrit  au  prulaya  de  toutes  choses  (2),  est 
appelé  Santchépo,  l'abréviation  ; on  nomme  aussi  : nnni/a, 
l'Autre,  ce  Lièvre,  ou  le  Dieu  essence  de  pureté  (S). 
Écoute  ! je  vais  raconter  sommairement  cequ’il  esL»  193. 

(1-2-3)  Comment ai'ir. 


FIS  DE  LA  CINQUIÈME  I.ECTUUE  l)C  CHANT  DE  tUliblIMA 


FIN  Dl:  SIXIEME  VOLUME. 


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INDEX 


l)t  MOIS  Ptl  CONNUS. 


A 

Atasi,  linum  unilatistimum,  le  lin  commun. 
Y 

Youta,  une  mesure  de  (|iiatre  coudées. 


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ERRATUM. 


Page  21,  ligne  5,  lisez:  que  se  fasse  la  chose,  dont  ils  sont  occupés. 

Page  23,  ligne  3,  étourderie  de  correcteur,  lisez:  quand  ton  fils 
à (Jhoshuydtrd. 

Page  29,  lignes  10  et  11,  lisez:  i l'animal 

Page  66,  ligne  26,  lisez:  étendre  sa  vaillance. 

Page  78,  ligne  11,  lisez  avec  un  seul  d : Yotidhishthira . 

Page  86,  ligne  26,  supposez  un  point  et  virgule  devant  : la  vi- 
gilance  et  l’abstention,  etc. 

Page  135,  après  le  3,009*  distique,  mettez  une  virgule  au  lieu 
du  point. 

Page  240,  ligne  25,  retranchez  le  mot  il,  faute  d’impression, 
entre  les  mots  : un  héros , et  le  troisième. 

Page  258,  ligne  13,  lisez  : par  Kris/uut  et  Bhtshma, 

Page  294,  ligne  5,  il  y a amphibologie,  lisez  donc  : par  les  ac- 
tions puissantes  de  Çakra. 

Page  296,  ligne  14,  lisez  : n’avons  tenu. 

Page  389,  ligne  8,  lisez  : ]>our  ton  frère  puîné , qui  a le  Vasnu - 
dévide  jxnir  compagnon , de  remplir  ces  menaces,  qu’il  jette,... 

Page  414,  ligne  5,  le  plus  vieux  de  tous  les  rois  ; il  s’agit  d’Youdhlsh- 
thira.  Le  mot  vieux  est  sans  doute  pris  au  figuré,  lisez  : le  plus  au- 
guste. 

Page  426,  ligne  18,  c’est  conforme  au  texte  de  Calcutta  ; mais 
je  préférerais  sort  char  noir  au  pronom  possessif  de  la  deuxième 
personne:  ton. 

Page  458,  ligne  28,  lisez  : Exposc-lui  à plusieurs  fois , noble 
dame ..... 


35  2 $ m i 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  I.E  SIXIÈME  VOt.UME. 


Chapitre»  : Pages  : 

A mes  lecteurs i 

Les  résulta.s  du  message  pour  la  paix  ....  1 

Ambassade  de  Bhagavat ÜQ 

La  sortie  dos  armées ■ . . . 355 

Ouloûka  envoyé  en  message 388 

Enumération  des  chars  et  de  leurs  combattants  . 422 

L’épisode  d’Ainbà 44 7 

' RIIISHMA-PARVA. 

Création  du  Djamboudvvipa.  . . . ....  M3 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES. 


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